Les trois dimensions des véritables grands se révèlent dans le Christ

 

Vingt-cinquième dimanche du temps ordinaire, 23 septembre 1979; Lectures : Sagesse 2,17-20; Jacques 3,16-18 et 4,1-3; Marc 9,29-36.

 

L’être humain, premier chemin que l’Église doit parcourir dans l’accomplissement de sa mission.

 

Dans cette quatrième lettre pastorale se distingue, conformĂ©ment Ă  la pensĂ©e du Pape actuel et de Puebla, la doctrine sur l’homme. Dans une soif de vouloir ĂŞtre docile Ă  cette volontĂ©, nous copions : « La personne humaine, par sa dignitĂ© et en tant qu’image de Dieu, mĂ©rite notre engagement pour sa libĂ©ration et de sa rĂ©alisation totale en JĂ©sus-Christ. C’est seulement dans le Christ que se rĂ©vèle la vĂ©ritable grandeur de l’homme et de la femme et c’est seulement en Lui qu’est pleinement connue sa rĂ©alitĂ© la plus intime. C’est pourquoi nous nous adressons Ă  la personne pour lui annoncer la joie de se voir assumer et exalter par le propre Fils de Dieu qui voulut partager avec elle les joies, les labeurs et les souffrances de cette vie et l’hĂ©ritage d’une vie Ă©ternelle. Â»

 

 

Nous avons besoin de connaître le mystère du Messie.

 

C’est ce que nous venons faire chaque dimanche, connaĂ®tre le Christ et son grand mystère. En nous efforçant de connaĂ®tre ce mystère, nous nous dĂ©couvrons nous-mĂŞmes. Nul ne possède une idĂ©e exacte de l’être humain comme celui qui rĂ©flĂ©chit en JĂ©sus-Christ. « Le mystère de l’homme, a dit Vatican II, ne peut ĂŞtre dĂ©chiffrĂ© que dans le mystère du Fils de Dieu qui se fit homme. Â»

 

 

Première partie : saint Marc et le mystère du Messie

 

La lecture de l’Évangile de saint Marc (9,29-36) qui marque cette annĂ©e, dimanche après dimanche, notre Ă©tude du Christ, nous a prĂ©sentĂ© le premier aspect qui est le mystère du Fils de Dieu, du Messie, jusqu’à cette merveilleuse confession de saint Pierre : « Tu es le Messie! Â»

 

 

Seconde partie : Le mystère du Fils de l’Homme

 

Mais le Christ commence la seconde partie de son Évangile en nous expliquant que ce Messie est Ă©galement le Fils de l’Homme. C’est ainsi que pourrait s’intituler la deuxième partie de l’Évangile de saint Marc : l’Évangile du Fils de l’Homme. Parce que c’est lĂ  oĂą le Christ dĂ©finit la figure du Messie, non pas un faux messie triomphant, de conquĂŞtes faciles, de dominations mondiales qui adviennent presque spontanĂ©ment, miraculeusement. Non! C’est un messianisme qui est conquis par la croix, dans la souffrance et dans la douleur. C’est un Messie qui doit incarner dans sa grandeur divine la douleur du Serviteur de YahvĂ©. Le Serviteur qui apparaĂ®t dĂ©jĂ  dans IsaĂŻe : sur qui on crache, qu’on fouette et qu’on couronne avec des Ă©pines, humiliĂ© comme nul autre avant Lui. Cela surprend ceux qui espĂ©raient un Messie triomphant : comment un Messie peut-il ĂŞtre souffrant? Ce mĂ©lange de triomphe et de douleur est ce qui travaille le Christ dans ces pages que nous considĂ©rons prĂ©sentement.

C’est pour cela que la doctrine sur l’homme et notre réflexion sur le Christ sont parallèles. Et je crois, plus que jamais, qu’au Salvador nous avons besoin de connaître le Christ. Aujourd’hui, nous avons besoin de chrétiens qui à partir du christianisme, sauront être de véritables libérateurs de la personne humaine. Sinon, nous aurons des mouvements politiques violents, agressifs, d’extrême droite ou d’extrême gauche. Mais cela ne nous donnera pas l’homme et la femme véritable. C’est du christianisme, de vous, d’où sortiront les véritables libérateurs dont la patrie a besoin.

 

Soyons chrĂ©tiens, ne nous surprenons pas de l’audace de l’Église actuelle. Avec la lumière du Christ, Ă©clairons l’être humain jusque dans ses antres les plus horribles : la torture, la prison, le dĂ©pouillement, la marginalisation, la maladie chronique. L’homme opprimĂ© doit ĂŞtre sauvĂ© non par un salut rĂ©volutionnaire uniquement, mais Ă©galement avec la sainte rĂ©volution du Fils de l’Homme qui meurt sur la croix pour laver l’image de Dieu qui a Ă©tĂ© souillĂ©e dans l’humanitĂ© actuelle qui est si esclave, si Ă©goĂŻste et si pĂ©cheresse.

Dans le Christ se révèlent les trois dimensions des véritables grands.

Seuls seront grands ceux qui remplissent ces trois dimensions :

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) La justice éprouvée dans la persécution

2) Un service motivé par l’amour

3) Une Transcendance qui identifie Ă  Dieu les plus petits et les plus humbles

 

 

1) La justice éprouvée dans la persécution

 

 

A) Parallèle évangélique; première lecture (Sg 2,17-20).

