Les Trois Conditions pour entrer dans le Règne de Dieu

 

Vingt-huitième dimanche du temps ordinaire; 14 octobre 1979; Lectures : Sagesse 7,7-11; HĂ©breux 4,12-13; Marc 10,17-30.

 

Introduction

La seconde lecture (Hb 4,12-13) que vous avez entendue aujourd’hui décrit l’attitude véritable d’un chrétien qui va à la messe le dimanche. C’est une épître écrite pour les chrétiens qui s’étaient converti du judaïsme, mais qui, à l’heure de la persécution et en ressentant de la nostalgie pour leur ancienne religion juive, courraient le grave danger d’apostasier leur foi. C’est à ceux-là que s’adresse cette épître dont les chapitres 3 et 4 seraient une très belle lecture pour les chrétiens salvadoriens de notre temps.

 

Les chapitres 3 et 4 (Hébreux) comparent le pèlerinage du désert à un chemin de libération vers le Repos. L’auteur de l’épître remonte aux origines du peuple hébreu lorsque Moïse les fit sortir d’Égypte et que pendant quarante ans ils durent marcher au désert pour atteindre la Terre promise. Cet épisode de l’Exode servit aussi dans l’Ancien Testament, comme source de motivation et d’espérance quand les Israélites furent déportés en exil à Babylone. Les prophètes rappelaient le prodige de Dieu qui les avait fait sortir d’Égypte, ils leur disaient d’avoir confiance et que se produirait un nouvel Exode de Babylone vers la Terre Sainte.

 

C’est la mĂŞme comparaison que saint Paul emploie dans ces deux chapitres, mais en ne faisant plus cette fois rĂ©fĂ©rence au peuple juif, mais aux Juifs dĂ©jĂ  convertis, comme nous, au christianisme. Il leur dit : « Tout ceci n’était rien d’autre qu’une image : la libĂ©ration d’Égypte, la marche au dĂ©sert, l’arrivĂ©e au Repos du Seigneur. Â» C’est ainsi qu’on appelait la Terre promise : le Repos du Seigneur. C’est la figure de cette libĂ©ration que le peuple chrĂ©tien combat pour l’arracher du pĂ©chĂ©. La longue pĂ©rĂ©grination Ă  travers le dĂ©sert, c’est notre vie oĂą nous rencontrons de nombreuses tentations contre la fidĂ©litĂ©, contre la confiance, contre le pouvoir de Dieu. Souvenez-vous lorsqu’auprès des rochers du dĂ©sert ils avaient faim et voulaient se mutiner contre MoĂŻse parce qu’il les avait fait sortir d’Égypte. Ce fut un moment difficile de cette pĂ©rĂ©grination et c’est pourquoi ce lieu fut appelĂ© « Lieu de la Tentation. Â» Cependant, Dieu fit des prodiges, Il fit jaillir de l’eau de la roche pour qu’ils puissent poursuivre leur route.

 

 

Le sens du Repos, du Jour du Seigneur.

 

Notre repos n’est pas celui de la Terre promise, notre repos c’est le Ciel, le sanctuaire où ce nouveau Moïse, Jésus, a pénétré avec toute la Rédemption, en ouvrant la porte à tous ceux qui veulent être sauvés.

 

 

Ce ne sont pas tous qui y entreront

 

Mais ainsi, comme les pèlerins du désert, ce ne sont pas tous qui parviendront à la terre du repos parce qu’à cause de leurs péchés, Dieu abandonna à la mort de nombreux Israélites qui sortirent d’Égypte et qui ne connurent pas la joie de parvenir au but de cette pérégrination.

 

 

Seuls y entrèrent ceux qui crûrent et qui persévérèrent.

 

