Le Divin Sauveur se rend
personnellement présent dans notre Eucharistie
Vingtième dimanche du temps
ordinaire; 19 août 1979; Lectures : Prophètes 9,1-6; Éphésiens 5,15-20;
Jean 6,51-59.
La Véritable Libération et la Promotion
En Lui se trouve la véritable
libération, la véritable promotion de l’homme. Nous ne travaillons pas, dit le
Christ, uniquement pour le pain qui est périssable, nous ne luttons pas uniquement
pour les revendications de la
Terre. Tout cela est bon et nécessaire, mais si tout se
termine là , nous l’avons dit mille fois, ce sont des libérations tronquées. Le
service que le Christ et son Église rendent à nos efforts de libération des
esclavages de la Terre, c’est d’élever ces efforts jusqu’à la libération que le
Christ, Véritable Sauveur du Monde, nous offre, c’est la libération du péché
avant tout.
Aucun homme qui demeure esclave du
péché, ne peut parler de libération parce qu’il est le premier à avoir besoin
de se libérer de la haine, de la vengeance, de la violence injuste, de tout ce
qui offense. La libération et la promotion humaine sont nécessaires – avec la
promotion du Christ – non seulement à la libération d’un peuple, mais à la libération
authentique, à la dignité des fils de Dieu, à ces droits humains qui nous
disent en vérité que l’homme et la femme sont faits à l’image et à la
ressemblance de Dieu. Aussi béni, libre et digne que soit un homme sur cette
terre, mais sans la foi pour être promu à l’altitude de ce Ciel où nous serons
citoyens de Dieu pour toujours, ce sera une promotion mutilée, sans un sens
transcendant.
C’est pour cela que le quatrième
Évangile (Jn 6,51-59) nous offre dans le symbole du pain la véritable libération
qui enlève le péché et la véritable promotion qui parvient à faire de nous des
fils de Dieu et des citoyens de l’éternité auprès de Dieu Notre Père.
Aujourd’hui, le passage qui a été lu
culmine avec la merveilleuse révélation de l’Eucharistie. Je voudrais, chers
frères, que nous illuminions aujourd’hui notre présence de chaque dimanche à la
Parole qui a été lue. Ne venons pas à la messe par curiosité ou par esprit
partisan, à des fins simplement humaines, parce qu’ainsi nous demeurerons
désillusionnés. La messe ne répond pas à ces curiosités. Si nous venons à la
messe que ce soit comme le Christ dit : « Ne me cherchez pas dans le
pain qui périt, recherchez plutôt le pain de la vie éternelle. » Je
voudrais, en terminant ma réflexion sur cette Parole du Seigneur, que vous et
moi, nous nous sentions plus chrétiens, plus reconnaissant envers le Christ qui
nous a donné la messe de chaque dimanche, l’Eucharistie qui nous alimente dans
notre pèlerinage. Cela m’attriste que plusieurs personnes ne ressentent pas cette
affection pour la messe, parce qu’ils ne connaissent pas l’Eucharistie ni le
don de Dieu.
Le Christ commence aujourd’hui son
Évangile par cette grande révélation (Jn 6,51) : « Je suis le pain
vivant descendu du Ciel. Qui mangera ce pain vivra Ă jamais! Le pain que je
donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. » Nous ne nous rendons pas
compte, frères, qu’il s’agit là de la présence du Christ en personne, lorsque
nous venons Ă la messe, mĂŞme si nous ne voyons pas son visage comme nous
pouvons voir les nĂ´tres, Il est le principal. Mais ainsi, Il est
personnellement présent : Jésus-Christ. […]
Plan de l’homélie :
1) Notre Église, signe sacramentel du
Salut des hommes
2) L’Eucharistie, signe de la
présence personnelle du Christ
3) Les humains devant ce signe de
contradiction (ou nous L’acceptons, ou nous Le rejetons et alors, nous sommes
avec le Christ ou nous sommes sans le Christ.)
1) Notre Église, signe sacramentel du
Salut des hommes
A) Prophétie des biens messianiques
sous les apparences d’un palais et d’un festin.
