Le Christ-Roi, Clé et orientation de notre histoire

 

Trente-quatrième dimanche du temps ordinaire; 25 novembre 1979; Lectures : Daniel 7,13-14; Apocalypse 1,5-8; Jean 18,33-37.

 

Pour trois raisons :

Plan de l’homĂ©lie :

1) Parce que le Règne du Christ est le Règne de Dieu

2) Parce que la mission du Christ est la vérité

3) Parce que l’objectif du Christ est la libération intégrale de tous les hommes

 

 

1) Parce que le Règne du Christ est le Règne de Dieu

 

 

A) Il est Roi

 

Avant tout, confions-nous dans cette grande vĂ©ritĂ© qu’Il affirma devant Ponce Pilate : « Rex sum ego Â», « Je suis Roi. Â»

 

L’Évangile recueille les promesses et les attentes de tout l’Ancien Testament.

 

Les Juifs attendaient un Roi-Messie qui leur avait été promis comme un descendant de David.

 

Saint Jean nous relate le récit de la passion de Jésus-Christ, mais également celui de sa glorification. Malgré les humiliations de la passion, Jean nous présente la sérénité de ce Roi.

 

MalgrĂ© son « ironie Â», la scène du PrĂ©toire, marque la proclamation officielle et l’intronisation de ce Roi. C’est saint Jean lui-mĂŞme qui est l’apĂ´tre de l’ironie. Et dans une ironie magistrale, il nous raconte l’humiliation du Christ, rien de moins que la proclamation officielle du plus grand Empire de l’histoire : le Christ est le vĂ©ritable Roi.

 

Vous avez entendu dans le dialogue d’aujourd’hui (Jn 18,33-37) entre les reprĂ©sentants de ce puissant Empire romain qui dit au roi menottĂ© : « Es-tu le roi des Juifs? Â» Et le Christ, dans un dialogue avec Pilate, termine en disant (Jn 18,37) : « Tu le dis : je suis roi. Je suis nĂ©, et je suis venu dans le monde pour rendre tĂ©moignage Ă  la vĂ©ritĂ©. Quiconque est de la vĂ©ritĂ© Ă©coute ma voix. Â»

 

Couronnement, sceptre, manteau, trône… cérémonial sanglant

Et la narration de Jean continue en nous racontant le couronnement d’épines, le sceptre, le manteau, le trĂ´ne, une croix; mais au milieu de cette cĂ©rĂ©monie sanglante, on intronise un roi. Au milieu de l’ironie envers un condamnĂ©, Dieu proclame, en se servant de l’Empire romain, cette inscription sur la croix : « JĂ©sus de Nazareth, Roi des Juifs. Â» Et non seulement des Juifs, mais de tous les peuples. Nous autres recueillons tout le riche contenu de ce cĂ©rĂ©monial en lui enlevant la couronne d’épines, en lui lavant ce sang, et il demeure bien clair et merveilleux que le Christ est un Roi très diffĂ©rent des rois de ce monde.

 

 

B) Le Règne du Christ est le Règne de Dieu

 

Pilate ne craint pas une rivalité politique, mais il pressent son pouvoir divin.

 

Nous avons dit au premier point de cette rĂ©flexion que son Règne est le Règne de Dieu, Pilate ne craint pas de ce roi de carnaval, une quelconque rivalitĂ© politique, il s’en moque mĂŞme. Cependant, il pressent en cet homme un mystère divin. Sa femme, elle-mĂŞme lui envoie un message pour lui dire (Mt 27,19) : « Ne te mĂŞle point de l’affaire de ce juste; car aujourd’hui j’ai Ă©tĂ© très affectĂ©e dans un songe Ă  cause de lui. Â» Et Pilate fut lui-mĂŞme effrayĂ© lorsqu’il entendit dire que JĂ©sus Ă©tait Fils de Dieu. Dans la mentalitĂ© polythĂ©iste d’un Romain, il s’imagina qu’il s’agissait d’un dieu qui Ă©tait tombĂ© d’on ne sait oĂą et il demanda Ă  JĂ©sus : « D’oĂą es-tu? Â» Cependant, le Christ connaĂ®t, et nous aussi, croyants, l’origine de ce roi.

