Le Projet de Dieu pour sauver le
peuple
Trentième dimanche du temps
ordinaire; 28 octobre 1979; Lectures : Jérémie 31,7-9; Hébreux 5,1-6; Marc
10,46-52.
Sa propre identité
Le service que l’Église prête
actuellement aux Salvadoriens est, avant tout, sa propre identité : être
Église. Ce n’est pas en se convertissant en une force ou en une parole
politique qu’elle va apporter son aide. Ce serait là déformer sa perspective,
ce serait une fausse parole. Être elle-même, ainsi comme lorsqu’une personne
sincère se présente telle qu’elle est, peu importe la situation, agréable ou
désagréable, sans feindre.
C’est ce qui fait la beauté de
l’Église, la sincérité de l’Évangile. Dans les temps d’abondance ou dans les
temps de persécution, dans l’ambiguïté ou l’adversité des situations diverses,
elle demeure elle-même. J’envisage, et c’est là mon plus grand souhait comme
pasteur, que nous construisions cette grande affirmation de l’Église qu’est le
Règne de Dieu, de telle sorte qu’elle ne cherche pas à se battre avec personne,
ni ne louanger personne, sinon ĂŞtre elle-mĂŞme. Seraient bien avec elle, ceux
qui, comme elle, proposent le Règne de Dieu sur la Terre, et se heurteraient Ă
elle, ceux qui s’opposent au Règne de Dieu sur la Terre.
Évangélisation
C’est pourquoi, étant elle-même, l’Église
se présente avec sa grande tâche essentielle : l’évangélisation. Sa tâche
n’est pas autre chose qu’évangéliser, porter par le monde ce commandement du
Christ : « Allez et évangélisez. »
Orientation doctrinale
Il est certain qu’au travers des siècles
la parole : « évangélisé » a recouvert une amplitude chaque fois
plus grande, plus large, et ainsi dans ma lettre pastorale je recueille ces
aspects de l’évangélisation qui sont opportunes et nécessaires
aujourd’hui : orientation doctrinale, dénonciation de l’erreur et du péché
en fonction de la conversion, démasquer les idolâtries du peuple et de la
société, promouvoir la libération intégrale du peuple, presser les changements
profonds qui sont Ă la base de toutes ces violences et de ces malaises, accompagner
le peuple avec la sincérité de l’Église, le peuple pauvre et le peuple
dirigeant, Ă tout le peuple, pour lui dire sa fonction comme membre de ce
peuple et comme instrument de Dieu pour implanter ce Règne sur la Terre.
Jean-Paul II: documents sur la
Catéchèse
Jean-Paul II a accompli une promesse
qu’il avait faite de recueillir l’héritage de Paul VI, un document qui demeura
inachevé et qui comprenait la consultation épiscopale du Synode de 1977, dont
le thème fut la « catéchèse ». Le Pape, Jean-Paul II a recueilli
cette consultation que Paul VI avait déjà commencée à élaborer dans un
document, lui apportant son style. Ce document dit dans sa présentation :
« La foi ferme est le don le plus valide que l’Église peut offrir au monde
étourdi et inquiet de notre époque. » Ni plus ni moins, c’est ce que
l’Église veut offrir : Le don valeureux de la foi. Comme je voudrais,
mes frères, mes sœurs, que dans le cœur de tous ceux qui font ici cette
réflexion, la prière que nous venons de faire au Seigneur fasse son
effet : augmente notre foi, notre espérance et notre amour!
