L’Église de la promotion intégrale

 

Vingt-huitième dimanche du temps ordinaire; 9 octobre 1977; Lectures : II Rois 5,14-17; II TimothĂ©e 2,8-13; Luc 17,11-19.

 

La perspective politique est très différente de la perspective de l’Église. Politiquement, comme catholiques et comme Église, nous ne partageons pas plusieurs points de vue. Cela ne nous surprendrait pas que même les États-Unis décideraient demain, pour des raisons politiques, de ne plus se préoccuper des droits de l’homme. Nous ne nous appuyons pas sur les convenances politiques. Nous voulons dire, et cela doit être clair pour tous les catholiques, que le respect, la réclamation et la défense de la liberté, de la dignité, des droits humains, sont une mission que l’Église place au-dessus de toute politique. C’est son devoir, comme envoyé de Dieu, comme prophète du monde, de défendre l’image de Dieu qu’est chacun et chacune d’entre-nous. C’est pour cela que nous faisons toujours abstraction de l’opinion des présidents, des ministres et des politiciens et que nous inculquons profondément en notre cœur la loi de Dieu, la vision évangélique. Jamais, mes frères, et je le dis pour plusieurs choses, nous ne devons utiliser le moment religieux pour nos convenances politiques, et à l’inverse, que la politique ne se serve pas des événements religieux à sa propre convenance. Le religieux est au-delà de tout cela. Ses critères sont très élevés; et lorsque l’Église défend ces causes, elle ne fait pas de la politique partisane. Mais à partir de la loi de Dieu, elle défend clairement ce que Dieu lui commande de défendre. 09/10/77, p.264, I-II.

 

Nous en avons assez qu’on nous traite de communistes parce que nous défendons ces droits humains que le Concile et Medellín appellent le véritable labeur chrétien des pasteurs de l’Église. Radio Vatican manifesta sa surprise devant les affirmations de Monseigneur Revelo et déclara, naïvement, son étonnement devant le fait que cet Évêque du Salvador méconnaisse l’héroïsme et l’authenticité avec laquelle la catéchèse est enseignée dans les campagnes, dans des conditions non pas faciles comme il le dit. Bien au contraire, parce que c’est là précisément, en campagne, où se retrouvent nos victimes; des prêtres même ont été assassinés pour leur travail d’évangélisation. Le labeur de nos catéchistes ruraux est admirable.

 

Je vous fĂ©licite. Je profite de cette opportunitĂ© pour leur dire, de mĂŞme qu’aux communautĂ©s paysannes : ne vous laissez pas vaincre par la peur. Sachez Ă©tudier la Parole de Dieu qui crĂ©e une conscience critique chrĂ©tienne chez l’être humain; formez-vous, en apprenant Ă  discerner, Ă  la lumière de l’Évangile, la justice de l’injustice et Ă  rĂ©clamer pour un monde meilleur. Si cela est nĂ©cessaire, mourir pour cette cause, puisqu’il s’agit lĂ  de la mort des martyrs qui donnèrent leur vie pour dĂ©fendre cette foi. Ne vous laissez pas vaincre par la peur. Et si cela est nĂ©cessaire, comme on dit dans certaines communautĂ©s, de vivre une vie de catacombes, vivez cette vie de catacombes. Ce n’est pas de la clandestinitĂ©, c’est simplement l’Église du silence qui continue de travailler selon sa conscience, mais qui ne se laisse pas vaincre, comme j’ai dit auparavant, par les convenances politiques ou Ă©conomiques du moment. Soyez fidèles au Christ, comme nous dit aujourd’hui saint Paul (2 Tim 2,8-13). 09/10/77, p.264-265, I-II.

 

L’exclusion

 