 

ProphĂ©tie classique : « L’Ancien et le Fils de l’Homme qui vient sur les nuĂ©es du Ciel. Â»

 

Dans la première lecture d’aujourd’hui (Dn 7,13-14), nous rencontrons la prophĂ©tie classique, celle que les anciens gardaient comme la promesse : le Fils de l’Homme qui vient sur les nuĂ©es avec grand pouvoir et majestĂ©. Cette majestĂ© et ce pouvoir, Il le tire de ce trĂ´ne que Daniel nous prĂ©sente Ă©galement, oĂą est assis l’Ancien, ridĂ©, reprĂ©sentant la vieillesse vĂ©nĂ©rable, le Père, le divin, et c’est de lĂ  que proviennent les nuĂ©es, le Règne qui vient Ă  cette Terre, il ne provient pas d’ici.

 

 

Doxologie d’éternité

 

Les doxologies que recueille la seconde lecture, l’Apocalypse (1,5-8), chantent les gloires d’un Règne qui n’est pas de ce monde (Ap 1,6) : « Ă€ lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen. Â» Comme l’écho des anges qui s’entend en descendant sur la Terre. Et dans la voix du Christ, la parole mĂŞme de Dieu (Ap 1,8) : « Je suis l’Alpha et l’OmĂ©ga, dit le Seigneur Dieu, le principe et la fin, le Tout-Puissant. Â» L’Alpha et l’OmĂ©ga, comme vous savez, sont la première et la dernière lettre de l’alphabet grec, comme pour dire : je comprends toutes les langues et les Ă©critures, Je suis le secret de tout ce qui existe, le dĂ©but et la fin. Quand commença la nature, J’existais dĂ©jĂ  et, lorsque se terminera l’Histoire, Je serai toujours prĂ©sent. L’Histoire dont les humains se glorifient tant, n’est rien d’autre qu’une motte de terre dans le sol de l’éternitĂ© que Je suis.

 

 

Le Christ a apporté le Règne de Dieu sur Terre

 

C’est pourquoi le Concile Vatican II, lorsqu’il nous parle de ce Règne de Dieu, dit que le Christ l’a apportĂ© : le mystère de la sainte Église se manifeste dans sa fondation. Le Seigneur JĂ©sus, en effet, inaugura son Église en prĂŞchant la Bonne Nouvelle, c’est-Ă -dire la venue du Royaume de Dieu promis depuis des siècles dans les Écritures : « Les temps sont accomplis, le Royaume de Dieu est proche Â» (Mc 1,15; cf. Mt 4,17). Et l’Église est le tĂ©moignage que ce Règne existe ici parmi nous.

 

… Mais avant tout, dit le Concile, le Royaume se manifeste dans la Personne mĂŞme du Christ, Fils de Dieu et Fils de l’homme, qui est venu « pour servir et donner sa vie comme rançon d’un grand nombre Â» (Mc 10,45) (L.G. 5)

 

Relation Règne de Dieu et Église.

 

Ici, on nous exprime une relation très intĂ©ressante de ce Règne de Dieu, apportĂ© par le Christ et que l’Église sert. Quelle relation y a-t-il entre le Règne de Dieu et l’Église? L’Église n’est pas tout le Règne de Dieu. L’Église est servante du Règne de Dieu, elle annonce le Règne de Dieu et le plus beau de tout est que l’Église, comme le dit le Concile : « elle reçoit la mission d’annoncer et d’instaurer en toutes les nations le Royaume du Christ et de Dieu dont, sur la Terre oĂą elle constitue le germe et le commencement de ce Règne. Â» (L.G. 5)

 

Voyez quel honneur, l’Église est le témoignage que le Règne de Dieu est déjà parmi nous, et elle-même, l’Église, est son germe, petit comme la semence. Toute l’humanité est plus immense que l’Église, mais celle-ci possède le germe du Règne de Dieu. Lorsque nous devenons plus chrétiens, nous sommes davantage témoignage de cette grande vérité, du Règne du Ciel qui est descendu pour se faire Règne des hommes.

 

 

C) Relation Règne de Dieu et règnes historiques

 

Quelle est alors la relation entre le Règne de Dieu et les règnes historiques?

 

Encourager dans la persécution

 

Selon la mentalitĂ© des Juifs, il existait une lutte Ă  mort entre le Dieu qui règne et le dĂ©mon qui veut lui arracher son empire. C’est ainsi que nous est prĂ©sentĂ©e l’histoire d’IsraĂ«l : comme une lutte entre Dieu et le dĂ©mon; et les règnes de la Terre se convertissent parfois en agents de ce règne de l’enfer qui combattent contre Dieu. Et pour animer, donner courage, dans les jours de persĂ©cutions, ils faisaient briller Ă  nouveau toute cette croyance et toute cette espĂ©rance.

