L’usage correct des biens que Dieu a créés

 

Vingt-sixième dimanche du temps ordinaire; 25 septembre 1977; Lectures : Amos 6,1a.4-7; I TimothĂ©e 6,11-16; Luc 16,19-31.

 

J’aime toujours illustrer par des faits de la vie civique et de la vie ecclésiale, la Parole de Dieu. Celle-ci atteint alors des objectifs concrets, comme le soleil qui traduit dans la couleur des fleurs, dans l’énergie de la vie et dans tout ce qu’il signifie pour la nature. C’est ce que signifie la Parole de Dieu pour ma vie, pour ta vie, pour la société. Efforçons-nous d’entendre cette Parole qui nous illumine tous les dimanches, à partir de la sainte Bible, non pas comme des livres anciens qui ne signifient plus rien pour notre temps.

 

Le prophète Amos vécut sept siècles avant le Christ, mais il se retrouva dans une situation sociale très semblable à la nôtre, sa voix n’appartient pas aux siècles oubliés, sa voix devient actualité pour le Salvador de 1977. Le Christ nous raconte une parabole si terrible, du sort du riche et du pauvre qui se transforme dans l’autre vie. Ce n’est pas une histoire que le Christ raconte pour adoucir les oreilles de ces auditeurs d’il y a vingt siècles, c’est une admonestation sérieuse d’un Dieu qui nous dit pourquoi Il nous a créés et quel est l’usage que nous devons avoir des biens. 25/09/77, p.237, I-II.

 

 

Le bon usage des biens

 

Nous recherchons toujours le positif dans le message de Dieu, mais au côté du positif que constitue la loi de Dieu, le dessein amoureux que le Seigneur a pour nous, les hommes intronisent toujours un aspect négatif, le péché, la lutte contre le Règne de Dieu. Et cela durera tout au long des siècles. Que personne ne s’étonne que l’Église se dise persécutée. Elle doit l’être par le règne des ténèbres. Tant que l’Église proclame cette volonté de Dieu, elle rencontrera toujours la volonté de l’anti-Dieu, de l’Antéchrist, des ombres du péché, du mystère de l’injustice qui tente de s’introniser. Ici, le prophète Amos nous décrit cet empire des ténèbres sous l’aspect du luxe, de cette vie voluptueuse qu’il nous décrit bien, malgré qu’il ne soit qu’un pasteur du désert de Judée, envoyé contre sa volonté par ce même Dieu, au règne du nord d’Israël. Ce royaume, sous l’empire de Jéroboam II, est une société qui vit dans l’abondance et dans la paix. Elle ne sait pas profiter de ce temps de paix pour adorer Dieu et Lui rendre grâce, mais en abuse plutôt par une vie très luxueuse. 25/09/77, p.237, I-II.

 

 

La propriété privée

 

Pourront demander le riche Épulon et les riches du nord de la GalilĂ©e et tous ceux qui ont une vie moelleuse et commode : quel pĂ©chĂ© est-ce cela? Il semble qu’il n’y ait pas de pĂ©chĂ©. Le premier des pĂ©chĂ©s, c’est d’avoir perverti le sens de la propriĂ©tĂ©. Comme disaient les paĂŻens, en dĂ©finissant la propriĂ©tĂ© privĂ©e, Jus utendi et abutendi, « droit d’user et d’abuser Â», si c’est Ă  moi, pourquoi n’en ferais-je pas ce que j’en ai envie? Non, le droit de propriĂ©tĂ© a ses limites, ceux que nous indique la lecture sacrĂ©e de saint Paul Ă  TimothĂ©e. Dieu donne vie aux choses du monde et nous devons connaĂ®tre pourquoi Dieu les a crĂ©Ă©es. S’il est certain que la propriĂ©tĂ© privĂ©e est un droit, elle possède cependant, comme l’affirme notre constitution, une fonction sociale. Une fonction qui n’est pas prĂ©cisĂ©ment, comme l’on dit lorsqu’on dĂ©fendait les intĂ©rĂŞts devant les dangers de la loi de l’ISTA, seulement pour produire plus. Ce n’est pas cela, la fonction sociale, produire plus. Produire davantage oui, mais pour le bien commun.