Mais ceux qui eurent la foi et ceux qui naquirent au dĂ©sert pendant ces quarante annĂ©es et qui s’associèrent Ă  ce peuple de foi et d’espĂ©rance dans les promesses de Dieu parvinrent au repos. L’épĂ®tre aux HĂ©breux nous rappelle alors un psaume qui commĂ©more cet Ă©vĂ©nement et qui dit (He 3,7-8) : « Aujourd’hui si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cĹ“urs comme cela c’est produit dans la Querelle, au jour de la Tentation dans le dĂ©sert… Â» C’est ici que s’insèrent ce passage qui vous a Ă©tĂ© lu et qui dit : « La Parole de Dieu est vive et efficace, plus tranchante qu’une Ă©pĂ©e Ă  deux tranchants, pĂ©nĂ©trante jusqu’au point oĂą se divisent l’âme et l’esprit, l’articulation et la moelle. Elle juge les dĂ©sirs et les intentions du cĹ“ur. Rien ne demeure cachĂ©, tout apparaĂ®t clair et dĂ©couvert aux yeux de Celui Ă  qui nous devrons rendre des comptes. Â» Avec cette motivation, saint Paul veut nous encourager les chrĂ©tiens Ă  ne pas dĂ©faillir dans la foi parce que la parole de Dieu qui nous alimente, dimanche après dimanche, ainsi que chaque fois que nous mĂ©ditons en famille ou en communautĂ© les Saintes Écritures, est une Parole qui nourrit, c’est une Parole qui juge, qui comme une Ă©pĂ©e, pĂ©nètre l’intimitĂ© du cĹ“ur jusqu’oĂą se distingue l’âme et l’esprit. Il s’agit d’une distinction assez discutĂ©e dans la Bible, mais ici il semble vouloir dire : si l’être humain n’est pas seulement un corps et une âme, mais que cette âme, partie spirituelle de la personne, s’ouvre en une capacitĂ© pour recevoir un esprit nouveau, la vie divine de Dieu, ainsi, jusque-lĂ  pĂ©nètre cette Parole, prĂ©cisĂ©ment pour remplir cette potentialitĂ© de l’homme que seul Dieu peut remplir.

 

L’épĂ®tre aux HĂ©breux invite ainsi les chrĂ©tiens, non seulement les juifs, mais nous tous, convertis Ă  cette foi, Ă  ce que notre messe du dimanche soit en vĂ©ritĂ© un jour d’alimentation de notre vie spirituelle. Cette exhortation possède une grande actualitĂ© : dimanche, Jour du Seigneur, jour de repos, est comme une figure qui apparaĂ®t dans l’histoire si laborieuse des hommes pour leur annoncer le grand repos qui nous attend. Chaque dimanche, lorsqu’à la messe nous sentons que vraiment, le pèlerinage de notre dĂ©sert s’arrĂŞte auprès des sources de la Parole qui nous alimente, cherchons Ă  nous alimenter pour que la semaine qui dĂ©bute nous trouve optimistes et animĂ©s.

 

 

Actualité… efficacité… profondeur

 

Que personne n’abandonne pendant ce pèlerinage du désert, que nul n’aille apostasier sa confiance dans le Seigneur. Ici nous parvenons à ce Dieu qui nous adresse son message dans le dialogue de la Parole divine durant notre liturgie jusqu’au jour où sa Parole vivante, pénétrant jusqu’au plus profond de nos intentions, nous jugera et nous donnera un endroit dans son repos éternel. N’allons pas être de ceux qui seront exclus de ce repos, n’allons pas être de ceux qui moururent au désert sans parvenir à la Terre promise.

 

Ceci est mon grand pèlerinage en tant que pasteur et ce sont vous-mêmes qui m’animez avec votre intention, avec votre persévérance, avec votre désir de venir vous alimenter de ces Paroles divines. Ainsi nous avons rendu hommage aujourd’hui à la seconde lecture et avec cette foi dans la Parole de Dieu et cette confiance de Lui être toujours fidèle malgré les tentations et les persécutions, des flatteries ou les difficultés du monde. Nous venons aujourd’hui étudier un problème d’une très grande actualité qu’abordent l’Évangile et la première lecture (Sg 7,7-11).

 

 

Problème de ce dimanche… Actualité pour la crise du pays

 

Le problème de grande actualité que je crois être la cause de la crise de notre pays, comme nous l’avons indiqué si souvent, est un problème de hiérarchie de valeurs. Il y a ceux qui accordent une valeur absolue aux richesses, à la propriété, au pouvoir politique, aux choses de la Terre. Par contre, aujourd’hui, le Christ nous enseigne que l’unique valeur absolue est Dieu et sa suite.

 

C’est pourquoi dans ma quatrième lettre pastorale je dis que parmi les services que l’Église apporte aujourd’hui Ă  la crise du Salvador, nous pouvons retrouver cette grande contribution : celle de dĂ©noncer les idolâtries de notre sociĂ©tĂ©, de relativiser ce que plusieurs adorent comme des idoles et comme absolu. C’est ce que vient faire la parole du Christ aujourd’hui : nous enlever un grand obstacle Ă  l’implantation du Règne de Dieu.