Ceux qui viendraient Ă la messe avec
d’autres intentions, par curiosités politiques ou avec des intentions de venir
y chercher la nouvelle et annoncer ensuite quelque chose d’alarmant, perdent
leur temps. Je ne veux pas donner autre chose que ce don précieux de la foi et
ce que je vous demande c’est une attention de foi, non simplement une attention
humaine, curieuse, mal intentionnée, mais une attention de foi; de telle
manière que la parole que le Christ dit à l’aveugle de l’Évangile d’aujourd’hui
(Mc 10,51), Il pourrait la dire à chacun d’entre nous : « Ta foi t’a
sauvé, » et plaise à Dieu que cette foi soit de caractère national pour
que cette pauvre patrie, aveugle qui marche en trébuchant comme les aveugles
qui vont à tâtons, recouvre la vue de la foi et le Seigneur lui dira :
« Ta foi t’a sauvé. »
Inviter à construire l’Église
Utilisons cette médecine à la base de
nos problèmes en commençant par une foi personnelle, profonde; par la foi de
nos familles. Il n’y a pas de plus grand don qu’on puisse offrir au monde
étourdi et confus d’aujourd’hui qu’une foi sereine de l’homme ou de la femme
qui connaît son origine, le sens de sa vie et vers où elle se dirige, faisant
abstraction des va-et-vient de l’Histoire en collaborant ou mieux dit, dans la
sérénité de la foi, en faisant face aux situations et aux conjonctures qui se
multiplient si rapidement en cette heure. Nous ne vivons pas de conjonctures,
d’impressions, d’émotions, de psychoses, nous vivons de foi. Ceci est ma
première invitation. C’est pourquoi, nous construisons l’Église.
Non pas l’image
Une lettre que j’ai reçue aujourd’hui
me disait : « Cherchez toujours à maintenir votre prédication au
service de l’Évangile, ne vous préoccupez pas tant de votre image. » Ne
vivons nous pas en défendant une image? Nous vivons de la sincérité de
l’Évangile lequel peut souvent se présenter comme une image horrible comme
lorsqu’ils abandonnèrent Jésus-Christ. L’Église, je vous l’ai répété mille fois,
ne défend pas une image agréable à tous, mais dit la vérité même si pour cela,
elle doit demeurer seule.
Le risque de demeurer seul
C’est l’image de ce bédouin que j’ai
évoqué lors de la mort du père Navarro, une caravane perdue dans le désert
demande qu’on la
guide. Assoiffés, ils voyaient un mirage : « de
l’eau » et ils s’élançaient vers ce leurre. Et le bédouin leur
disait : « Non c’est un leurre », et ils continuaient encore Ă
marcher vers ce mirage. « Non ce n’est pas de l’eau, venez par ici. »
Et ils se fâchèrent tant qu’ils sortirent un fusil et qu’ils tuèrent le pauvre
bédouin, le guide du désert qui avec sa main tendue, déjà mort, indiquait
toujours le chemin : « Par ici ». C’est la main du Christ que
plusieurs ne supportent pas. C’est la main de l’Église qui par ce chemin si
confus de ce désert, nous guide; laissons-nous guider par elle. Combien
formidables sont les lectures d’aujourd’hui pour compléter, pour illustrer avec
la Parole de Dieu, cette pensée que je vais vous synthétiser ici comme thème de
mon homélie.
Plan de l’homélie :
1) Le Peuple de Dieu libéré en
Jésus-Christ pour être libérateur de tous les humains
2) Le peuple en tant que communauté
politique
3) Relation entre le Peuple de Dieu
et le peuple comme communauté politique
1) Le Peuple de Dieu libéré en
Jésus-Christ pour être libérateur de tous les humains
Nous pouvons aujourd’hui poser en
termes précis, par ce thème et cette réflexion, ce que plusieurs confondent
lorsque je prononce ce mot si sacré, le « peuple », et lorsque l’Église
mentionne le Peuple de Dieu. Ce sont deux réalités que nous ne pouvons pas
juger sans avoir en tĂŞte le projet de Dieu de faire des hommes, une masse, des
peuples, des communautés politiques et de créer au cœur de ces peuples, de ces
masses, de ces multitudes, son peuple, le Peuple de Dieu. Quelle différence y
a-t-il? La lecture d’aujourd’hui nous présente la prophétie de l’Ancien
Testament (Jr 31,7-9) qui se réalise dans le Christ et dans son Église; le
Peuple de Dieu libéré et libérateur.
A) Saint Marc (10,46-52) nous décrit
la proximité du Christ dans sa montée de Samarie à Jérusalem.