 

Les biens que Dieu a crĂ©Ă©s pour tous, doivent ĂŞtre canalisĂ©s par des structures en fonction du bien, en fonction du bonheur de tous et pour que ne se produise plus ce terrible contraste qui nous a Ă©tĂ© signalĂ© par les lectures d’aujourd’hui : tandis qu’ils s’attablaient Ă  un banquet, un pauvre, assis Ă  leur porte, ne pouvait mĂŞme pas manger les miettes qui tombaient de leur table. 25/09/77, p.238, I-II.

 

 

L’insensibilité

 

Et nous avons ici, frères, les consĂ©quences de cette vie moelleuse et ses terribles erreurs. En plus de ce faux concept de propriĂ©tĂ© privĂ©e, le plus terrible c’est ceci : les ĂŞtres humains se mĂ©tallisent, ils deviennent insensibles. Qu’est-ce que JĂ©sus dĂ©nonce ici (Lc 16,19-31) lorsqu’Il dit que pendant que le riche faisait bonne chair, « Lazare gisait près de son portail, tout couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche, mais personne ne lui en donnait. Bien, plus, les chiens eux-mĂŞmes venaient lĂ©cher ses ulcères. Â» Les chiens eux-mĂŞmes Ă©taient plus chanceux que lui, ils pouvaient manger les restes que le riche leur lançait en nettoyant ses plats, mais au pauvre on n’offrait mĂŞme pas cela. Ou comme nous dit la première lecture (Amos 6,1a.4-7), après nous avoir dĂ©crit ces orgies : « Ils ne s’affligent pas de la ruine de Joseph! Â» Joseph Ă©tait la tribu la plus nĂ©cessiteuse et les nĂ©cessiteux de Joseph reprĂ©sentaient comme la pauvretĂ© suprĂŞme de la misère, tandis que les autres dans l’abondance demeuraient insensibles.

 

C’est cela, le pĂ©chĂ© grave, l’insensibilitĂ©. Et ici, frères, je ne dis pas seulement cela des grands riches, mais aussi de nous tous, qui, lorsque nous avons quelque chose Ă  manger, quand bien mĂŞme ne serait-ce qu’une glace, un sandwich, une tortilla, peut ĂŞtre quand mangeant nous devenons insensibles au pauvre qui n’a mĂŞme pas cela. Pourquoi ne pas partager, comme disent les prophètes, jusqu’à notre pauvretĂ©? C’est une trahison, selon le prophète Amos, contre l’Alliance de YahvĂ©. Si Dieu avait fait une alliance avec ce peuple : « vous serez mon peuple et Je serai votre Dieu. Â» C’était Ă  la condition qu’ils se sentent tous membres du Peuple de Dieu, frères les uns des autres. Tant et si bien que nous lisons une loi dans le LĂ©vitique, chapitre 25, qui dit : « La terre ne peut pas ĂŞtre vendue pour toujours, parce que la terre est mienne et que vous ĂŞtes pour moi des Ă©trangers et des invitĂ©s. Â»

 

C’était le concept des riches d’Israël qui étaient comme les rentiers de Dieu, comme si Dieu leur avait loué une terre, la propriété privée devait être considérée à la lumière de Dieu et le pauvre était le représentant de Dieu auquel il fallait payer cette rente de la terre. C’est de là que vient l’idée que les riches et les pauvres devaient s’asseoir ensemble pour partager comme deux mendiants. Dieu fait la charité au riche, mais ce dernier doit faire de même envers le pauvre. 25/09/77, p.239, I-II.

 

 

Partager les richesses

 

Ce n’est pas un mal d’avoir. Puisse Dieu qu’un jour nous soyons tous riches. Le mal c’est l’insensibilité. Le beau c’est celui qui a, qui donne et qui partage comme un frère, comme un compagnon de mendicité avec le pauvre. Tu es un mendiant, moi aussi j’en suis un parce que ce que je possède m’a été prêté par Dieu. À l’heure de ma mort, je devrai tout remettre, partageons ce qui est le cadeau mutuel de Dieu. Rendons grâce tous les deux au Seigneur. Comme les violences, les haines et les luttes de classes disparaîtraient. Jamais, à partir de ma position de pasteur, je n’ai illuminé par la théologie, que grâce à Dieu j’ai étudiée, jamais je n’ai prêché la lutte des classes. Ces calomnies sont pour moi d’autant plus offensantes, quand elles veulent me critiquer d’ignorer ma mission sublime de prêcher l’amour et jamais la subversion.

