Le Christ-Roi, Clé et orientation de
notre histoire
Trente-quatrième dimanche du temps
ordinaire; 25 novembre 1979; Lectures : Daniel 7,13-14; Apocalypse 1,5-8;
Jean 18,33-37.
Pour trois raisons :
Plan de l’homélie :
1) Parce que le Règne du Christ est
le Règne de Dieu
2) Parce que la mission du Christ est
la vérité
3) Parce que l’objectif du Christ est
la libération intégrale de tous les hommes
1) Parce que le Règne du Christ est
le Règne de Dieu
A) Il est Roi
Avant tout, confions-nous dans cette
grande vérité qu’Il affirma devant Ponce Pilate : « Rex sum ego », « Je suis
Roi. »
L’Évangile recueille les promesses et
les attentes de tout l’Ancien Testament.
Les Juifs attendaient un Roi-Messie
qui leur avait été promis comme un descendant de David.
Saint Jean nous relate le récit de la
passion de Jésus-Christ, mais également celui de sa glorification. Malgré les
humiliations de la passion, Jean nous présente la sérénité de ce Roi.
Malgré son « ironie », la
scène du Prétoire, marque la proclamation officielle et l’intronisation de ce
Roi. C’est saint Jean lui-même qui est l’apôtre de l’ironie. Et dans une ironie
magistrale, il nous raconte l’humiliation du Christ, rien de moins que la
proclamation officielle du plus grand Empire de l’histoire : le Christ est
le véritable Roi.
Vous avez entendu dans le dialogue
d’aujourd’hui (Jn 18,33-37) entre les représentants de ce puissant Empire
romain qui dit au roi menotté : « Es-tu le roi des Juifs? » Et
le Christ, dans un dialogue avec Pilate, termine en disant (Jn 18,37) :
« Tu le dis : je suis roi. Je suis né, et je suis venu dans le monde
pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma
voix. »
Couronnement, sceptre, manteau,
trône… cérémonial sanglant
Et la narration de Jean continue en
nous racontant le couronnement d’épines, le sceptre, le manteau, le trône, une
croix; mais au milieu de cette cérémonie sanglante, on intronise un roi. Au
milieu de l’ironie envers un condamné, Dieu proclame, en se servant de l’Empire
romain, cette inscription sur la croix : « Jésus de Nazareth, Roi des
Juifs. » Et non seulement des Juifs, mais de tous les peuples. Nous autres
recueillons tout le riche contenu de ce cérémonial en lui enlevant la couronne
d’épines, en lui lavant ce sang, et il demeure bien clair et merveilleux que le
Christ est un Roi très différent des rois de ce monde.
B) Le Règne du Christ est le Règne de
Dieu
Pilate ne craint pas une rivalité
politique, mais il pressent son pouvoir divin.
Nous avons dit au premier point de
cette réflexion que son Règne est le Règne de Dieu, Pilate ne craint pas de ce
roi de carnaval, une quelconque rivalité politique, il s’en moque même.
Cependant, il pressent en cet homme un mystère divin. Sa femme, elle-même lui
envoie un message pour lui dire (Mt 27,19) : « Ne te mêle point de
l’affaire de ce juste; car aujourd’hui j’ai Ă©tĂ© très affectĂ©e dans un songe Ă
cause de lui. » Et Pilate fut lui-même effrayé lorsqu’il entendit dire que
Jésus était Fils de Dieu. Dans la mentalité polythéiste d’un Romain, il
s’imagina qu’il s’agissait d’un dieu qui était tombé d’on ne sait où et il
demanda à Jésus : « D’où es-tu? » Cependant, le Christ connaît,
et nous aussi, croyants, l’origine de ce roi.
Prophétie classique :
« L’Ancien et le Fils de l’Homme qui vient sur les nuées du Ciel. »
Dans la première lecture
d’aujourd’hui (Dn 7,13-14), nous rencontrons la prophétie classique, celle que
les anciens gardaient comme la promesse : le Fils de l’Homme qui vient sur
les nuées avec grand pouvoir et majesté. Cette majesté et ce pouvoir, Il le
tire de ce trône que Daniel nous présente également, où est assis l’Ancien,
ridĂ©, reprĂ©sentant la vieillesse vĂ©nĂ©rable, le Père, le divin, et c’est de lĂ
que proviennent les nuées, le Règne qui vient à cette Terre, il ne provient pas
d’ici.
