Le Projet de Dieu pour sauver le peuple

 

Trentième dimanche du temps ordinaire; 28 octobre 1979; Lectures : JĂ©rĂ©mie 31,7-9; HĂ©breux 5,1-6; Marc 10,46-52.

 

 

Sa propre identité

 

Le service que l’Église prĂŞte actuellement aux Salvadoriens est, avant tout, sa propre identitĂ© : ĂŞtre Église. Ce n’est pas en se convertissant en une force ou en une parole politique qu’elle va apporter son aide. Ce serait lĂ  dĂ©former sa perspective, ce serait une fausse parole. ĂŠtre elle-mĂŞme, ainsi comme lorsqu’une personne sincère se prĂ©sente telle qu’elle est, peu importe la situation, agrĂ©able ou dĂ©sagrĂ©able, sans feindre.

 

C’est ce qui fait la beauté de l’Église, la sincérité de l’Évangile. Dans les temps d’abondance ou dans les temps de persécution, dans l’ambiguïté ou l’adversité des situations diverses, elle demeure elle-même. J’envisage, et c’est là mon plus grand souhait comme pasteur, que nous construisions cette grande affirmation de l’Église qu’est le Règne de Dieu, de telle sorte qu’elle ne cherche pas à se battre avec personne, ni ne louanger personne, sinon être elle-même. Seraient bien avec elle, ceux qui, comme elle, proposent le Règne de Dieu sur la Terre, et se heurteraient à elle, ceux qui s’opposent au Règne de Dieu sur la Terre.

 

 

Évangélisation

 

C’est pourquoi, Ă©tant elle-mĂŞme, l’Église se prĂ©sente avec sa grande tâche essentielle : l’évangĂ©lisation. Sa tâche n’est pas autre chose qu’évangĂ©liser, porter par le monde ce commandement du Christ : « Allez et Ă©vangĂ©lisez. Â»

 

 

Orientation doctrinale

 

Il est certain qu’au travers des siècles la parole : « Ă©vangĂ©lisĂ© Â» a recouvert une amplitude chaque fois plus grande, plus large, et ainsi dans ma lettre pastorale je recueille ces aspects de l’évangĂ©lisation qui sont opportunes et nĂ©cessaires aujourd’hui : orientation doctrinale, dĂ©nonciation de l’erreur et du pĂ©chĂ© en fonction de la conversion, dĂ©masquer les idolâtries du peuple et de la sociĂ©tĂ©, promouvoir la libĂ©ration intĂ©grale du peuple, presser les changements profonds qui sont Ă  la base de toutes ces violences et de ces malaises, accompagner le peuple avec la sincĂ©ritĂ© de l’Église, le peuple pauvre et le peuple dirigeant, Ă  tout le peuple, pour lui dire sa fonction comme membre de ce peuple et comme instrument de Dieu pour implanter ce Règne sur la Terre.

 

 

Jean-Paul II: documents sur la Catéchèse

 

Jean-Paul II a accompli une promesse qu’il avait faite de recueillir l’hĂ©ritage de Paul VI, un document qui demeura inachevĂ© et qui comprenait la consultation Ă©piscopale du Synode de 1977, dont le thème fut la « catĂ©chèse Â». Le Pape, Jean-Paul II a recueilli cette consultation que Paul VI avait dĂ©jĂ  commencĂ©e Ă  Ă©laborer dans un document, lui apportant son style. Ce document dit dans sa prĂ©sentation : « La foi ferme est le don le plus valide que l’Église peut offrir au monde Ă©tourdi et inquiet de notre Ă©poque. Â» Ni plus ni moins, c’est ce que l’Église veut offrir : Le don valeureux de la foi. Comme je voudrais, mes frères, mes sĹ“urs, que dans le cĹ“ur de tous ceux qui font ici cette rĂ©flexion, la prière que nous venons de faire au Seigneur fasse son effet : augmente notre foi, notre espĂ©rance et notre amour!

 

Ceux qui viendraient Ă  la messe avec d’autres intentions, par curiositĂ©s politiques ou avec des intentions de venir y chercher la nouvelle et annoncer ensuite quelque chose d’alarmant, perdent leur temps. Je ne veux pas donner autre chose que ce don prĂ©cieux de la foi et ce que je vous demande c’est une attention de foi, non simplement une attention humaine, curieuse, mal intentionnĂ©e, mais une attention de foi; de telle manière que la parole que le Christ dit Ă  l’aveugle de l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 10,51), Il pourrait la dire Ă  chacun d’entre nous : « Ta foi t’a sauvĂ©, Â» et plaise Ă  Dieu que cette foi soit de caractère national pour que cette pauvre patrie, aveugle qui marche en trĂ©buchant comme les aveugles qui vont Ă  tâtons, recouvre la vue de la foi et le Seigneur lui dira : « Ta foi t’a sauvĂ©. Â»

Inviter à construire l’Église

 

Utilisons cette médecine à la base de nos problèmes en commençant par une foi personnelle, profonde; par la foi de nos familles. Il n’y a pas de plus grand don qu’on puisse offrir au monde étourdi et confus d’aujourd’hui qu’une foi sereine de l’homme ou de la femme qui connaît son origine, le sens de sa vie et vers où elle se dirige, faisant abstraction des va-et-vient de l’Histoire en collaborant ou mieux dit, dans la sérénité de la foi, en faisant face aux situations et aux conjonctures qui se multiplient si rapidement en cette heure. Nous ne vivons pas de conjonctures, d’impressions, d’émotions, de psychoses, nous vivons de foi. Ceci est ma première invitation. C’est pourquoi, nous construisons l’Église.