Déjà dans la première lecture (Pr
9,1-6) d’aujourd’hui nous pouvons présager une Église qui sera signe de la
Sagesse de Dieu. (9,1) : « La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé
ses sept colonnes, elle a abattu ses bêtes, préparé son vin, dressé sa
table. » L’image du banquet, de l’édifice, de la joie et de la
magnificence d’un festin est le langage des prophètes. Le Christ ne pouvait
donc pas utiliser cette comparaison. C’est précisément le signe dont saint Jean
se sert aujourd’hui, l’allégresse de manger du pain.
L’Évangile emploie cette même
comparaison dans les paraboles du Règne
Combien de fois apparaît dans
l’Évangile ce que la première lecture a mis sur les lèvres de celui qui
construit un édifice et prépare un banquet en envoyant ses servantes inviter
tout le monde à ce festin? C’est ce qui apparaît dans les précieuses paraboles
du Règne. Le Règne c’est un festin, et celui qui l’a préparé envoie appeler sur
toutes les places de l’Histoire : « Venez, le vin que Je vais mélanger
est déjà prêt, cette richesse que Je veux offrir à tous mes invités. » Il
est merveilleux qu’à chaque dimanche, nous soyons conviés à ce festin.
B) Le Concile Vatican II appelle
l’Église « sacrement universel du Salut »
Parce qu’en elle sont réunis tous les
divins moyens que le Divin Sauveur a voulu nous donner pour que les humains
soient sauvés. Hommes et peuples doivent écouter ce que dit saint Paul :
« Il ne nous a pas été donné d’autre nom en qui les hommes puissent être
sauvés, en dehors du nom de Jésus-Christ. C’est en Lui seul qu’on trouve la
libération et le Salut. » Et le Christ voulut représenter toute cette
richesse dans son Église qui est appelée à un festin. En elle est présent le
Divin Sauveur avec tous les moyens du Salut.
Cela ne veut pas dire que seuls ceux
qui sont dans l’Église catholique peuvent ĂŞtre sauvĂ©s. Gardons cela Ă
l’esprit : hors de l’Église il existe de nombreux chemins de Salut, mais
il demeure certain par ailleurs que dans l’Église authentiquement fondée par le
Christ et confiée aux apôtres, ont été déposés les moyens complets, absolus et
remplis du Salut. Plusieurs n’en profitent pas, vivants au sein de l’Église,
festin de Dieu, ils préfèrent encore s’appuyer sur les idoles de ce monde.
C’est de ceux-ci dont le Concile dit : « Ils sont dans le corps de
l’Église, mais ils ne sont pas dans le cœur de l’Église. » Ainsi, comme au
contraire ceux qui n’ont pas connu l’Église catholique, mais qui veulent se
sauver en suivant leur religion, « sont dans le cœur de l’Église même s’ils
ne se trouvent pas dans son corps. » Il est bien mieux d’être du cœur,
mais encore meilleur d’être du cœur et du corps de l’Église. Un bon catholique
qui sait qu’en son Église, Dieu a déposé tous les merveilleux moyens du Salut,
doit en profiter et vivre de cette richesse que le Seigneur a placée si près de
ses mains.
Pourquoi nous a-t-Il communiqué le
Salut Ă travers les sept sacrements?
Depuis le catéchisme, nous avons
appris que l’Église a sept sacrements. L’Église sacramentelle est elle-même un
sacrement universel du Salut. Mais pourquoi? Parce que le Christ agit Ă travers
les sacrements qui ne sont qu’administrés par des hommes, qu’il s’agisse d’un
prêtre ou d’un évêque. Nous ne sommes que d’humbles instruments du Dieu qui
baptise véritablement, qui pardonne, qui alimente. Gardons cela à l’esprit,
parce que très souvent dans l’administration des sacrements nous avons un
comportement personnaliste, comme si tel prĂŞtre ou tel autre avait de meilleurs
sacrements qu’un autre. Cela ne dépend pas de la sainteté ou de la méchanceté
d’un prêtre!