Les premières lectures et l’Évangile, (II Rois 5,14-17 et Luc 17,11-19) nous introduisent dans le triste monde de l’infirmitĂ©, dans une de ses expressions les plus douloureuses, la lèpre et Ă  partir de la lèpre, l’infirmitĂ© consĂ©quence du pĂ©chĂ©. Le prophète ÉlisĂ©e et le Christ Lui-mĂŞme prennent des attitudes de libĂ©ration. Si l’infirmitĂ© est une triste consĂ©quence du pĂ©chĂ©, il faut libĂ©rer l’être humain du pĂ©chĂ© et de ses consĂ©quences. Et ici, la norme de l’Église c’est la promotion humaine. Les masses de misère, disent les Ă©vĂŞques Ă  MedellĂ­n, sont un pĂ©chĂ©, une injustice qui crie vers le Ciel. L’exclusion, la faim, l’analphabĂ©tisme, la dĂ©nutrition et tant d’autres choses misĂ©rables qui entrent par toutes les pores de notre ĂŞtre, sont les consĂ©quences du pĂ©chĂ©. Du pĂ©chĂ© de ceux qui accumulent tout, de sorte qu’il ne reste rien pour les autres et Ă©galement du pĂ©chĂ© de ceux qui n’ayant rien, ne luttent pas pour leur promotion. Ils sont conformistes, arrogants; ils ne luttent pas pour se faire valoir; mais souvent ce n’est pas leur propre faute. C’est qu’il existe une sĂ©rie de conditionnements, de structures, qui ne les laissent pas progresser. C’est un ensemble de pĂ©chĂ©s mutuels. C’est ce pĂ©chĂ© que MedellĂ­n qualifie d’injustice institutionnalisĂ©e, d’injustice qui devient l’air que nous respirons; c’est de lĂ  que dĂ©rivent ces situations que les lectures d’aujourd’hui nous prĂ©sentent dans la figure du lĂ©preux de Syrie qui vient chercher la RĂ©demption auprès d’un prophète de Dieu, et dans l’angoisse des dix lĂ©preux qui crient au Christ (Lc 17,13) : « Seigneur, aie pitiĂ© de nous. Â»

 

En ceux-ci, il nous suffit de reconnaĂ®tre cette multitude qui languit, dans son exclusion, après une libĂ©ration qui ne leur vient de nulle part, disent les documents de MedellĂ­n. Et l’Église, fidèle Ă  JĂ©sus-Christ, serait cruelle, si comme les prĂŞtres de l’Évangile, elle tournait le dos, s’éloignant, sans se prĂ©occuper du pauvre blessĂ© rencontrĂ© sur son chemin. Le Christ est confrontĂ©, et le prophète ÉlisĂ©e (II Rois 5,14-17) Ă©galement, Ă  cette situation. La lèpre avait inspirĂ© de terribles lois au sein du Peuple de Dieu. Lisez le LĂ©vitique : Celui qui porte la marque de cette Ă©pouvantable maladie doit quitter la communautĂ©. Il doit aller vivre dans les montagnes et chaque fois qu’une personne s’approche, il doit crier : « Immonde, Immonde. Â» Cette voix des pauvres lĂ©preux, criant Ă  ceux qui s’approchaient afin qu’ils s’éloignent, devait rĂ©sonner comme un cri en provenance des sĂ©pulcres.

 

Cette angoisse les obligeait à se réunir; ils formaient une société dans la douleur. L’être humain à le droit de s’associer, qu’il s’agisse d’un lépreux, d’un paysan ou d’un ouvrier. Un homme qui a besoin de sortir de sa prostration s’appuie sur les autres. Pourquoi condamne-t-on l’organisation? Le Christ s’approche d’une organisation de lépreux. Pour sûr, certains d’entre eux étaient Samaritains et les Samaritains et les Juifs ne s’entendaient pas. C’est un peu comme les Honduriens et les Salvadoriens, qui sont politiquement distants, mais dans la douleur, ils sentent le besoin de s’unir. Ce Samaritain ne se sent pas mal; au contraire, il se sent frère des ses ennemis politiques, les Juifs, et c’est avec eux qu’il va à la rencontre du Seigneur. 09/10/77, p.266-267, I-II.

 

Naaman Ă©tait un Ă©tranger. Une de ses servantes, qui Ă©tait juive, lui dit (II Rois 5,3) : « Ah! Si seulement mon maĂ®tre s’adressait au prophète de Samarie! Il le dĂ©livrerait de sa lèpre. Â» Cet homme avec tout l’orgueil de sa caste, de sa situation sociale, finit par entendre la petite voix de cette servante. Et il se produisit ce que nous avons lu aujourd’hui. Quand il arrive auprès du prophète ÉlisĂ©e, ce dernier lui dit (II Rois 5,10) : « Va te baigner sept fois dans le Jourdain, ta chair redeviendra nette. Â» La première rĂ©action de Naâman en est une d’orgueil (5,12) : « Est-ce que les fleuves de Damas, l’Abana et le Parpar, ne valent pas mieux que les eaux d’IsraĂ«l? Ne pourrais-je pas m’y baigner pour ĂŞtre purifiĂ©? Aujourd’hui le prophète m’envoie faire cette simple chose et il ne s’est mĂŞme pas donnĂ© la peine de venir me voir. Â» Et le serviteur de Naâman lui dit (5,13) : « Mon père! Si le prophète t’avait prescrit quelque chose de difficile, ne l’aurais-tu pas fait? Combien plus, lorsqu’il te dit : « Baigne-toi et tu seras purifiĂ©. Â» Et il obĂ©it. Et quand il sort du fleuve, purifiĂ© de sa lèpre, cet homme court vers le prophète ÉlisĂ©e pour lui dire cette parole de foi (5,15) : « Oui, je sais dĂ©sormais qu’il n’y a pas de Dieu par toute la Terre sauf en IsraĂ«l! Maintenant, accepte, je te prie, un prĂ©sent de ton serviteur. Â» Et ÉlisĂ©e ne voulut rien recevoir.