 

Quel merveilleux parallèle nous offre la première lecture du Livre de la Sagesse qui nous parle de la persĂ©cution des impies contre le juste! Comme les paroles que nous avons entendues dans l’Évangile (Mc 9,29-36) quand on nous narre la moquerie des ennemis du Christ crucifiĂ© et en train de mourir : « Il disait qu’il Ă©tait Fils de Dieu. Qu’il se sauve! Nous croirons en Lui s’il descend de la croix! Â» C’était la moquerie des impies contre le juste comme nous l’avons lu aujourd’hui dans la première lecture du Livre de la Sagesse.

 

 

Deuxième annonce de la Passion… une tâche difficile

 

Ce parallèle avec l’Évangile d’aujourd’hui nous raconte la seconde annonce de la Passion du Christ. Trois fois dans l’Évangile de saint Marc : la première fois ce fut dimanche dernier. Dans la pittoresque rĂ©gion de CĂ©sarĂ©e de Philippe, lĂ -bas, sur les flancs du mont Hermon, près du lac de GĂ©nĂ©sareth. Il descend aujourd’hui de ces hauteurs et parvient jusqu’à l’endroit qu’Il appelait « sa ville Â», CapharnaĂĽm. Qui sait si ce n’est pas dans la maison de Pierre que s’est dĂ©roulĂ© l’épisode d’aujourd’hui?

 

En arrivant, le Christ explique Ă  nouveau que le Fils de l’Homme doit souffrir et ĂŞtre livrĂ©, qu’Il va ĂŞtre tuĂ©, mais qu’au troisième jour Il ressuscitera! Encore une fois, nous avons ici une prĂ©cieuse synthèse de l’annonce du Christ. C’est cela, le Christ, Lui que nous allons proclamer au moment de la consĂ©cration : « Nous annonçons ta mort, nous proclamons ta RĂ©surrection. Â» C’est ici que se trouve l’essence du christianisme : le Christ doit mourir humiliĂ© pour ressusciter le troisième jour. C’est cela le chemin du Salut vĂ©ritable.

« Ils ne comprenaient pas cette parole et ils avaient peur de l’interroger. Â» (Mc 9,32)

 

C’est le Fils de l’Homme et l’annonce de sa souffrance ne fut pas comprise par les apĂ´tres. Ils avaient peur de L’interroger parce qu’ils avaient l’intuition qu’Il allait affirmer et Ă©claircir horriblement ce qu’Il devait souffrir. Et comme nous ne voulons rien savoir des choses qui nous dĂ©rangent… Ici s’explique pourquoi on ne veut pas accepter une Église persĂ©cutĂ©e, pourquoi on ne veut pas entendre le mot persĂ©cution et il semble que tout ne soit que dĂ©magogie. Ils craignent de demander au Christ le pourquoi de la souffrance. Au lieu de refuser une explication crue et sanglante, il faut l’affronter et demander et faire nĂ´tre cette persĂ©cution. C’est ce que le Christ veut : « N’ayez pas peur, vous devez me suivre si vous voulez ĂŞtre fidèles! Renie-toi toi-mĂŞme, prends ta croix et suis-Moi! C’est seulement ainsi qu’il y aura de vĂ©ritables disciples. Je ne veux pas de chrĂ©tiens peureux. N’ayez crainte! Soyez bien conscients de la persĂ©cution. Sachez que cela est l’unique chemin authentique de celui qui veut sauver le monde avec Moi. Â»

 

 

B) La raison de la persécution?

 

Pourquoi la persĂ©cution existe-t-elle? Parce que c’est la vĂ©ritable force de la RĂ©demption de la volontĂ© de Dieu : « Père, si cela est possible, Ă©loigne de moi ce calice. Mais ne fais pas ce que je veux sinon ta propre volontĂ©. Â» Et le Christ dut boire le calice amer de la passion.

 

Lorsque Pierre sortit une Ă©pĂ©e de son sac pour dĂ©fendre le Christ, Celui-ci lui dit : « Range ton Ă©pĂ©e parce que celui qui combat par l’épĂ©e pĂ©rira par l’épĂ©e. Ne crois-tu pas que le Père pourrait m’envoyer deux lĂ©gions d’anges pour me libĂ©rer? Â» Mais il est nĂ©cessaire de porter la croix et apparaĂ®tre semblable Ă  un vil condamnĂ© Ă  mort. Peu importe, c’est ainsi que le veut le Père. C’est la volontĂ© du Père que le pĂ©chĂ© du monde soit lavĂ© par le sang du Christ, Fils de Dieu, parce que ce pĂ©chĂ© est très grave. Puisse Dieu, pensions-nous quand nous sommes rebelles que la vĂ©ritable rĂ©bellion est celle-ci : la sainte rĂ©bellion de Dieu qui ne se soumet pas au pĂ©chĂ© de l’homme sans lui demander une purification. Il fut nĂ©cessaire de demander le sang de son propre Fils et Il ne Lui pardonna pas pour que ses Ă©paules portent toutes nos iniquitĂ©s.

 

 

C) Pourquoi la bonne conduite est-elle un reproche pour les méchants?

