L’Eucharistie, Présence vive et vivifiante du Christ dans l’Histoire

 

Corpus Christi; 17 juin 1979; Lectures : Exode 24,3-8; HĂ©breux 9,11-15; Jean 6,51-52.

 

C’est une opportunitĂ© de cĂ©lĂ©brer cet hommage au Corps et au Sang du Fils de l’Homme alors que la vie humaine est si outragĂ©e et qu’il y a tant d’outrages au corps et au sang parmi nous. Je voudrais unir Ă  cet hommage de notre foi Ă  la prĂ©sence du Corps et du Sang du Christ versĂ© parmi nous, tant de sang dans l’amoncellement de cadavres massacrĂ©s ici dans notre patrie, dans la rĂ©publique sĹ“ur du Nicaragua et dans le monde entier. Sans doute que le Christ le recueille chaque fois que se rĂ©alise ce mystère : « Ceci est mon corps, ceci est le sang de l’Alliance des hommes avec Dieu qui a Ă©tĂ© versĂ© pour le Salut du monde. Â» Lamentablement, ce n’est pas tout le sang versĂ© qui est saint comme celui du Christ, mais tout sang est sacrĂ© et tout corps immolĂ©, mĂŞme si c’est par l’assassinat, est une vie tronquĂ©e et la vie est sacrĂ©e.

 

 

Nous ne célébrons pas un Corps et un Sang morts, mais ressuscités et glorieux.

 

 

Message d’espérance

 

C’est pourquoi notre hommage au « Corpus Â», au Corps du Seigneur, ne se termine pas en un homme tuĂ© par l’injustice du monde, clouĂ© sur une croix, sinon en Celui qui est recueilli trois jours après, ressuscitĂ© et glorifiĂ© comme triomphe du sacrifice du sang versĂ©. C’est pourquoi nous voulons unir Ă  cet hommage du « Corpus Â», l’espĂ©rance de ceux qui moururent avec un idĂ©al, l’espĂ©rance des foyers, des vies, des orphelins qui souffrent des consĂ©quences de ces assassinats et de ces morts violentes pour leur dire : le Corps du Christ que nous vĂ©nĂ©rons aujourd’hui sur l’autel – mort, mais ressuscitĂ© – dans la gloire de sa RĂ©surrection, porte toujours les marques de la torture, de l’injustice, de l’assassinat. Il est comme une rĂ©clamation contre le pĂ©chĂ© du monde devant la justice Ă©ternelle de Dieu. Rien ne demeure cachĂ©, tout sera mis en justice et tout sera remis Ă  sa place.

 

 

Situation et sens de la Fête-Dieu dans l’année liturgique

 

Cet hommage au « Corpus Â» s’avère bien opportun. Comme les fĂŞtes de l’Église, nous devons l’amener Ă  une application concrète et pratique dans le prĂ©sent de notre histoire. Les fĂŞtes liturgiques ne sont pas des commĂ©morations des choses passĂ©es, ni ne sont des cĂ©lĂ©brations de choses abstraites, les fĂŞtes liturgiques, tout comme l’Évangile, doivent ĂŞtre prĂŞchĂ©es en s’incarnant dans la rĂ©alitĂ©, parfois honteuse, dure, cruelle, douloureuse, mais une rĂ©alitĂ© que le Christ Ă©lève pour la racheter et la sanctifier.

 

RĂ©sumĂ© du dogme eucharistique : prĂ©sence rĂ©elle, vive et vivifiante

Que cĂ©lĂ©brons-nous dans le Corpus? Nous cĂ©lĂ©brons le dogme des catholiques, cette foi qui nous a conduits Ă  la messe du dimanche. Puisse Dieu que nous sachions aviver toujours davantage cette foi, au moment oĂą devant l’AssemblĂ©e chrĂ©tienne rĂ©unie dans la cathĂ©drale ou dans l’humble chapelle rurale, le prĂŞtre dit ces paroles que nous avons entendues aujourd’hui dans l’Évangile : « Buvez et mangez, ceci est mon corps, ceci est le sang de l’Alliance qui a Ă©tĂ© versĂ© pour la rĂ©mission des pĂ©chĂ©s. Â» Le peuple reconnaĂ®t que devant ses yeux se trouvent rĂ©ellement, dans le signe du pain et du vin, vĂ©ritablement, rĂ©ellement et substantiellement prĂ©sents le Corps et le Sang du Seigneur. C’est une prĂ©sence vive et vivifiante.

