La Parole de Dieu dans le monde d’aujourd’hui

 

Vingt-cinquiĂšme dimanche du temps ordinaire; 18 septembre 1977; Lectures : Amos 8,4-7; I TimothĂ©e 2,1-8; Luc 16,1-13.

 

 

La lumiĂšre de la Parole Ă©ternelle

 

L’objet de la prĂ©dication de l’homĂ©lie n’est pas autre chose que de dire Ă  vous tous, qui participez Ă  cette rĂ©flexion de la Parole de Dieu, que celle-ci s’accomplit aujourd’hui. C’est une actualisation de la Parole Ă©ternelle du Seigneur. Ce que nous prĂȘchons Ă  la messe n’est aucunement par dĂ©magogie comme certains nous en accusent, ni parce que nous avons le dĂ©lire de la persĂ©cution, mais parce que nous voulons illuminer avec la Parole Ă©ternelle du Seigneur, la rĂ©alitĂ© oĂč l’Église de notre archidiocĂšse se meut afin que tous ceux qui la composent, sachent juger les choses de l’Histoire, non pas avec des critĂšres personnels, sinon Ă  la lumiĂšre de la Parole Ă©ternelle du Seigneur, celle qui demeure pour toujours.

 

Nos opinions, nos jugements humains, sont faillibles parce qu’elles proviennent des hommes et des femmes, mais la Parole du Seigneur ne peut pas faillir. C’est de lĂ  qu’un chrĂ©tien doit apprendre tout au long de sa vie Ă  Ă©clairer la marche de l’Histoire, les Ă©vĂ©nements de sa vie, avec la Parole Ă©ternelle du Seigneur. Combien d’évĂ©nements de cette histoire vertigineuse de notre patrie, en nos jours, nous faut-il Ă©clairer de cette Parole de Sagesse Ă©ternelle?

 

Ce ne sont pas les jugements humains, mais le jugement de Dieu, que le chrĂ©tien doit rechercher. Ce ne sont pas les jugements humains qui produisent la rectitude d’une Ɠuvre, sinon la lumiĂšre de la pensĂ©e de Dieu.

 

Nous ne sommes pas Ă©trangers aux prĂ©occupations de chacun d’entre vous, de vos familles. Vos tribulations, vos espoirs, vos joies et vos chagrins de chaque jour ne sont pas Ă©trangers au cƓur de l’Église. Mais nous sommes dans l’impossibilitĂ© d’illuminer un Ă  un les circonstances d’une vie si exubĂ©rante comme l’est celle des Salvadoriens. Je vous invite Ă  l’analyser, Ă  la lumiĂšre de l’amour chrĂ©tien, de la Parole de Dieu. Sachez interprĂ©ter les Ă©vĂ©nements de votre propre vie. Pour le chrĂ©tien il n’y a pas d’autres critĂšres que la foi et l’amour qui illumine la parole de l’homme qui parle. Le message Ă©ternel de Dieu est ce que nous devons dĂ©couvrir. Ne prenez pas l’attitude du mĂ©pris pour celui qui vous parle parce que le mĂ©pris que mes actes ou mes paroles peuvent vous causer ne se limite pas Ă  ma personne. Mes paroles portent en elles la garantie du Christ qui dit Ă  ses prĂ©dicateurs : « Celui qui vous mĂ©prise, me mĂ©prise aussi et celui qui vous Ă©coute, m’écoute Ă©galement.  Â» 18/09/77, p.219-220, I-II.

 

L’Église de notre diocĂšse, malgrĂ© les difficultĂ©s, veut ĂȘtre une Église qui rĂ©pond Ă  sa vocation, Ă  l’appel que le Seigneur lui fait prĂ©cisĂ©ment en ces circonstances pour qu’elle devienne chaque jour plus authentiquement l’Église de JĂ©sus-Christ qui ne s’appuie pas sur les forces humaines, sinon qu’elle Ă©lĂšve l’humain jusqu’aux forces de l’Évangile qui s’expriment dans cette libertĂ©, dans cet esprit de pauvretĂ©, dans ce sens de confiance et d’amour en Dieu qui est prĂ©cisĂ©ment sa valeur et sa force. 18/09/77, p.222, I-II.

 

 

L’injustice

 

Les hommes et les femmes ne savent pas utiliser la paix que Dieu nous donne, nous ne l’employons que pour engendrer du dĂ©sordre. Les temps de paix se prĂȘtent Ă  l’abus du commerce et c’est lĂ  qu’arrive le prophĂšte, dans un contexte Ă©pouvantable d’extorsion oĂč le riche veut s’accaparer de tout, oĂč le pauvre est chaque jour plus pauvre et le riche chaque jour plus riche. Dans cette ambiance de relations Ă©conomiques injustes, oĂč la religion est devenue un commerce, oĂč l’on tire profit du sabbat et de la nouvelle lune. Tandis que la loi de MoĂŻse commandait de se reposer et de ne pas faire de commerce, on employait ce temps pour tramer de meilleures affaires en s’efforçant d’exploiter davantage.