 

La première lecture (Sg 2,17-20) nous donne la raison de la persĂ©cution. Hier, des catĂ©chistes m’ont demandĂ© : « Pourquoi la persĂ©cution? Â» Si nous prĂŞchons le bien, pourquoi refuse-t-on de nous entendre? Si nous nous rĂ©unissons pour rĂ©flĂ©chir sur la Parole de Dieu, pourquoi disent-ils que nos rĂ©unions sont subversives? Savez-vous pourquoi? Puisse Dieu que nous ayons la sagesse de la première lecture d’aujourd’hui. Les impies disent : « L’attitude du juste reproche nos pĂ©chĂ©s! Â» C’est la première raison : l’attitude des justes est un reproche pour celle des injustes. C’est comme lorsque le jour se lève et que les tĂ©nèbres doivent fuir. La sainte justice de Dieu ne peut pas cohabiter avec le pĂ©chĂ© du monde. Le monde doit persĂ©cuter la croix. Le Christ l’a dit : « Ils aimèrent davantage les tĂ©nèbres que la lumière. Â» Ici nous pouvons savoir de qui nous sommes, de Dieu ou des tĂ©nèbres.

 

« C’est l’heure oĂą l’on reconnaĂ®t qui est qui. Â» Qui sont les vĂ©ritables disciples du Christ malgrĂ© la persĂ©cution, les malentendus et la calomnie? Ils ne flanchent pas parce qu’ils savent que la lumière arrive.

 

 

D) Pourquoi la persécution éprouve-t-elle l’idéal transcendant du véritable grand?

 

Une autre raison que nous rencontrons dans la première lecture d’aujourd’hui c’est que la persĂ©cution Ă©prouve, qu’elle rend manifeste l’idĂ©al transcendant de celui qui la porte Ă  l’intĂ©rieur de soi. « Il se dit fils de Dieu! Éprouvons-le pour voir s’il se sauve! Â» Pauvre eux, ils croient que tout se termine avec l’histoire temporelle! Ils croient qu’en humiliant un chrĂ©tien par la torture et l’emprisonnement, ils triomphent.

 

Saint Augustin disait, en parlant des martyrs : « Voyez-vous le bourreau avec son Ă©pĂ©e triomphante sur le cadavre du martyr? Qui a vaincu? Il n’y a pas de doute que c’est la victime qui a vaincu! Celui qui a vaincu par la force brute de l’épĂ©e n’a pas compris la grandeur de celui qui a su donner sa vie pour un idĂ©al si Ă©levĂ©. C’est celle-ci, la victoire vĂ©ritable qui a vaincu le monde. Â»

 

Cette heure de l’épreuve passera et demeurera l’idĂ©al resplendissant pour lequel moururent tant de chrĂ©tiens. Nous sommes en train de vivre une nuit noire, mais le chrĂ©tien perçoit qu’après la nuit fulgurera l’aurore et se lèvera alors dans nos cĹ“urs l’espĂ©rance qui nous manque. Le Christ marche avec nous! N’ayons pas crainte, nous sommes des fils de Dieu, mĂŞme s’ils se moquent de ce titre comme ils se moquèrent du Christ : « Il prĂ©tend qu’il est le Fils de Dieu, alors qu’il se sauve. Â» Et ils se moquaient en pensant qu’ils avaient triomphĂ© sur le Fils de Dieu. Le Christ pouvait descendre de sa croix et les Ă©liminer, rĂ©duire ses ennemis en poussière, cependant, Il cache toute sa grandeur parce qu’Il doit sauver le monde avec cette conviction que les aveugles ne peuvent comprendre.

 

C’est pour cela que la persécution est nécessaire afin que ceux qui portent cette espérance profonde dans leur âme, la soumettent à l’épreuve et pour que peut-être ainsi se convertissent les incroyants et aussi pour qu’ils sachent que les horizons de l’histoire ne se terminent pas avec la vie, mais qu’il existe un au-delà où parviennent les idéaux des véritables fils de Dieu.

 

Éloge de Jean Paul II Ă  Paul VI : « ApĂ´tre du CrucifiĂ© Â»

« Il connaissait la dimension intĂ©rieure de la croix. Il ne fut pas Ă©tranger aux insultes et au manque de respect qu’il souffrit en tant que maĂ®tre et serviteur de la vĂ©ritĂ©. Il ne fut pas Ă©tranger non plus Ă  la peine et Ă  l’angoisse. Â»

 

J’ai eu la chance de voir de très près le Pape Paul VI et on voyait dans son regard triste la sĂ©rĂ©nitĂ© du vĂ©ritable persĂ©cutĂ© par l’injustice. L’encyclique Populorum Progressio fut qualifiĂ©e par les grandes revues du monde : « de rĂ©chauffĂ© du marxisme Â». Sa magnifique encyclique Humane Vitae, oĂą il interdit toutes les offenses aux sources de la vie, vĂ©ritable dĂ©fenseur de la civilisation, fut vilement calomniĂ©e comme « ignorant Â». Le Pape dit lorsqu’il signa cette encyclique : « Cela nous a coĂ»tĂ© tout un GethsĂ©mani – la prière du Christ avant d’être livrĂ© – parce que nous savons que ce que nous affirmons est difficile, mais nĂ©cessaire. Â» Il fut vĂ©ritablement l’apĂ´tre du CrucifiĂ©!