Sacrifice, communion, culte

 

Il y a deux aspects à la présence du Christ dans l’Eucharistie. Le premier est une présence en tant que victime, comme sacrifice, tout le sacrifice du Christ sur la croix se fait actuel, présent dans chaque messe qui est célébrée. Le second aspect c’est en tant que communion. L’aliment que le Christ nous donne est l’amour, c’est un même pain, comme celui que nous répartissons en famille. Un même pain qu’on répartit aux enfants, ainsi on sent l’unité de la famille réunie autour d’une même table. L’autel qui est un lieu d’holocauste est aussi la table d’un foyer. L’autel de la cathédrale et de n’importe quel temple que nous affectionnons tant, nous l’ornons de fleurs, nous l’encensons, nous le revêtons de tissus luxueux, parce qu’il représente le Christ. Celui-ci se rend présent au moment de la messe, dans l’hostie et dans le calice. Il est une victime qui recueille le sacrifice de tous les hommes pour l’offrir à Dieu et Il est communion qui nous convie tous à former par amour une seule famille, la famille de Dieu qui s’alimente de la chair et du sang de l’Agneau céleste, du pain qui descend du Ciel. C’est cela l’Eucharistie, une présence vive et active, vivifiante du Christ en personne ici dans l’Histoire. Le principal présent dans cette messe c’est le Christ sur l’autel et chaque fois que nous venons à la messe, c’est Lui que nous venons entendre, suivre et aimer.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) L’Eucharistie, plénitude et accomplissement des Anciennes Alliances

2) L’Eucharistie, principe et signe du Règne de Dieu parmi les hommes

3) L’Eucharistie est l’inspiration et la force de notre Espérance Eschatologique, espérance de l’au-delà qui est déjà présente ici dans notre cœur et qui est animée par la présence du Christ dans notre histoire.

 

 

1) L’Eucharistie, plénitude et accomplissement des Anciennes Alliances

 

Figure de JĂ©sus, PrĂŞtre SuprĂŞme qui unit par son sacrifice les alliances anciennes et la Nouvelle Alliance.

 

En premier lieu, les lectures d’aujourd’hui (Ex 24,3-8; Hb 9,11-15; Jn 6,51-52) nous invitent Ă  une comparaison bien intĂ©ressante. L’Eucharistie se prĂ©sente entre la première lecture de l’Ancien Testament et les deux lectures du Nouveau Testament, comme un sacrement que le Christ a Ă©tabli pour perfectionner, pour rendre Ă  leur plĂ©nitude et Ă  leur accomplissement, tout ce que signifièrent les Anciennes Alliances. C’est Ă©mouvant de voir aujourd’hui dans notre cathĂ©drale, comme si c’était un cĂ©nacle, cette figure du Christ que nous Ă©levons sur l’autel et qui nous dit cette parole de l’Évangile : « Prenez, ceci est mon corps Â» et après, dans le calice de la messe que le peuple lui prĂ©sente dans la procession des offrandes avec un peu de vin, le Christ se transforme par le mystère de son sacerdoce et Il s’offre au peuple : « Prenez, ceci est le calice du sang de l’alliance, le sang qui a Ă©tĂ© versĂ© pour le pardon de vos pĂ©chĂ©s. Â» Sang de l’Alliance! Combien de siècles ont Ă©voquĂ© cette parole du Seigneur!