 

Dieu a donnĂ© Ă  tous pour que nous fassions tous de ce monde, crĂ©Ă© par Dieu pour le bonheur de tous, une antichambre de ce Règne des cieux. Je dis dans ma pastorale : « L’Église est conscience qu’en ce monde nous n’aurons pas un paradis parfait, mais nous avons l’obligation de reflĂ©ter en ce monde imparfait, quelque chose du reflet amoureux de l’éternitĂ©. Et nous les chrĂ©tiens qui vivent vraiment l’espĂ©rance de ce Ciel, nous vivons en espĂ©rant cet au-delĂ , en tentant de le gagner prĂ©cisĂ©ment en faisant la justice et l’amour sur cette Terre. Â» Parce que, comme dit le Concile, et je l’ai souvent rĂ©pĂ©tĂ©, contre la calomnie du marxisme, qui qualifie l’Église d’être l’opium du peuple, parce qu’en prĂŞchant l’ÉternitĂ© elle oublierait la Terre : mensonge! L’Église, prĂŞchant l’ÉternitĂ©, dit avec le Concile, que l’homme qui ne travaille pas aux biens temporels, qui ne les administre pas selon le cĹ“ur de Dieu ne collabore pas avec Dieu ni ne fait le bien Ă  ses frères et met en danger son propre Salut. De sorte qu’il existe une relation bien directe entre le Salut que j’attends après ma mort et mon prĂ©sent travail temporel, personne qui est injuste sur cette Terre n’aura part dans le Règne des cieux oĂą règnent la justice et l’amour. 25/09/77, p.239, I-II.

 

 

Insensibilité devant Dieu

 

Ces deux Ă©pisodes, d’Amos et de JĂ©sus-Christ, nous disent, comme les prophètes, comment la voix de Dieu leur parvenait pour leur annoncer prĂ©cisĂ©ment cette espĂ©rance et pour faire des hommes plus justes, plus humains, plus comprĂ©hensifs. Parce qu’en plus, très chers frères, et cela est plus grave encore, c’est une autre grande dĂ©rive du luxe, de cet abus de la propriĂ©tĂ©, de cette soif d’avoir et de vivre commodĂ©ment et qui s’importe peu de leur prochain. Il existe une autre insensibilitĂ© beaucoup plus terrible, l’insensibilitĂ© face Ă  Dieu. Vous avez entendu la fin de la parabole, quand le riche depuis l’enfer, demande au père Abraham d’envoyer un prophète, un messager Ă  ses cinq frères qui sont encore sur la Terre en abusant de leurs propriĂ©tĂ©s, afin qu’ils se convertissent et qu’ils ne viennent pas Ă  tomber lĂ  oĂą il a eu la disgrâce de sombrer. Et la rĂ©ponse est terrible (Lc 16,29-31) : « Ils ont MoĂŻse et les prophètes; qu’ils les Ă©coutent. Â» LĂ  ils ont l’Église catholique qui prĂŞche; ils ont leurs prĂ©dicateurs de la justice sociale et du Règne de Dieu, qu’ils les Ă©coutent. « Non, Père Abraham, dit le riche depuis l’enfer, mais si quelqu’un de chez les morts va les trouver, ils se repentiront. Â» Et la rĂ©ponse est terrible, quand Abraham lui dit Ă  la fin de la parabole : « Du moment qu’ils n’écoutent pas MoĂŻse et les Prophètes, mĂŞme si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus. Â» Quelle phrase terrible!

 

Je ne sais pas si vous avez déjà médité une fois, mes frères, quand le Christ apparaît attaché devant Hérode, le luxueux, le sensuel, l’adultère, qui veut entendre une parole du Christ pour se moquer de Lui, quelle est l’attitude du Christ? Le silence, pas une parole. Malheur à ces cœurs où le Christ est déjà muet, malheur à ces foyers où le Christ ne se sent plus, malheur aux pécheurs, aux criminels qui ne ressentent pas les remords de leur conscience, même si un mort ressuscite, ils ne l’écouteraient pas. Ils sont déjà pétrifiés. Quelle phrase terrible mes frères. Je voudrais que nous gravions cela dans notre cœur pour que nous ne devenions jamais insensibles jusqu’aux remords mêmes de Dieu qui nous appelle dans la conscience.