Doxologie d’éternité
Les doxologies que recueille la
seconde lecture, l’Apocalypse (1,5-8), chantent les gloires d’un Règne qui
n’est pas de ce monde (Ap 1,6) : « À lui la gloire et la puissance
pour les siècles des siècles. Amen. » Comme l’écho des anges qui s’entend
en descendant sur la Terre.
Et dans la voix du Christ, la parole mĂŞme de Dieu (Ap
1,8) : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, le
principe et la fin, le Tout-Puissant. » L’Alpha et l’Oméga, comme vous
savez, sont la première et la dernière lettre de l’alphabet grec, comme pour
dire : je comprends toutes les langues et les Ă©critures, Je suis le secret
de tout ce qui existe, le dĂ©but et la fin. Quand commença la nature, J’existais dĂ©jĂ
et, lorsque se terminera l’Histoire, Je serai toujours présent. L’Histoire dont
les humains se glorifient tant, n’est rien d’autre qu’une motte de terre dans
le sol de l’éternité que Je suis.
Le Christ a apporté le Règne de Dieu
sur Terre
C’est pourquoi le Concile Vatican II,
lorsqu’il nous parle de ce Règne de Dieu, dit que le Christ l’a apporté :
le mystère de la sainte Église se manifeste dans sa fondation. Le Seigneur
Jésus, en effet, inaugura son Église en prêchant la Bonne Nouvelle,
c’est-à -dire la venue du Royaume de Dieu promis depuis des siècles dans les
Écritures : « Les temps sont accomplis, le Royaume de Dieu est
proche » (Mc 1,15; cf. Mt 4,17). Et l’Église est le témoignage que ce
Règne existe ici parmi nous.
… Mais avant tout, dit le Concile, le
Royaume se manifeste dans la Personne mĂŞme du Christ, Fils de Dieu et Fils de
l’homme, qui est venu « pour servir et donner sa vie comme rançon d’un
grand nombre » (Mc 10,45) (L.G. 5)
Relation Règne de Dieu et Église.
Ici, on nous exprime une relation
très intéressante de ce Règne de Dieu, apporté par le Christ et que l’Église
sert. Quelle relation y a-t-il entre le Règne de Dieu et l’Église? L’Église
n’est pas tout le Règne de Dieu. L’Église est servante du Règne de Dieu, elle
annonce le Règne de Dieu et le plus beau de tout est que l’Église, comme le dit
le Concile : « elle reçoit la mission d’annoncer et d’instaurer en
toutes les nations le Royaume du Christ et de Dieu dont, sur la Terre oĂą elle
constitue le germe et le commencement de ce Règne. » (L.G. 5)
Voyez quel honneur, l’Église est le
témoignage que le Règne de Dieu est déjà parmi nous, et elle-même, l’Église,
est son germe, petit comme la
semence. Toute l’humanité est plus immense que l’Église, mais
celle-ci possède le germe du Règne de Dieu. Lorsque nous devenons plus chrétiens,
nous sommes davantage témoignage de cette grande vérité, du Règne du Ciel qui
est descendu pour se faire Règne des hommes.
C) Relation Règne de Dieu et règnes
historiques
Quelle est alors la relation entre le
Règne de Dieu et les règnes historiques?
Encourager dans la persécution
Selon la mentalité des Juifs, il
existait une lutte à mort entre le Dieu qui règne et le démon qui veut lui
arracher son empire. C’est ainsi que nous est présentée l’histoire
d’Israël : comme une lutte entre Dieu et le démon; et les règnes de la
Terre se convertissent parfois en agents de ce règne de l’enfer qui combattent
contre Dieu. Et pour animer, donner courage, dans les jours de persécutions,
ils faisaient briller à nouveau toute cette croyance et toute cette espérance.