Saint Marc nous dévoile la personne
du Christ, sa grande mission, sa doctrine. Son Évangile de Saint Marc ne
contient pas de grands discours, mais il nous amène à identifier le Christ
comme étant le Rédempteur et le Sauveur. Ce dimanche, c’est déjà une des
dernières lectures, nous arrivons au récit de la Passion. Il marche
avec ses apôtres vers Jérusalem; Il est là à l’entrée de Jéricho, où vient à sa
rencontre un aveugle qui lui crie la grande parole qui qualifie JĂ©sus dans la
Bible (Mc 10,47) : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi! »
Le Fils de David Ă©tait l’expression qui depuis le prophète Nathan, avait dit Ă
David que, parmi ses descendants, il y aurait un rejeton qui allait Ă©tablir son
règne pour toujours : « En Lui seront sauvés tous les peuples. »
C’est pourquoi le Fils de David signifiait le Messie et c’est ce qu’était
JĂ©sus, le Fils de David.
Le Christ, Sauveur Eschatologique,
donne la vue aux aveugles et prĂŞche aux pauvres
Nous rencontrons ici chez l’aveugle
la confession merveilleuse, comme un signe approprié pour entrer à Jérusalem,
se présenter comme Messie et souffrir sur le Calvaire la mort qui apportera la
RĂ©demption au monde et la RĂ©surrection qui nous offre une vie nouvelle. Le Fils
de David, l’héritier des promesses messianiques, Celui qui est envoyé de Dieu
pour apporter la libération au peuple, dans la bouche d’un aveugle. Quelle
éloquence! L’aveugle, c’est l’humanité qui demande au Fils de David : la
Rédemption, la lumière pour ses yeux. La figure prophétique qui rendra la vue
aux aveugles et rendra l’ouïe aux sourds et ressuscitera les morts et prêchera
aux pauvres, c’est Lui qui est en train de s’entretenir avec le pauvre, avec
les aveugles; guérissant non pas tant pour le prestige que pour réaliser la
grande promesse que le Libérateur est déjà présent parmi nous.
B) L’annonce par les prophètes… en
union avec l’histoire d’Israël
La première lecture (Jr 31,7-9) vient
éclairer ce personnage, le Fils de David, et la foi que l’aveugle a placée en
Lui. L’aveugle fait allusion à un passage du prophète Jérémie qui raconte le
retour d’exil du peuple captif, de Babylone vers Jérusalem.
Peuple faible, éprouvé, Dieu est sa
force
Il y a de la joie, c’est un peuple
non pas victorieux qui retourne, mais sauvé, faible. (31,8) : « Je
les rassemble des extrémités du monde. Parmi eux l’aveugle et le boiteux, les
femmes enceintes et les femmes qui enfantent, tous ensemble c’est une grande
assemblée qui revient ici. » Tout ce qu’il y a de plus faible, l’humanité
nécessitant de la toute-puissance d’un Rédempteur, mais elle revient heureuse
parce que Dieu a sauvé son peuple. Il a déjà sauvé le peuple.
Le Peuple reste sauvé
Mais il y a une phrase mystérieuse
dans cette lecture (31,7) : « Yahvé a sauvé son peuple, le reste
d’Israël! » Le « reste » d’Israël est toute une institution,
peuple privilégié de Dieu, il ne Lui était pas toujours fidèle, il Le
trahissait mais toujours il demeurait un reste, un petit groupe. Lorsque vint
le Christ, il y eut aussi un reste : Marie, Joseph, les apĂ´tres. Un petit
groupe face à une multitude qui criait : « Crucifiez-le, ce n’est pas
le Messie! » C’était le reste dans lequel Dieu avait prolongé sa promesse
de Salut en JĂ©sus-Christ.
Confins de la Terre, rĂ©fĂ©rence Ă
l’universalisme
« Ce peuple, dit Jérémie, vient
des confins de la Terre. » Il y a là une référence à l’universalité de la
RĂ©demption.
« Se retourner, c’est la
conversion, c’est retourner à Dieu : le Seigneur est Celui qui
sauve. »
Il y a de la joie chez ceux qui
partirent dans les lamentations, esclaves des vainqueurs, qui rentrent libres,
pardonnés; faibles, mais confiants dans la toute-puissance de Dieu et sur son
passage, le chemin fleuri, peu importe où passe ce Peuple de Dieu racheté, il
chante l’allégresse, il proclame la Rédemption, il chante la grande libération.