 

Comme je voudrais que mon humble voix, au lieu d’être si dĂ©formĂ©e par les intĂ©rĂŞts Ă©goĂŻstes, de ceux qui adulent pour rester bien. Que ceux-ci prennent au sĂ©rieux qu’il s’agit de la Parole de Dieu et que le mĂ©pris qu’ils ont inscrit sur ces feuilles volantes, n’est pas destinĂ© qu’à moi et Ă  mes prĂŞtres. « Celui qui vous mĂ©prise, dit le Christ Ă  moi et Ă  mes prĂŞtres, me mĂ©prise Ă©galement et celui qui me mĂ©prise, mĂ©prise le Père qui m’envoie. Â» C’est que moi qui vous parle en ce moment, je suis la Parole de Dieu. Et si au lieu de ma figure, c’était celle d’un de ces morts rĂ©cents, d’un de ces assassinĂ©s, d’un de ceux qui sont morts dans les tortures et dont on ne sait rien, qui se tiendrait debout ici dans cette cathĂ©drale et parlerait. Je crois que la situation ne changerait pas parce que les cĹ“urs ne veulent pas entendre ni mĂŞme s’il s’agissait d’un mort qui viendrait leur dire : cela va très mal au Salvador, il n’est pas nĂ©cessaire de feindre Ă  l’étranger que tout va bien ici.

 

Il faut nous embellir de l’intĂ©rieur pour que notre patrie apparaisse belle Ă  l’étranger. Mais tant qu’il y aura des mères qui pleurent leurs fils, tant qu’il aura des tortures dans nos centres de sĂ©curitĂ©, tant qu’il y aura des abus de sybarite dans la propriĂ©tĂ© privĂ©e, tant qu’existera ce dĂ©sordre Ă©pouvantable, il ne pourra pas y avoir de paix et les actes violents et sanglants continueront. Avec la rĂ©pression on ne met fin Ă  rien. Il est nĂ©cessaire de devenir rationnel et d’entendre la voix de Dieu et d’organiser une sociĂ©tĂ© plus juste, qui soit davantage selon le cĹ“ur de Dieu. Tout le reste n’est que rapiéçage. Tout le reste ce ne sont que des rĂ©pressions du moment. Les noms des assassins vont changer, mais il y aura toujours des assassinats. Les violences continueront de changer de nom, mais il y aura toujours une forte violence, tant qu’on ne changera pas la racine d’oĂą jaillit comme d’une source, toutes ces choses si horribles de notre rĂ©alitĂ©. Â» 25/09/77, p.239-240, I-II.

 

 

Le bon usage des biens

 

Quel est donc le bon usage des richesses, des biens? Ah, si l’on tenait compte de la Parole de Dieu, comme les peuples, les sociĂ©tĂ©s, les hommes, les familles, comme nous ferions de la Terre un paradis! Dans la seconde lecture d’aujourd’hui (I Tm 6,11-16), nous avons des normes très prĂ©cieuses qui si elles Ă©taient l’inspiration d’un changement de structure au Salvador, disparaĂ®traient toutes ces choses que nous ne voulons pas qu’elles soient. Paul le dit Ă  TimothĂ©e, son disciple, en premier lieu : « Sers Dieu. Â» Nous devons nous considĂ©rer ainsi. Dieu est le Seigneur et tout, dit saint Paul, a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par ce Dieu qui donne la vie au monde au moyen de JĂ©sus-Christ qui doit revenir pour demander des comptes aux humains sur la manière dont ils auront usĂ© de ce monde crĂ©Ă© par Dieu. (I Tim 6,16) : « Le seul qui possède l’immortalitĂ©, qui habite dans une lumière inaccessible, que nul d’entre les hommes n’a vu ni ne peut voir. Ă€ lui appartiennent honneur et puissance Ă  jamais! Â»

 