Les quatre empires qui ont dominé la
Palestine
C’est pour cela que cette prophétie
de la première lecture (Dn 7,13-14), avant de nous dire cette louange au Roi
des Cieux qui vient sur des nuées, nous raconte l’histoire d’Israël, surtout
sous les quatre empires qui ont dominé Israël : Nabuchodonosor, le roi de
Babylone qui domina la Palestine et qui a déporté les fils du Règne de Dieu.
Mais cet empire fut vaincu rapidement par les Mèdes et le pauvre peuple
d’Israël passe à un autre maître. Peu après, l’Empire perse, avec le
providentiel Cyrus rend la liberté aux Israélites pour qu’ils aillent
construire un nouveau temple Ă JĂ©rusalem. Mais une fois Ă JĂ©rusalem, ils
subissent une autre invasion, celle des Grecs, l’empire d’Alexandre de
Macédoine.
Les deux révélations
La statue de Nabuchodonosor
C’est ce que recueille le prophète
Daniel pour le représenter dans sa fameuse vision, une statue avec une tête
d’or, avec un tronc de bronze, avec des bras de fer et des pieds de terre.
Qu’une petite pierre de la montagne, dont personne ne se méfia, est venue et a
détruit la statue des quatre empires et la petite pierre commença à croître
jusqu’à devenir une montagne qui est le Règne de Dieu sur les empires détruits.
Les quatre bĂŞtes
Le prophète Daniel nous présente
Ă©galement la tempĂŞte qui un jour agitait la mer, et depuis la mer surgissent
quatre bêtes. La première en forme de lion, une autre en forme d’ours, une
autre, de léopard, et enfin une quatrième bête qu’il ne mentionne ni ne décrit,
mais dont il dit que ses dents et ses griffes sont de fer, qu’elle est
assoiffée de sang et qu’elle dévore la chair. C’est la mystérieuse apocalypse qui décrit
la persécution des fidèles de Dieu. C’est alors que surgit sur ces animaux,
déjà morts, le trône du Tout-Puissant, d’où provient le Roi qui vient à ce
monde. Encore une fois apparaît le triomphe de Dieu sur les empires
historiques.
L’Apocalypse, encouragement aux
chrétiens dans la persécution
Quoi d’autre que la seconde lecture
d’aujourd’hui (Ap 1,5-8) quand l’Apocalypse nous décrit le Prince des rois de
la Terre? « Chacun le verra, même ceux qui l’ont transpercé, et sur Lui se
lamenteront toutes les races de la Terre. » L’Apocalypse c’est déjà une
autre époque. Il fut écrit par saint Jean pour donner courage aux chrétiens qui
souffraient la persécution de Néron. Il ne s’agissait déjà plus des quatre
vieux empires.
Au temps du Christ, c’était l’Empire
romain qui gouvernait la Palestine et les chrétiens, tant à Rome qu’en Terre
Sainte. Plusieurs souffraient de cette persécution et, pour les encourager afin
qu’ils ne se soumettent point, saint Jean leur décrit le destin du Règne de
Dieu en comparaison des destinées fragiles des règnes de la Terre.
« Chacun Le verra, même ceux qui L’ont transpercé. » Les Romains qui
furent les instruments de sa crucifixion Le verront et les peuples qui l’ont
déprécié, pleureront sur Lui. C’est cela le dénouement de l’Histoire. Le
Seigneur est le Maître de l’Histoire, Il est le Roi des siècles. 25/11/79,
p.467-472, VII.
Communauté qui réfléchit
L’Évangile de saint Jean est écrit
dans un contexte semblable à l’Apocalypse. C’est sous Ponce Pilate, sous la
superbe et l’orgueil des Romains, que cet Évangile narre la passion du Christ,
qui se dénoue dans la Résurrection finale du Seigneur. Cet Évangile a été écrit
pour donner courage aux premières communautĂ©s pour qu’elles demeurent fidèles Ă
ce Roi que personne ne peut vaincre. Ceux-là mêmes qui Le transpercèrent, qui
Le clouèrent, qui Lui plantèrent la lance dans le côté, qui Lui crachèrent au
visage, qui Le couronnèrent d’épines, vont Le voir. Comme sera terrible cette
rencontre avec le Roi qu’ils ont traité de la sorte.