 

 

Non pas l’image

 

Une lettre que j’ai reçue aujourd’hui me disait : « Cherchez toujours Ă  maintenir votre prĂ©dication au service de l’Évangile, ne vous prĂ©occupez pas tant de votre image. Â» Ne vivons nous pas en dĂ©fendant une image? Nous vivons de la sincĂ©ritĂ© de l’Évangile lequel peut souvent se prĂ©senter comme une image horrible comme lorsqu’ils abandonnèrent JĂ©sus-Christ. L’Église, je vous l’ai rĂ©pĂ©tĂ© mille fois, ne dĂ©fend pas une image agrĂ©able Ă  tous, mais dit la vĂ©ritĂ© mĂŞme si pour cela, elle doit demeurer seule.

 

 

Le risque de demeurer seul

 

C’est l’image de ce bĂ©douin que j’ai Ă©voquĂ© lors de la mort du père Navarro, une caravane perdue dans le dĂ©sert demande qu’on la guide. AssoiffĂ©s, ils voyaient un mirage : « de l’eau Â» et ils s’élançaient vers ce leurre. Et le bĂ©douin leur disait : « Non c’est un leurre Â», et ils continuaient encore Ă  marcher vers ce mirage. « Non ce n’est pas de l’eau, venez par ici. Â» Et ils se fâchèrent tant qu’ils sortirent un fusil et qu’ils tuèrent le pauvre bĂ©douin, le guide du dĂ©sert qui avec sa main tendue, dĂ©jĂ  mort, indiquait toujours le chemin : « Par ici Â». C’est la main du Christ que plusieurs ne supportent pas. C’est la main de l’Église qui par ce chemin si confus de ce dĂ©sert, nous guide; laissons-nous guider par elle. Combien formidables sont les lectures d’aujourd’hui pour complĂ©ter, pour illustrer avec la Parole de Dieu, cette pensĂ©e que je vais vous synthĂ©tiser ici comme thème de mon homĂ©lie.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Le Peuple de Dieu libéré en Jésus-Christ pour être libérateur de tous les humains

2) Le peuple en tant que communauté politique

3) Relation entre le Peuple de Dieu et le peuple comme communauté politique

 

 

1) Le Peuple de Dieu libéré en Jésus-Christ pour être libérateur de tous les humains

 

Nous pouvons aujourd’hui poser en termes prĂ©cis, par ce thème et cette rĂ©flexion, ce que plusieurs confondent lorsque je prononce ce mot si sacrĂ©, le « peuple Â», et lorsque l’Église mentionne le Peuple de Dieu. Ce sont deux rĂ©alitĂ©s que nous ne pouvons pas juger sans avoir en tĂŞte le projet de Dieu de faire des hommes, une masse, des peuples, des communautĂ©s politiques et de crĂ©er au cĹ“ur de ces peuples, de ces masses, de ces multitudes, son peuple, le Peuple de Dieu. Quelle diffĂ©rence y a-t-il? La lecture d’aujourd’hui nous prĂ©sente la prophĂ©tie de l’Ancien Testament (Jr 31,7-9) qui se rĂ©alise dans le Christ et dans son Église; le Peuple de Dieu libĂ©rĂ© et libĂ©rateur.

 

 

A) Saint Marc (10,46-52) nous décrit la proximité du Christ dans sa montée de Samarie à Jérusalem.

 

Saint Marc nous dĂ©voile la personne du Christ, sa grande mission, sa doctrine. Son Évangile de Saint Marc ne contient pas de grands discours, mais il nous amène Ă  identifier le Christ comme Ă©tant le RĂ©dempteur et le Sauveur. Ce dimanche, c’est dĂ©jĂ  une des dernières lectures, nous arrivons au rĂ©cit de la Passion. Il marche avec ses apĂ´tres vers JĂ©rusalem; Il est lĂ  Ă  l’entrĂ©e de JĂ©richo, oĂą vient Ă  sa rencontre un aveugle qui lui crie la grande parole qui qualifie JĂ©sus dans la Bible (Mc 10,47) : « JĂ©sus, Fils de David, aie pitiĂ© de moi! Â» Le Fils de David Ă©tait l’expression qui depuis le prophète Nathan, avait dit Ă  David que, parmi ses descendants, il y aurait un rejeton qui allait Ă©tablir son règne pour toujours : « En Lui seront sauvĂ©s tous les peuples. Â» C’est pourquoi le Fils de David signifiait le Messie et c’est ce qu’était JĂ©sus, le Fils de David.

Le Christ, Sauveur Eschatologique, donne la vue aux aveugles et prĂŞche aux pauvres

 

Nous rencontrons ici chez l’aveugle la confession merveilleuse, comme un signe appropriĂ© pour entrer Ă  JĂ©rusalem, se prĂ©senter comme Messie et souffrir sur le Calvaire la mort qui apportera la RĂ©demption au monde et la RĂ©surrection qui nous offre une vie nouvelle. Le Fils de David, l’hĂ©ritier des promesses messianiques, Celui qui est envoyĂ© de Dieu pour apporter la libĂ©ration au peuple, dans la bouche d’un aveugle. Quelle Ă©loquence! L’aveugle, c’est l’humanitĂ© qui demande au Fils de David : la RĂ©demption, la lumière pour ses yeux. La figure prophĂ©tique qui rendra la vue aux aveugles et rendra l’ouĂŻe aux sourds et ressuscitera les morts et prĂŞchera aux pauvres, c’est Lui qui est en train de s’entretenir avec le pauvre, avec les aveugles; guĂ©rissant non pas tant pour le prestige que pour rĂ©aliser la grande promesse que le LibĂ©rateur est dĂ©jĂ  prĂ©sent parmi nous.

 

 

B) L’annonce par les prophètes… en union avec l’histoire d’Israël

 

La première lecture (Jr 31,7-9) vient éclairer ce personnage, le Fils de David, et la foi que l’aveugle a placée en Lui. L’aveugle fait allusion à un passage du prophète Jérémie qui raconte le retour d’exil du peuple captif, de Babylone vers Jérusalem.