Ce grand Ă©crivain italien, Manzoni,
disait : « Quand je m’agenouille pour demander pardon de mes péchés
devant un prêtre, peu m’importe de savoir s’il a, peut-être, davantage besoin
du pardon que moi. Il peut être un grand pécheur, mais, au moment où il me dit
“je t’absous de tes péchés au nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint”, je
suis pardonné. Non par lui, ce n’est pas lui qui me pardonne, mais Dieu au
moyen de lui. » Un protestant converti au catholicisme écrivait :
« Comme j’étais dans l’erreur, je croyais que les sacrements étaient comme
des entraves entre le Christ et moi. Et je voulais me sauver par ma foi en
Jésus-Christ, je repoussais les sacrements en voulant m’entendre directement
avec le Christ. Mais, maintenant que j’y ai réfléchi, je vois qu’il n’existe
aucun paravent entre le Christ et moi, sinon que les sacrements sont des
actions du Christ lui-même. Quand je vais dire mes péchés à un prêtre, ce n’est
pas à lui que je m’adresse, sinon au Christ qui est en lui et qui à travers ses
lèvres me dit “je te pardonne.” » De même, lorsque la main du prêtre qui
baptise, ce n’est pas le prêtre qui enlève le péché originel, mais la vertu de
la Rédemption du Christ qui envoya cet homme. « Allez et baptisez en mon
nom » : non le vôtre, mais celui de Dieu.
Les sept sacrements […] sont sept
canaux par où le Divin Rédempteur, au moyen de son Église sacramentelle, sauve
les hommes et la société, par lesquels Il sanctifie l’amour de l’homme et de la
femme dans le foyer fécond ou dans la mission du prêtre qui par vocation se
consacre à cette tâche si difficile de poursuivre la mission de Jésus-Christ,
la RĂ©demption des hommes.
Les sacrements sont des signes
d’appartenance à l’Église
Grâce aux sacrements, nous bénéficions
des biens de la RĂ©demption, encore plus, nous devons comme dit Paul VI :
« Signifier notre appartenance à l’Église, en le manifestant par les
sacrements. » Personne ne peut dire : « Je suis catholique, mais
je n’ai pas besoin de me confesser. » C’est que ces signes, ces
sacrements, sont des manifestations de notre appartenance au Christ. De telle
sorte que personne ne peut prétendre appartenir à l’Église s’il déprécie les
signes de son appartenance. L’Église est la continuatrice et la dépositaire de
tous les moyens du Salut que le Christ lui a laissés. 19/08/79, p.178-180, VII.
2) L’Eucharistie, signe de la
présence personnelle du Christ
Saint Jean complète le récit des
évangiles synoptiques et il nous décrit la présence du Christ dans
l’eucharistie. Observez bien que dans les autres sacrements le Christ n’est pas
présent en personne. Dans le baptême, c’est seulement la vertu rédemptrice du
Christ qui au moyen du prêtre, de l’Église, pardonne le péché originel de
l’enfant et l’incorpore pour qu’il devienne fils de Dieu, mais le Christ n’est
pas présent personnellement dans le baptême. De même dans la confirmation, où
l’évêque impose les mains et oint avec le chrême sacré le front du chrétien, ce
n’est pas le Christ personnellement qui est présent, sinon que par sa vertu, au
moyen de l’évêque, Il lui donne l’Esprit saint de la confirmation. De
même pour la pénitence où le Christ n’est pas personnellement présent, sinon
qu’Il pardonne virtuellement à travers le prêtre. Dans l’onction des malades,
c’est aussi une présence virtuelle, c’est-à -dire que la vertu, le pouvoir du
Christ est là , mais Il n’y est pas présent en personne. Ni non plus dans le
sacrement du mariage et de l’ordination sacerdotale, les deux qui se marient
sont des ministres de la présence du Christ, ils représentent la bénédiction de
son amour. Il en est de même pour l’ordination sacerdotale. Mais il y a un
sacrement où Il est personnellement présent et c’est ce que nous allons étudier
ce matin. (Jn 6,51) : « Le pain que Je donnerai, c’est ma chair pour
la vie du monde. »
A) Il affirme sa présence
Avant tout, nous avons ici, dans
cette Parole de l’Évangile l’affirmation d’une présence personnelle :
« Le pain que Je donnerai est ma chair. » Dimanche dernier, j’ai
expliqué ce que signifiait la chair, c’est-à -dire l’homme, la personne humaine.
Quand le Christ dit « Le pain que Je vous annonce est ma personne,
moi-même Je suis présent dans ce pain de vie éternelle. », et quand les
juifs doutaient en disant (Jn 6,52) « Comment celui-là peut-il nous donner
sa chair à manger? », le Christ, qui sait qu’ils l’ont bien entendu et
qu’il s’agit de Lui comme chair et sang, ne se rétracte pas et s’affirme. (Jn
6,53) : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la
chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous.
Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle! »
Lorsqu’on Le comprend mal, le Christ
corrige : la renaissance de Nicodème.