Mon Règne n’est pas de ce monde
Dans l’Évangile, la réflexion
chrétienne grava cette phrase immortelle de Jésus-Christ : « Tu es le
roi des Juifs? » lui demande Pilate. Et il répond (Jn 18,36) :
« Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes
gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. » Il était
juif, mais Il dit cependant : « Mes gens auraient combattu pour que
je ne sois pas livré aux Juifs. »
Non pas au niveau des rivalités
politiques
Il était un Roi supérieur à sa patrie
elle-même, c’était un Roi qui, s’il est certain qu’Il a dit « mon royaume
n’est pas de ce monde », ce n’est pas pour se marginaliser de ces
royaumes, mais pour dire : « Mon royaume ne se situe pas au niveau
politique des règnes de ce monde, vous n’avez rien à craindre de mes armées, je
n’en ai pas; n’ayez pas peur de ma diplomatie, je n’en ai aucune; je ne suis
pas un pouvoir politique, n’ayez crainte. »
Ponce Pilate, lui-mĂŞme, diplomate et
politicien, ne trouve pas de motif pour condamner le Seigneur, si ce n’est le
caprice des Juifs qui se prévalent d’un argument politique (Jn 18,12) :
« Si tu le relâches, tu n’es pas ami de César : quiconque se fait
roi, s’oppose à César. » C’est pour protéger sa position que Pilate commet
cette grande injustice. Mais qu’il demeure bien clair : que le Christ
Notre Seigneur a proclamé que son Royaume n’est pas de niveau politique, que
son Règne descend du Ciel investi de pouvoirs divins pour soumettre à la loi de
Dieu, à la vérité de Dieu, tous les empires du monde.
Il est dans le monde pour le
transcender
Il ne possède pas de limites, des
frontières, parce que son Règne est sans frontière, Il transcende tous les
peuples. Il n’est pas de ce monde, et les gouvernants et les législations
doivent s’y soumettre. Qu’il serait facile de comprendre notre agir chrétien,
notre action pastorale et ecclésiale. Combien de réflexions de groupes
chrétiens paraissent semblables à des analyses politiques? Ils ont oublié que
là n’est pas notre force. Combien de chrétiens possèdent un tel respect envers
leur parti politique ou leur organisation politique et, pour leur plaire, peu leur
importe d’agir contrairement à ce qu’enseigne l’Église? À quelle fréquence
formons-nous des groupes politiques plutôt que des communautés chrétiennes? Il
nous faut tenir compte de l’attitude du Christ devant Pilate et devant tous les
empires et les politiques du monde, pour se maintenir autonome, Roi qui est
descendu du Ciel et qui s’incarne sur cette Terre pour transcender les règnes Ă
partir de ses propres entrailles, mais ne s’identifiant jamais à eux.
Je voudrais, très chers frères et,
surtout, vous, chères communautés de base, agents de pastorale, prêtres, que
vous sachiez que nous n’avons rien à mendier aux politiques de la Terre quand
nous possédons une lumière qui éclaire toutes ces politiques. Ne soyons pas
partiaux envers aucun secteur, maintenons l’autonomie du Christ même quand nous
sommes menottés devant Ponce Pilate : « Mon Royaume n’a rien que vous
ayez à craindre parce qu’il est supérieur à tous les royaumes de la
Terre. » Ou comme nous chantons le Jour des Rois : devant Hérode qui
avait peur que l’enfant qui venait de naître lui enlève son empire, l’Église
lui chante : « Ne crains pas Hérode, Il ne vient pas pour s’emparer
des royaumes temporels, Celui qui donne des règnes éternels. »
Il est certain que nous ne pouvons
pas ignorer les réalités politiques de la Terre, les réalités économiques et
sociales, mais soyons toujours comme la lumière qui illumine sans se laisser
contaminer par les réalités qu’elle éclaire, sinon qu’elle les pénètre en leur
donnant sa chaleur, mais en conservant toujours son autonomie de soleil et de
lumière. 25/11/79, p.472-473, VII.