 

À ces gens injustes, qui se servaient de la religion comme d’un trampoline pour leur argent, se prĂ©sente le prophĂšte Amos (8,4-7) pour leur dire : « Ă‰coutez ceci, vous qui Ă©crasez le pauvre, et voudriez faire disparaĂźtre les humbles du pays, vous qui dites : “Quand donc sera passĂ©e la ‘nĂ©omĂ©nie’ pour que nous vendions du grain, et le sabbat, que nous Ă©coulions le froment?” Â» Ils ne pensaient pas Ă  Dieu. Ils ne pensaient qu’à vendre leur blĂ© et leur grain, ils pensaient Ă  la meilleure façon d’exploiter, comme les en accuse le prophĂšte : « Nous diminuerons la mesure, nous augmenterons le sicle, nous fausserons les balances pour tromper. Nous achĂšterons les faibles Ă  prix d’argent et le pauvre pour une paire de sandales; et nous vendrons les dĂ©chets du froment. Â» Jusqu’à la coquille du riz, ils vendaient, ils faisaient un nĂ©goce des dĂ©chets eux-mĂȘmes. Mais devant cette attitude, le prophĂšte leur rappelle une chose : « YahvĂ© l’a jurĂ© par l’orgueil de Jacob : jamais je n’oublierai aucune de leurs actions. Â»

 

C’est cela, le soutien du prophĂšte, c’est que derriĂšre lui se tient Dieu, qui commande de dĂ©noncer les injustices. C’est pourquoi, mes frĂšres, devant les difficultĂ©s de dĂ©noncer les injustices, les prophĂštes ont peur, parce que la vengeance est terrible. Mais en mĂȘme temps ils sentent la confiance d’un Dieu qui les appuie. « J’irai avec toi, disait Dieu aux prophĂštes, parce que c’est moi qu’ils offensent quand ils offensent et extorquent le pauvre, le nĂ©cessiteux, quand ils exploitent. Â»

 

JĂ©sus aussi prend la parole dans l’Évangile d’aujourd’hui (Lc 16,1-13) pour dĂ©noncer l’injustice d’un administrateur infidĂšle. Souvent, les administrateurs sont plus cruels que les propriĂ©taires eux-mĂȘmes. Si vous avez dĂ©jĂ  partagĂ© la vie des pauvres qui travaillent dans les fermes et les plantations, vous avez pu vous rendre compte Ă  quel point certains administrateurs sont fanatiques pour bien paraĂźtre aux yeux de leurs patrons en estropiant et en outrageant le pauvre nĂ©cessiteux, celui Ă  qui on enlĂšve le travaille. Comme ces paroles qui m’ont Ă©tĂ© rapportĂ©es d’Aguilares : « Que l’évĂȘque te donne un travail, que les curĂ©s te donnent un emploi. Â» C’est se moquer de la dignitĂ© de l’homme.

 

TrĂšs chers frĂšres, comme disent les Ă©vĂȘques Ă  MedellĂ­n, dans le document sur la justice : « La situation d’AmĂ©rique latine a Ă©tĂ© longuement Ă©tudiĂ©e. Il n’est pas nĂ©cessaire d’en dire davantage, mais de conclure seulement qu’une misĂšre de masse a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e et que celle-ci clame vers le Ciel. Â» Ce sont lĂ  des paroles du magistĂšre de l’Église d’AmĂ©rique latine. Une situation d’injustice qui clame vers le Ciel, et cela ne peut pas continuer ainsi. C’est une nĂ©cessitĂ© de transformation, de changements nĂ©cessaires, Ă  laquelle nous devons tous apporter notre labeur. Non pas tous avec la mĂȘme efficacitĂ©, puisque nous ne contrĂŽlons pas tous les mĂȘmes rĂȘnes, mais chacun peut y contribuer. Les lectures d’aujourd’hui (Amos 8,4-7; I Tim 2,1-8; Lc 16,1-13) nous indiquent des moyens trĂšs efficaces parmi toutes ses idĂ©es. Un chrĂ©tien doit ĂȘtre un homme qui combat avec ses idĂ©es, non par la violence. Je ne me fatiguerai jamais de rĂ©pĂ©ter : oui, il existe une violence, c’est la violence du Christ sur la croix qui se laisse tuer pour que le monde soit plus juste. Faisons-nous violence Ă  nous-mĂȘmes, Ă  notre Ă©goĂŻsme, Ă  notre avarice, Ă  nos envies. Nous devons vaincre ces lacunes de notre cƓur avec ces paroles salutaires que nous offrent les Paroles divines d’aujourd’hui. 18/09/77, p.222-223, I-II.