 

Si ici nous prêchons avec toute la clarté qui heurte sans doute les idolâtres des biens de ce monde, ce n’est pas pour faire du mal, ni pour faire de la démagogie, c’est parce que le Christ commande à ses prédicateurs d’annoncer le véritable Règne de Dieu parmi les hommes et de dénoncer tout péché qui s’oppose au Règne de Dieu… C’est ce à quoi nous convie la messe quand, dans les lectures, nous pouvons rencontrer ceci comme thème de notre réflexion.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Accomplir les commandements

2) Esprit de pauvreté et détachement

3) Suite de JĂ©sus (le principal)

 

 

1) Accomplir les commandements

 

 

A) Pittoresque narration de l’Évangile de saint Marc. La Parole sonde la sincérité.

 

Imaginez-vous un jeune qui arrive en courant et se jette aux pieds de JĂ©sus et Lui demande la chose la plus importante qu’un homme puisse faire pour Dieu (Mc 10,17-19) : « Bon MaĂ®tre, que dois-je faire pour hĂ©riter de la vie Ă©ternelle? Â»

JĂ©sus lui dit : « Pourquoi me dis-tu bon? Nul n’est bon que Dieu seul. Tu connais les commandements : ne tue pas, ne commets pas l’adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux tĂ©moignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta mère. Â»

 

Quelle belle leçon donne le Christ au jeune anxieux de rencontrer le chemin du Salut! Puisse Dieu, nous venions tous avec cet esprit Ă  la messe du dimanche : « MaĂ®tre bon, que devons-nous faire pour sortir le pays de cette crise? MaĂ®tre bon, toi qui calmais les tempĂŞtes, pourquoi ne se calme pas cette heure de crimes et de violences dans notre patrie? Que dois-je faire pour ĂŞtre heureux au milieu de tant de disgrâces? Qu’est-ce qui apportera la tranquillitĂ© Ă  ma conscience, Ă  ma famille, et Ă  ma sociĂ©tĂ©? Â» Et nous ne trouverions pas d’autre rĂ©ponse que celle du Christ : « Nul n’est bon que Dieu seul. Â» Quelle confession plus belle de la bontĂ©!

 

Dieu est la source de la bontĂ©! Et s’il y a quelque chose de bon sur la Terre, c’est parce qu’elle est le reflet de Dieu. Si une mère fut bonne, c’est parce que Dieu lui donna cette capacitĂ© de bontĂ©. Si un ami est bon, s’il y a sur la Terre des gens bons, et il en existe vraiment, le Christ nous oriente vers sa source : « Toute bontĂ© dĂ©rive de l’unique source, seul Dieu est bon en toute chose. Â» Tous les autres sont bons par participation Ă  la bontĂ© divine. Mais ils peuvent Ă©galement cesser de participer Ă  cette bontĂ© et se convertir Ă  la mĂ©chancetĂ©.

On en vient Ă  dire ce dicton : corruptio optimi pessima. La corruption du meilleur est le pire. Lorsqu’un homme qui a Ă©tĂ© bon perd l’essence de la bontĂ©, il devient cruel. On dit qu’au dĂ©but NĂ©ron n’avait pas le courage de tuer un petit animal, il Ă©tait trop bon. Et après, il ne s’horrifiait pas de voir brĂ»ler les chrĂ©tiens comme des torches humaines. C’est dangereux de perdre la bontĂ©! Lorsqu’on ne tient pas compte du fait que c’est de Dieu d’oĂą dĂ©rive la bontĂ© du cĹ“ur, l’être humain qui oublie Dieu, commence Ă  perdre sa bontĂ©. Dieu seul est bon, ne l’oubliez pas. Si vous voulez ĂŞtre bons, faites d’abord ceci : Croire en Dieu. Et croire en Dieu non pas sous une forme thĂ©orique. Ce Dieu qui t’a crĂ©Ă©, qui t’a donnĂ© l’intelligence, la vie, le cĹ“ur, une famille, etc. possède une loi : garder ses commandements. C’est le chemin de la vie Ă©ternelle : garder les commandements. Et le Christ commence Ă  les Ă©numĂ©rer.