2) Parce que la mission du Christ est
la vérité
Pourquoi le Christ put-il dire
« mon Règne n’est pas de ce monde » et, cependant, être proclamé
aujourd’hui Roi Universel?
Quel dialogue plus intéressant, qui
pervertit un peu l’horizon de la question, mais ne la dénature pas, sinon
qu’elle l’approfondit jusqu’à sa plus grande profondeur, quand Pilate dit (Jn
18,37) : « Donc, tu es roi? » Jésus lui répondit : « Tu
le dis : je suis roi. Je suis né, et je ne suis venu dans le monde que
pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma
voix. »
La vérité est fidélité
La vérité au sens biblique peut
signifier la vérité contre le mensonge, mais elle peut aussi vouloir dire
« fidélité ». Elle est bien plus souvent utilisée en ce sens parce
que la vérité est fidélité et c’est le Christ qui nous en donne le témoignage
le plus éloquent de la fidélité de Dieu. La Bible appelle le Christ
« l’Amen de Dieu ». En Lui s’accomplissent, jusqu’aux ultimes
conséquences, toutes les promesses de Dieu aux êtres humains. Le Christ est la
promesse accomplie, le Christ est la fidélité de Dieu, le Christ est la vérité. Il
est l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin de tout ce qui existe :
personne ne connaît aussi à fond la réalité des choses que le Roi de la vérité. C’est
pourquoi personne ne peut traiter le Christ de menteur. Saint Jean dit qu’il
n’était pas nécessaire de Lui dire ce qu’il y avait dans le cœur d’un homme
parce qu’Il connaît ce qu’il y a dans le cœur de chacun.
Comme devait ĂŞtre Ă©pouvantable le
regard du Christ quand on médisait de Lui, ne serait-ce qu’en pensée. Il les
regardait droit dans les yeux en pensant : « Hypocrites, à quoi
pensez-vous? » C’est que devant la vérité, l’intrigue a honte. Lorsque
l’Évangile commence à nous raconter le mystère de l’incarnation du Verbe, la
Parole éternelle de Dieu, la Parole qui contient tout ce qui a été créé et
l’infini de Dieu, cette Parole s’est faite homme. Et alors dit saint
Jean : « Nous avons vu en Lui le Fils de Dieu rempli de grâce et de
vérité. » Comme est belle cette figure personnifiée de la vérité : le
Christ, la Parole éternelle fait homme! Il n’existe pas d’amitié plus grande
que l’amitié d’un homme sincère. Qui est plus franc et plus sincère que le
Christ! Il est la vérité.
Vraie aussi est la révélation
Tout ce que Dieu a voulu manifester
aux ĂŞtres humains est contenu dans le Christ. Quand ce Dernier fit ses adieux Ă
ses apôtres, Il leur dit (Jn 15,15) : « Je ne vous appelle plus
serviteur […], mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de
mon Père, je vous l’ai fait connaître. » Il n’y a déjà plus de secret pour
le chrétien qui veut aimer ce témoin de la vérité : Jésus-Christ, qui nous
a apporté des entrailles de Dieu tout ce qui est nécessaire de connaître pour la vie. Bienheureux
l’homme qui a la foi dans la vérité. Pauvre d’eux, ceux qui n’ont pas la foi,
les sceptiques, ceux qui se sont éloignés du Christ, Lui seul peut nous donner
la lumière de vérité.
« Fidèle Témoin »
Dans la seconde lecture
d’aujourd’hui, l’Apocalypse (1,5-8) le nomme : « Le Fidèle
Témoin ». Le Fidèle Témoin c’est celui qui put dire à Nicodème :
« Ce que nous avons vu nous l’avons rapporté. » Nous ne disons pas
des choses distinctes, nous sommes des tĂ©moins de la VĂ©ritĂ© de Dieu. Face Ă
cette vérité, quelle est notre attitude?