 

 

La valeur du temporel

 

En premier lieu, il nous faut retenir la valeur relative des biens, des biens temporels, et le jugement de Dieu sur ceux-ci. Observez bien comment dĂ©bute la parabole d’aujourd’hui (Lc 16,1-2) : « Il Ă©tait un homme riche qui avait un intendant et celui-ci lui fut dĂ©noncĂ© comme dilapidant ses biens. Il le fit appeler et lui dit : “Qu’est-ce que j’entends dire de toi? Rends compte de ta gestion, car tu peux plus gĂ©rer mes biens dĂ©sormais.” Â» C’est l’allusion que le Christ fait : les biens de la Terre sont de Dieu, l’homme les possĂšde comme un administrateur, mais le propriĂ©taire demandera des comptes Ă  chacun, Ă  chaque copropriĂ©taire, Ă  chaque propriĂ©taire terrien, du plus grand au plus petit, comment il a administrĂ© les biens que Dieu a crĂ©Ă©s pour le bien-ĂȘtre de toute l’humanitĂ©. Il y a un jugement de Dieu devant nous et quand le Christ tire la morale de cette parabole (Lc 16,8) : « Et le maĂźtre loua cet intendant malhonnĂȘte d’avoir agi de façon avisĂ©e. Car les fils de ce monde-ci sont plus avisĂ©s envers leurs propres congĂ©nĂšres que les fils de la lumiĂšre. Â» Et Il nous invite (Lc 16,9) : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnĂȘte, afin qu’au jour oĂč il viendra Ă  manquer, ceux-ci vous accueillent dans les tentes Ă©ternelles. Â»

 

Les biens temporels possĂšdent une valeur, nous n’allons pas le nier. Le Concile Vatican II a affirmĂ© que tout ce que le CrĂ©ateur a fait possĂšde une autonomie, une valeur, mais une autonomie dans le sens que chaque chose vaut en soi, mais non pas dans le sens de faire abstraction de Dieu. Face Ă  Lui toutes les valeurs de l’histoire et du monde sont relatives. Elles possĂšdent toutes une valeur pour autant qu’elles servent Ă  accomplir le dessein de Dieu. Mais quel est donc ce dessein? 18/09/77, p. 223-224, I-II.

 

 

Christ, la richesse absolue

 

La seconde lecture d’aujourd’hui (I Tm 2,1-8) est trĂšs riche. Je vous invite Ă  la mĂ©diter dans vos foyers, oĂč Dieu nous dĂ©crit son dessein (2,5) : « Car Dieu est unique, unique aussi le mĂ©diateur entre Dieu et les hommes, le Christ JĂ©sus, homme lui-mĂȘme, qui s’est livrĂ© en rançon pour tous. Â» C’est cela, le vĂ©ritable absolu du chrĂ©tien : Dieu et son Christ. Le Christ est la richesse absolue de l’homme. Pour gagner le Christ, il faut tout perdre. Lui-mĂȘme nous disait : « Celui qui ne renonce pas Ă  sa famille et Ă  lui-mĂȘme n’est pas digne de me suivre. Â» Tous ceux qui donnent un sens d’idolĂątrie Ă  l’argent, s’en sont dĂ©jĂ  fait un absolu. Ils s’en sont fait un Dieu, un veau d’or, et devant lui, ils se prosternent et offrent des sacrifices. Peu leur importe d’avoir Ă  tuer des gens pour conserver leur situation.

 

L’unique valeur pour le chrĂ©tien, c’est Dieu, c’est le Christ. L’unique richesse pour laquelle il vaut la peine de tout perdre, c’est Celui qui paya de sa vie le prix de ma RĂ©demption. À quoi servirait-il Ă  l’homme de gagner le monde entier si Ă  la fin il perd sa vie? À quoi sert la jouissance de tous les biens de la Terre, extorquĂ©s de la maniĂšre dont nous a dĂ©crit Amos, si maintenant je me lamente, comme le mauvais riche (Lc 16,19-31) qui est enfoui dans les flammes de l’enfer parce qu’il a mal administrĂ© ces richesses? C’est pour cela que l’Église a Ă©tĂ© fondĂ©e, pour le Salut de tous, comme nous a dit saint Paul (I Tim 2,4) : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvĂ©s. Â» C’est ce que Dieu veut, le Salut de tous.