 

Lui qui connaissait la philosophie et la thĂ©ologie profonde de la croix et qui la porta dans l’intimitĂ© de son cĹ“ur. Il n’est pas chrĂ©tien celui qui n’a pas compris cette dimension : du juste Ă©prouvant, sans honte, sa justice dans la persĂ©cution pour notre Église. MĂŞme si on veut calomnier le motif de la persĂ©cution en disant que c’est parce que l’Église se mĂŞle de politique, qu’elle est devenue communiste, qu’elle est subversive. Nous savions dĂ©jĂ  ce que ces termes signifiaient, depuis qu’on les appliqua au Christ pour le conduire au gibet. Mais Il savait qu’Il ne mourait pour aucune de ces raisons, qu’Il mourait pour obĂ©ir au Père qui voulait Ă©prouver dans l’intimitĂ© de son cĹ“ur la dimension immense des vĂ©ritables grands : la dimension de la souffrance et de la douleur.

 

 

Que personne ne s’étonne d’être innocent et de devoir souffrir. Comme celui qui porte la croix est innocent et digne devant Dieu! Cette semaine, j’ai cĂ©lĂ©brĂ© les funĂ©railles d’un enfant qui est mort victime du cancer. Je disais Ă  ses parents affligĂ©s et Ă  ceux qui assistaient Ă  la messe : que personne ne se scandalise que Dieu utilise ces mesures. Cela semble une injustice. Pourquoi cet innocent? Non! Serait-ce que Dieu veut dĂ©montrer devant le Ciel et l’Histoire que sur cette Terre tout est perdu? De cette Terre oĂą il y a tant de violences et de haine, tant de mal et de pĂ©chĂ©s, Dieu est capable d’arracher une fleur si pure, l’emporter Ă  son Royaume et la mettre auprès de son trĂ´ne. Les innocents n’ont pas honte d’être innocents, ni se scandalisent de la souffrance. Ils sont les fleurs pures que Dieu cultive dans cette vallĂ©e de vase et de pĂ©chĂ©s. Ils sont les saintes victimes dont Dieu a besoin pour sa purification.

 

Dans ce mĂŞme hĂ´pital souffre aujourd’hui une petite fille. Elle a peut-ĂŞtre dix ans et elle est dĂ©jĂ  victime du cancer. Ils l’ont opĂ©rĂ©e Ă  la tĂŞte et sans doute qu’elle va mourir. Pourquoi cela, Seigneur? Ici, le Livre de la Sagesse nous donne la rĂ©ponse : « Les impies veulent jeter ces injustices au visage de Dieu. Mais Dieu rĂ©pond en disant que la bonne conduite des innocents est le reproche des pĂ©cheurs et en disant aussi qu’il est nĂ©cessaire de manifester au monde la transcendance de l’être humain qui ne termine pas sa course dans l’histoire, mais qu’au contraire, Dieu le cultive pour la vie Ă©ternelle. Â» Ceci n’est pas de l’opium, c’est donner sa vĂ©ritable valeur Ă  la vie qui souffre ici bas.

 

Combien de souffrance! Combien de pauvretĂ©! Combien de cabanes ont-elles amenĂ© notre gouvernement lui-mĂŞme Ă  dire : « Les gens y vivent dans des conditions oĂą l’hygiène, la santĂ© et la subsistance font absolument dĂ©faut. Â» Pourquoi, Seigneur? Le pĂ©chĂ© des mĂ©chants. En regardant ces injustices, le pĂ©cheur se scandalise tout naturellement, tout en continuant de savourer son confort sans laisser de place pour que le pauvre qui souffre puisse construire une habitation dĂ©cente. Il lui jette au visage la propre injustice qu’il est en train de commettre. Mais Dieu sanctifie la douleur et nous devons nous convertir. Comme disait le Pape en parlant de la Vierge au pied de la croix : « Ce n’était pas une souffrance d’aliĂ©nation. Marie n’acceptait pas avec un esprit conformiste ces injustices de l’empire. Marie sait, et elle le chante dans son Magnificat, que Dieu est capable de renvoyer les orgueilleux les mains vides et si cela est nĂ©cessaire de dĂ©trĂ´ner les puissants lorsque l’injustice est trop grande. Â»

 

Puisse Dieu que la leçon du Christ qu’Il veut nous donner à travers l’Évangile de saint Marc soit comprise et vécue en ces temps où nous en avons vraiment besoin. Nous avons besoin que notre pauvreté, que notre marginalisation, notre souffrance, notre faim, notre sous-développement ne soient pas seulement une inspiration de violences, de vengeances ou de haine, mais qu’ils soient surtout l’inspiration d’une véritable libération. Offrez cela comme le Christ qui accepta la croix qui était la volonté de son Père. Mais non pas pour mourir d’une manière conformiste sous l’oppression, sinon pour convertir sa Résurrection de l’oppression en la véritable force libératrice de notre peuple. 23/09/79, p.277-282, VII.

 

 

2) Un service motivé par l’amour

PensĂ©e que nous donnent les lectures d’aujourd’hui. Une autre dimension des vrais grands. « Je ne suis pas venu pour ĂŞtre servi sinon pour servir et donner ma vie pour le Salut d’une multitude. Â» Ces mots sont du Christ qui voulut nous enseigner la leçon que durent apprendre humblement les apĂ´tres dans le passage de l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 9,29-36).