Rester seul face au monde : le
Christ
Ce moment oĂą le Christ reste seul
devant le monde représenté par Pilate m’apparaît très impressionnant. La Vérité
demeure seule, même ses propres disciples ont eu peur. La Vérité est
terriblement audace, seuls les héros peuvent la suivre. Cela est si
vrai que Pierre, qui avait pourtant juré de mourir si cela était nécessaire, a
fui lâchement et le Christ demeura seul. N’ayons pas peur de demeurer seuls si
c’est en honneur de la vérité. Ayons plutôt peur d’être des démagogues
et de rechercher les fausses adulations du peuple. Si nous ne disons pas la
vérité, nous commettons le pire des péchés : nous trahissons la vérité et
nous trahissons le peuple. Pour le Christ il est terrible de demeurer seul,
mais devant le monde représenté par Pilate Il put dire (Jn 18,37) :
« Quiconque est de la vérité écoute ma voix. »
Indifférence de Pilate :
« Qu’est-ce que la vérité? »
Ici apparaît l’attitude de Pilate,
avec une question il résout le problème. Quand le Christ lui a dit :
« Quiconque est de la Vérité écoute ma voix. » Pilate, avec un
orgueil et un mépris digne d’un Romain hautain lui dit (Jn 18,38) :
« Qu’est-ce que la vérité? » Il tourne le dos et continue le procès
pour que le Christ soit flagellé, pour qu’on le livre à la mort. Combien
proche, fut cet homme de la vérité, mais avec ce scepticisme, cet orgueil et ce
rejet de Dieu, il n’a pas su profiter du moment où il fut face à face avec la
vérité.
En ces temps d’opinions
politiques : le Concile Vatican II
En ces temps, oĂą abondent les
opinions politiques, il serait bon de tenir compte du fait que seul le Christ
possède la vérité et que la vérité peut être interprétée de plusieurs manières.
J’ai apporté ici le texte du Concile qui parle de la diversité en matière de
politique. Cette pensée demeure encore d’actualité. Devant le seul qui possède
toute la vérité qu’est le Christ, les humains ne possèdent que la foi. Nous possédons la
vérité du Christ, mais il peut exister plusieurs façons de l’appliquer aux
réalités concrètes.
Écoutez cette pensée de l’Église au
Concile (GS. 42,4) : « … par sa mission et sa nature, l’Église n’est
liée à aucune forme particulière de culture, ni à aucun système politique,
économique ou social, par cette universalité même, l’Église peut être un lien
très étroit entre les différentes communautés humaines et entre les différentes
nations, pourvu qu’elles lui fassent confiance et lui reconnaissent en fait une
authentique liberté pour l’accomplissement de sa mission. »
Et le Concile rappelle Ă©galement que
tous ceux qui possèdent une opinion politique doivent demeurer modestes pour
savoir aussi donner raison aux autres. (G.S. 43,3) : « Fréquemment,
c’est leur vision chrétienne des choses qui les inclinera à telle ou telle
solution, selon les circonstances. Mais d’autres fidèles, avec une égale
sincérité, pourront en juger autrement, comme il advient souvent et à bon
droit. S’il arrive que beaucoup lient facilement, même contre la volonté
désintéressée, les options des uns ou des autres avec le message évangélique,
on se souviendra en pareil cas que personne n’a le droit de revendiquer d’une
manière exclusive pour son opinion l’autorité de l’Église. Que toujours, dans
un dialogue sincère, ils cherchent à s’éclairer mutuellement, qu’ils gardent
entre eux la charité et qu’ils aient avant tout le souci du bien commun. »
Comme cela apparaît opportun quand il
existe tant de fanatiques qui affirment être les seuls à posséder la solution
de la situation du pays : « La Junte du gouvernement n’a pas raison,
ou quelconques gouvernements. Nous seuls avons raison, les autres ont
tort. » C’est entre nous tous qu’il nous faut rechercher la solution et
ceux qui s’entêtent pour demeurer dans leur pensée unique, pèchent contre le
bien commun. Même s’ils ne sont pas chrétiens, qu’ils ont diverses options
politiques, ils peuvent s’approprier la pensée de l’Église pour eux-mêmes. Le
sol de la vérité du Christ est si fécond qu’il peut illuminer le pluralisme
idéologique, non seulement politique, mais aussi dans toutes les techniques,
les sciences et les arts de la nature qui possèdent également leur propre
autonomie.