 

Cela fait souffrir l’Église et l’Évangile qu’il y ait autant de gens qui idolĂątrent l’argent et qui tournent le dos Ă  Dieu, parce que cela est un chemin de perdition, ils vont se condamner. Et parce que nous voulons qu’ils se convertissent Ă  l’unique Dieu vĂ©ritable, nous leur prĂȘchons la faussetĂ© des biens de ce monde, que demeure-t-il de tout cela, comme nous dit la parole d’aujourd’hui : « Alors que tout cela passe, pouvoir rencontrer des amis dans la demeure Ă©ternelle. Â»

 

Ils diront : « Cela est encore loin, c’est ici que je dois jouir de la vie. Â» Ils ressemblent Ă  des enfants auxquels on demande : qu'est-ce qui est plus grand la lune ou le volcan de San Salvador? Et en voyant de si prĂšs ce volcan qui leur semble si grand, ils rĂ©pondent : le volcan est le plus grand. Mais la lune, comme elle est bien plus loin, nous apparaĂźt toute petite alors qu’elle est immense. Il en est de mĂȘme de la myopie envers les biens temporels.

 

Comme nous les avons prĂ©sents, comme devant l’argent s’ouvrent toutes les portes, comme le fils prodigue dans ses jours d’abondances. Tant qu’il en a, les amis abondent, mais, lorsqu’ils perdent tout, ils comprennent que la lune Ă©tait bien plus grande, que dans le cƓur de l’homme il existe une valeur infinie, trĂšs supĂ©rieure Ă  tous les biens crĂ©Ă©s et temporels et que c’est pour ceux-lĂ  qu’il nous faut lutter, pour ce cƓur que le Christ a mĂ©ritĂ© prĂ©cisĂ©ment s’il sait se dĂ©tacher des biens de ce monde, les employant en conformitĂ© avec la volontĂ© de Dieu. 18/09/77, p.224-225, I-II.

 

 

Vocation du laĂŻc

 

Le Concile dit que la vie du laĂŻc est comme entrecroisĂ©e par la prĂ©sence des biens temporels, de lĂ  la nĂ©cessitĂ© d’avoir des critĂšres trĂšs fins pour donner aux choses leur vĂ©ritable sens et le grand danger c’est qu’à force de vivre parmi les biens de la Terre, nous finissions par devenir nous-mĂȘmes de la terre. Il est nĂ©cessaire que le baptisĂ©, le sĂ©culier qui a Ă  manipuler les choses temporelles, ait des critĂšres bien sains qui contribuent Ă  construire ce monde conformĂ©ment au dessein de Dieu, faisant en sorte de mieux distribuer les biens entre tous, pour que nous nous sentions tous des fils et des filles de Dieu.

 

Comme Amos, le prophĂšte de la justice sociale, qui dit que ce qui le fait le plus souffrir c’est de voir ce peuple, avec autant d’écarts sociaux, portĂ© un contre-tĂ©moignage Ă  l’alliance qu’ils ont faite avec Dieu. C’est ce que nous pouvons dire du peuple chrĂ©tien. Ces inĂ©galitĂ©s injustes, ces masses de misĂšre qui clament vers le Ciel, sont un contre signe de notre christianisme. Elles disent devant Dieu que nous croyons davantage dans les choses de la Terre que dans l’Alliance de l’Amour que nous avons faite avec Lui. Par cette Alliance avec Dieu tous les hommes doivent se sentir frĂšres. Si nous avons une Alliance de peuple avec Dieu, ce peuple doit possĂ©der une Ă©thique qu’il doit vivre selon la relation qu’il entretient avec Dieu. L’ĂȘtre humain sera d’autant plus le fils de Dieu qu’il se fera frĂšre des hommes, et il sera d’autant moins fils de Dieu qu’il se sentira moins frĂšre de son prochain, parce qu’il ne le considĂšre pas comme une image de Dieu et comme son propre frĂšre. 18/09/77, p.225, I-II.

 

 

Travailler et prier pour un chemin meilleur.