 

 

A) Discussion des apĂ´tres

 

Ils venaient en discutant : « Qui est le plus grand dans le Règne des cieux? Â» Lorsque le Christ, qui devine les pensĂ©es humaines, leur demanda, en arrivant Ă  CapharnaĂĽm (Mc 9,33) : « De quoi discutiez-vous en chemin? Â» Ils n’osèrent pas le Lui avouer, car c’était un thème si honteux devant un Christ si humble, que de parler de ces prĂ©tentions.

 

Nous avons oublié le véritable esprit des chrétiens et nous pensons à celui qui va être le plus grand, à celui qui peut être plus, qui possède le plus, qui est le plus puissant politiquement. Ces grandeurs de la Terre n’ont pas de valeur aux yeux du Christ. Parce que si un homme parvenait à gravir ces postes de direction dans la politique, dans le social, dans l’économique, il ne doit pas faire consister sa grandeur en son appui sur ces choses matérielles qui s’échappent des mains lorsque l’on ne s’y attend pas.

 

 

Le plus grand c’est celui qui sert le mieux.

 

(Mc 9, 35) : « Si quelqu’un veut ĂŞtre le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. Â» Discutez alors Ă  la lumière de ce principe chrĂ©tien pour savoir qui est le plus grand parmi vous. Sera plus grand celui qui sert avec le plus d’humilitĂ© et d’amour. Si un homme, pour le bien de la sociĂ©tĂ©, est Ă©lu ministre ou prĂ©sident de la rĂ©publique, Ă©vĂŞque ou serviteur, il est d’abord et avant tout un serviteur du peuple de Dieu. Il ne faut pas oublier cela! L’attitude qu’il faut prendre dans ces charges n’est pas de dire : « Je commande et ici je fais despotiquement ce que je veux. Â» Tu n’es pas plus qu’un homme, ministre de Dieu et tu dois demander la main du Seigneur pour servir le peuple selon la volontĂ© de Dieu et non selon tes caprices.

 

La volontĂ© de Dieu est celle qui prĂ©vaut dans le service de l’autoritĂ©. Il est sĂ»r que plusieurs ont voulu nous reprocher comme une subversion, le fait que nous prĂŞchons contre l’autoritĂ©. Nous n’avons jamais prĂŞchĂ© contre l’autoritĂ© vĂ©ritable. Oui! Nous avons prĂŞchĂ© contre l’abus d’autoritĂ©! Toute autoritĂ© vient de Dieu et il faut la respecter. Si une autoritĂ© est grande, c’est prĂ©cisĂ©ment quand elle administre cette autoritĂ© en sachant qu’elle vient de Dieu et qu’elle appartient Ă  un ordre moral qu’il ne faut pas transgresser. Mais quand cette autoritĂ© outrepasse cet ordre moral et commande des choses inconcevables, des outrages du peuple, et toutes sortes d’abus d’autoritĂ©, c’est l’heure oĂą saint Paul lui-mĂŞme nous dit : « Toute autoritĂ© vient de Dieu. Â» Rappelons-nous aussi de cet autre texte de saint Pierre : « Nous devons obĂ©ir Ă  Dieu avant les hommes. Â»

 

 

B) L’Église au service des hommes, le diaconat

 

Quand le Christ organisa son Église, Il enseigna Ă  ses apĂ´tres la vĂ©ritable caractĂ©ristique de l’Église. Une autre appellation de l’Église est « diaconat Â». C’est un mot grec qui veut dire « service Â». Le mot naquit lorsque les apĂ´tres ne suffisaient plus Ă  la tâche de prendre soin des chrĂ©tiens qui allaient en augmentant. Ils appelèrent alors sept hommes remplis de l’Esprit de Dieu et ils leur donnèrent le titre de « diacre Â» qui signifie « serviteur Â». Alors, on donna aussi Ă  l’Église le nom de diaconat, service, l’Église est service.

 

Le Concile Vatican II a voulu remettre les choses Ă  leur place. Il dit que les Ă©vĂŞques ne veulent plus ĂŞtre comme des princes et qu’à cause de cela, la figure de notre ministère a Ă©tĂ© grandement dĂ©formĂ©e. Nous ne sommes pas des princes, ni des rois. Nous ne sommes pas venus pour ĂŞtre servis, mais que nous devons ĂŞtre, comme le dit le Concile : « Les ministres qui possèdent la sainte puissance, sont au service de leurs frères. Â»

 

Je suis votre diacre, chers frères, je suis votre serviteur et toute la pastorale qui dĂ©coule de la responsabilitĂ© du pasteur doit se mettre entièrement dans cette attitude de service : prĂŞtres, religieuses, communautĂ©s. Je me rĂ©jouis Ă©normĂ©ment que notre archidiocèse comprenne chaque jour davantage ce sens du service. Si par hasard, il demeurait quelques relents d’impĂ©rialisme, de puissance terrestre, de paternalisme, je vous invite tous : prĂŞtres, communautĂ©s religieuses, supĂ©rieures et supĂ©rieurs de communautĂ©, Ă  ce que votre rĂ´le ne soit pas seulement d’être chef, mais d’être serviteur de la communautĂ©, celui qui sait entendre les dĂ©sirs et les orienter vers Dieu pour servir les besoins du peuple…