Et ainsi dans le désert il y a des torrents, il y a de l’eau, il y a des
chemins plats, c’est un retour facile. C’est cela la description du Peuple de
Dieu.
C) La prophétie de l’Ancien Testament
se réalise dans le Christ et dans son Église.
La seconde lecture, l’épître aux
Hébreux (5,1-6), nous présente le Christ comme un prêtre, médiateur entre Dieu
et les hommes, Il nous donne la clé de ce Peuple de Dieu. Le fondateur de ce
Peuple de Dieu est Jésus-Christ qui leur a donné ses caractéristiques de
prophète, prêtre et roi. Toute cette réunion de catholiques à la messe du
dimanche n’est pas autre chose que le Christ incarné dans l’Histoire d’aujourd’hui,
en nous qui sommes l’Église d’aujourd’hui,
Corps du Christ dans l’Histoire.
Figure du Prêtre Suprême appliquée au
Christ
Aujourd’hui le Christ, par notre
intermédiaire, offre au Père son sacrifice pour le pardon des péchés. Le Peuple
de Dieu chante la Rédemption, célèbre la médiation sacerdotale du Christ entre
Dieu et les hommes; Il fait la promotion de la grande libération à partir du
péché. Lui, entouré de péchés, de faiblesses, mais uni au Christ prêtre, Il
offre au Père le sacrifice pour les péchés du monde.
Sentons-nous responsables ce matin de
tous les péchés de la patrie, recueillons tous les aveuglements des fanatiques;
recueillons toute la faiblesse, toutes les méchancetés qu’il y a dans notre
peuple pour dire Ă Dieu dans le sacrifice de la messe, dans le Christ prĂŞtre
sur lequel nous appuyons notre foi : Seigneur, pardonne Ă ce peuple,
rends-lui la vue. Viens,
Seigneur, nous avons besoin de toi pour faire monter du peuple cette grande
prière vers Dieu Notre Père et cette promotion qui arrache les humains du
péché, ne consiste pas uniquement dans des libertés économiques, politiques ou
sociales. Ces grandes libérations sont un moyen terme entre les deux grands
extrĂŞmes de la
libération. La libération qui vient nous libérer du péché
passe aussi par la libération des égoïsmes humains, des répressions, des
oppressions, etc.
Jusqu’à la promotion de la filiation
divine
Mais cela ne s’arrête pas là . Le
Christ veut non seulement que les humains vivent heureux sur Terre, Il a
apporté une Rédemption qui va vers la transcendance jusqu’à nous faire fils et
filles de Dieu. C’est pourquoi la seconde lecture dit (He 5,5) : « En
Lui s’accomplit la prophétie, Tu es mon fils, Je serai pour toi un Père et Tu
seras mon premier-né. » Belle expression qui nous indique quel est le but
de notre vie chrétienne comme Peuple de Dieu. 28/10/79, p.378-379, VII.
Il existe une synthèse de tout ce
qu’a dit le Concile Vatican II qui a précisément un chapitre sur le peuple de
Dieu. Lisons ensemble, mes frères, parce qu’il me semble que si nous parvenons
à comprendre cette grande réalité : que nous sommes le Peuple de Dieu
appelé à faire partie d’une sélection en ce monde, le reste d’Israël, la
minorité de l’humanité, les privilégiés de Dieu, nous ne serons pas égoïstes avec
autant d’honneur, mais que nous saurons comprendre pourquoi le Seigneur nous a
tant aimés, pourquoi Il nous a fait comprendre sa Parole, son Évangile. Ce
n’est pas pour nous enfermer dans une piété individualiste, ni pour vivre une
religion d’aliénation du monde, que Dieu nous a précisément donné sa lumière,
mais pour que nous rendions service. Nous sommes le Peuple de Dieu!