 

Cette figure sympathique d’Élisée appartient au 2e Livre des Rois. Les prophètes ne sont pas encore les protagonistes de l’histoire d’Israël. Les rois le sont. Parmi eux David et Salomon, et ceux qui ont donné sa constitution politique au règne d’Israël. Mais il y eut toujours auprès de ces rois, des hommes comme les confesseurs, comme les prédicateurs qui furent les rois catholiques. Élisée était un de ceux là; une sorte de confesseur du roi. Le souffle de la Parole divine parvenait à la politique des rois à travers ces prophètes. Bienheureux les gouvernements qui entendaient la voix de ses prophètes et pauvres d’eux, ceux qui les dépréciaient. De cela sont remplies les pages des Livres des Rois. Élisée, un de ces prophètes qui partageait sa vie entre son rôle de conseiller de la cour, où il conseillait le roi Jéroboam, et sa vie commune avec ses frères prophètes, comprit que par sa médiation et son service à la cour, il n’était rien de plus qu’un instrument de Dieu. Il avait de lui-même une opinion si humble que lorsque cette personne, qui bénéficia de ce miracle, voulut le récompenser avec de grandes quantités d’argent, il refusa.

 

(II Rois 5,16) : « Aussi vrai qu’est vivant YahvĂ© que je sers, je n’accepterai rien. Â» Quel beau geste! Frères. Si l’Église a connu ses faiblesses et ses Ă©normes pĂ©chĂ©s, c’est parce qu’elle a converti son ĂŞtre d’instrument de Dieu en un nĂ©goce souvent reprochable. Le prĂŞtre qui utilise son pouvoir sacerdotal pour gagner de l’argent, est en train d’abuser. Depuis cette cathĂ©drale, oĂą nous dĂ©nonçons les injustices et les dĂ©sordres, nous sommes disposĂ©s Ă©galement Ă  nous faire critiquer en tout ce qui n’est pas correct. Le prĂŞtre comme ÉlisĂ©e, devrait sentir tout ce que donne Dieu. Si pour cela on me loue, on m’applaudit et que je me complais dans ces applaudissements, je les vole Ă  Dieu. Moi, frères, j’offre au Seigneur tout cet accueil que vous donnez Ă  ma parole qui n’est pas mienne, qui est celle de Dieu. […]

 

Alors Naaman dit (II Rois 5,17) : « Puisque c’est non, permets qu’on me donne deux mulets, car ton serviteur n’offrira plus ni holocauste ni sacrifice Ă  d’autres dieux qu’à YahvĂ©. Â» Nous avons ici un converti, un paĂŻen qui ne connaissait pas le Dieu d’IsraĂ«l, et par l’attitude d’un prophète il Le connait et se convertit en un adorateur du Dieu vĂ©ritable. C’est une de mes satisfactions les plus grandes en ce moment. Combien de cĹ“urs se sont convertis, combien? et non seulement des classes pauvres? J’ai entendu des confessions qui m’ont rempli d’une profonde satisfaction, des gens aisĂ©s qui m’ont dit : « Oui, vous avez raison. Ceux qui ne veulent pas comprendre c’est parce qu’ils sont très Ă©goĂŻstes. Nous sommes disposĂ©s Ă  faire ce que nous pouvons. Â»

 

Et j’ai grand espoir, frères, que l’Église, qui a offert le dialogue de sa sincérité, sans trahir cette vérité de l’Évangile, rencontrera un écho non seulement chez l’humble peuple, mais aussi chez la classe puissante, parce que celui qui écoute la vérité est très aveugle s’il ne veut pas la suivre. 09/10/77, p.267-268, I-II.