 

 

Les quatre empires qui ont dominé la Palestine

 

C’est pour cela que cette prophĂ©tie de la première lecture (Dn 7,13-14), avant de nous dire cette louange au Roi des Cieux qui vient sur des nuĂ©es, nous raconte l’histoire d’IsraĂ«l, surtout sous les quatre empires qui ont dominĂ© IsraĂ«l : Nabuchodonosor, le roi de Babylone qui domina la Palestine et qui a dĂ©portĂ© les fils du Règne de Dieu. Mais cet empire fut vaincu rapidement par les Mèdes et le pauvre peuple d’IsraĂ«l passe Ă  un autre maĂ®tre. Peu après, l’Empire perse, avec le providentiel Cyrus rend la libertĂ© aux IsraĂ©lites pour qu’ils aillent construire un nouveau temple Ă  JĂ©rusalem. Mais une fois Ă  JĂ©rusalem, ils subissent une autre invasion, celle des Grecs, l’empire d’Alexandre de MacĂ©doine.

 

 

Les deux révélations

 

La statue de Nabuchodonosor

C’est ce que recueille le prophète Daniel pour le représenter dans sa fameuse vision, une statue avec une tête d’or, avec un tronc de bronze, avec des bras de fer et des pieds de terre. Qu’une petite pierre de la montagne, dont personne ne se méfia, est venue et a détruit la statue des quatre empires et la petite pierre commença à croître jusqu’à devenir une montagne qui est le Règne de Dieu sur les empires détruits.

 

 

Les quatre bĂŞtes

 

Le prophète Daniel nous présente également la tempête qui un jour agitait la mer, et depuis la mer surgissent quatre bêtes. La première en forme de lion, une autre en forme d’ours, une autre, de léopard, et enfin une quatrième bête qu’il ne mentionne ni ne décrit, mais dont il dit que ses dents et ses griffes sont de fer, qu’elle est assoiffée de sang et qu’elle dévore la chair. C’est la mystérieuse apocalypse qui décrit la persécution des fidèles de Dieu. C’est alors que surgit sur ces animaux, déjà morts, le trône du Tout-Puissant, d’où provient le Roi qui vient à ce monde. Encore une fois apparaît le triomphe de Dieu sur les empires historiques.

 

 

L’Apocalypse, encouragement aux chrétiens dans la persécution

 

Quoi d’autre que la seconde lecture d’aujourd’hui (Ap 1,5-8) quand l’Apocalypse nous dĂ©crit le Prince des rois de la Terre? « Chacun le verra, mĂŞme ceux qui l’ont transpercĂ©, et sur Lui se lamenteront toutes les races de la Terre. Â» L’Apocalypse c’est dĂ©jĂ  une autre Ă©poque. Il fut Ă©crit par saint Jean pour donner courage aux chrĂ©tiens qui souffraient la persĂ©cution de NĂ©ron. Il ne s’agissait dĂ©jĂ  plus des quatre vieux empires.

 

Au temps du Christ, c’était l’Empire romain qui gouvernait la Palestine et les chrĂ©tiens, tant Ă  Rome qu’en Terre Sainte. Plusieurs souffraient de cette persĂ©cution et, pour les encourager afin qu’ils ne se soumettent point, saint Jean leur dĂ©crit le destin du Règne de Dieu en comparaison des destinĂ©es fragiles des règnes de la Terre. « Chacun Le verra, mĂŞme ceux qui L’ont transpercĂ©. Â» Les Romains qui furent les instruments de sa crucifixion Le verront et les peuples qui l’ont dĂ©prĂ©ciĂ©, pleureront sur Lui. C’est cela le dĂ©nouement de l’Histoire. Le Seigneur est le MaĂ®tre de l’Histoire, Il est le Roi des siècles. 25/11/79, p.467-472, VII.

 

 

Communauté qui réfléchit

 

L’Évangile de saint Jean est écrit dans un contexte semblable à l’Apocalypse. C’est sous Ponce Pilate, sous la superbe et l’orgueil des Romains, que cet Évangile narre la passion du Christ, qui se dénoue dans la Résurrection finale du Seigneur. Cet Évangile a été écrit pour donner courage aux premières communautés pour qu’elles demeurent fidèles à ce Roi que personne ne peut vaincre. Ceux-là mêmes qui Le transpercèrent, qui Le clouèrent, qui Lui plantèrent la lance dans le côté, qui Lui crachèrent au visage, qui Le couronnèrent d’épines, vont Le voir. Comme sera terrible cette rencontre avec le Roi qu’ils ont traité de la sorte.