 

 

Détérioration morale (quatrième lettre pastorale)

 

Il serait bon, ce matin oĂą nous connaissons les chemins de la bontĂ© et du bien, de rappeler que dans notre lettre pastorale, avec l’aide de tous ceux qui m’ont apportĂ© leurs suggestions lors de l’enquĂŞte, nous ressortions cette terrible conclusion : « Notre dĂ©tĂ©rioration morale est Ă©vidente. De toutes parts, nous voyons rĂ©gner ce que le Seigneur appela le mystère de l’iniquitĂ©. Et le devoir pastoral de l’Église ne peut cesser de dĂ©noncer ce règne du pĂ©chĂ© et d’appeler avec insistance Ă  la responsabilitĂ© personnelle de chacun et de chaque groupe familiale et sociale, ainsi comme Ă©galement, et surtout, aux hommes et aux groupes de pourvoir, qui directement ou indirectement bĂ©nĂ©ficient de cette situation, ceux qui dĂ©tiennent dans leurs mains les moyens les plus efficaces pour apporter remède Ă  une telle dĂ©tĂ©rioration. Â» Et nous Ă©numĂ©rons ensuite les grandes lacunes de notre sociĂ©tĂ©, que ce soit dans l’ordre d’administration publique comme dans l’ordre privĂ©. Je crois qu’il n’est pas nĂ©cessaire de rĂ©sumer ce bourbier parce qu’ici nous sommes tous tĂ©moins, qu’à chaque semaine, nous nous retrouvons devant des Ă©vĂ©nements qui sont vĂ©ritablement le règne du pĂ©chĂ©.

 

 

Examinons notre contexte à cette lumière. […]

 

Je me rĂ©jouis de voir, en cette heure oĂą nous avons dit que tous doivent se prononcer et dire un mot, si ce n’est pas de l’annonce du Règne de Dieu, pour le moins de dĂ©nonciation des offenses contre la loi de Dieu. Nous avons vu une dĂ©claration de la SociĂ©tĂ© Dentaire du Salvador sur la rĂ©alitĂ© nationale. Entre autres choses, ce commentaire y est fait : « Devant un Ă©tat de choses oĂą prĂ©vaut l’injuste sur le juste, avec une longue succession de gouvernements chaque fois plus impopulaires, avec un grand capital qui sauf exception, fait preuve de manque de sensibilitĂ© sociale, avec une loi qui s’applique aux uns, mais pas aux autres et devant ces classes sociales, les unes qui ont tout et les autres auxquelles tout leur manque… On dit ensuite : le capital rĂ©trograde doit se convaincre qu’il n’est plus un seigneur fĂ©odal. Il doit ĂŞtre humain et traiter ses employĂ©s, aussi humbles soient-ils, avec la dignitĂ© et le respect qu’ils mĂ©ritent en tant qu’être humain. Nous ne nous trompons pas en affirmant que l’argent, le pouvoir et les influences qu’ils gĂ©nèrent, fait des dieux de plusieurs, Ă  tel point qu’ils deviennent insensibles Ă  la douleur et aux besoins de ceux qui travaillent pour eux. Â»

 

Je citerai après une autre dĂ©claration qui m’apparaĂ®t suprĂŞmement valide pour dire comme le Christ : retourner aux commandements! OĂą on ne vole pas, oĂą on ne commet pas l’adultère, oĂą on ne divinise pas les crĂ©atures ni les hommes, oĂą nous reconnaissons tous que seul Dieu est bon et seul celui qui accomplit la loi est Ă©galement bon. Et tous ceux qui tuent, qui torturent, qui trahissent la loi de Dieu, sont mauvais. Et s’ils veulent se sauver et entrer au Royaume, ils doivent se repentir et se convertir, ĂŞtre obĂ©issants Ă  la loi de Dieu. C’est le premier chemin : les commandements de la loi de Dieu!

 

Comme il serait bon ici, davantage que de prĂŞcher, de nous mettre tous Ă  rĂ©flĂ©chir en silence : en quelle matière est-ce que je dĂ©sobĂ©is Ă  la loi de Dieu? Combien de causes du mal enlèverions-nous de notre sociĂ©tĂ© si tous ceux qui sont ici nous convertissions de nos dĂ©sobĂ©issances Ă  la loi de Dieu et que nous sortions d’ici pour accomplir dorĂ©navant, la vĂ©ritĂ©, la justice, l’amour, tout ce que nous demande la loi de Dieu. C’est indispensable, très chers frères, et la loi de Dieu n’est pas une chose surĂ©rogatoire (supplĂ©mentaire). Il appartient Ă  l’essence mĂŞme de la personne humaine, Ă  tel point que ce n’est pas Dieu qui est le premier concernĂ© par l’obĂ©issance Ă  cette loi. C’est nous-mĂŞmes que nous dĂ©truisons en dĂ©sobĂ©issant Ă  la loi de Dieu. Une sociĂ©tĂ© oĂą, au lieu de prĂ©valoir la loi de Dieu, le DĂ©calogue, les commandements, prĂ©valent les envies, les Ă©goĂŻsmes, les outrages, donne le rĂ©sultat que nous vivons prĂ©sentement. Ne soyons pas dupes : le Salvador s’est Ă©loignĂ© de Dieu et c’est uniquement en Ă©coutant les rĂ©ponses que le Christ fait au jeune que notre pays pourra rencontrer le chemin de son Salut : Accomplis la loi du Seigneur!