 

 

Peuple faible, éprouvé, Dieu est sa force

 

Il y a de la joie, c’est un peuple non pas victorieux qui retourne, mais sauvĂ©, faible. (31,8) : « Je les rassemble des extrĂ©mitĂ©s du monde. Parmi eux l’aveugle et le boiteux, les femmes enceintes et les femmes qui enfantent, tous ensemble c’est une grande assemblĂ©e qui revient ici. Â» Tout ce qu’il y a de plus faible, l’humanitĂ© nĂ©cessitant de la toute-puissance d’un RĂ©dempteur, mais elle revient heureuse parce que Dieu a sauvĂ© son peuple. Il a dĂ©jĂ  sauvĂ© le peuple.

 

 

Le Peuple reste sauvé

 

Mais il y a une phrase mystĂ©rieuse dans cette lecture (31,7) : « YahvĂ© a sauvĂ© son peuple, le reste d’IsraĂ«l! Â» Le « reste Â» d’IsraĂ«l est toute une institution, peuple privilĂ©giĂ© de Dieu, il ne Lui Ă©tait pas toujours fidèle, il Le trahissait mais toujours il demeurait un reste, un petit groupe. Lorsque vint le Christ, il y eut aussi un reste : Marie, Joseph, les apĂ´tres. Un petit groupe face Ă  une multitude qui criait : « Crucifiez-le, ce n’est pas le Messie! Â» C’était le reste dans lequel Dieu avait prolongĂ© sa promesse de Salut en JĂ©sus-Christ.

 

 

Confins de la Terre, référence à l’universalisme

 

« Ce peuple, dit JĂ©rĂ©mie, vient des confins de la Terre. Â» Il y a lĂ  une rĂ©fĂ©rence Ă  l’universalitĂ© de la RĂ©demption.

 

« Se retourner, c’est la conversion, c’est retourner Ă  Dieu : le Seigneur est Celui qui sauve. Â»

 

Il y a de la joie chez ceux qui partirent dans les lamentations, esclaves des vainqueurs, qui rentrent libres, pardonnés; faibles, mais confiants dans la toute-puissance de Dieu et sur son passage, le chemin fleuri, peu importe où passe ce Peuple de Dieu racheté, il chante l’allégresse, il proclame la Rédemption, il chante la grande libération. Et ainsi dans le désert il y a des torrents, il y a de l’eau, il y a des chemins plats, c’est un retour facile. C’est cela la description du Peuple de Dieu.

 

 

C) La prophétie de l’Ancien Testament se réalise dans le Christ et dans son Église.

 

La seconde lecture, l’épître aux Hébreux (5,1-6), nous présente le Christ comme un prêtre, médiateur entre Dieu et les hommes, Il nous donne la clé de ce Peuple de Dieu. Le fondateur de ce Peuple de Dieu est Jésus-Christ qui leur a donné ses caractéristiques de prophète, prêtre et roi. Toute cette réunion de catholiques à la messe du dimanche n’est pas autre chose que le Christ incarné dans l’Histoire d’aujourd’hui, en nous qui sommes l’Église d’aujourd’hui,

 

 

Corps du Christ dans l’Histoire.

 

 

Figure du Prêtre Suprême appliquée au Christ

 

Aujourd’hui le Christ, par notre intermédiaire, offre au Père son sacrifice pour le pardon des péchés. Le Peuple de Dieu chante la Rédemption, célèbre la médiation sacerdotale du Christ entre Dieu et les hommes; Il fait la promotion de la grande libération à partir du péché. Lui, entouré de péchés, de faiblesses, mais uni au Christ prêtre, Il offre au Père le sacrifice pour les péchés du monde.

Sentons-nous responsables ce matin de tous les pĂ©chĂ©s de la patrie, recueillons tous les aveuglements des fanatiques; recueillons toute la faiblesse, toutes les mĂ©chancetĂ©s qu’il y a dans notre peuple pour dire Ă  Dieu dans le sacrifice de la messe, dans le Christ prĂŞtre sur lequel nous appuyons notre foi : Seigneur, pardonne Ă  ce peuple, rends-lui la vue. Viens, Seigneur, nous avons besoin de toi pour faire monter du peuple cette grande prière vers Dieu Notre Père et cette promotion qui arrache les humains du pĂ©chĂ©, ne consiste pas uniquement dans des libertĂ©s Ă©conomiques, politiques ou sociales. Ces grandes libĂ©rations sont un moyen terme entre les deux grands extrĂŞmes de la libĂ©ration. La libĂ©ration qui vient nous libĂ©rer du pĂ©chĂ© passe aussi par la libĂ©ration des Ă©goĂŻsmes humains, des rĂ©pressions, des oppressions, etc.

 

 

Jusqu’à la promotion de la filiation divine

 

Mais cela ne s’arrĂŞte pas lĂ . Le Christ veut non seulement que les humains vivent heureux sur Terre, Il a apportĂ© une RĂ©demption qui va vers la transcendance jusqu’à nous faire fils et filles de Dieu. C’est pourquoi la seconde lecture dit (He 5,5) : « En Lui s’accomplit la prophĂ©tie, Tu es mon fils, Je serai pour toi un Père et Tu seras mon premier-nĂ©. Â» Belle expression qui nous indique quel est le but de notre vie chrĂ©tienne comme Peuple de Dieu. 28/10/79, p.378-379, VII.