 

 

Mon Règne n’est pas de ce monde

 

Dans l’Évangile, la rĂ©flexion chrĂ©tienne grava cette phrase immortelle de JĂ©sus-Christ : « Tu es le roi des Juifs? Â» lui demande Pilate. Et il rĂ©pond (Jn 18,36) : « Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume Ă©tait de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livrĂ© aux Juifs. Â» Il Ă©tait juif, mais Il dit cependant : « Mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livrĂ© aux Juifs. Â»

 

 

Non pas au niveau des rivalités politiques

 

Il Ă©tait un Roi supĂ©rieur Ă  sa patrie elle-mĂŞme, c’était un Roi qui, s’il est certain qu’Il a dit « mon royaume n’est pas de ce monde Â», ce n’est pas pour se marginaliser de ces royaumes, mais pour dire : « Mon royaume ne se situe pas au niveau politique des règnes de ce monde, vous n’avez rien Ă  craindre de mes armĂ©es, je n’en ai pas; n’ayez pas peur de ma diplomatie, je n’en ai aucune; je ne suis pas un pouvoir politique, n’ayez crainte. Â»

 

Ponce Pilate, lui-mĂŞme, diplomate et politicien, ne trouve pas de motif pour condamner le Seigneur, si ce n’est le caprice des Juifs qui se prĂ©valent d’un argument politique (Jn 18,12) : « Si tu le relâches, tu n’es pas ami de CĂ©sar : quiconque se fait roi, s’oppose Ă  CĂ©sar. Â» C’est pour protĂ©ger sa position que Pilate commet cette grande injustice. Mais qu’il demeure bien clair : que le Christ Notre Seigneur a proclamĂ© que son Royaume n’est pas de niveau politique, que son Règne descend du Ciel investi de pouvoirs divins pour soumettre Ă  la loi de Dieu, Ă  la vĂ©ritĂ© de Dieu, tous les empires du monde.

 

 

Il est dans le monde pour le transcender

 

Il ne possède pas de limites, des frontières, parce que son Règne est sans frontière, Il transcende tous les peuples. Il n’est pas de ce monde, et les gouvernants et les législations doivent s’y soumettre. Qu’il serait facile de comprendre notre agir chrétien, notre action pastorale et ecclésiale. Combien de réflexions de groupes chrétiens paraissent semblables à des analyses politiques? Ils ont oublié que là n’est pas notre force. Combien de chrétiens possèdent un tel respect envers leur parti politique ou leur organisation politique et, pour leur plaire, peu leur importe d’agir contrairement à ce qu’enseigne l’Église? À quelle fréquence formons-nous des groupes politiques plutôt que des communautés chrétiennes? Il nous faut tenir compte de l’attitude du Christ devant Pilate et devant tous les empires et les politiques du monde, pour se maintenir autonome, Roi qui est descendu du Ciel et qui s’incarne sur cette Terre pour transcender les règnes à partir de ses propres entrailles, mais ne s’identifiant jamais à eux.

 

Je voudrais, très chers frères et, surtout, vous, chères communautĂ©s de base, agents de pastorale, prĂŞtres, que vous sachiez que nous n’avons rien Ă  mendier aux politiques de la Terre quand nous possĂ©dons une lumière qui Ă©claire toutes ces politiques. Ne soyons pas partiaux envers aucun secteur, maintenons l’autonomie du Christ mĂŞme quand nous sommes menottĂ©s devant Ponce Pilate : « Mon Royaume n’a rien que vous ayez Ă  craindre parce qu’il est supĂ©rieur Ă  tous les royaumes de la Terre. Â» Ou comme nous chantons le Jour des Rois : devant HĂ©rode qui avait peur que l’enfant qui venait de naĂ®tre lui enlève son empire, l’Église lui chante : « Ne crains pas HĂ©rode, Il ne vient pas pour s’emparer des royaumes temporels, Celui qui donne des règnes Ă©ternels. Â»

 

Il est certain que nous ne pouvons pas ignorer les réalités politiques de la Terre, les réalités économiques et sociales, mais soyons toujours comme la lumière qui illumine sans se laisser contaminer par les réalités qu’elle éclaire, sinon qu’elle les pénètre en leur donnant sa chaleur, mais en conservant toujours son autonomie de soleil et de lumière. 25/11/79, p.472-473, VII.

 

 

2) Parce que la mission du Christ est la vérité

 

Pourquoi le Christ put-il dire « mon Règne n’est pas de ce monde Â» et, cependant, ĂŞtre proclamĂ© aujourd’hui Roi Universel?