 

 

B) « Tout cela je l’accomplis depuis mon jeune âge. Â» « JĂ©sus le regarda avec affection. Â»

 

Ce pittoresque rĂ©cit de l’Évangile se poursuit lorsque le jeune dit au Christ : « Tout cela je l’accomplis depuis mon jeune âge. Â» Et plus pittoresque encore dans ce rĂ©cit, est le regard que JĂ©sus posa sur lui : « Il le regarda et l’aima. Â» Le dialogue de la bontĂ©! Puisse Dieu, si le Seigneur nous regarde aujourd’hui, le fait-Il avec amour, qu’Il ne nous regarde pas avec le reproche avec lequel Il devait regarder les hypocrites, les pharisiens, les adultères et les pĂ©cheurs. Parce qu’un regard du Christ, sĂ©vère comme ceux qu’Il dirigeait Ă  ces ennemis, devait ĂŞtre terrible comme un fouet, tandis qu’un regard d’amour du Christ pour un jeune qui accomplit la loi de Dieu est comme une caresse. Il n’y a pas de caresse semblable que de voir le Christ qui me sourit, satisfait de ce que j’accomplisse mon devoir.

 

 

C) « Une chose te manque. Â»

 

Et, nĂ©anmoins, le Christ lui dit une autre parole : « Une chose te manque. Â» Ici, il y a un dĂ©fi du Christ Ă  la bontĂ© naturelle des hommes et des femmes. Il ne suffit pas d’être bon, il ne suffit pas de cesser de faire le mal, mon christianisme est quelque chose de plus positif, ce n’est pas une nĂ©gation. Plusieurs disent : « Si je ne tue pas, je ne vole pas et que je ne fais pas de mal Ă  personne. Â» Cela ne suffit pas, il te manque encore quelque chose! 14/10/79, p.340-343, VII.

 

 

2) Esprit de pauvreté et détachement

 

 

A) « Va, vends ce que tu as. Â»

 

Cette bontĂ© du jeune Ă©tait très amère parce que le Christ lui dit : (Mc 10,21-22) : « Une seule chose te manque : va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres et tu auras un trĂ©sor dans le ciel; puis, viens, suis-moi. Â» Mais lui, Ă  ces mots, s’assombrit et il s’en alla attristĂ©, car il avait de grands biens.

 

Ce n’est pas que le Christ ait une dent contre les riches, ni l’Église d’ailleurs, ni la prĂ©dication de l’Église ne sont un acharnement contre les riches. D’aucune manière! Nous venons de dire « JĂ©sus fixa son regard sur lui et l’aima Â» et Il le voulait pour disciple, Il lui enseigna le vĂ©ritable chemin. Si l’Église prĂŞche Ă©galement une parole qui est dure, que le Christ va dire maintenant, ce n’est pas par mauvaise volontĂ©, mais pour indiquer le chemin qui conduit Ă  la fĂ©licitĂ©.

(Mc 10,23-24) : « Alors JĂ©sus, regardant autour de lui, dit Ă  ses disciples : “Comme il sera difficile Ă  ceux qui ont des richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu!” Les disciples Ă©taient stupĂ©faits de ces paroles. Â» Cela Ă©tait naturel, pour des hommes formĂ©s dans l’Ancien Testament qui faisait consister le bonheur, la bĂ©nĂ©diction de Dieu, dans la possession des biens matĂ©riels, longue vie, et fĂ©licitĂ© sur cette Terre. Mais le Christ vient mettre les choses en ordre et dire que s’il est vrai que la richesse est bonne et que la fĂ©licitĂ© existe aussi en ce monde, il ne faut pas les diviniser. C’est pourquoi le Christ corrige immĂ©diatement les disciples qui s’étonnent : « Mes enfants, qu’il est difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu pour ceux qui mettent leur confiance dans l’argent. Â» C’est ce qui est mal. Avoir de l’argent ce n’est pas mal, mais mettre sa confiance dans l’argent c’est convertir l’argent en un dieu. En Dieu seul nous devons mettre notre confiance. L’argent se perd, il ne demeure attachĂ© Ă  personne. L’expĂ©rience de la vie nous le dĂ©montre : celui qui place sa confiance dans les choses terrestres n’est jamais heureux.