 

Il existe une synthèse de tout ce qu’a dit le Concile Vatican II qui a prĂ©cisĂ©ment un chapitre sur le peuple de Dieu. Lisons ensemble, mes frères, parce qu’il me semble que si nous parvenons Ă  comprendre cette grande rĂ©alitĂ© : que nous sommes le Peuple de Dieu appelĂ© Ă  faire partie d’une sĂ©lection en ce monde, le reste d’IsraĂ«l, la minoritĂ© de l’humanitĂ©, les privilĂ©giĂ©s de Dieu, nous ne serons pas Ă©goĂŻstes avec autant d’honneur, mais que nous saurons comprendre pourquoi le Seigneur nous a tant aimĂ©s, pourquoi Il nous a fait comprendre sa Parole, son Évangile. Ce n’est pas pour nous enfermer dans une piĂ©tĂ© individualiste, ni pour vivre une religion d’aliĂ©nation du monde, que Dieu nous a prĂ©cisĂ©ment donnĂ© sa lumière, mais pour que nous rendions service. Nous sommes le Peuple de Dieu!

 

 

Peuple de Dieu

 

« En tout temps, dit le Concile, et dans tous les peuples, sont agrĂ©ables Ă  Dieu ceux qui le craignent et pratiquent la justice. Â» Cependant, ce fut la volontĂ© de Dieu de sanctifier et de sauver les ĂŞtres humains, non pas isolĂ©ment, sans qu’il n’y ait aucune connexion entre eux, mais au contraire, en constituant un peuple qui le confesserait en vĂ©ritĂ© et le servirait saintement. C’est pourquoi Il a Ă©lu le peuple d’IsraĂ«l pour ĂŞtre son peuple, Il signa avec lui une Alliance et l’instruisit graduellement, se rĂ©vĂ©lant peu Ă  peu, lui enseignant les desseins de sa volontĂ© au travers de l’histoire de ce peuple, le sanctifiant pour Lui. Mais tout cela arriva comme une prĂ©paration et une figuration de l’Alliance nouvelle et parfaite qu’Il allait rĂ©aliser dans le Christ.

 

Tout l’Ancien Testament est comme une esquisse de ce que serait l’Église. Israël, peuple élu parmi toutes les nations pour faire un pacte avec Dieu, n’est pas plus qu’une figure d’un peuple consacré à Dieu. Lorsque viendra le Christ, les choses vont changer, mais dans l’Ancien Testament, Israël est la représentation, la prophétie de ce que doit être l’Église formée par des gens de toutes les nations.

Quelle est cette Église en JĂ©sus-Christ? Le Verbe fait chair s’est crĂ©Ă© un peuple : « Il convoqua les juifs et les paĂŻens qui s’unirent non seulement selon la chair, mais selon l’Esprit et ils formèrent le nouveau Peuple de Dieu. Ceux qui croient en JĂ©sus-Christ renaissent, non pas d’un germe corruptible, mais d’une semence incorruptible par le moyen de la Parole du Dieu vivant. Ils constituent alors un lignage choisi, une prĂŞtrise royale, une nation sainte, un peuple rachetĂ©. Â» C’est ce que nous sommes. Non pour ĂŞtre descendants d’Abraham, d’un germe corruptible de chair et de sang, mais d’une semence spirituelle, par la foi; nous devenons fils d’Abraham par la foi et nous participons Ă  cette dignitĂ© du Peuple de Dieu par le baptĂŞme et par la foi.

 

Ce Peuple messianique, regardez quelle belle caractĂ©ristique, a pour tĂŞte le Christ : nous avons maintenant un nom qui est au-dessus de tout autre. Le Christ règne glorieusement dans les cieux. La condition de ce peuple est la dignitĂ© et la libertĂ© des fils de Dieu, en leur cĹ“ur habite l’Esprit saint comme dans un temple. Ce peuple a pour loi le nouveau commandement de l’amour. Ils ont comme but ultime d’étendre au maximum le Règne de Dieu, entamĂ© par ce mĂŞme Dieu sur la Terre. Telle est notre tâche : implanter le Règne de Dieu autour de nous, nous sommes le Peuple de Dieu pour apporter le Règne de Dieu au monde entier.

 

C’est pourquoi ce texte prĂ©cieux du Concile nous dit : « Ce peuple messianique, mĂŞme s’il n’inclut pas actuellement tous les humains, et qui souvent semble ĂŞtre une petite Église est, cependant, pour tout le genre humain, un germe certain d’unitĂ©, d’espĂ©rance et de Salut. Â»

Savourons cette richesse, nous qui avons eu la chance de croire dans le Christ et qui nous efforçons de le suivre. Il se peut que nous soyons le plus petit groupe de l’humanité, et lorsque je disais que l’Église est disposée à demeurer seule, jamais elle ne demeurera seule. Même s’il n’y avait qu’un ou deux chrétiens avec le Christ qui est le centre de l’Histoire, ces deux seuls appartiendraient sincèrement au Christ; le petit groupe des chrétiens, même s’il ne s’agit pas du groupe majoritaire de l’humanité, est cependant un germe certain d’unité, d’espérance et de Salut. Nous aurions la libération dans nos mains. Nous posséderions la clé de la liberté, nous aurions la véritable solution à tous nos problèmes si nous étions véritablement le Peuple de Dieu, nous laissant envahir de cette vie et de cet Esprit du Seigneur.

 

En terminant, le texte dit : « L’Église qui chemine au milieu de tant de tentations et de tribulations se voit conforter par le pouvoir de la grâce de Dieu que lui a promise le Seigneur. Â» Et Dieu fit ce corps et le Christ s’en prĂ©valut pour apporter sa RĂ©demption Ă  tous les hommes et les femmes.