 

 

A) Les Alliances Anciennes […]

 

Rite du sang : la moitiĂ© sur l’autel, l’autre moitiĂ© sur le peuple; communion vitale entre Dieu et le Peuple de Dieu. […]

Une Alliance de sang est un pacte entre deux volontĂ©s. L’autel reprĂ©sente le divin, c’est pourquoi la moitiĂ© du sang Ă©tait versĂ© sur l’autel; le peuple reprĂ©sentait l’autre partie de l’alliance, peuple qui a Ă©tĂ© choisi et qui a acceptĂ© de se nommer et d’être le Peuple de Dieu. MoĂŻse lit alors la loi de Dieu au peuple qui rĂ©pondit : « Nous l’acceptons, nous ferons tout ce qu’a dit le Seigneur Â» et la signature du peuple c’est le sang. MoĂŻse avec l’autre partie du sang effectue la cĂ©rĂ©monie de l’aspersion (Ex 24,8) : « MoĂŻse, ayant pris le sang, le rĂ©pandit sur le peuple et dit : “Ceci est le sang de l’Alliance que YahvĂ© a conclue avec vous moyennant toutes ces clauses.” Â» Le sang de Dieu qui est ici reprĂ©sentĂ© par le sang animal est, au sens biblique, le siège de la vie. Ce sang est recueilli pour confirmer une alliance entre Dieu et l’être humain, parce que le sang est le siège de la vie. MoĂŻse en rĂ©alisant cet acte d’aspersion sur l’autel et sur le peuple, veut signifier qu’il existe une communion vitale qui unit Dieu et le peuple.

 

 

Effets : pardon lĂ©gal, communion avec Dieu et origine du Peuple de Dieu

 

C’est le peuple de Dieu qui a été réconcilié par le sacrifice des victimes. La mort des animaux représente l’holocauste du peuple. C’est comme si le peuple, en se faisant représenter par le sacrifice de ces pauvres animaux, demande pardon à Dieu. C’est un sacrifice de communion comme le nomme la Bible aujourd’hui, c’est un sacrifice de réconciliation. Ainsi, l’aspersion de l’autel et du peuple est le sacrifice de la communion de vie avec Dieu, les douze stèles de pierre représentent l’humanité israélite, le sang qui les unit tous en un seul amour, en une seule famille, qui est à l’origine du peuple de Dieu. C’est là le geste symbolique de l’Ancienne Alliance qui culmina sur le mont Sinaï. […]

 

 

Une Alliance limitée, provisoire et imparfaite

 

C’est cependant une alliance qui demeure limitée au seul peuple d’Israël. Elle est aussi provisoire, de sorte que les prophètes étaient chargés de déchiffrer les signes et d’annoncer une nouvelle alliance qui posséderait un caractère plus universel et plus profond. Imparfaite, parce qu’elle ne réalise qu’une purification extérieure et rituelle.

 

 

B) La Nouvelle Alliance : l’Eucharistie.

 

 

Thème de l’épĂ®tre aux HĂ©breux : supĂ©rioritĂ© de la Nouvelle Alliance sur l’Ancienne Alliance

 

C’est pour cela que la seconde lecture d’aujourd’hui compare l’Ancienne Alliance avec la nouvelle. Cette lettre a été écrite pour motiver les Juifs qui s’étaient convertis au christianisme. Dans l’esprit d’un Juif d’alors, il y avait toute la tradition qui lui provenait de Moïse, le temple de Jérusalem, les cérémonies des prêtres, les holocaustes sur les autels et tout cela représentait une nostalgie dangereuse pour le christianisme naissant, qui était persécuté, qui n’avait ni temple, ni prêtre vêtu luxueusement comme les orientaux. Alors, la persécution parvenait à faire reculer de nombreux Juifs qui abandonnaient le christianisme pour retourner à la loi mosaïque. C’est à eux que s’adresse la lettre aux Hébreux, aux Juifs convertis, pour leur signifier qu’aussi magnifique que leur apparaisse le temple de Jérusalem et traditionnel le rite de Moïse, cela demeure bien imparfait en comparaison du sacrifice du Christ.

 

 

L’Eucharistie est la présence vive du Sumo Sacerdote des biens définitifs

 

 

La page précieuse d’aujourd’hui nous a présenté le Christ revêtu des attributs du Prêtre Suprême et Éternel. Il pénètre non pas dans un temple fait par des mains humaines, et portant un sang qui n’est pas celui avec lequel Moïse aspergea son peuple, du sang d’animal, de l’eau avec des cendres d’agneau, mais il s’agit du Christ qui apporte son propre sang et qui entre au sanctuaire infini du Ciel. Ce que réalisa Moïse n’était qu’une représentation, ceci est la réalité. Le sacrifice du Sinaï n’avait pas la vertu de pardonner la conscience et de la purifier des péchés. Celui-ci est l’Agneau Immaculé qui enlève le péché du monde.