 

Ă€ vous, laĂŻcs, qui n’êtes ni Ă©vĂŞques, ni religieux, ni religieuses, que vous dit le Concile? « Servant le Christ aussi dans les autres, conduisez vos frères, dans l’humilitĂ© et la patience vers le Roi pour qui servir, c’est rĂ©gner. Â» Quand je dis que je suis le diacre, votre serviteur, je ne cherche pas Ă  ĂŞtre populaire pour recevoir des applaudissements. D’aucune manière, je n’ai recherchĂ© cela. Vous me les avez donnĂ©s spontanĂ©ment et je ne m’en enorgueillis pas parce que je sais qu’il s’agit de l’expression d’un peuple qui se sent en communion avec celui qui leur adresse cette parole et que je m’efforce de servir, prĂ©cisĂ©ment, dans ses sentiments les plus profonds.

 

Je dis que ce n’est pas de l’opportunisme sinon que bien plus encore, pardonnez-moi de vous le dire : ce qui m’intĂ©resse ce n’est pas tant de gagner votre sympathie que celle de Dieu. Il ne m’importe pas tant de rĂ©gner sur les cĹ“urs dont, grâce Ă  Dieu, je ressens l’affection qui me constitue presque roi de cette communautĂ©, mais qui me fait surtout me sentir roi devant Dieu. Le servir, c’est rĂ©gner et je voudrai le servir encore plus humblement dans le peuple, pour rĂ©gner davantage…

 

Tout comme cette devise du Concile qui affirme : « Servir c’est rĂ©gner Â», nous pourrions dire Ă  l’envers : « RĂ©gner c’est servir. Â» C’est-Ă -dire que celui qui parvient Ă  occuper un poste d’autoritĂ© doit considĂ©rer cela comme un service et c’est seulement Ă  partir de ce service qu’il pourra rĂ©gner. C’est pourquoi il y a tant de malaises, parce que nous n’avons pas compris la joie d’être serviteur, parce que nous discutons encore sur le chemin, comme les apĂ´tres, pour savoir : « Qui est le plus grand ici sur la Terre? Â» Parce que nous ne faisons consister la joie et le pouvoir uniquement dans des vanitĂ©s de la Terre. Puisse Dieu, qu’ils se convertissent et que nous convertissions tous ceux qui ont des charges d’autoritĂ© afin qu’ils n’aillent pas croire qu’ils occupent ces charges Ă  cause de leur propre grâce, mais par la volontĂ© de Dieu.

 

Que ce Dieu qui va demander des comptes Ă  tous, jusqu’au plus humble, demande des comptes avec plus de rigueur Ă  celui qui avait l’autoritĂ© entre ses mains, pour qu’il administre selon le cĹ“ur de Dieu. « Malheur aux puissants, dit la Bible, parce qu’ils seront punis plus sĂ©vèrement par Dieu. Â» Nous pourrions parler longtemps de cet aspect. Et ce serait la plus grande leçon de ce dimanche : ĂŞtre humble. Faire consister notre joie dans le service que nous rendons Ă  Dieu en servant la personne pauvre. C’est ce vers quoi nous conduit ma troisième rĂ©flexion, une troisième mesure de l’homme et de la femme selon le Christ. 23/09/79, p.282-284, VII.

 

 

3) Une Transcendance qui identifie Ă  Dieu les plus petits et les plus humbles

 

Ici, nous allons faire hommage Ă  l’annĂ©e internationale de l’enfant. Quelle belle image du Christ prenant un enfant parmi la foule et le posant sur ses genoux pour en faire le symbole de sa prĂ©dication! Le Christ est l’interprète du message de l’enfant. Quel bien ferions-nous en cette AnnĂ©e de l’enfance, au lieu de toutes ces choses sentimentales et romantiques qui laissent les enfants dans la misère et la pauvretĂ©! Un ami me disait : « Hier soir, quelle douleur j’ai ressentie en voyant une pauvre petite qui dormait sur le trottoir d’un boulevard de la capitale, avec un paquet de journaux qu’elle n’avait pas rĂ©ussi Ă  vendre. Elle n’est pas rentrĂ©e chez elle, une punition l’y attendait sĂ»rement parce qu’elle n’avait pas accompli sa tâche. Il Ă©tait presque 23 heures. Â» C’est cela la triste rĂ©alitĂ© que vivent nos enfants.

 

 

A) Scène de l’enfant

 

Le Christ prend un de ces enfants et Il le dĂ©pose au centre de l’assemblĂ©e. Quelle belle parabole vivante du Christ! Alors, nous dit la parole de l’Évangile de saint Marc (9,37) : « Quiconque accueille un enfant comme celui-ci Ă  cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille; et quiconque m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyĂ©. Â» Voyez quelle belle relation existe entre l’enfant et Dieu Ă  travers le Christ. Jusqu’au plus petit, l’enfant est grand quand le Christ l’assume comme sa propre cause. C’est cela la lutte de l’Église lorsque Puebla dit : « L’option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres Â», parce que l’enfant est l’image la plus Ă©loquente de la pauvretĂ©.