 

Mes chers frères, il Ă©tait nĂ©cessaire d’avoir ce concept lorsque les lectures d’aujourd’hui posent une limite entre le peuple en gĂ©nĂ©ral et le Peuple de Dieu comme reste d’IsraĂ«l sauvĂ© qui retourne avec la bĂ©nĂ©diction et la grâce du pardon, l’allĂ©gresse, l’espĂ©rance, unitĂ© de tous les hommes et les femmes. C’est cela, le but que poursuit l’Église dans sa pastorale, faire que les gens comprennent que c’est lĂ  l’essentiel : construire le Peuple de Dieu. Maintenant, Ă  partir de lĂ , comme noyau du Salut, comme germe d’unitĂ© et d’espĂ©rance, le Christ se prĂ©vaut de ce peuple pour apporter la RĂ©demption Ă  tout ce peuple et Ă  tous les peuples. Ici nous allons faire la distinction entre le Peuple de Dieu et le peuple en gĂ©nĂ©ral ou comme on l’appelle Ă©galement, la communautĂ© politique, la sociĂ©tĂ© civile. Ne confondons pas cela. De quoi s’agit-il? D’oĂą naĂ®t la communautĂ© du peuple?

 

Dans l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 10,46-52), il y a une caractéristique que nous ne devons pas perdre de vue. Cet aveugle appartenait au peuple juif, il avait sa patrie comme tout homme possède une patrie, mais lorsque Dieu lui donne la vue, en lui donnant aussi la foi dans son cœur, nous dit l’Évangile, il suivit Jésus. Un disciple de Jésus, un juif qui, sans cesser d’être juif, se fait chrétien, membre du Peuple de Dieu, membre du peuple civil, et membre du Peuple de Dieu.

 

Nous avons aussi dans la première lecture d’aujourd’hui (Jr 31,7-9) le chant au peuple d’IsraĂ«l qui dit : « le meilleur peuple Â». Cela n’est pas un sentiment de supĂ©rioritĂ© juive, mais la grande distinction que veut faire le prophète. Tous les peuples sont des communautĂ©s politiques et humaines, mais ce peuple a Ă©tĂ© choisi par Dieu et il est comme la tĂŞte parce que c’est en lui que Dieu a voulu placer ses desseins de Salut pour tous les autres peuples lorsque viendra le LibĂ©rateur universel.

 

JĂ©rĂ©mie distingue Ă©galement entre le peuple et le « reste Â». C’est seulement en IsraĂ«l qu’existent ces distinctions parce qu’en tant que peuple politique, tous les juifs lui appartiennent, tous les descendants d’Abraham; mais en tant que Peuple du Salut, seulement ceux qui reçurent cette espĂ©rance et la vivent dans leur cĹ“ur lui appartiennent. Ce ne sont pas tous les fils d’Abraham qui ont la foi, c’est pourquoi le Christ dit : « Ne vous glorifiez pas d’être appelĂ©s fils d’Abraham parce que Dieu est assez puissant pour faire de ces pierres des fils d’Abraham. Â» Abraham et tous ses fils, si ce n’est pour leur foi en JĂ©sus-Christ qui doit venir, cette descendance de la chair et du sang, ce germe corruptible, ne leur servent Ă  rien.

Rien ne sert de nous appeler Salvadoriens et d’avoir Dieu comme patron si dans le cĹ“ur de l’homme et de la femme il n’y a pas la foi en ce Divin Sauveur. Vous ĂŞtes Salvadoriens, mais vous n’êtes pas chrĂ©tiens, c’est la grande diffĂ©rence. Si nous appelions les Salvadoriens le « reste Â», seulement ceux qui se sanctifient dans cette vie du Peuple de Dieu formeraient cette minoritĂ©, mais dans cette minoritĂ© serait le germe du Salut de tout le peuple.

La seconde lecture, lorsque Paul dit (He 5,1) : « Tout grand prĂŞtre, en effet, pris d’entre les hommes, est Ă©tabli pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu, afin d’offrir dons et sacrifice pour les pĂ©chĂ©s. Â» Cette lecture nous parle Ă©galement de l’immense masse humaine. Il existe un peuple sacerdotal, c’est le Peuple de Dieu qui intercède pour tout le peuple; il doit intercĂ©der, c’est sa fonction sacerdotale. Et lorsque le prophète dit : « Je vous enverrai aux confins de la Terre, Â» il nous dit que tous les pays du monde peuvent aussi apporter leur part de foi Ă  cette grande Église qui, grâce Ă  Dieu, s’est Ă©tendue sur tous les continents et chez tous les peuples. Mais ce ne sont pas tous les peuples qui se sont soumis au Règne de Dieu. Il y a beaucoup d’incrĂ©dulitĂ©, beaucoup d’athĂ©isme, d’indiffĂ©rence, et ici mĂŞme parmi nous, nous notons que peu de gens font vĂ©ritablement partie de ce « reste Â» qui continue d’être comme la semence du Salut au vĂ©ritable Seigneur. 28/10/79, p.378-383, VII.

 

 

2) Le peuple en tant que communauté politique

 

Qu’est-ce que la communautĂ© politique? Il m’intĂ©resse Ă©normĂ©ment que, après avoir Ă©tudiĂ© ce qu’est le Peuple de Dieu, en tant que « reste Â» et sĂ©lection du peuple politique, nous comprenions maintenant ce qu’est le peuple comme entitĂ© politique. Ainsi, nous pourrons comprendre Ă©galement ce qualificatif si ambigu pour plusieurs que nous ne pouvons parler de droits humains, de bien commun, sans Ă©veiller les ragots de ceux qui disent : « L’Église fait de la politique. Â» Non, c’est que l’Église en tant que semence du Salut doit sauver l’humain de tout le peuple politique. Si je me mets Ă  aborder les rĂ©alitĂ©s politiques, Ă©conomiques et sociales, c’est prĂ©cisĂ©ment comme Peuple de Dieu chargĂ© d’apporter sa lumière aux rĂ©alitĂ©s de la Terre.

 

 

Nature et fin de la communauté politique

 

Cette réalité de la Terre qui se nomme la communauté politique, le Concile de notre temps nous la présente également avec des traits bien utiles dont nous devons tenir compte aujourd’hui davantage que jamais.