Peuple de Dieu
« En tout temps, dit le Concile,
et dans tous les peuples, sont agréables à Dieu ceux qui le craignent et pratiquent
la justice. » Cependant, ce fut la volonté de Dieu de sanctifier et de
sauver les êtres humains, non pas isolément, sans qu’il n’y ait aucune
connexion entre eux, mais au contraire, en constituant un peuple qui le
confesserait en vérité et le servirait saintement. C’est pourquoi Il a élu le
peuple d’Israël pour être son peuple, Il signa avec lui une Alliance et
l’instruisit graduellement, se révélant peu à peu, lui enseignant les desseins
de sa volonté au travers de l’histoire de ce peuple, le sanctifiant pour Lui.
Mais tout cela arriva comme une préparation et une figuration de l’Alliance
nouvelle et parfaite qu’Il allait réaliser dans le Christ.
Tout l’Ancien Testament est comme une
esquisse de ce que serait l’Église. Israël, peuple élu parmi toutes les nations
pour faire un pacte avec Dieu, n’est pas plus qu’une figure d’un peuple
consacré à Dieu. Lorsque viendra le Christ, les choses vont changer, mais dans
l’Ancien Testament, Israël est la représentation, la prophétie de ce que doit
être l’Église formée par des gens de toutes les nations.
Quelle est cette Église en
Jésus-Christ? Le Verbe fait chair s’est créé un peuple : « Il
convoqua les juifs et les païens qui s’unirent non seulement selon la chair,
mais selon l’Esprit et ils formèrent le nouveau Peuple de Dieu. Ceux qui
croient en Jésus-Christ renaissent, non pas d’un germe corruptible, mais d’une
semence incorruptible par le moyen de la Parole du Dieu vivant. Ils constituent
alors un lignage choisi, une prĂŞtrise royale, une nation sainte, un peuple
racheté. » C’est ce que nous sommes. Non pour être descendants d’Abraham,
d’un germe corruptible de chair et de sang, mais d’une semence spirituelle, par
la foi; nous devenons fils d’Abraham par la foi et nous participons à cette
dignité du Peuple de Dieu par le baptême et par la foi.
Ce Peuple messianique, regardez
quelle belle caractéristique, a pour tête le Christ : nous avons
maintenant un nom qui est au-dessus de tout autre. Le Christ règne
glorieusement dans les cieux. La condition de ce peuple est la dignité et la
liberté des fils de Dieu, en leur cœur habite l’Esprit saint comme dans un
temple. Ce peuple a pour loi le nouveau commandement de l’amour. Ils ont comme
but ultime d’étendre au maximum le Règne de Dieu, entamé par ce même Dieu sur la Terre. Telle est
notre tâche : implanter le Règne de Dieu autour de nous, nous sommes le
Peuple de Dieu pour apporter le Règne de Dieu au monde entier.
C’est pourquoi ce texte précieux du
Concile nous dit : « Ce peuple messianique, même s’il n’inclut pas actuellement
tous les humains, et qui souvent semble être une petite Église est, cependant,
pour tout le genre humain, un germe certain d’unité, d’espérance et de
Salut. »
Savourons cette richesse, nous qui
avons eu la chance de croire dans le Christ et qui nous efforçons de le suivre.
Il se peut que nous soyons le plus petit groupe de l’humanité, et lorsque je
disais que l’Église est disposée à demeurer seule, jamais elle ne demeurera
seule. Même s’il n’y avait qu’un ou deux chrétiens avec le Christ qui est le
centre de l’Histoire, ces deux seuls appartiendraient sincèrement au Christ; le
petit groupe des chrétiens, même s’il ne s’agit pas du groupe majoritaire de
l’humanité, est cependant un germe certain d’unité, d’espérance et de Salut.
Nous aurions la libération dans nos mains. Nous posséderions la clé de la
liberté, nous aurions la véritable solution à tous nos problèmes si nous étions
véritablement le Peuple de Dieu, nous laissant envahir de cette vie et de cet
Esprit du Seigneur.
En terminant, le texte dit :
« L’Église qui chemine au milieu de tant de tentations et de tribulations
se voit conforter par le pouvoir de la grâce de Dieu que lui a promise le
Seigneur. » Et Dieu fit ce corps et le Christ s’en prévalut pour apporter
sa RĂ©demption Ă tous les hommes et les femmes.