 

Quel dialogue plus intĂ©ressant, qui pervertit un peu l’horizon de la question, mais ne la dĂ©nature pas, sinon qu’elle l’approfondit jusqu’à sa plus grande profondeur, quand Pilate dit (Jn 18,37) : « Donc, tu es roi? Â» JĂ©sus lui rĂ©pondit : « Tu le dis : je suis roi. Je suis nĂ©, et je ne suis venu dans le monde que pour rendre tĂ©moignage Ă  la vĂ©ritĂ©. Quiconque est de la vĂ©ritĂ© Ă©coute ma voix. Â»

 

 

La vérité est fidélité

 

La vĂ©ritĂ© au sens biblique peut signifier la vĂ©ritĂ© contre le mensonge, mais elle peut aussi vouloir dire « fidĂ©litĂ© Â». Elle est bien plus souvent utilisĂ©e en ce sens parce que la vĂ©ritĂ© est fidĂ©litĂ© et c’est le Christ qui nous en donne le tĂ©moignage le plus Ă©loquent de la fidĂ©litĂ© de Dieu. La Bible appelle le Christ « l’Amen de Dieu Â». En Lui s’accomplissent, jusqu’aux ultimes consĂ©quences, toutes les promesses de Dieu aux ĂŞtres humains. Le Christ est la promesse accomplie, le Christ est la fidĂ©litĂ© de Dieu, le Christ est la vĂ©ritĂ©. Il est l’Alpha et l’OmĂ©ga, le commencement et la fin de tout ce qui existe : personne ne connaĂ®t aussi Ă  fond la rĂ©alitĂ© des choses que le Roi de la vĂ©ritĂ©. C’est pourquoi personne ne peut traiter le Christ de menteur. Saint Jean dit qu’il n’était pas nĂ©cessaire de Lui dire ce qu’il y avait dans le cĹ“ur d’un homme parce qu’Il connaĂ®t ce qu’il y a dans le cĹ“ur de chacun.

Comme devait ĂŞtre Ă©pouvantable le regard du Christ quand on mĂ©disait de Lui, ne serait-ce qu’en pensĂ©e. Il les regardait droit dans les yeux en pensant : « Hypocrites, Ă  quoi pensez-vous? Â» C’est que devant la vĂ©ritĂ©, l’intrigue a honte. Lorsque l’Évangile commence Ă  nous raconter le mystère de l’incarnation du Verbe, la Parole Ă©ternelle de Dieu, la Parole qui contient tout ce qui a Ă©tĂ© crĂ©Ă© et l’infini de Dieu, cette Parole s’est faite homme. Et alors dit saint Jean : « Nous avons vu en Lui le Fils de Dieu rempli de grâce et de vĂ©ritĂ©. Â» Comme est belle cette figure personnifiĂ©e de la vĂ©ritĂ© : le Christ, la Parole Ă©ternelle fait homme! Il n’existe pas d’amitiĂ© plus grande que l’amitiĂ© d’un homme sincère. Qui est plus franc et plus sincère que le Christ! Il est la vĂ©ritĂ©.

 

 

Vraie aussi est la révélation

 

Tout ce que Dieu a voulu manifester aux ĂŞtres humains est contenu dans le Christ. Quand ce Dernier fit ses adieux Ă  ses apĂ´tres, Il leur dit (Jn 15,15) : « Je ne vous appelle plus serviteur […], mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaĂ®tre. Â» Il n’y a dĂ©jĂ  plus de secret pour le chrĂ©tien qui veut aimer ce tĂ©moin de la vĂ©ritĂ© : JĂ©sus-Christ, qui nous a apportĂ© des entrailles de Dieu tout ce qui est nĂ©cessaire de connaĂ®tre pour la vie. Bienheureux l’homme qui a la foi dans la vĂ©ritĂ©. Pauvre d’eux, ceux qui n’ont pas la foi, les sceptiques, ceux qui se sont Ă©loignĂ©s du Christ, Lui seul peut nous donner la lumière de vĂ©ritĂ©.

 

 

« Fidèle TĂ©moin Â»

 

Dans la seconde lecture d’aujourd’hui, l’Apocalypse (1,5-8) le nomme : « Le Fidèle TĂ©moin Â». Le Fidèle TĂ©moin c’est celui qui put dire Ă  Nicodème : « Ce que nous avons vu nous l’avons rapportĂ©. Â» Nous ne disons pas des choses distinctes, nous sommes des tĂ©moins de la VĂ©ritĂ© de Dieu. Face Ă  cette vĂ©ritĂ©, quelle est notre attitude?