 

Qu’il est difficile d’entrer dans le Règne de Dieu pour ceux qui mettent leur confiance dans l’argent! Et il emploie cette terrible comparaison (Mc 10,25-27) : « Il est plus facile Ă  un chameau de passer par le trou de l’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu! Â» Ils restèrent interdits Ă  l’excès et se disaient les uns aux autres : « Et qui peut ĂŞtre sauvĂ©? Â» Fixant sur eux son regard, JĂ©sus dit : « Pour les hommes, c’est impossible, mais non pour Dieu : car tout est possible pour Dieu. Â» Par cela Il signifie qu’il peut y avoir des richesses, oĂą l’homme se convertit Ă  user des richesses au service de l’amour, de la justice, pour faire le bien. Mais ceci est un miracle que Dieu seul peut faire. En vĂ©ritĂ©, si les riches ne mettaient pas leur confiance dans l’argent, mais en Dieu, et qu’ils demandaient Ă  Dieu comment utiliser cet argent, ils seraient saints et rendraient la Terre heureuse.

 

 

L’esprit de détachement est nécessaire à la liberté

 

Après cela a lieu un discours pittoresque avec saint Pierre, lequel n’était pas riche, il Ă©tait un pauvre pĂŞcheur des rives du lac, mais il sentait la libertĂ© de celui qui a tout laissĂ©, parce qu’il n’est pas question ici d’avoir beaucoup ou peu. Ceux qui ont peu peuvent ĂŞtre Ă©galement attachĂ©s Ă  leurs biens et ne pas avoir la libertĂ© des pauvres. Et ce pauvre qui a laissĂ© le peu qu’il possĂ©dait Lui dit (Mc 10,28-30) : « Voici que nous, nous avons tout laissĂ© et nous t’avons suivi. Â» JĂ©sus dĂ©clara : « En vĂ©ritĂ©, je vous le dis, nul n’aura laissĂ© maison, frères, sĹ“urs, mère, père, enfants ou champs Ă  cause de moi et Ă  cause de l’Évangile, qui ne reçoit le centuple dès maintenant, au temps prĂ©sent, en maisons, frères, sĹ“urs, mère, enfants et champs, avec des persĂ©cutions et, dans le monde Ă  venir, la vie Ă©ternelle. Â» Ou encore, que l’esprit de dĂ©tachement est nĂ©cessaire pour avoir la vĂ©ritable libertĂ©.

 

 

Vertus urgentes : esprit de pauvretĂ© et charitĂ©

 

Je vous rappelle, et hier j’ai lu avec beaucoup de plaisir, la première encyclique du Pape Paul VI lorsqu’il parlait de la rĂ©novation du monde en indiquant deux vertus urgentes : Premièrement : l’esprit de pauvretĂ© et, après, la charitĂ©, l’amour. Ce sont lĂ  deux grands manques de notre temps.

 

Et quand ce Pape parle de l’esprit de pauvretĂ©, il dit : « Pourquoi en fais-je mention? Parce qu’il est proclamĂ© dans le saint Évangile. Il est si intrinsèque au dessein de notre destinĂ©e dans le Règne de Dieu, il le voit si en danger par la valorisation des biens dans la mentalitĂ© moderne, il est si nĂ©cessaire pour nous faire comprendre autant de faiblesses et de ruines de notre temps et pour nous faire comprendre Ă©galement, quelles doivent ĂŞtre la teneur de notre vie et la meilleure mĂ©thode pour annoncer aux âmes la religion du Christ. Â» Ce dĂ©tachement nous donne la vĂ©ritable libertĂ©.

 