Je crois que cela est très actuel et
de beaucoup de transcendance quand chacun cherche à s’approprier le monopole de
la vérité, Lui seul peut dire : « Je suis la vérité et celui qui est
de la vérité écoute ma voix. » Quant à tous les autres, nous devons
respecter les opinions et les options des autres, en apprenant Ă faire
confiance aux gens parce qu’ils sont fils et filles de Dieu et qu’ils aient des
capacités peut-être meilleures que les miennes. 25/11/79, p.474-477, VII.
3) Parce que l’objectif du Christ est
la libération intégrale de tous les hommes
A) Interprétation collective du
« Fils de l’Homme » glorifié : le Christ – Peuple de Dieu.
Dans la première lecture (Dn 7,13-14)
quand on parle du Fils de l’Homme qui vient sur les nuées et qui s’approche du
trône de Dieu, les interprètes ont cette belle opinion : que ce Fils de
l’Homme glorifié n’est pas le Christ individuel, c’est le Christ avec tous les
chrétiens. Tout le corps mystique, tous ceux qui ont cru en Lui, tous ceux qui
sont morts fidèles à sa suite, seront glorifiés en une seule tête qui est le
Christ. Et ce corps mystérieux du Christ, fait d’hommes qui le suivirent sur
cette Terre, sera, précisément, la Gloire de l’Église céleste dans sa
consommation. Nous aurons le bonheur d’être, si nous nous sauvons, membres
vivants du Fils de l’Homme glorifié comme Fils de Dieu. Efforçons-nous d’être
fidèles pour mériter cette promotion sans égale.
B) Les fruits de la RĂ©demption :
le Règne de Dieu
C’est pourquoi dans cette seconde
lecture, l’Apocalypse nous relate les divers fruits de ce Règne de Dieu,
travaillés par le Christ, sur cette Terre.
Quand on l’appelle le
« Premier-né d’entre les morts. »
Comme si nous disions : la
première fleur qui jaillit d’un jardin nouveau; la première récolte d’un arbre
que nous avons planté avec tant de soin. Cette Église va donner des fruits de
résurrection. Et le premier Ressuscité, le Premier-né, le premier Fruit de
Pâques, c’est le Christ Notre Seigneur. Ce titre provoque en moi et en nous
tous, l’ardent désir de suivre ce Premier-né. Nous serons engendrés aussi par
cette gloire de Pâques et de la Résurrection. Déjà le Christ ressuscité a posé en
ce monde le principe de l’immortalité. Bienheureux ceux qui croient au Christ
mort et ressuscité parce qu’ils ont déjà semé en leur âme, les germes de la vie
Ă©ternelle.
L’Apocalypse dit également :
« Il nous aima. »
C’est la cause première. Dieu nous
aima et son amour se fit concrétion humaine en Jésus-Christ Notre Seigneur.
Regardez le Christ devant un infirme, devant un aveugle, avec un invalide, un
pécheur, Il est la miséricorde, Il est l’amour de Dieu sur les chemins de la Terre. Qui ne s’est pas
approché avec affection de l’amour du Seigneur présent en Jésus-Christ? Il a
vécu sur la Terre et nous aima. (Ap 1,5) : « Il nous aime, dit
l’Apocalypse, et Il nous a lavés de nos péchés par son sang. »
Il savait que le Père lui demandait
comme prix du pardon, son propre sang et Il n’eut pas horreur des terribles
épreuves du Vendredi saint, sinon qu’Il se livra. En sa chair allaient toutes
nos iniquités, dit le prophète. Et Dieu Lui chargea le prix de notre
libération. Il n’existe pas de libération plus profonde que celle du Christ.