 

 

Rester seul face au monde : le Christ

 

Ce moment oĂą le Christ reste seul devant le monde reprĂ©sentĂ© par Pilate m’apparaĂ®t très impressionnant. La VĂ©ritĂ© demeure seule, mĂŞme ses propres disciples ont eu peur. La VĂ©ritĂ© est terriblement audace, seuls les hĂ©ros peuvent la suivre. Cela est si vrai que Pierre, qui avait pourtant jurĂ© de mourir si cela Ă©tait nĂ©cessaire, a fui lâchement et le Christ demeura seul. N’ayons pas peur de demeurer seuls si c’est en honneur de la vĂ©ritĂ©. Ayons plutĂ´t peur d’être des dĂ©magogues et de rechercher les fausses adulations du peuple. Si nous ne disons pas la vĂ©ritĂ©, nous commettons le pire des pĂ©chĂ©s : nous trahissons la vĂ©ritĂ© et nous trahissons le peuple. Pour le Christ il est terrible de demeurer seul, mais devant le monde reprĂ©sentĂ© par Pilate Il put dire (Jn 18,37) : « Quiconque est de la vĂ©ritĂ© Ă©coute ma voix. Â»

 

 

IndiffĂ©rence de Pilate : « Qu’est-ce que la vĂ©ritĂ©? Â»

 

Ici apparaĂ®t l’attitude de Pilate, avec une question il rĂ©sout le problème. Quand le Christ lui a dit : « Quiconque est de la VĂ©ritĂ© Ă©coute ma voix. Â» Pilate, avec un orgueil et un mĂ©pris digne d’un Romain hautain lui dit (Jn 18,38) : « Qu’est-ce que la vĂ©ritĂ©? Â» Il tourne le dos et continue le procès pour que le Christ soit flagellĂ©, pour qu’on le livre Ă  la mort. Combien proche, fut cet homme de la vĂ©ritĂ©, mais avec ce scepticisme, cet orgueil et ce rejet de Dieu, il n’a pas su profiter du moment oĂą il fut face Ă  face avec la vĂ©ritĂ©.

 

 

En ces temps d’opinions politiques : le Concile Vatican II

 

En ces temps, où abondent les opinions politiques, il serait bon de tenir compte du fait que seul le Christ possède la vérité et que la vérité peut être interprétée de plusieurs manières. J’ai apporté ici le texte du Concile qui parle de la diversité en matière de politique. Cette pensée demeure encore d’actualité. Devant le seul qui possède toute la vérité qu’est le Christ, les humains ne possèdent que la foi. Nous possédons la vérité du Christ, mais il peut exister plusieurs façons de l’appliquer aux réalités concrètes.

 

Écoutez cette pensĂ©e de l’Église au Concile (GS. 42,4) : « â€¦ par sa mission et sa nature, l’Église n’est liĂ©e Ă  aucune forme particulière de culture, ni Ă  aucun système politique, Ă©conomique ou social, par cette universalitĂ© mĂŞme, l’Église peut ĂŞtre un lien très Ă©troit entre les diffĂ©rentes communautĂ©s humaines et entre les diffĂ©rentes nations, pourvu qu’elles lui fassent confiance et lui reconnaissent en fait une authentique libertĂ© pour l’accomplissement de sa mission. Â»

 

Et le Concile rappelle Ă©galement que tous ceux qui possèdent une opinion politique doivent demeurer modestes pour savoir aussi donner raison aux autres. (G.S. 43,3) : « FrĂ©quemment, c’est leur vision chrĂ©tienne des choses qui les inclinera Ă  telle ou telle solution, selon les circonstances. Mais d’autres fidèles, avec une Ă©gale sincĂ©ritĂ©, pourront en juger autrement, comme il advient souvent et Ă  bon droit. S’il arrive que beaucoup lient facilement, mĂŞme contre la volontĂ© dĂ©sintĂ©ressĂ©e, les options des uns ou des autres avec le message Ă©vangĂ©lique, on se souviendra en pareil cas que personne n’a le droit de revendiquer d’une manière exclusive pour son opinion l’autoritĂ© de l’Église. Que toujours, dans un dialogue sincère, ils cherchent Ă  s’éclairer mutuellement, qu’ils gardent entre eux la charitĂ© et qu’ils aient avant tout le souci du bien commun. Â»

 