Dans ce mĂŞme texte, Paul VI nous dit pourquoi l’esprit de pauvretĂ© est la vĂ©ritable libĂ©ration de l’être humain : « La libĂ©ration intĂ©rieure produite par l’esprit de pauvretĂ© Ă©vangĂ©lique nous rend plus sensibles et plus aptes Ă  comprendre les phĂ©nomènes humains reliĂ©s aux facteurs Ă©conomiques. Â» Nul ne peut trouver la relation qui existe entre les malheurs actuels du Salvador et cette avarice des classes puissantes, comme celui qui possède l’esprit de pauvretĂ©. Celui qui n’a pas cet esprit n’a pas les yeux clairs pour voir que le dĂ©tachement apporte une grande libertĂ© et une grande sensibilitĂ© pour affronter les grands problèmes Ă©conomiques et sociaux du Salvador. « Pour savoir donner Ă©galement Ă  la richesse et au progrès le juste et, avec frĂ©quence, la sĂ©vère apprĂ©ciation qui lui convient. Â» Le progrès et la richesse doivent ĂŞtre jugĂ©s par le critère chrĂ©tien et ne doivent pas toujours ĂŞtre le critère absolu comme si tout Ă©tait du progrès. Un progrès qui laisse autant de gens dans la misère tandis que quelques-uns seulement en bĂ©nĂ©ficient. « Pour donner Ă  l’indigence la sollicitude qu’il se doit et aussi pour dĂ©sirer que les biens Ă©conomiques ne soient plus source de lutte, d’égoĂŻsmes, d’orgueil entre les hommes, mais qu’ils soient orientĂ©s par des voies de justices et d’équitĂ© vers le bien commun et, par le fait mĂŞme, pour qu’ils soient plus abondamment distribuĂ©s. Â»

 

Si l’origine fondamentale de nos maux est l’injustice sociale, seul l’esprit de pauvreté et de détachement peut nous rendre heureux. C’est pourquoi le Christ, aujourd’hui, inculque autant cet esprit de détachement et de pauvreté.

 

 

Option préférentielle pour les pauvres

 

Lorsque le dernier Ă©vĂ©nement ecclĂ©sial grandiose de notre AmĂ©rique, la rencontre de Puebla, indique Ă©galement un chemin pour rencontrer le bonheur de notre peuple, il emploie ces mots : « Option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres. Â» Cela ne signifie pas qu’il faille dĂ©prĂ©cier les riches et ne nous intĂ©resser qu’aux pauvres. J’ai dĂ©jĂ  rĂ©pĂ©tĂ© la formule de Puebla qui me semble merveilleuse, qui est une invitation Ă  toutes les classes sociales, riches et pauvres, Ă  nous intĂ©resser comme de notre propre cause, de celle du pauvre que le Christ a identifiĂ© Ă  lui-mĂŞme : « Tout ce que vous faites Ă  lui, c’est Ă  moi que vous le faites. Â» Quand arrivera ce jour, frères, oĂą nous convertirons vraiment au pauvre, comme le Christ le dit au jeune? : « Il ne suffit pas d’accomplir les commandements, l’esprit de dĂ©tachement et de pauvretĂ© est nĂ©cessaire. Â» Je vous invite Ă  ce que, tout comme la Parole de Dieu qui pĂ©nètre comme une Ă©pĂ©e jusqu’au plus profond de chaque cĹ“ur, nous analysions notre attachement aux choses de la Terre, grande ou petite, peu importe, l’attachement est une attitude personnelle qui disgracie l’être humain qui vit attacher, mĂŞme si c’est Ă  sa propre misère sur Terre. 14/10/79, p.343-345, VII.

 

 

3) Suite de JĂ©sus

 

 

Le Christ dit au jeune homme : « Puis suis-moi. Â» C’est le principal.

 

« Ce que vous aurez abandonnĂ© pour moi, pour l’Évangile. Â» Ou encore, qu’il existe un aspect positif dans la libĂ©ration.

 

Aspect positif : libĂ©ration de quelque chose pour quelque chose d’autre.

 

La libĂ©ration que le christianisme annonce est une libĂ©ration de quelque chose qui rend esclave pour quelque chose qui nous rend dignes. C’est pourquoi ceux qui parlent seulement des esclavages, de la partie nĂ©gative de la libĂ©ration, n’ont pas toute la force que l’Église peut apporter Ă  une personne. Luttez, oui, contre les esclavages de la Terre, contre l’oppression, contre la misère, contre la faim. Tout cela est certain, mais pourquoi? Pour quelque chose, comme dit saint Paul dans une phrase merveilleuse : « ĂŠtre libre pour l’amour. Â» ĂŠtre libre pour quelque chose de positif c’est ce que le Christ dit : « Suis-moi. Â» C’est la chose la plus positive qui puisse ĂŞtre.

 

Le véritable libérateur est celui qui comprend que s’il lutte contre les esclavages, c’est pour se diriger vers quelque chose de positif. L’épisode que nous avons commenté de l’Exode est la sortie de l’esclavage d’Égypte, mais pour quelque chose de positif, pour la Terre promise, pour le repos, pour la dignité de l’être humain. Si quelqu’un se contentait uniquement de se déprendre stoïquement des biens matériels, mais qu’il ne le faisait pas avec amour, en recherchant Dieu et son Évangile, nous aurions quelque chose de très anormal. C’est pourquoi nous pouvons dire que tous ces libérateurs, tous ces révolutionnaires qui font uniquement consister leur lutte en quelque chose de négatif, de violent, dans un esprit de revanche, de haine, parce qu’ils veulent en finir avec l’ennemi, sont très mutilés. Quel dommage qu’autant de générosité soit dépensée aussi négativement!