Mes chers frères, il était nécessaire
d’avoir ce concept lorsque les lectures d’aujourd’hui posent une limite entre
le peuple en général et le Peuple de Dieu comme reste d’Israël sauvé qui
retourne avec la bénédiction et la grâce du pardon, l’allégresse, l’espérance,
unité de tous les hommes et les femmes. C’est cela, le but que poursuit
l’Église dans sa pastorale, faire que les gens comprennent que c’est lĂ
l’essentiel : construire le Peuple de Dieu. Maintenant, à partir de là ,
comme noyau du Salut, comme germe d’unité et d’espérance, le Christ se prévaut
de ce peuple pour apporter la RĂ©demption Ă tout ce peuple et Ă tous les
peuples. Ici nous allons faire la distinction entre le Peuple de Dieu et le
peuple en général ou comme on l’appelle également, la communauté politique, la
société civile. Ne confondons pas cela. De quoi s’agit-il? D’où naît la
communauté du peuple?
Dans l’Évangile d’aujourd’hui (Mc
10,46-52), il y a une caractéristique que nous ne devons pas perdre de vue. Cet
aveugle appartenait au peuple juif, il avait sa patrie comme tout homme possède
une patrie, mais lorsque Dieu lui donne la vue, en lui donnant aussi la foi
dans son cœur, nous dit l’Évangile, il suivit Jésus. Un disciple de Jésus, un
juif qui, sans cesser d’être juif, se fait chrétien, membre du Peuple de Dieu,
membre du peuple civil, et membre du Peuple de Dieu.
Nous avons aussi dans la première
lecture d’aujourd’hui (Jr 31,7-9) le chant au peuple d’Israël qui dit :
« le meilleur peuple ». Cela n’est pas un sentiment de supériorité
juive, mais la grande distinction que veut faire le prophète. Tous les peuples
sont des communautés politiques et humaines, mais ce peuple a été choisi par
Dieu et il est comme la tête parce que c’est en lui que Dieu a voulu placer ses
desseins de Salut pour tous les autres peuples lorsque viendra le Libérateur
universel.
Jérémie distingue également entre le
peuple et le « reste ». C’est seulement en Israël qu’existent ces
distinctions parce qu’en tant que peuple politique, tous les juifs lui
appartiennent, tous les descendants d’Abraham; mais en tant que Peuple du
Salut, seulement ceux qui reçurent cette espérance et la vivent dans leur cœur
lui appartiennent. Ce ne sont pas tous les fils d’Abraham qui ont la foi, c’est
pourquoi le Christ dit : « Ne vous glorifiez pas d’être appelés fils
d’Abraham parce que Dieu est assez puissant pour faire de ces pierres des fils
d’Abraham. » Abraham et tous ses fils, si ce n’est pour leur foi en
JĂ©sus-Christ qui doit venir, cette descendance de la chair et du sang, ce germe
corruptible, ne leur servent Ă rien.
Rien ne sert de nous appeler
Salvadoriens et d’avoir Dieu comme patron si dans le cœur de l’homme et de la
femme il n’y a pas la foi en ce Divin Sauveur. Vous êtes Salvadoriens, mais
vous n’êtes pas chrétiens, c’est la grande différence. Si nous appelions les
Salvadoriens le « reste », seulement ceux qui se sanctifient dans
cette vie du Peuple de Dieu formeraient cette minorité, mais dans cette
minorité serait le germe du Salut de tout le peuple.
La seconde lecture, lorsque Paul dit
(He 5,1) : « Tout grand prêtre, en effet, pris d’entre les hommes,
est Ă©tabli pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu,
afin d’offrir dons et sacrifice pour les péchés. » Cette lecture nous
parle également de l’immense masse humaine. Il existe un peuple sacerdotal,
c’est le Peuple de Dieu qui intercède pour tout le peuple; il doit intercéder,
c’est sa fonction sacerdotale. Et lorsque le prophète dit : « Je vous
enverrai aux confins de la Terre, » il nous dit que tous les pays du monde
peuvent aussi apporter leur part de foi Ă cette grande Église qui, grâce Ă
Dieu, s’est étendue sur tous les continents et chez tous les peuples. Mais ce
ne sont pas tous les peuples qui se sont soumis au Règne de Dieu. Il y a
beaucoup d’incrédulité, beaucoup d’athéisme, d’indifférence, et ici même parmi
nous, nous notons que peu de gens font véritablement partie de ce
« reste » qui continue d’être comme la semence du Salut au véritable
Seigneur. 28/10/79, p.378-383, VII.