 

Il nous donne une libération éternelle. Il nous nettoie la conscience et ceci ne s’effectue pas par un geste de purification légale. La libération que Moïse offrit ne concernait que la libération d’Égypte. L’Exode est une belle page d’une libération qui demeure temporelle. Une libération qui conduisit ce peuple d’Égypte jusqu’à la Terre Promise. Par contre, la libération que nous donne le Christ, sous l’impulsion de l’Esprit saint, nous dit la Bible, est la libération éternelle, celle qui nous arrache des griffes du péché et de l’enfer. Celle qui veut enlever du monde tous les esclavages et les injustices, celle qui laisse une Église qui prêche efficacement la Rédemption des hommes et la libération qui s’incorpore aux mouvements libérateurs pour qu’ils soient efficaces. Cette libération veut également les arracher du péché et de l’abus du pouvoir. Il n’est donc pas étrange que l’Église, qui porte en elle cette force libératrice pour la communiquer aussi aux revendications des groupes humains, reproche le mal de ces groupes lorsqu’ils abusent dans leurs revendications. Mais elle aussi s’affronte à ceux qui n’aiment pas ceux qui luttent contre l’injustice. Et, de ce côté, l’Église dénonce également les abus du pouvoir, les abus de l’économie, l’abus du péché, quel qu’il soit, parce que c’est le pouvoir du Christ qui, avec l’Esprit Éternel, donne la véritable liberté et proclame l’autonomie et l’indépendance du Règne de Dieu au milieu du monde. Peu importe à l’Église d’être bien avec personne, ce qui lui importe uniquement c’est de libérer les personnes, d’être bien avec Dieu pour Lui offrir une humanité pleinement libre de tout ce qui la rend esclave. […] Celui qui préside cette réunion c’est le Christ, le Prêtre Suprême et Éternel qui conduit son peuple par les chemins de la véritable libération chrétienne. 17/06/79, p.399-402, VI.

 

 

2) L’Eucharistie, principe et signe du Règne de Dieu parmi les hommes

 

C’est la Présence vive du Christ dans son Mystère Pascal

L’Eucharistie prend la mĂŞme base que prit MoĂŻse. Le Christ, Ă  la veille de sa mort, nous laisse, dans le calice, ce sang qui va ĂŞtre versĂ© le Vendredi saint. « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance. Â» Maintenant, il ne s’agit plus d’un rĂ©cipient qui contient le sang des animaux, mais du sang qui coule dans ses propres veines d’Homme-Dieu et qu’Il va offrir en holocauste pour le monde. L’épĂ®tre d’aujourd’hui l’appelle le MĂ©diateur de la Nouvelle Alliance. Comme est magnifique cette pensĂ©e catholique! Chaque dimanche, nous venons recueillir dans le calice, sur l’autel, tout l’amour, toute la douleur, tout le mĂ©rite, tout le sacrifice du Christ qui Ă©voquant les holocaustes inutiles de l’antiquitĂ©, donne une efficacitĂ© de RĂ©demption Ă  son sacrifice sur la croix : « Faites cela en mĂ©moire de moi. Â»

 

Comme j’aime dire au Seigneur : « Vois, Seigneur, combien se souviennent de toi. Vois cette CathĂ©drale remplie. Vois les nombreuses Ă©glises du diocèse et du monde. Jusque dans les humbles chapelles, des groupes de gens vont Ă  la messe. Â» Aujourd’hui, alors que je m’en venais Ă  la cathĂ©drale, je voyais des groupes de gens qui sortaient de tous les chemins. J’étais Ă©mu Ă  l’idĂ©e de penser que tous ces gens s’en allaient prendre contact avec le signe et le principe d’un monde nouveau, un Règne de Dieu que seul peut vivre le catholique qui a une foi vĂ©ritable dans le Christ RĂ©dempteur.