 

Le Christ guérit les lépreux

 

Le Pape, dans une des ses dernières catéchèses, dit que lorsque la société civile s’organise, elle peut déplacer l’Église dans son œuvre de bienfaisance. Peu importe, l’Église aura toujours une mystique très spéciale envers la souffrance, que ne peuvent apporter les techniques des médecins, des infirmières et des hôpitaux bien équipés. Ces centres, ces techniques médicales, chosifient souvent, c’est-à-dire qu’elles font du malade une chose. On ne le nomme plus par son nom; il est le patient numéro tel, comme s’il s’agissait de quelque chose d’irrationnel. On oublie que le malade est avant tout une personne qui a besoin d’affection, de la tendresse d’un cœur; on oublie qu’une infirmière, si compétente soit-elle dans ses techniques d’injections et de transfusions, ne remplit pas sa vocation si elle traite le patient n’importe comment.

 

Cette heure de compassion pour le malade, comporte un appel au médecin, à l’infirmière, à l’hôpital, pour que s’humanise avec toujours plus de délicatesse cette mission de ceux qui n’ont pas affaire à un animal mais à un être humain. Ce dernier a un cœur qu’il partage avec une famille auprès de laquelle il n’est pas. Il lui manque la tendresse, les mains qui savent bien le traiter à la maison. Nous avons ici la condition du malade. Celui-ci doit également s’élever à la compréhension que sa douleur n’est pas inutile, même si on le traite d’être inutile. Nous voyons ici se profiler cette théorie qu’employa Hitler et son système en Allemagne, d’éliminer tout être inutile. Un vieux, un infirme qui ne sert plus, on l’élimine. Comme c’est inhumain!

 

C’est à cela que nous pouvons arriver lorsqu’on ne prend pas soin de la vie qui commence. Il s’agit du germe de l’homme qui est dans les entrailles d’une femme enceinte quand on provoque un avortement. C’est un assassinat. Et le pire, c’est que la mère devient l’assassin de son propre enfant. De ce pas, de ce manque d’amour à l’endroit d’un être qui est déjà conçu, il n’y a qu’un simple pas à l’élimination du vieux, de l’infirme, de l’inutile. Si un fœtus qui est déjà une vie humaine dans les entrailles d’une femme, dérange, un vieux aussi dérange lorsqu’il n’y a plus de sentiments de charité dans un foyer, lorsqu’il n’y a qu’un processus logique. Si l’avortement est logique, le processus d’élimination l’est également.

 

Il est nĂ©cessaire d’humaniser les relations envers ceux qui souffrent, envers ceux qui semblent inutiles. Le grand mystère que nous laisse le Christ : c’est qu’au jour du jugement dernier, Il va nous juger selon le mesure dont nous aurons traitĂ© les nĂ©cessiteux, parce que « tout ce que vous aurez fait aux plus petits d’entre les miens, c’est Ă  moi que vous l’aurez fait. Â» C’est pourquoi je vous disais en commençant, que les considĂ©rations politiques, hygiĂ©niques, techniques des hommes, demeurent très en-dessous des considĂ©rations chrĂ©tiennes d’un chrĂ©tien qui sait que ce qu’il fait Ă  un malade, Ă  un pauvre, Ă  un misĂ©rable, le Christ le reçoit comme en sa propre personne. 09/10/77, p.269, I-II.

 

Il existe une spiritualité dangereuse à notre époque, comme une réaction contre le nouveau langage de l’Église qui parle de libération, de droits humains, qui proteste contre les outrages aux personnes qui réclament contre les abus du pouvoir politique. Contre cette attitude loyale de l’Église, on réagit, disant qu’elle doit enseigner seulement la spiritualité, d’un Dieu, d’un Règne des cieux dans l’au-delà, et que nous ne devons pas nous préoccuper des problèmes terrestres. Ils ne se rendent pas compte qu’ils sont en train de désarticuler l’Évangile. Le Christ qui est venu pour sauver les personnes, prit soin également de leurs corps.

 

On ne peut séparer la promotion humaine, le soin des corps, des droits humains de cette Terre, de cette œuvre d’évangélisation de l’Église; de sorte qu’il ne doit pas exister une dichotomie entre les droits de Dieu et les droits de l’homme, comme si celui qui parle des droits de Dieu oublierait les droits de l’homme ou vice versa. Lorsque nous parlons des droits de l’homme, nous pensons à l’homme en tant qu’image de Dieu; nous défendons Dieu.

 

Il faut travailler à la promotion de tout l’homme, âme et corps, cœur et intelligence, relations sociales, pour que nous sentions l’égalité que Dieu a voulu entre tous ses enfants et que nous organisions un monde plus conforme à cette promotion intégrale de tous, pour qu’ils aient la force de développer toutes leurs capacités, de sortir de la maladie, de trouver des hôpitaux où ils puissent se faire soigner, d’avoir des écoles pour tous leurs enfants afin que ceux-ci ne demeurent pas analphabètes, de promouvoir, bref, dans toutes les dimensions, le développement humain intégral de tous. 09/10/77, p.270, I-II.