2) Le peuple en tant que communauté
politique
Qu’est-ce que la communauté
politique? Il m’intéresse énormément que, après avoir étudié ce qu’est le
Peuple de Dieu, en tant que « reste » et sélection du peuple
politique, nous comprenions maintenant ce qu’est le peuple comme entité
politique. Ainsi, nous pourrons comprendre Ă©galement ce qualificatif si ambigu
pour plusieurs que nous ne pouvons parler de droits humains, de bien commun,
sans éveiller les ragots de ceux qui disent : « L’Église fait de la
politique. » Non, c’est que l’Église en tant que semence du Salut doit
sauver l’humain de tout le peuple politique. Si je me mets à aborder les
réalités politiques, économiques et sociales, c’est précisément comme Peuple de
Dieu chargé d’apporter sa lumière aux réalités de la Terre.
Nature et fin de la communauté
politique
Cette réalité de la Terre qui se
nomme la communauté politique, le Concile de notre temps nous la présente
également avec des traits bien utiles dont nous devons tenir compte aujourd’hui
davantage que jamais.
« Il est de la plus haute
importance, dit le Concile, surtout là où existe une société pluraliste »,
et quelle société plus pluraliste que la nôtre, où il existe des partis
chrétiens, où il y a des partis communistes, où il y a un Bloc et le FAPU, et
où il existe diverses manières de penser; c’est ce que l’on appelle le
pluralisme. Lorsqu’un peuple est pluraliste, il est bon que les chrétiens
sachent ce qu’est un peuple, « d’avoir un concept correct des relations
entre la communauté politique et l’Église », qu’est-ce que le Peuple de
Dieu, « et distinguer », cela est bien important, « nettement
entre l’action que les chrétiens entreprennent, de manière isolée ou associée
avec d’autres, et mènent à terme à titre personnel, comme citoyens en accord
avec leur conscience chrétienne, et l’action qu’ils réalisent au nom de
l’Église en communion avec leurs pasteurs. » (G.S. 76)
Il apparaît nécessaire de faire la
distinction entre un chrétien qui se sanctifie dans le « reste » du
Peuple de Dieu, et en tant que Salvadorien qu’il est, il sent la nécessité de
s’engager pour travailler aussi aux résolutions des problèmes politiques. Il
doit aller travailler, mais il doit distinguer deux choses : ce qu’il doit
réaliser comme chrétien, mais personnellement, sous sa responsabilité, là dans
sa charge politique, dans l’organisation politique, dans le groupe, dans le
ministère, dans la présidence, là comme chrétien, mais sous sa seule
responsabilité. Il s’agit d’autre chose lorsque ce chrétien agit comme un
membre de ce Peuple de Dieu, en communion avec son pasteur, qui peut
dire : « au nom de mon évêque, je fais cela, je fais cela en tant
qu’Église. » Cette distinction est nécessaire aujourd’hui plus que jamais,
parce qu’il ne faut pas manipuler le nom des chrétiens dans des actions qui
sont de la responsabilité d’un homme ou d’un groupe.
Ce fut là le labeur de ma troisième
lettre pastorale de distinguer entre la communauté chrétienne où se cultive la
foi, où on croît dans la vertu chrétienne et l’organisation politique où un
chrétien de cette communauté peut aller accomplir, apporter, comme dit le
Concile, une semence de christianisme. Ne vous laissez pas manipuler,
n’obéissez pas aveuglément à toutes les consignes que vous donnent le Bloc ou le
FAPU. Si vous êtes chrétiens, conservez vos critères chrétiens de discernement
et sachez dire non, lorsqu’il faut dire non, mais ne soyez pas un mouton dans
la marche de tous ceux qui vont suivre ce qu’on ne peut pas faire en tant que
chrétien. L’homme est responsable de son option personnelle, mais s’il s’agit
d’un chrétien, il doit sauver sa foi, être ferment dans la pâte. Maintenant,
lorsqu’un chrétien est dans la communauté en train de lire la Bible ou recevant
un sacrement, communiant, se confessant ou effectuant une mission
catéchistique, célébrant de la Parole, il doit être en communion avec son
pasteur. Alors, il ne peut pas vivre son option politique et utiliser ces
réunions chrétiennes pour gagner des adeptes à son parti politique, il doit
distinguer nettement les deux choses.