 

Une fois, un communiste s’est converti au christianisme parce que quelqu’un lui donna un Évangile Ă  lire. Une fois converti au christianisme, il exprima ses sentiments dans une prière très prĂ©cieuse : « Seigneur, maintenant que je Te connais, je Te demande deux grâces : que Tu donnes Ă  la gĂ©nĂ©rositĂ© de mes anciens camarades, cette connaissance de Toi, et Ă  mes compagnons chrĂ©tiens, donne-leur la gĂ©nĂ©rositĂ© de mes camarades. Â»

 

Quel dommage que les chrétiens, ayant tant de valeurs positives, d’affirmations si parfaites contre les esclavages, contre le mal sur la Terre, nous soyons si indolents et que nous n’utilisions pas le trésor de cette valeur positive de suivre le Christ. Il est dommage que nos athées, les révolutionnaires sans Dieu, soient plus capables de se sacrifier pour leur cause que nous pour la grande cause positive du Christ. Je fais un appel, si nous sommes véritablement chrétiens et que nous venons ratifier notre foi dans la messe du dimanche, pour que cette Parole soit comme une épée pénétrante et qu’elle ne nous laisse pas tranquille jusque dans la division de l’esprit et de l’âme, dans les situations les plus intimes de l’être, pour que cette Parole nous pose problème, qu’elle nous questionne, qu’elle ne nous laisse pas dormir tranquille tant que nous n’aurons pas fait quelque chose pour le Règne du Christ et l’Évangile.

 

Avec raison, ce jeune eut peur de suivre le Christ. Il pensa qu’uniquement en ne faisant pas de mal, en accomplissant les commandements d’une manière paresseuse, indolente, que cela suffisait. Comme il y a de nombreux chrĂ©tiens qui croient pouvoir juger les autres parce qu’ils se disent bons et ne font pas le mal. Ce n’est pas cela que veut le Christ, le Seigneur est mort pour quelque chose de plus positif. « Pour que dĂ©jĂ , dit saint Paul, nous ne vivions plus pour nous, mais pour Celui qui mourut pour nous. Â»

 

 

Sagesse, Le Christ : hiĂ©rarchie des valeurs

 

Il y a un avantage Ă  suivre le Christ que nous fait comprendre la première lecture d’aujourd’hui (Sg 7,7-11). Le Livre de la Sagesse, mĂŞme s’il appartient Ă  l’Ancien Testament, permet dĂ©jĂ  d’entrevoir la sagesse chrĂ©tienne. Il est d’un auteur qui Ă©tait sans doute imbu de la mentalitĂ© grecque d’Alexandrie et qui voyait ce que je viens de vous dire : la lâchetĂ© de ses anciens coreligionnaires juifs et, par contre, une philosophie grecque qui gagnait plus d’enthousiasme que la Bible elle-mĂŞme. Il se dĂ©cida alors Ă  extraire de la Bible toutes les motivations pour animer ses coreligionnaires et c’est ainsi que fut Ă©crit le Livre de la Sagesse.

 

Il feint une relation de Salomon priant Dieu de lui concĂ©der la sagesse (Sg 7,7-8) : « C’est pourquoi j’ai priĂ©, et l’intelligence m’a Ă©tĂ© donnĂ©e, j’ai invoquĂ©, et l’esprit de Sagesse m’est venu. Je l’ai prĂ©fĂ©rĂ© aux sceptres et aux trĂ´nes et j’ai tenu pour rien la richesse en comparaison d’elle. Â» Bienheureux celui qui, lorsqu’il parvient Ă  comprendre la sagesse, la richesse, l’infinie beautĂ© de Dieu, ne s’émerveille plus des idoles de la Terre!

 

(Sg 7,9) : « Je ne lui ai pas Ă©galĂ© la pierre la plus prĂ©cieuse; car tout l’or du monde, au regard d’elle, n’est qu’un peu de sable, Ă  cĂ´tĂ© d’elle, l’argent ne compte que pour de la boue. Â» Ah! si l’être humain dĂ©couvrait comme l’or est vain, comme l’argent est pauvre, comme sont misĂ©rables les biens de la Terre quand ils ne sont pas illuminĂ©s par la sagesse de Dieu!