 

Priez « pour les rois et pour tous ceux qui nous commandent Â» (I Tim 2,1). FrĂšres, la position de l’Église face au gouvernement ne signifie pas que nous l’avons excommuniĂ© et que nous ne prions pas pour lui. Je vous demande de prier pour ceux qui nous gouvernent, et prĂ©cisĂ©ment, au moment oĂč le pays a davantage besoin de tranquillitĂ© pour vivre honorablement, pour ne plus vivre ces angoisses, pour qu’il n’y ait plus de semaine oĂč nous devons rapporter ces faits sanglants, de violence et de crimes. Il est nĂ©cessaire que l’autoritĂ© puisse compter sur l’aide de Dieu, comme dit le Psaume : « Si le Seigneur ne protĂšge pas la citĂ©, c’est en vain que font le guet ceux qui en ont la charge. Â» Si le Seigneur ne construit pas notre civilisation, c’est en vain qu’ils font des projets, dans le dos du peuple. TrĂšs chers frĂšres, nous devons prier beaucoup le Seigneur, encore plus lorsque les situations s’aggravent. C’est comme si Dieu Ă©tait en train de nous Ă©prouver pour voir si nous avons confiance en Lui ou si nous avons dĂ©jĂ  coupĂ© les liens avec le Seigneur.

 

Élevons une priĂšre, dit saint Paul (I Tm 2,1-8), qui a les mains propres, qui a les mains immaculĂ©es. Dieu entend aussi le pĂ©cheur qui Ă©lĂšve ses mains tachĂ©es de sang. Et puisse Dieu que tant de mains tachĂ©es du sang de notre patrie s’élĂšvent vers le Seigneur, horrifiĂ©es de leur souillure pour demander qu’Il les nettoie. Mais ceux qui, grĂące Ă  Dieu, ont les mains propres, les enfants, les malades, ceux qui souffrent en Ă©levant leurs mains innocentes et souffrantes au Seigneur, comme le peuple d’IsraĂ«l en Égypte, le Seigneur prendra pitiĂ© d’eux et dira comme Ă  MoĂŻse en Égypte : « J’ai entendu la clameur de mon peuple qui gĂ©mit. Â»

 

C’est la priĂšre que Dieu ne peut pas ignorer. C’est la Parole sur laquelle nous avons mĂ©ditĂ© aujourd’hui qui demeure toujours d’actualitĂ©. MĂȘme s’il s’agit d’un prophĂšte qui a parlĂ© sept siĂšcles avant le Christ, sa parole demeure actuelle devant les injustices des gens d’aujourd’hui. MĂȘme si la parabole est un outil pĂ©dagogique des temps du Christ, elle devient actuelle aujourd’hui, comme un avis que nous devons ĂȘtre prĂȘts Ă  comparaĂźtre devant Dieu qui attend la durĂ©e de la vie de chacun, pour lui demander des comptes sur son administration. L’homme doit imiter en cela la sagesse de cet administrateur qui s’est fait des amis mĂȘme en commettant des fraudes.

 

 Ce n’est pas que l’Évangile loue ici la fraude, il existe de nombreuses interprĂ©tations Ă  ce passage. Par exemple, que les administrateurs au temps de JĂ©sus Ă©taient des esclaves et que leur salaire provenait des hauts taux d’intĂ©rĂȘt qu’ils ajoutaient aux biens qu’ils administraient, ainsi un esclave pouvait renoncer Ă  ses intĂ©rĂȘts. « Je te pardonne les intĂ©rĂȘts, rembourse seulement ce que tu dois Ă  mon Seigneur, Â» et ainsi il n’y avait aucune fraude. Mais mĂȘme s’il y avait eu une fraude ce n’est pas ce qu’on cherche Ă  justifier ici. Ce qui est justifiĂ© et louangĂ© ici c’est la sagesse, l’astuce, d’avoir prĂ©vu la venue d’heures de crise oĂč ces biens temporels viendraient Ă  manquer parce qu’ils ne sont pas Ă©ternels. Il faut les utiliser maintenant pour faire la charitĂ©, pour faire le bien, pour les administrer selon Dieu et alors je rencontrerai le jugement magnanime de Dieu et il y aura des gens qui intercĂ©deront pour moi.

 

TrĂšs chers frĂšres, la Parole de Dieu ne pourrait pas ĂȘtre plus pratique, il s’agit de notre vie. Nous nous prĂ©occupons pour les biens matĂ©riels sans lesquels nous ne pouvons pas vivre et c’est pour cela qu’il est nĂ©cessaire de mieux nous organiser selon la pensĂ©e de Dieu. Mais l’Église ce n’est pas de la sociologie. C’est la lumiĂšre de l’Évangile, c’est la lumiĂšre de la foi, mais Ă  partir de la foi, elle peut illuminer la sociologie, la politique, l’économie, pour que les hommes qui manƓuvrent ces choses s’inspirent, non pas de leurs intĂ©rĂȘts Ă©goĂŻstes, sinon du jugement de Dieu, des desseins que Dieu avait lorsqu’Il crĂ©a le monde pour que nous soyons tous ses enfants. 18/09/77, p.226-227, I-II.