La réaction du Christ paraît
différente devant la mauvaise interprétation de Nicodème. Le Christ lui
dit : « Si tu ne renais de nouveau, tu ne pourras pas entrer au
Royaume des cieux. »
Nicodème interprète cela au pied de
la lettre : « Comment un homme pourrait-il se faire petit et
retourner dans le sein de sa mère pour naître à nouveau? » Le Christ le
corrige : « Non, ce n’est pas ce que tu penses, renaître signifie se
faire baptiser, se rénover intérieurement. »
L’eau qui étanche la soif de manière
définitive
Quand la Samaritaine entend ce que le
Christ lui dit : « Celui qui boit de cette eau aura encore soif, mais
celui qui boira l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif. » La
Samaritaine interprète cela au pied de la lettre et Lui dit :
« Donne-moi de cette eau pour que je n’aie plus à venir chaque jour à ce
puits pour puiser de l’eau. » Et le Christ la corrige : « Il ne
s’agit pas de l’eau de ce puits, mais de celle de la grâce, de la vie
éternelle, du don de Dieu qui nous conduit à la vie éternelle. » Je veux
dire que quand l’Évangile nous présente le Christ et que ces contemporains
l’interprétaient mal, Il les corrigeait.
Quand on l’entend comme Il le veut,
même s’il s’agit d’un mystère que l’être humain ne comprend pas, Il le
réaffirme et le précise. Le cas du pain qui est sa chair et de son sang qui est
nourriture, c’est ainsi qu’ils l’ont compris et Il rectifie : « Oui,
Je donnerai ma chair et mon sang et vous devrez la manger et le boire pour
avoir la vie éternelle. »
Le Concile de Trente précise cette
présence comme étant « véritablement-réellement-substantiellement »
C’est pourquoi le Concile de Trente
mit ses trois mots dans la présence du Christ face aux ennemis de
l’Eucharistie. À ceux qui demandent « Comment le Christ pourrait-Il être
présent dans ce petit morceau de pain et dans cette coupe de vin? », le
Concile, s’inspirant des Paroles de l’Évangile, répond : « Le Christ
est véritablement présent, réellement présent, substantiellement
présent. » Ce sont là trois nuances d’une présence personnelle qui répond
aux objections de ceux qui disent qu’il se peut qu’Il soit présent, mais
seulement sous la forme d’un signe : « Prenez et mangez, cela
signifie mon corps ». Ce n’est pas ainsi. Véritablement, ceci est mon
corps, réellement, en réalité et substantiellement. C’est ce qu’il nous faut
bien comprendre. Nous n’allons pas entendre manger le Christ comme des
anthropophages, il ne s’agit pas de cela.
B) Le Christ précise sous quelle
forme est cette chair qu’Il nous offre. […]
C’est sa chair qui donne la vie au
monde
Premièrement, sa chair offerte sur la
croix est le pain pour la vie du monde. C’est une expression du Christ donnant
sa vie pour le monde. (Jn 6,63) : « C’est l’esprit qui vivifie, dit
le Christ, la chair ne sert de rien. » Et la chair que le Christ nous
offre, est sa vie pour le monde, celle qui réconcilia les humains avec Dieu,
c’est-à -dire, comme nous allons le dire dans quelques instants dans
l’Eucharistie : « Nous annonçons ta mort, nous proclamons ta
Résurrection. » C’est cela la chair personnelle du Christ dans l’Eucharistie,
un Christ qui mourut criblé de douleurs, dans sa chair et dans son sang.
« Le sang qui a été versé pour la rémission de nos péchés. » Ce Corps
et ce Sang que nous recueillons dans notre messe sont la présence personnelle
du Christ est le moment culminant de la RĂ©demption.
Une autre chose merveilleuse, c’est
la vie du Christ unie à la vie du Père. (Jn 6,57) : « Je vis par le
Père, de même que celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. » Autrement
dit, un courant de vie. Je ne suis pas plus que le Dieu fait homme. Je vais
inventer un moyen pour que cette chair d’homme soit un aliment qui vous apporte
la vie de Dieu. Celui qui s’alimente de ce corps et de ce sang sous les espèces
du pain et du vin, ne mange pas simplement une nourriture humaine, sinon qu’il
s’agit de la chair du Fils de Dieu où se conjugue l’humain et le divin, où Dieu
se fait aliment pour les ĂŞtres humains.