 

 

L’Eucharistie contient le Christ en personne au moment de sa mort et de sa résurrection

 

L’Eucharistie est prĂ©sence du mystère pascal du Christ lorsque le prĂŞtre Ă©lève l’hostie et dit : « Ceci est le sacrement de notre foi. Â» Vous rĂ©pondez alors : « Nous annonçons ta mort, nous proclamons ta RĂ©surrection. Â» C’est cela, l’Eucharistie, c’est l’annonce de la mort du Seigneur et la proclamation de sa vie Ă©ternelle, optimisme des hommes et des femmes qui savent qu’ils suivent – mĂŞme au milieu de l’obscuritĂ© et de la confusion de notre histoire – la lumière resplendissante du Christ, vie Ă©ternelle.

 

Seule l’Église possède le germe de ce monde nouveau et définitif

Le Christ, une fois ressuscitĂ©, a placĂ© dans le monde le germe d’un monde nouveau et « tous ceux qui entourent ce germe qui se nomme l’Église, dit le Concile Vatican II, il se peut que ce ne soit pas la majoritĂ© de l’humanitĂ©, mais Ă  ce petit groupe rĂ©uni autour du Christ incombe l’honneur certain d’être germe d’unitĂ© et de Salut pour le monde entier. Â»

 

Chrétiens, forces de libération et de rénovation

En ce moment, j’ai conscience que vous et moi sommes en train de prendre de la force et de l’énergie, en ce noyau de Salut et d’unité. Lorsque nous sortons de la messe, nous devons sortir comme descendit Moïse du Sinaï, avec le visage illuminé, avec le cœur vaillant pour affronter les difficultés du monde.

 

Un Saint-Père disait : « Comme des lions qui ont mangĂ© du feu. Â» Comme il serait merveilleux de voir une unitĂ© chrĂ©tienne de lions qui auraient mangĂ© du feu et qui iraient dans le monde après s’être alimentĂ©s de ce feu de l’amour du Christ! Non pas pour cacher lâchement leur foi, mais pour l’exhiber comme l’unique Salut. C’est cela la vĂ©ritĂ©. Tout le reste n’est que mensonge. C’est ça la justice du Christ, le reste n’est que dĂ©shonneur et injustice. Le chrĂ©tien porte la sĂ©curitĂ© du Christ et il est germe de Salut. S’il y a une espĂ©rance en un monde nouveau, en une patrie nouvelle, en un ordre plus juste, en un reflet du Règne de Dieu dans notre sociĂ©tĂ©, soyez certains que c’est vous, les chrĂ©tiens, qui allez rĂ©aliser cette merveille d’un monde nouveau lorsque nous serons tous de vĂ©ritables multiplicateurs de cette vie que nous venons de recevoir dans l’Eucharistie de notre messe dominicale, ce germe qui transformera le monde.

 

 

Événements de la semaine

 

Cela m’attriste de penser qu’il y a des gens qui n’évoluent pas. Il y a des gens qui disent : « Tout ce que fait aujourd’hui l’Église est mal parce que ce n’est plus comme lorsque nous Ă©tions enfants. Â» Ils se remĂ©morent leurs annĂ©es de collège et ils voudraient avoir un christianisme statique comme un musĂ©e de conservation. Ce n’est pas cela, le christianisme et l’Évangile, les chrĂ©tiens doivent ĂŞtre des ferments d’actualitĂ© et ils doivent dĂ©noncer non pas les pĂ©chĂ©s du temps de MoĂŻse et de l’Égypte, ni des temps du Christ et de Pilate, d’HĂ©rode et de l’Empire Romain, mais les pĂ©chĂ©s d’aujourd’hui, ici au Salvador, ceux que nous vivons prĂ©sentement, dans notre contexte historique. Ce germe de saintetĂ© et d’unitĂ©, fondement de notre communion ecclĂ©siale, nous devons le vivre ici dans la terrible rĂ©alitĂ© de notre peuple. 17/06/79, p.402-403, VI.