 

L’Église ne prétend pas au pouvoir de le Terre mais elle prétend implanter dans le pouvoir de la Terre, le Règne de Dieu qui rendra plus juste le pouvoir de la Terre. Il rendra plus compréhensible le Règne de Dieu au peuple gouverné quand il sera illuminé par un sens de justice et de véritable promotion, quand il sentira que la participation en politique est un droit à respecter chez tous les citoyens. L’Église enseigne à tous que nous avons tous le droit de participer au bien commun du pays, comme fils de Dieu, avec les talents que chacun a reçus pour le bien-être de tous.

 

C’est ainsi que l’Église fait la promotion de toutes les parties impliquées. Est-ce que cela est de la subversion? L’Église sait que ce ne l’est pas, qu’il s’agit d’une promotion effectuée à partir de tous les peuples, en respectant l’idiosyncrasie de chacun. Et si parfois, dit l’encyclique Populorum Progressio, les missionnaires imbus de la culture de leur pays, sentaient que quelque chose du message du Christ transpirait de leur propre manière de penser comme européen, il importerait à l’Église de corriger cela. Elle sait que cela a été une erreur; aussi s’efforcera-t-elle désormais de s’identifier au peuple qui est l’objet de sa mission.

 

 Elle ne s’intĂ©resse plus autant aux intĂ©rĂŞts de son pays d’origine qu’à ceux du peuple, dont : l’art, la science, le charisme, la race, la manière d’être, pour en faire la promotion chrĂ©tienne. C’est ce que nous faisons au Salvador. Nous ne sommes pas un pouvoir Ă©tranger, nous sommes l’âme du peuple, nous sommes la vie de la nation. C’est pour cela que l’Église sent qu’elle a le droit de prĂŞcher un Évangile qui n’apporte pas un pouvoir Ă©tranger, mais qui vient injecter la vie Ă  notre propre vie, afin que les Salvadoriens soient davantage eux-mĂŞmes et qu’ils aiment leur patrie, qu’ils travaillent pour en faire la promotion. C’est ce que fait l’Église dans le peuple; c’est pourquoi on ne veut pas la comprendre, malgrĂ© la clartĂ© de sa mission. 09/10/77, p.271, I-II.

 

Pour ces moments d’épreuve dans l’histoire du pays et dans celle de la famille, saint Paul, dĂ©jĂ  prisonnier et enchaĂ®nĂ©, Ă©crit ce matin, dans cette condition’ Ă  TimothĂ©e (II Tm 2,8-13), « La Parole de Dieu n’est pas enchaĂ®nĂ©e. Â» Quelle libertĂ© que celle que produit cette foi chrĂ©tienne! Une Église persĂ©cutĂ©e, torturĂ©e, assassinĂ©e, peut dire comme saint Paul : « Mais la Parole de Dieu n’est pas Ă©teinte. Â» Le fait est que lorsqu’ils voulurent faire taire la voix du père Grande et effrayer les prĂŞtres pour qu’ils se ferment, ils Ă©veillèrent au contraire, le sens prophĂ©tique de notre Église. Celle-ci se dĂ©chaĂ®ne parce qu’elle sait qu’ils ne peuvent tuer sa Parole qui continuera de vibrer au travers d’une Église qui porte la promesse du Christ jusqu’à la consommation des siècles. Qu’est-ce que doit prĂŞcher le prĂ©dicateur de cette Parole qui ne se laisse pas enchaĂ®ner? La fidĂ©litĂ© Ă  Dieu dit saint Paul. C’est lĂ  la vĂ©ritable doctrine : Que le Christ, comme homme, est nĂ© de la lignĂ©e de David, qu’Il appartient Ă  la race des rois mais lĂ  n’est pas le plus grand. Le plus grand c’est qu’Il est ressuscitĂ© d’entre les morts.

 

Frères, quelle peur peut avoir un homme qui croit en Celui qui, lorsqu’Il fut tué, ressuscita pour toujours? Plusieurs ont perdu espoir en cette Résurrection, et c’est pour cela qu’ils ont peur. Par contre, l’espérance de plusieurs s’est éveillée; ils sont prêts à mourir pour participer avec le Christ à son martyre et pour ressusciter avec Lui dans sa gloire qui n’aura pas de fin. 09/10/77, p.272, I-II.