N’oublions pas ces deux
conditions : Le Christ offrant sa chair sur la croix et le Christ uni dans
l’intimité divine avec le Père. C’est cela la chair qui nous est donnée et que
nous devons manger. C’est la chair de l’Eucharistie. C’est la présence
personnelle du Christ. Ce n’est pas seulement sa vertu, sa chair y est
personnellement présente ainsi comme Il vient de nous le décrire : uni au
sacrifice de la Croix qui sauve le monde et uni à la vie éternelle du Père. Lui
seul peut nous assurer des choses si inaudibles (Jn 6,53-54) : « Si
vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez
pas la vie en vous. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie
éternelle! »
C) La Présence du Christ est aussi
décelable par ces effets
« Vous vivrez pour toujours… non
pas comme la manne… »
Sacrement eschatologique
Vos pères ont mangé la manne, ce pain
mystérieux qui rassasiait la faim quotidienne de l’estomac, ceux qui mangèrent
de la manne moururent Ă©galement, mais celui qui mangera de ce pain ne mourra
pas, il aura la vie éternelle. L’effet de l’Eucharistie est de nous rendre
immortels, de nous faire participer de la vie même de Dieu qui ne périt pas, de
la vie du Christ ressuscitée, parce qu’une fois ressuscités, dit la Bible, nous
ne pouvons plus mourir! Ce qui veut dire, très chers frères, que le sacrement
de l’Eucharistie est le sacrement eschatologique. Nous l’avons dĂ©jĂ expliquĂ© Ă
quelques reprises. Le point définitif de l’Histoire, vers où se dirigent les
rivières humaines, la mer où nous allons tous déboucher, se nomme
l’eschatologie, l’ultime, la
fin. Le Christ nous apporte déjà , dans la présence de
l’Eucharistie, non seulement le message, mais également la réalité dans sa
propre chair pour celui qui communie. Celui qui vient Ă la messe le dimanche,
celui qui se prosterne devant le Saint Sacrement, saisit cette dimension
eschatologique, il est déjà devant l’éternité, il savoure déjà la vie de Dieu.
Un autre effet qui apparaît dans la
Parole du Christ aujourd’hui : « Il habite en moi et moi en
Lui. » Il rend la vie surnaturelle en nous identifiant à Lui.
Quelle chose plus incroyable (Jn
6,56) : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi
en lui. » Pensez-y, ceux qui vont communier ce matin, quel moment plus
divin : « Le Christ habite en toi et tu habites en Lui. »
C’est-à -dire qu’il existe une communion qui peut aller jusqu’à dire ce que
disait saint Paul : « Je ne vis plus, c’est le Christ qui vit en
moi. » Cette transformation est loin d’être comprise lorsqu’on n’a pas la
foi, mais lorsque nous avons la foi il se produit ce dont j’ai été témoin hier
dans ces deux communautés religieuses. Là -bas, à Usulutan, la première chose
que les Franciscaines m’apprirent : « Voyez comment notre maison est
arrangée, simple, mais propre. Regardez la petite chapelle, le plus beau de
cette maison. » Là où il y avait auparavant un salon de beauté a été élevé
le Saint Sacrement parce que pour la communauté il n’existe rien de plus beau
que cet endroit oĂą le Christ habite avec les religieuses et oĂą les religieuses
vivent avec Lui. Et hier soir, lorsque j’ai été célébré au Bon Pasteur, la
neuvaine de la
Mère Marie Mercedes, morte il y a neuf jours, là aussi le
Saint Sacrement était le principal. Lorsqu’on comprend ce qu’est l’hostie
consacrée, nous voudrions avoir le ciel pour la déposer. Cela
me chagrine de penser aux églises abandonnées, aux tabernacles poussiéreux,
sans fleur. Une église où n’est pas estimée la vie eucharistique indique qu’il
y a peu de foi. […] 19/08/79, p.180-184, VII.
3) Les humains devant ce signe de
contradiction
Les hommes et les femmes sont devant
ce signe de l’eucharistie, de l’hostie consacrée, pourrions-nous dire :
signe de contradiction. Certains l’aiment jusqu’à la folie et d’autres le
déprécient jusqu’à la haine ou n’en font pas de cas parce qu’ils n’ont pas la
foi.