Comme cela apparaĂ®t opportun quand il existe tant de fanatiques qui affirment ĂŞtre les seuls Ă  possĂ©der la solution de la situation du pays : « La Junte du gouvernement n’a pas raison, ou quelconques gouvernements. Nous seuls avons raison, les autres ont tort. Â» C’est entre nous tous qu’il nous faut rechercher la solution et ceux qui s’entĂŞtent pour demeurer dans leur pensĂ©e unique, pèchent contre le bien commun. MĂŞme s’ils ne sont pas chrĂ©tiens, qu’ils ont diverses options politiques, ils peuvent s’approprier la pensĂ©e de l’Église pour eux-mĂŞmes. Le sol de la vĂ©ritĂ© du Christ est si fĂ©cond qu’il peut illuminer le pluralisme idĂ©ologique, non seulement politique, mais aussi dans toutes les techniques, les sciences et les arts de la nature qui possèdent Ă©galement leur propre autonomie.

 

Je crois que cela est très actuel et de beaucoup de transcendance quand chacun cherche Ă  s’approprier le monopole de la vĂ©ritĂ©, Lui seul peut dire : « Je suis la vĂ©ritĂ© et celui qui est de la vĂ©ritĂ© Ă©coute ma voix. Â» Quant Ă  tous les autres, nous devons respecter les opinions et les options des autres, en apprenant Ă  faire confiance aux gens parce qu’ils sont fils et filles de Dieu et qu’ils aient des capacitĂ©s peut-ĂŞtre meilleures que les miennes. 25/11/79, p.474-477, VII.

 

 

3) Parce que l’objectif du Christ est la libération intégrale de tous les hommes

 

 

A) InterprĂ©tation collective du « Fils de l’Homme Â» glorifiĂ© : le Christ – Peuple de Dieu.

 

Dans la première lecture (Dn 7,13-14) quand on parle du Fils de l’Homme qui vient sur les nuĂ©es et qui s’approche du trĂ´ne de Dieu, les interprètes ont cette belle opinion : que ce Fils de l’Homme glorifiĂ© n’est pas le Christ individuel, c’est le Christ avec tous les chrĂ©tiens. Tout le corps mystique, tous ceux qui ont cru en Lui, tous ceux qui sont morts fidèles Ă  sa suite, seront glorifiĂ©s en une seule tĂŞte qui est le Christ. Et ce corps mystĂ©rieux du Christ, fait d’hommes qui le suivirent sur cette Terre, sera, prĂ©cisĂ©ment, la Gloire de l’Église cĂ©leste dans sa consommation. Nous aurons le bonheur d’être, si nous nous sauvons, membres vivants du Fils de l’Homme glorifiĂ© comme Fils de Dieu. Efforçons-nous d’être fidèles pour mĂ©riter cette promotion sans Ă©gale.

 

 

B) Les fruits de la RĂ©demption : le Règne de Dieu

 

C’est pourquoi dans cette seconde lecture, l’Apocalypse nous relate les divers fruits de ce Règne de Dieu, travaillés par le Christ, sur cette Terre.

 

Quand on l’appelle le « Premier-nĂ© d’entre les morts. Â»

Comme si nous disions : la première fleur qui jaillit d’un jardin nouveau; la première rĂ©colte d’un arbre que nous avons plantĂ© avec tant de soin. Cette Église va donner des fruits de rĂ©surrection. Et le premier RessuscitĂ©, le Premier-nĂ©, le premier Fruit de Pâques, c’est le Christ Notre Seigneur. Ce titre provoque en moi et en nous tous, l’ardent dĂ©sir de suivre ce Premier-nĂ©. Nous serons engendrĂ©s aussi par cette gloire de Pâques et de la RĂ©surrection. DĂ©jĂ  le Christ ressuscitĂ© a posĂ© en ce monde le principe de l’immortalitĂ©. Bienheureux ceux qui croient au Christ mort et ressuscitĂ© parce qu’ils ont dĂ©jĂ  semĂ© en leur âme, les germes de la vie Ă©ternelle.