Que notre vie soit ainsi, thĂ©ocentrique, que Dieu soit le centre de ma vie et qu’à partir de Lui dĂ©rivent toutes mes relations envers mon prochain, qu’à partir de Dieu dĂ©rive l’usage des choses qu’Il a crĂ©Ă©es. Que depuis Dieu, centre qui illumine mon Ă©thique, je sois honorĂ© pour mon honnĂŞtetĂ©, que je ne dise pas de mensonges, que je ne dĂ©forme pas les informations, que je ne calomnie pas parce que je sais que Dieu va me demander des comptes.  Qu’à partir de Dieu, nous dit saint Paul (I Tim 6,11-12) : « Poursuis la justice, la piĂ©tĂ©, la foi, la charitĂ©, la constance, la douceur. Combats le bon combat de la foi. Â»   Frères, c’est un combat dans lequel nous sommes engagĂ©s, c’est le combat de la foi, non des armes ni de la violence, sinon des idĂ©es, des convictions, la violence Ă  nous-mĂŞmes en premier lieu, sous l’inspiration de la foi, sous les exigences de ce que saint Paul dit merveilleusement (6,14) : « Garde le commandement sans tache et sans reproche. Â»

 

Le commandement c’est l’ensemble des choses que Dieu nous a révélées et que l’homme, en tant que serviteur, a l’obligation d’observer. Mais quand on a été enlevé le joug de Dieu et qu’on ne L’entend plus dans notre conscience, alors, mes frères, tous et chacun veulent être un Dieu. Il se produit alors un cataclysme, comme si le soleil perdait son centre de gravité et que les planètes qui tournent autour de lui, comme prises de folies, entraient en collision les unes avec les autres. C’est ainsi. Le soleil, c’est Dieu et tant que les humains tournent autour de ce soleil avec une éthique qui leur vient de Dieu, les hommes vivront comme des frères. […] Nous ne nous fatiguerons pas de prêcher l’amour. Il est la force qui vaincra le monde. Nous ne nous fatiguerons pas de prêcher l’Amour même si nous voyons que les vagues de violence viennent inonder le feu de l’amour chrétien, l’amour doit vaincre. Il est l’unique qui peut vaincre. 25/09/77, p.241, I-II.

 

 

Dieu est le centre de la vie

 

Très chers frères, prenons comme si elle nous Ă©tait adressĂ©e personnellement l’admonestation de saint Paul Ă  son disciple TimothĂ©e. Faisons de notre vie un système solaire dont le soleil est Dieu, faisons de notre vie une vie thĂ©ocentrique et, finalement, une vie qui possède un profond sens eschatologique. Qu’est-ce que cela veut dire? Nous l’avons dĂ©jĂ  signalĂ© ici : l’eschatologie est la fin, l’espĂ©rance que nous attendons, l’au-delĂ  qui apparaĂ®t si brillamment Ă©clairĂ© dans les lectures d’aujourd’hui. Comme se termine la première lecture, Amos (6,1a.4-7) qui n’annonce pas un enfer dans l’au-delĂ , sinon un enfer dès cette Terre. Peu d’annĂ©es après ces dĂ©nonciations d’Amos, l’empire d’Assyrie vint et accomplit ce qu’Amos avait prĂ©dit dans le dernier verset d’aujourd’hui (6,7) : « C’est pourquoi ils seront maintenant dĂ©portĂ©s, en tĂŞte des dĂ©portĂ©s, c’en est fait de l’orgie des vautrĂ©s! Â» Si nous ne mettons pas fin par notre bonne volontĂ© Ă  ses abus, Dieu y mettra fin, en se prĂ©valant souvent des empires de cette Terre. L’anticommunisme avec lequel plusieurs veulent dĂ©fendre leur propriĂ©tĂ© privĂ©e, n’est pas un anticommunisme d’amour Ă  Dieu, c’est un anticommunisme d’amour Ă  leurs richesses. Mais du communisme Dieu peut se prĂ©valoir, comme Il se prĂ©valut du règne d’Assyrie pour châtier le dĂ©sordre du règne d’IsraĂ«l.