Dans les lectures d’aujourd’hui nous
rencontrons, dans les trois lectures, les hommes sont précisément catalogués
selon leur position face à la Sagesse de Dieu qui s’incarne dans le Christ.
Ainsi, nous pouvons dire avec la
première lecture, les insensés, ceux qui manquent de jugement, ceux qui
rejettent l’œuvre de la
Sagesse. Et par ailleurs, les prudents, ceux qui s’alimentent
de la science de Dieu, ceux qui apparaissent peut ĂŞtre, moins intelligents
selon le monde, mais qui possèdent la Sagesse de Dieu qui se donne dans la sainte Eucharistie
où le Christ est présent.
Dans la seconde lecture (Ep 5,15-20),
saint Paul nous présente une catégorie d’hommes insensés, étourdis, ivrognes,
libertins. Ne soyez pas ainsi, dit saint Paul, sinon de l’autre classe, de
celle des sensés, de ceux qui accomplissent la volonté de Dieu, laissez-vous remplir
de l’Esprit et faites de la vie une joyeuse liturgie (Ep 5,19) « Récitez
entre vous des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés; chantez et
célébrez le Seigneur de tout votre cœur. » Comme la vie devient belle
lorsque la foi l’illumine et lorsqu’on sait que notre corps, qu’il soit sain ou
infirme, uni à l’hostie consacrée qui est reçue lors de la communion, est une
vie et un corps qui deviennent hosties! Tous les actes de notre vie, tous les
devoirs que nous accomplissons, tous les sacrifices que nous faisons, tout se
convertit en Christ crucifié, la chair qui sauve le monde; et je l’appuie par
mes sacrifices, par ma petite hostie, par ma petite goutte d’eau dans le calice
de vin Ă laquelle tout se convertit. LĂ oĂą nous ne pouvons plus distinguer la
goutte d’eau du calice de vin, sinon qu’on n’y perçoit que le sang qui a été
versé pour le Salut du monde. Alors, la vie des hommes devient liturgie, nous
sommes tous prĂŞtres, quel que soit notre travail, lorsque nous travaillons unis
au Seigneur.
Le Christ Notre Seigneur distingue
les hommes selon leur réaction à sa grande promesse, ceux qui doutent de Lui ou
bien ceux qui le comprennent d’une manière si matérielle qu’ils le considèrent
presque comme un anthropophage. Ce n’est pas ainsi que le Christ veut être
compris, c’est un langage si délicat qu’il ne peut être compris par cette
mentalité grossière du monde qui ne veut entendre par ce mot que la chair du
plaisir, la chair pour l’exploitation, la chair pour se pavaner, la chair de
l’orgueil, la chair qui idolâtre les idoles de la Terre. Il est clair que
ce n’est pas cette chair que le Christ nous donne. Mais la chair divinisée par
le sacrifice de la Croix et unie à Dieu dans le mystère de l’Incarnation, cette
chair est divine et c’est celle que le Seigneur nous offre, celle qu’entendent
ceux qui ont la foi mais que ne comprennent pas ceux qui ont perdu la foi ou
qui ne l’ont pas. Je voudrais qu’à la lumière de cette réflexion, nous
analysions à quelle classe d’hommes nous appartenons. […]
Voilà pourquoi je me réfère à mes
chers prêtres. Avez-vous déjà pensé, mes frères, que le sacrement de
l’Eucharistie est né jumeau avec le sacrement de l’ordination sacerdotale? Pour
maintenir ce trésor du pain de vie qui donne la vie au monde, le Christ inventa
en cette même nuit le sacerdoce qu’Il communiqua aux hommes. Lui, le Prêtre
Éternel. Il célébra la première messe et répartit la première communion, mais
Il dit aussitôt à ses apôtres : « Faites cela en mémoire de
moi. » Alors, les prêtres naquirent avec la charge de maintenir
l’Eucharistie. C’est notre principale mission, mais en donnant à l’Eucharistie
tout son sens, non seulement répartir des hosties consacrées, sinon en
expliquant ce que signifie de racheter un peuple, de sauver les hommes pour
qu’en venant communier ils se sentent vraiment promus. C’est pourquoi nous
insistons autant sur le fait qu’il faille recevoir les sacrements avec plus de
conscience, que personne ne devrait communier s’il ne se sent pas véritablement
responsable du pain qui donne la vie au monde. 19/08/79, p.184-185, VII.