 

 

L’Apocalypse dit Ă©galement : « Il nous aima. Â»

 

C’est la cause première. Dieu nous aima et son amour se fit concrĂ©tion humaine en JĂ©sus-Christ Notre Seigneur. Regardez le Christ devant un infirme, devant un aveugle, avec un invalide, un pĂ©cheur, Il est la misĂ©ricorde, Il est l’amour de Dieu sur les chemins de la Terre. Qui ne s’est pas approchĂ© avec affection de l’amour du Seigneur prĂ©sent en JĂ©sus-Christ? Il a vĂ©cu sur la Terre et nous aima. (Ap 1,5) : « Il nous aime, dit l’Apocalypse, et Il nous a lavĂ©s de nos pĂ©chĂ©s par son sang. Â»

 

Il savait que le Père lui demandait comme prix du pardon, son propre sang et Il n’eut pas horreur des terribles épreuves du Vendredi saint, sinon qu’Il se livra. En sa chair allaient toutes nos iniquités, dit le prophète. Et Dieu Lui chargea le prix de notre libération. Il n’existe pas de libération plus profonde que celle du Christ. Comme apparaissent ridicules les libérations qui parlent seulement d’avoir de meilleurs salaires, d’avoir davantage d’argent, de meilleurs prix! Les libérations qui ne parlent que de changements politiques, de personnages dans le gouvernement, ne sont que des parcelles de la grande Libération, celle qui paya à la racine tous nos maux, toutes nos injustices. Et, si les libérations de la Terre ne s’insèrent pas dans cette Libération du Grand Libérateur, le Christ, elles demeureront mutilées, elles ne seront pas d’authentiques libérations et demeureront partielles…

 

L’Apocalypse poursuit avec cette phrase gĂ©niale (Ap 1,6) : « Il a fait de nous une RoyautĂ© de PrĂŞtres, pour son Dieu et son Père… Â»

Comme est grandiose la dignité du chrétien, Il a fait de nous une Royauté. Nous tous, si nous Le suivons et croyons en Lui, si nous nous convertissons, nous sommes le Règne de Dieu. Et son Règne n’aura pas de fin et nous ne connaîtrons pas de fin à l’intérieur de ce Règne. La grande espérance est ici, c’est cela la grande promotion. Plus encore, Il ne se contenta pas seulement de nous établir sujet de son Règne, sinon qu’Il nous fit prêtres, c’est à dire, que nous partageons la dignité que le baptême nous communique d’être un peuple sacerdotal.

 

Depuis notre propre rôle en ce monde, être prêtres qui consacrent le monde à Dieu. L’avocat, le médecin, le politicien, le ministre, le journalier, l’ouvrier, la vendeuse du marché, l’étudiant, toutes les catégories humaines. Quand je vis cette beauté de la Rédemption que je porte par mon baptême et ma dignité de Peuple sacerdotal, je consacre à Dieu ce bureau, cette clientèle, ce travail.

 

Cela serait la théologie la plus profonde pour laver notre patrie de tant de pourriture dont l’ont souillée nos mauvais gouvernements et ses mauvais serviteurs. Comme le Salvador serait différent, nous ne vivrions pas cette crise si nous avions vraiment partagé cet enseignement du Christ Roi, qui a fait de nous tous, Salvadoriens, des sujets du Règne de Dieu, Peuple sacerdotal, afin que nous rendions digne notre vie, notre foyer, pour ne pas tromper notre femme, pour ne pas avoir des enfants en dehors du mariage, pour respecter la femme, pour respecter son grand labeur de fécondité, pour ne pas faire de la vie une maison de prostitution, un larcin, une source de péché, sinon un lieu de Rédemption pour sanctifier cette vie que Dieu nous a donnée et qui est bonne pour nous, mais que nous souillons de tant de péchés.

 

Soyons dignes de cette grandeur parce que la fĂŞte du Christ Roi ne consiste pas Ă  venir fĂ©liciter le Christ parce qu’Il est Roi, mais plutĂ´t pour dire : « Seigneur, ton Règne me complique terriblement la vie parce que moi aussi je suis membre de cette responsabilitĂ© royale et dans le monde je dois aussi te faire rĂ©gner. Â» 25/11/79, p.477-479, VII.

 

Le Règne du Christ ne s’identifie pas avec Pilate ni avec aucun règne, sinon qu’il maintient toujours une capacitĂ© supĂ©rieure Ă  quelconque rĂ©alisation historique. Et, pourtant, ne doutez pas, frères, de votre Église, elle ne peut s’engager avec aucun rĂ©gime politique. Elle doit toujours se maintenir au-dessus de la mĂŞlĂ©e pour pouvoir indiquer d’autres chemins meilleurs, parce que la capacitĂ© du Règne de Dieu viendra toujours perfectionner les systèmes aussi parfaits qu’ils apparaissent Ă  un moment donnĂ©. On pourra toujours faire mieux et c’est cela, la mission de l’Église : signaler, comme le Christ face Ă  Pilate, que son Règne n’est pas de ce monde parce qu’elle transcende tous les règnes et qu’elle veut les rendre encore plus parfaits que le plus parfait des règnes de ce monde. 25/11/79, p.483, VII.