 

 

3) L’Eucharistie, inspiration et force de notre espérance eschatologique

 

Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire? Je vous ai dĂ©jĂ  expliquĂ© Ă  plusieurs reprises le sens de la parole eschatologique : l’ultime, ce qui est au-delĂ  de l’Histoire, le dĂ©finitif, le but vers lequel se dirige toute vie humaine et toutes les histoires de tous les peuples. Quand le Christ termine l’Évangile d’aujourd’hui, après avoir instituĂ© l’Eucharistie, Il fait ses adieux aux disciples en leur disant : « En vĂ©ritĂ©, Je vous le dis, Je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu’au jour oĂą Je boirai le vin dans le Règne de Dieu. Â» L’Eucharistie, le Corps du Christ nous fait remonter jusqu’au calvaire, il y a vingt siècles, et jusqu’à MoĂŻse, encore plus loin, jusqu’aux Anciennes Alliances. Depuis l’Eucharistie nous contemplons un horizon d’Histoire incomparable, mais Ă©galement vers l’avant, vers le futur, il nous permet d’apercevoir l’horizon eschatologique. L’horizon dĂ©finitif qui est comme une exigence d’utopie Ă  tous les systèmes politiques, Ă  toutes les luttes sociales, Ă  tous les hommes qui se prĂ©occupent de la Terre. L’Église n’est pas indiffĂ©rente Ă  ce qui se passe sur la Terre, mais depuis l’Eucharistie, elle dit Ă  tous les travailleurs de la Terre : regardez plus loin. Et, chaque fois qu’elle Ă©lève l’hostie Ă  la messe, nous pouvons entendre l’appel du Christ qui dit : « Jusqu’à ce que nous en buvions de nouveau ce vin dans le Règne de mon Père, Â» et le peuple qui rĂ©pond : « Viens Seigneur JĂ©sus. Â» Il y a une espĂ©rance, c’est le peuple qui marche Ă  la rencontre du Seigneur. La mort n’est pas la fin, la mort c’est l’ouverture de la porte de l’éternitĂ©.

Un message d’optimisme, de consolation et d’espérance

 

 

C’est pourquoi je termine en disant que tout sang, tout cadavre, tout mystère d’iniquité et de péché, toute torture, tous ces antres de nos corps de sécurité où, lamentablement, meurent lentement plusieurs personnes ne sont pas perdus. Il y a un horizon eschatologique qui illumine toutes ces ténèbres et alors, il fera chanter la victoire de la vérité et de la justice. Ce sera le triomphe définitif de tous ceux qui ont lutté pour la justice et pour l’amour.

 

L’Eucharistie alimente toute revendication de la Terre parce qu’il lui donne son véritable horizon. Quand un homme ou un groupe veut travailler uniquement pour des intérêts terrestres, sans avoir d’horizon d’éternité, sans que lui importe ses horizons religieux, il n’est pas un libérateur complet en qui nous pouvons nous confier entièrement. Aujourd’hui ils luttent pour le pouvoir et demain, depuis ce pouvoir, ils seront les pires oppresseurs s’ils ne possèdent pas un horizon qui se situe au-delà de l’Histoire, et qui sanctionne le bien et le mal que font les hommes sur la Terre. Sans cela, il ne peut y avoir de justice véritable, ni de revendications efficaces.

 

Rendons grâce Ă  Dieu en cette fĂŞte du Saint Sacrement que nous cĂ©lĂ©brons dans un contexte si tragique, mais qui est aussi alimentĂ©e par tant de forces revendicatrices, tant de forces politiques qui proviennent du peuple, et auxquelles le Christ ne se sent pas Ă©tranger. Le Christ aussi est un torturĂ©. Il fut Ă©galement condamnĂ© injustement. Le Christ est un innocent qui est mort comme s’il s’agissait d’un criminel. Le Christ est le Grand LibĂ©rateur. C’est Lui qui donne un sens Ă  tant de morts, Ă  tant de cadavres, Ă  tant de sang. Il les sanctifie sans doute avec cette perspective de vie Ă©ternelle et d’espĂ©rance. « Prenez et mangez, ceci est mon Corps, ceci est le sang de l’Alliance Ă©ternelle. Â» Amen… 17/06/79, p.410, VI.