 

 

Invitation Ă  la transcendance Ă  partir de la petitesse

 

J’ai lu dans le commentaire de ce texte de saint Marc, une note historique qui dit : « L’enfant, dans le droit antique n’était pas une personne dans le plein sens lĂ©gal… En plus de devoir vivre sous l’autoritĂ© de ses parents, il n’avait pas la capacitĂ© de l’auto-affirmation, ni l’indĂ©pendance pour agir. Â» C’était Ă©videmment la nĂ©gation de lui-mĂŞme. Le Christ dit : « Celui qui dĂ©sire venir Ă  ma suite, qu’il se renie lui-mĂŞme Â», autrement dit, qu’il se fasse enfant. L’être humain qui n’a droit Ă  rien, celui qui ne peut pas se dĂ©placer si ce n’est qu’avec l’aide de son père ou de sa mère. C’est pourquoi la fragilitĂ© de l’enfant est autant abusĂ©e et si peu respectĂ©e. Mais quand cette faiblesse, cette fragilitĂ©, est recueillie par le Christ dans l’Évangile d’aujourd’hui, Il lance un dĂ©fi au monde entier (Mc 9,37) : « Quiconque accueille un enfant comme celui-ci Ă  cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille; et quiconque m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyĂ©. Â»

 

Celui qui respecte les enfants est voulu par le Christ et par Dieu, mais non pas dans un sens romantique comme nous venons de le dire. Les enfants sont sympathiques et il est dangereux que nous demeurions seulement dans la sympathie humaine. Ils sont si sensibles, si innocents, n’importe quelle attention leur plaĂ®t. Ils semblent n’appartenir Ă  personne parce que quiconque arrive auprès d’une mère qui rĂ©primande son enfant et lui dit : « PrĂŞte-le moi, Â» et on le prend comme s’il s’agissait du nĂ´tre. Un sourire d’enfant vaut des millions. Combien vaut davantage pour moi qu’un enfant ait confiance au point de me sourire, de m’embrasser et de me donner un baiser Ă  la sortie de l’Église, que d’avoir des millions et de faire peur aux enfants.

 

Un enfant vaut beaucoup, non seulement sous son aspect humain, mais surtout, dans la perspective que le Christ nous a donnĂ©e aujourd’hui : Ă  partir de la perspective de la foi, l’accueillir en son Nom. C’est ce qui est divin dans le christianisme, accueillir l’enfant au nom du Christ, c’est-Ă -dire, comme s’il s’agissait rĂ©ellement de l’enfant JĂ©sus, comme si nous sentions rĂ©ellement le Fils de l’Homme dans toute sa grandeur divine incarnĂ©e en cet enfant. C’est pour cela que Puebla dit, en parlant de l’option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres, que ce n’est pas une dĂ©magogie, ni une division que nous voulons apporter, encore moins une lutte des classes, mais au contraire, nous faisons une invitation Ă  toutes les classes sociales sans exception pour qu’elles considèrent comme leur la cause du pauvre, plus encore, comme celle du Christ qui nous dira Ă  la fin des temps sur un ton semblable Ă  celui qu’il nous a dit aujourd’hui : « Tout ce que vous aurez fait pour eux, c’est Ă  moi que vous l’aurez fait. Â»

 

C’est transcendant. Je dis dans ma quatrième lettre pastorale : « La transcendance que l’Église enseigne n’est pas une aliĂ©nation, ce n’est pas aller au Ciel pour penser Ă  la vie Ă©ternelle et oublier les problèmes de la Terre, c’est une transcendance qui se fait Ă  partir du cĹ“ur de l’homme. Â» C’est se mettre dans l’enfant, se mettre dans le pauvre, se mettre dans le sans-abri, se mettre dans l’infirme, dans la cabane, dans la hutte, c’est d’aller partager avec lui. Et Ă  partir des entrailles mĂŞme de sa misère, de sa situation, de le transcender, de l’élever, de le promouvoir et de lui dire : « Tu n’es pas un dĂ©chet, tu n’es pas un marginal Â», mais de lui dire au contraire : « Tu as beaucoup de valeur, tu en as autant que celui qui vit dans les grandes demeures que tu vois et que tu ne pourras jamais possĂ©der. Tu es Ă©gal, tu es un homme, une femme, et comme tous les autres, images de Dieu, tu es appelĂ© au ciel. Â» C’est cela la transcendance qui donne la vĂ©ritable dimension des grands hommes et des grandes femmes.

 

Quand un homme se laisse transcender, quand un homme ne se ferme pas aux limites des libĂ©rations temporelles, quand un homme se croit non seulement un leader pour conduire les autres Ă  un massacre, mais quand il incarne un leadership pour donner Ă  tous ceux qui l’accompagnent une dimension de vĂ©ritable grandeur, de transcendance divine, c’est cela, la vĂ©ritable libĂ©ration que l’Église enseigne. Si l’Église prĂŞchait autre chose, elle se mutilerait elle-mĂŞme et elle perdrait son originalitĂ©, la force de sa libĂ©ration. La libĂ©ration que l’Église prĂŞche est celle qui part du cĹ“ur de l’être humain : le libĂ©rant du pĂ©chĂ© pour l’élever jusqu’à Dieu et le faire fils de Dieu.