 

« Il est de la plus haute importance, dit le Concile, surtout lĂ  oĂą existe une sociĂ©tĂ© pluraliste Â», et quelle sociĂ©tĂ© plus pluraliste que la nĂ´tre, oĂą il existe des partis chrĂ©tiens, oĂą il y a des partis communistes, oĂą il y a un Bloc et le FAPU, et oĂą il existe diverses manières de penser; c’est ce que l’on appelle le pluralisme. Lorsqu’un peuple est pluraliste, il est bon que les chrĂ©tiens sachent ce qu’est un peuple, « d’avoir un concept correct des relations entre la communautĂ© politique et l’Église Â», qu’est-ce que le Peuple de Dieu, « et distinguer Â», cela est bien important, « nettement entre l’action que les chrĂ©tiens entreprennent, de manière isolĂ©e ou associĂ©e avec d’autres, et mènent Ă  terme Ă  titre personnel, comme citoyens en accord avec leur conscience chrĂ©tienne, et l’action qu’ils rĂ©alisent au nom de l’Église en communion avec leurs pasteurs. Â» (G.S. 76)

 

Il apparaĂ®t nĂ©cessaire de faire la distinction entre un chrĂ©tien qui se sanctifie dans le « reste Â» du Peuple de Dieu, et en tant que Salvadorien qu’il est, il sent la nĂ©cessitĂ© de s’engager pour travailler aussi aux rĂ©solutions des problèmes politiques. Il doit aller travailler, mais il doit distinguer deux choses : ce qu’il doit rĂ©aliser comme chrĂ©tien, mais personnellement, sous sa responsabilitĂ©, lĂ  dans sa charge politique, dans l’organisation politique, dans le groupe, dans le ministère, dans la prĂ©sidence, lĂ  comme chrĂ©tien, mais sous sa seule responsabilitĂ©. Il s’agit d’autre chose lorsque ce chrĂ©tien agit comme un membre de ce Peuple de Dieu, en communion avec son pasteur, qui peut dire : « au nom de mon Ă©vĂŞque, je fais cela, je fais cela en tant qu’Église. Â» Cette distinction est nĂ©cessaire aujourd’hui plus que jamais, parce qu’il ne faut pas manipuler le nom des chrĂ©tiens dans des actions qui sont de la responsabilitĂ© d’un homme ou d’un groupe.

 

Ce fut là le labeur de ma troisième lettre pastorale de distinguer entre la communauté chrétienne où se cultive la foi, où on croît dans la vertu chrétienne et l’organisation politique où un chrétien de cette communauté peut aller accomplir, apporter, comme dit le Concile, une semence de christianisme. Ne vous laissez pas manipuler, n’obéissez pas aveuglément à toutes les consignes que vous donnent le Bloc ou le FAPU. Si vous êtes chrétiens, conservez vos critères chrétiens de discernement et sachez dire non, lorsqu’il faut dire non, mais ne soyez pas un mouton dans la marche de tous ceux qui vont suivre ce qu’on ne peut pas faire en tant que chrétien. L’homme est responsable de son option personnelle, mais s’il s’agit d’un chrétien, il doit sauver sa foi, être ferment dans la pâte. Maintenant, lorsqu’un chrétien est dans la communauté en train de lire la Bible ou recevant un sacrement, communiant, se confessant ou effectuant une mission catéchistique, célébrant de la Parole, il doit être en communion avec son pasteur. Alors, il ne peut pas vivre son option politique et utiliser ces réunions chrétiennes pour gagner des adeptes à son parti politique, il doit distinguer nettement les deux choses.

 

Aujourd’hui davantage que jamais, je le répète, il est nécessaire de posséder clairement ce concept de communauté Église et de communauté politique. Et l’homme qui appartient aux deux secteurs, sait qu’il appartient à l’un en tant qu’individu, que citoyen d’inspiration chrétienne, et à l’autre monde comme membre d’une communauté d’hommes de foi où il doit alimenter précisément là aussi ses engagements.

 

Quelle est la relation, qu’est-ce que la communauté politique?

L’Église, la communauté politique, c’est lorsque le Concile nous explique la nature du peuple. Gardons cela à l’esprit mes frères parce que l’on abuse énormément du peuple. N’importe quelle organisation se sent l’expression du peuple alors qu’il s’agit d’une expression d’un groupe du peuple et non du peuple. Le peuple est bien plus grand qu’une organisation politique, elle peut coïncider dans ses aspirations avec un autre groupe qui pense de manière distincte et jusque qu’avec l’Église qui défend aussi les droits humains, mais avec une stratégie et par la manière propre de son entité politique, ne peut s’arroger la représentation du peuple.

 

Qu’est-ce qu’un peuple? Le Concile dit : « Les hommes, les familles et les divers groupes qui constituent la communautĂ© civile sont conscients de leur propre insuffisance pour atteindre une vie pleinement humaine et ils perçoivent la nĂ©cessitĂ© d’une communion plus large dans laquelle tous conjuguent quotidiennement leurs Ă©nergies dans l’ordre d’une meilleure procuration du bien commun. C’est pourquoi ils forment une communautĂ© politique selon des types d’institutions variĂ©es. Â» (G.S. 74) Lorsque la Bible nous parle des humains en gĂ©nĂ©ral, comment Dieu les organise en peuples, et chaque peuple possède son caractère propre, jusqu’à sa langue, son système politique, cette variĂ©tĂ© Dieu la veut ainsi comme la variĂ©tĂ© de nos visages, de nos manières d’être, nous sommes si divers, ainsi sont les peuples Ă©galement. « La communautĂ© politique naĂ®t donc, pour chercher le bien commun dans lequel elle rencontre sa justification pleine et entière et duquel dĂ©rive toute lĂ©gitimitĂ© primitive et propre. Â» (G.S. 74)

 