Comme apparaissent ridicules les libérations qui parlent seulement d’avoir de
meilleurs salaires, d’avoir davantage d’argent, de meilleurs prix! Les
libérations qui ne parlent que de changements politiques, de personnages dans
le gouvernement, ne sont que des parcelles de la grande Libération,
celle qui paya Ă la racine tous nos maux, toutes nos injustices. Et, si les
libérations de la Terre ne s’insèrent pas dans cette Libération du Grand
Libérateur, le Christ, elles demeureront mutilées, elles ne seront pas
d’authentiques libérations et demeureront partielles…
L’Apocalypse poursuit avec cette
phrase géniale (Ap 1,6) : « Il a fait de nous une Royauté de Prêtres,
pour son Dieu et son Père… »
Comme est grandiose la dignité du
chrétien, Il a fait de nous une Royauté. Nous tous, si nous Le suivons et
croyons en Lui, si nous nous convertissons, nous sommes le Règne de Dieu. Et
son Règne n’aura pas de fin et nous ne connaîtrons pas de fin à l’intérieur de
ce Règne. La grande espérance est ici, c’est cela la grande promotion. Plus
encore, Il ne se contenta pas seulement de nous établir sujet de son Règne,
sinon qu’Il nous fit prêtres, c’est à dire, que nous partageons la dignité que
le baptême nous communique d’être un peuple sacerdotal.
Depuis notre propre rĂ´le en ce monde,
être prêtres qui consacrent le monde à Dieu. L’avocat, le médecin, le
politicien, le ministre, le journalier, l’ouvrier, la vendeuse du marché,
l’étudiant, toutes les catégories humaines. Quand je vis cette beauté de la
Rédemption que je porte par mon baptême et ma dignité de Peuple sacerdotal, je
consacre à Dieu ce bureau, cette clientèle, ce travail.
Cela serait la théologie la plus profonde
pour laver notre patrie de tant de pourriture dont l’ont souillée nos mauvais
gouvernements et ses mauvais serviteurs. Comme le Salvador serait différent,
nous ne vivrions pas cette crise si nous avions vraiment partagé cet
enseignement du Christ Roi, qui a fait de nous tous, Salvadoriens, des sujets
du Règne de Dieu, Peuple sacerdotal, afin que nous rendions digne notre vie,
notre foyer, pour ne pas tromper notre femme, pour ne pas avoir des enfants en
dehors du mariage, pour respecter la femme, pour respecter son grand labeur de
fécondité, pour ne pas faire de la vie une maison de prostitution, un larcin,
une source de péché, sinon un lieu de Rédemption pour sanctifier cette vie que
Dieu nous a donnée et qui est bonne pour nous, mais que nous souillons de tant
de péchés.
Soyons dignes de cette grandeur parce
que la fête du Christ Roi ne consiste pas à venir féliciter le Christ parce
qu’Il est Roi, mais plutôt pour dire : « Seigneur, ton Règne me
complique terriblement la vie parce que moi aussi je suis membre de cette
responsabilité royale et dans le monde je dois aussi te faire régner. »
25/11/79, p.477-479, VII.
Le Règne du Christ ne s’identifie pas
avec Pilate ni avec aucun règne, sinon qu’il maintient toujours une capacité
supérieure à quelconque réalisation historique. Et, pourtant, ne doutez pas,
frères, de votre Église, elle ne peut s’engager avec aucun régime politique.
Elle doit toujours se maintenir au-dessus de la mêlée pour pouvoir indiquer
d’autres chemins meilleurs, parce que la capacité du Règne de Dieu viendra
toujours perfectionner les systèmes aussi parfaits qu’ils apparaissent à un
moment donné. On pourra toujours faire mieux et c’est cela, la mission de
l’Église : signaler, comme le Christ face à Pilate, que son Règne n’est
pas de ce monde parce qu’elle transcende tous les règnes et qu’elle veut les
rendre encore plus parfaits que le plus parfait des règnes de ce monde.
25/11/79, p.483, VII.