 

Parmi ces mesures de la dimension transcendante, le Pape Paul VI, qui analysa profondĂ©ment l’humanitĂ© actuelle, disait : « Il faut cultiver Ă©galement l’esprit de pauvretĂ©. L’esprit de pauvretĂ© qui est loin de toute convoitise qui fait consister la grandeur de l’homme Ă  avoir plus, en Ă©change, la vĂ©ritable grandeur c’est d’être plus. Â» C’est ici que le Pape disait : « Cultivons cet esprit de pauvretĂ© qui rend vĂ©ritablement grand et transcendant l’être humain parce qu’il l’enlève de sa position inclinĂ©e devant l’argent, pour l’agenouiller devant Dieu. Â»

 

 

B) La transcendance divise les hommes entre justes et injustes

 

C’est exactement dans cette dimension de la transcendance où nous rencontrons la ligne qui divise entre les véritables grands, les saints et les impies, les méchants et les matérialistes. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les lectures d’aujourd’hui.

 

 

Les impies… visions terrestres du juste

 

La première lecture nous prĂ©sente les impies Ă  partir d’une vision terrestre (Sg 2,17-20) : « Voyons si ses dires sont vrais, expĂ©rimentons ce qu’il en sera de sa fin. Car si le juste est Fils de Dieu, Il l’assistera et le dĂ©livrera des mains de ses adversaires. Éprouvons-le par l’outrage et la torture afin de connaĂ®tre sa douceur et de mettre Ă  l’épreuve sa rĂ©signation. Condamnons-le Ă  une mort honteuse puisque, d’après ses dires, il sera visitĂ©. Â» Quel langage que celui de la Bible, qui pourrait employer un langage aussi criminel de nos jours!

 

Pourquoi les tue-t-on? On les tue parce qu’ils dérangent. Pour moi ce sont de véritables martyrs au sens populaire. Naturellement, je ne me prononce pas sur le sens canonique, où être martyr suppose un progrès pour l’Église universelle. Je respecte cette loi et je ne dirai jamais que nos prêtres assassinés ont été des martyrs qui ne sont pas encore canonisés. Mais, oui, ce sont des martyrs dans le sens populaire. Ce sont des hommes qui ont prêché, précisément, cette identification avec la pauvreté, ce sont des hommes véritables qui ont été jusqu’aux limites dangereuses où les escadrons de la mort menacent, où quelqu’un peut être dénoncé et où il finit par être tué comme on tua le Christ.

 

Ceux-là sont ceux que nous appelons les véritables justes. Et s’ils avaient des fautes… Qui n’en a pas? Qui n’a rien à se reprocher? Les prêtres qui ont été tués furent des hommes et ils eurent leurs fautes. Mais le fait de s’être laissé tuer sans s’enfuir, de ne pas avoir été lâches et de s’être placés dans ces situations de torture, de souffrance et d’assassinat, est aussi valable pour moi, qu’un baptême de sang, car ils ont été purifiés. Nous devons respecter leur mémoire!

La Sagesse qui vient d’en haut produit la justice comme fruit de la paix.

 

Dans la seconde lecture d’aujourd’hui (Jc 3,16-18 et 4,1-3), nous apercevons encore plus clairement la frontière qui divise les impies et les justes persĂ©cutĂ©s. Saint Jacques pose clairement : « La sagesse qui vient d’en haut est celle qui produit la justice, la paix et tous les biens. Â»

 

 

Le mot sagesse

 

Par contre, dit-il, la fausse sagesse, qu’il appelle « les dĂ©sirs du plaisir qui combattent dans votre corps. Â» Quelle source immonde nous sommes! C’est de lĂ , de ces dĂ©sirs de plaisir qui combattent dans le corps de l’homme d’oĂą surgit cette longue liste de la seconde lecture d’aujourd’hui : « envies, batailles, dĂ©sordres, toutes sortes de maux, luttes, conflits, Ă©goĂŻsme, assassinats, ambitions, dĂ©bauches de plaisir. Â» Deux sources diamĂ©tralement opposĂ©es.

 

La sagesse qui vient d’en haut, celle que le Christ nous enseigne, celle de savoir donner Ă  la vie la dimension du service, de l’amour, de la souffrance, de l’altruisme; et la sagesse qui naĂ®t des dĂ©sirs du plaisir de l’homme. Qui combattent dans le corps! Nous ressentons tous ce dĂ©sir du plaisir dont nous parle si graphiquement l’apĂ´tre Jacques. Il nous dĂ©crit presque la situation du Salvador lorsqu’il dit : « D’oĂą viennent les guerres, d’oĂą viennent les batailles parmi vous? N’est-ce pas prĂ©cisĂ©ment vos passions qui combattent dans vos membres? Vous convoitez et ne vous possĂ©dez pas., alors vous tuez. Vous ĂŞtes jaloux et ne pouvez l’obtenir? Alors, vous bataillez et vous faites la guerre. Vous demandez et ne recevez pas parce que vous demandez mal, afin de dĂ©penser pour vos passions. Â» Ces choses ne doivent pas ĂŞtre demandĂ©es Ă  Dieu. Celui-ci ne peut pas ĂŞtre complice de nos sans gĂŞne, mais Dieu va ĂŞtre collaborateur de notre souffrance. 23/09/79, p.284-288, VII.