Qu’est-ce que le bien commun? Ce sont des concepts qui doivent ĂŞtre bien clairs maintenant. « Le bien commun embrasse l’ensemble des conditions de vie sociale avec lesquelles les individus, les familles et les associations peuvent atteindre avec une meilleure plĂ©nitude et une meilleure facilitĂ© leur propre perfection. Â» (G.S. 74) C’est cela le bien commun. C’est un ensemble de conditions de vie sociale oĂą les Salvadoriens, les groupes salvadoriens, les familles salvadoriennes rencontrent un appui pour parvenir Ă  se rĂ©aliser, pour ĂŞtre plus heureux, pour ĂŞtre davantage parfaits. Ă€ quel objectif plus grand le Seigneur appelle-t-Il les peuples? Le peuple, c’est l’ensemble des familles et des individus qui participent Ă  un ensemble de situations dont tous peuvent profiter pour se dĂ©velopper et ĂŞtre tous, chaque groupe et chaque individu, plus heureux, mieux dĂ©veloppĂ©s.

 

 

Autorité publique

 

Maintenant apparaĂ®t une chose d’une grande transcendance : « Les hommes qu’on rencontre dans une communautĂ© politique sont nombreux et diffĂ©rents et ils peuvent en tout droit s’incliner vers des solutions diffĂ©rentes afin que par la pluralitĂ© des opinions, ne pĂ©rissent pas la communautĂ© politique, une autoritĂ© qui dirige l’action de tous vers le bien commun, est indispensable. Non d’une manière mĂ©canique ou despotique, mais en Ĺ“uvrant principalement comme une force morale qui se base sur la libertĂ© et sur le sens des responsabilitĂ©s de chacun. Â» (G.S. 74)

 

Nous avons alors une véritable communauté politique lorsque nous avons une diversité d’opinions. Qu’il y ait plusieurs partis, de nombreuses organisations, béni soit Dieu! Qu’il y ait plusieurs façons de pensée, mais en nous respectant les uns les autres! Ayant une autorité qui non pas de manière répressive voudrait que nous pensions tous de la même manière, mais qui respecterait les divers modes de penser, et permettrait la participation de tous, dans le respect de leur liberté, au bien que nous devons rechercher ensemble. Parce que lorsqu’un groupe ne s’efforce plus de rechercher ce bien commun, mais ses avantages particuliers, il est proprement dit en train de détruire plutôt que de construire. Par contre, lorsqu’aussi différents et opposés que soient les systèmes, tous participent au bien commun, selon leurs manières de concevoir les choses, l’autorité se retrouve dans la même liberté qu’elle consent à tous, la stimulation afin qu’entre nous tous, nous rencontrions ces solutions qui débordent en bien pour la liberté commune.

« Il est Ă©vident que la communautĂ© politique et l’autoritĂ© publique se fondent sur la nature humaine et, par cela mĂŞme, appartiennent Ă  l’ordre prĂ©vu par Dieu mĂŞme lorsque la dĂ©termination du rĂ©gime politique et la dĂ©signation des gouvernements sont laissĂ©es au libre choix des citoyens. Â» (G.S. 74) Ă€ la base de notre patrie et de tous les peuples, apparaĂ®t ce vouloir de Dieu. Dieu veut la patrie, Dieu veut la diversitĂ© au sein de la patrie, et Dieu veut l’autoritĂ© dans la patrie et Il veut le bien commun qui est l’objectif de la patrie. C’est cela le peuple.

 

C’est pourquoi, mes chers frères, nous disons maintenant que dans les lectures d’aujourd’hui, nous voulons illuminer cette grande réalité qu’est la communauté du Peuple de Dieu et celle de la communauté politique, la communauté du peuple. Notons qu’il y a de nombreuses différences et que nous ne pouvons plus confondre Église et politique. Mais l’Église à partir de sa perspective évangélique qui cherche le Règne de Dieu, illumine, donne énergie et force morale à l’autorité et au peuple. L’Église défend les droits humains. Elle travaille pour le bien commun, dénonce les péchés d’égoïsme, et enlève toutes les entraves qui détruisent la communauté politique. 28/10/79, p.383-386, VII.

 

 

3) Relation entre le Peuple de Dieu et le peuple comme communauté politique

 

Relation entre le Peuple de Dieu, l’Église et le peuple en tant que communautĂ© politique : l’État, la sociĂ©tĂ© civile, la RĂ©publique ou, comme vous voudrez l’appeler, tout cela se nomme la communautĂ© politique. Malheureusement, elle n’est pas toujours organisĂ©e et aujourd’hui nous vivons un moment de crise pour notre peuple. Nous recherchons une nouvelle façon de vivre qui nous fasse sortir des modèles si honteux dans lesquels nous avons vĂ©cu pour construire vĂ©ritablement une nouvelle sociĂ©tĂ©, un nouveau peuple.

Ce n’est pas la tâche de l’Église de la construire, mais à vous, les civils; vous qui vivez dans le monde, vous devez apprendre à penser avec autonomie et avec des critères. Si ces critères sont véritablement chrétiens comme ceux que vous vivez à l’intérieur de votre communauté Église. Tâchez, mes chers frères, professionnels, politiciens, paysans, ouvriers, partis et organisations politiques, tâchez de développer tout cela dans le sens véritable que le Dieu des nations veut pour chaque peuple, recherchant entre tous, le véritable bien commun. L’Église sera toujours une communauté distincte parce que ses objectifs sont bien au-delà du bien commun de la Terre où est le bien commun de tous les peuples qui seront une seule chose en Dieu à la fin de l’Histoire. Mais, entre temps, cette communauté politique continue de vivre dans chaque peuple, dans chaque nation, étant dès maintenant, illumination, ferment, germe de la société. Nous devons nous préparer pour cela.