 

Comme est terrible, frères, le dénouement des désordres de la vie. De Dieu, personne ne se moque, sa Loi régnera pour toujours. Et ce Dieu qui est Amour pour nous se convertit en justice quand on n’a pas su comprendre l’invitation de l’Amour. Est-ce possible que l’Amour de Dieu ait fait l’enfer? Nous avons ici dans la lecture d’aujourd’hui, l’amour d’un amoureux moins précieux. Je crois que je fais ici appel à l’expérience de plusieurs d’entre vous qui êtes tombés amoureux et avez reçu l’injure du refus de votre amour. Elle vous méprise, elle ne veut plus rien savoir de votre amour. Ne sentez-vous pas alors que votre cœur devient comme un enfer? Que voudriez-vous faire du dédain de tant de tendresse? Dieu est ainsi, Il nous aime tant que nous vivons, Il attend notre conversion. Même s’il s’agit du plus grand pécheur, comme nous l’avons dit ces derniers dimanches, appelant à la pénitence, Dieu espère. Mais quand la patience de Dieu se termine dans l’amour, commence sa justice. Et alors, ni même un doigt mouillé pour calmer l’ardeur de la langue de celui qui est enfer ne lui fut concédé. Ce qui signifie, selon les exégètes, qu’en enfer il n’existe aucune consolation.

 

Frères, ce n’est pas retourner au Moyen Ă‚ge que de parler de l’enfer. C’est vous mettre sous les yeux la justice infinie de Dieu, de laquelle nul ne doit se moquer. Organisons Ă  temps notre patrie. Organisons les biens que Dieu nous a donnĂ©s pour le bonheur de tous les Salvadoriens. Faisons de cette rĂ©publique, si belle en dons naturels de Dieu, une antichambre du paradis du Seigneur et nous aurons le bonheur d’être reçu comme le pauvre Lazare. 25/09/77, p.242-243,  I-II.

 

 

Pauvreté interne

 

Et quand nous disons pauvre, frères, nous parlons de l’attitude intĂ©rieure du cĹ“ur. Gravons bien cette idĂ©e dans notre esprit que pauvre ne sont pas tous ceux qui manquent de biens matĂ©riels, ainsi comme riche ne sont pas tous ceux qui abondent de biens matĂ©riels. Selon la Bible, riche et pauvre obĂ©issent Ă  deux attitudes internes du cĹ“ur. C’est la seule parabole oĂą il y a un nom, celui du protagoniste, Lazare qui signifie : « Celui qui se confie en Dieu. Â» C’est cela, ĂŞtre pauvre, se confier en Dieu.

 

Riche par contre, selon le Christ, lorsqu’Il s’adresse Ă  ses auditeurs dans cette parabole du riche intendant, deux versets plus hauts que ceux que nous avons lus aujourd’hui, Il dit ceci, en se rĂ©fĂ©rant Ă  la parabole de l’administrateur injuste (Lc 16,14-15) : « Les pharisiens, qui sont amis de l’argent, entendaient cela et ils se moquaient de lui. Â» Il leur dit : « Vous ĂŞtes, vous, ceux qui se donnent pour justes devant les hommes, mais Dieu connaĂ®t vos cĹ“urs; car ce qui est Ă©levĂ© pour les hommes est l’objet de dĂ©goĂ»t devant Dieu. Â» Le Christ dĂ©finit ici qui est le riche selon la Bible.

 

Le riche que Dieu dĂ©prĂ©cie, c’est celui qui aime ces biens jusqu’au point de se moquer de Dieu : « Si Dieu ne me secourt pas, mon Dieu c’est mon argent. Â» Celui qui adore comme une idole dans son cĹ“ur l’argent, celui qui sert, comme dit le Christ, ne peut servir Dieu et l’argent. Mais une attitude comme celle de Lazare, de ne pas placer sa confiance dans les choses de la Terre, sinon dans sa confiance en Dieu, C’est cela, l’attitude de la pauvretĂ©.

 

De même, il existe de nombreux pauvres qui ne possèdent pas de biens matériels, mais qui ne mettent pas leur confiance en Dieu, ceux-là non plus ne sont pas pauvres. C’est eux que nous voulons éveiller parce qu’ils sont en train de perdre l’occasion que Dieu leur offre de se faire les pauvres de la Bible, quand changera l’attitude intérieure de leur cœur. Qu’ils mettent leur confiance en Dieu, non dans un conformisme qui ne lutte pas pour améliorer leurs conditions de vie. Tous doivent faire des efforts et Dieu ne bénit pas la paresse sinon l’effort de ceux qui mettent leur confiance en eux et en Dieu. 25/09/77, p.243, I-II.