 

 

A) Jésus encourage la santé de l’aveugle

 

Lorsque dans l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 10,42-52), Jésus soigne un aveugle, non seulement en lui donnant la foi, mais en lui donnant également la vue, Il nous dit comment dans le cœur de Dieu sont unis l’esprit et le corps, les nécessités spirituelles et les nécessités sociales, comment il importe à Dieu non seulement de nous libérer du péché, en mourant sur la Croix, mais aussi en éliminant les conséquences du péché que sont l’infirmité, la cécité, la faim, les divisions; tout cela entre dans l’évangélisation.

 

 

B) Élu parmi les humains, Il a été placé pour représenter les hommes dans leurs relations avec Dieu.

 

Lorsque dans la seconde lecture (He 5,1-6), on nous parle du prêtre choisi parmi les hommes, il nous est signifié par là que ce qui intéresse Dieu ce n’est pas tant le prêtre, mais le peuple ayant la tâche de servir. Si le Peuple de Dieu est un peuple d’appelés spécialement pour partager la sainteté de son Règne, ce n’est pas pour qu’il en profite en égoïste, mais pour qu’avec cette lumière de foi, d’amour et d’espérance, il soit lumière et ferment de toute la société civile qui l’entoure.

 

 

C) Relation entre Église et communauté politique

 

Je dĂ©sire Ă©galement me prĂ©valoir du Concile, pardonnez-moi, mais c’est la grande loi que nous avons maintenant parmi nous. Lorsque le Concile pose la question « Quelle doit ĂŞtre la relation entre l’Église et la communautĂ© politique? Â», il dit clairement : « La communautĂ© politique et l’Église sont indĂ©pendantes et autonomes, chacune dans son propre domaine. Â» C’est bien clair, l’Église est Église et sa mission est sa propre identitĂ©. La communautĂ© politique est aussi une sociĂ©tĂ© voulue par Dieu, composĂ©e de tous, et Ă  laquelle tous participent pour rechercher le bien de tous. Ce sont deux entitĂ©s autonomes.

 

« Cependant, l’Église et la communautĂ© politique, quoiqu’à des titres divers, sont au service de la vocation personnelle et sociale de l’être humain. Â» C’est ce que nous avons toujours dit : Il n’y a pas de conflit entre l’Église et l’autoritĂ© civile, mais plutĂ´t un conflit entre l’autoritĂ© civile et le peuple. S’il n’y avait pas eu ce conflit, si l’autoritĂ© vivait en fonction du peuple, travaillait en fonction du peuple, l’Église qui doit Ă©galement travailler son autonomie en fonction du peuple, l’Église et l’autoritĂ©, donc, se rencontreraient ici dans cette grande devise du Concile : « Ce service pour le bien de tous, ils le rĂ©aliseront d’autant plus efficacement que sera saine et meilleure leur coopĂ©ration en tenant toujours compte des circonstances, de l’endroit et du temps. Â» C’est pourquoi nous avons dit que l’Église Ă©tait ouverte au dialogue et Ă  la collaboration, chaque fois que l’autoritĂ© recherche Ă©galement le bien du peuple.

 

L’être humain ne se limite pas au seul horizon temporel, sinon qu’en tant que sujet de l’Histoire humaine, il maintient intégralement sa vocation éternelle. L’Église, fondée dans l’amour du Rédempteur, contribue à diffuser chaque fois davantage le Règne de la justice et de la charité au sein de chaque nation et entre les nations. Prêchant la vérité évangélique et illuminant tous les secteurs de l’activité humaine avec sa doctrine et par le témoignage des chrétiens, l’Église respecte et fait aussi la promotion de la liberté et de la responsabilité politique du citoyen.

 

 

D) Lorsque Jean-Paul II a parlé à l’OEA

 

Il en vint Ă  dire que : « Le bien commun qui est l’office de tout gouvernement est aussi l’objet de la lutte de l’Église. Â» Et il offrit la collaboration du Saint-Siège et des Églises d’AmĂ©rique. Ce sont les paroles de Jean-Paul II Ă  l’OEA : « Demandant la libertĂ© religieuse pour l’Église qui est si souvent outragĂ©e dans les pays d’AmĂ©rique latine. Â» Et cette libertĂ© qu’il demanda, dit le Pape est pour servir et non pas pour s’opposer dans la lĂ©gitime autonomie de la sociĂ©tĂ© civile.

 

Ce sont là des paroles du Pape qui viendront très bientôt, je l’espère, à notre patrie.

 

« Combien davantage les citoyens sont habituellement capables de rĂ©tablir leur libertĂ© dans la vie de la nation, plus rapidement les communautĂ©s chrĂ©tiennes seront capables de se dĂ©dier elles-mĂŞmes Ă  la tâche centrale de l’évangĂ©lisation, c’est-Ă -dire de prĂŞcher l’Évangile du Christ, source de vie, de force, de justice et de paix. Â»

 

Le Pape signifie par lĂ  que si l’Église accomplit un rĂ´le de dĂ©nonciation, presque au premier plan, presque son unique plan, c’est par supplĂ©ance; mais le jour oĂą les individus, les partis, la politique, la technique, parleront, l’Église aura plus de temps pour se consacrer Ă  ce qui lui est plus spĂ©cifique : mĂ©diter et rĂ©flĂ©chir sur l’Évangile, source de paix, d’amour et de saintetĂ©. Jamais nous n’avons cessĂ© de le faire, grâce Ă  Dieu. Certes il est vrai que d’avoir dĂ» occuper ce terrain nous a enlevĂ© beaucoup d’attention. Puisse Dieu que ces terrains soient Ă  nouveau occupĂ©s par ceux qui doivent les occuper : les politiciens, les techniciens, les professionnels. C’est maintenant que le Salvador entre dans la phase de l’auto-construction de sa propre destinĂ©e. 28/10/79, p.386-388, VII.