Aujourd’hui davantage que jamais, je
le répète, il est nécessaire de posséder clairement ce concept de communauté
Église et de communauté politique. Et l’homme qui appartient aux deux secteurs,
sait qu’il appartient à l’un en tant qu’individu, que citoyen d’inspiration
chrétienne, et à l’autre monde comme membre d’une communauté d’hommes de foi où
il doit alimenter précisément là aussi ses engagements.
Quelle est la relation, qu’est-ce que
la communauté politique?
L’Église, la communauté politique,
c’est lorsque le Concile nous explique la nature du peuple. Gardons cela Ă
l’esprit mes frères parce que l’on abuse énormément du peuple. N’importe quelle
organisation se sent l’expression du peuple alors qu’il s’agit d’une expression
d’un groupe du peuple et non du peuple. Le peuple est bien plus grand qu’une
organisation politique, elle peut coĂŻncider dans ses aspirations avec un autre
groupe qui pense de manière distincte et jusque qu’avec l’Église qui défend
aussi les droits humains, mais avec une stratégie et par la manière propre de
son entité politique, ne peut s’arroger la représentation du peuple.
Qu’est-ce qu’un peuple? Le Concile
dit : « Les hommes, les familles et les divers groupes qui
constituent la communauté civile sont conscients de leur propre insuffisance
pour atteindre une vie pleinement humaine et ils perçoivent la nécessité d’une
communion plus large dans laquelle tous conjuguent quotidiennement leurs
énergies dans l’ordre d’une meilleure procuration du bien commun. C’est
pourquoi ils forment une communauté politique selon des types d’institutions
variées. » (G.S. 74) Lorsque la Bible nous parle des humains en général,
comment Dieu les organise en peuples, et chaque peuple possède son caractère
propre, jusqu’à sa langue, son système politique, cette variété Dieu la veut
ainsi comme la variété de nos visages, de nos manières d’être, nous sommes si
divers, ainsi sont les peuples également. « La communauté politique naît
donc, pour chercher le bien commun dans lequel elle rencontre sa justification
pleine et entière et duquel dérive toute légitimité primitive et propre. »
(G.S. 74)
Qu’est-ce que le bien commun? Ce sont
des concepts qui doivent être bien clairs maintenant. « Le bien commun
embrasse l’ensemble des conditions de vie sociale avec lesquelles les
individus, les familles et les associations peuvent atteindre avec une
meilleure plénitude et une meilleure facilité leur propre perfection. »
(G.S. 74) C’est cela le bien commun. C’est un ensemble de conditions de vie
sociale oĂą les Salvadoriens, les groupes salvadoriens, les familles
salvadoriennes rencontrent un appui pour parvenir à se réaliser, pour être plus
heureux, pour être davantage parfaits. À quel objectif plus grand le Seigneur
appelle-t-Il les peuples? Le peuple, c’est l’ensemble des familles et des
individus qui participent Ă un ensemble de situations dont tous peuvent
profiter pour se développer et être tous, chaque groupe et chaque individu,
plus heureux, mieux développés.
Autorité publique
Maintenant apparaît une chose d’une
grande transcendance : « Les hommes qu’on rencontre dans une
communauté politique sont nombreux et différents et ils peuvent en tout droit
s’incliner vers des solutions différentes afin que par la pluralité des opinions,
ne périssent pas la communauté politique, une autorité qui dirige l’action de
tous vers le bien commun, est indispensable. Non d’une manière mécanique ou
despotique, mais en Ĺ“uvrant principalement comme une force morale qui se base
sur la liberté et sur le sens des responsabilités de chacun. » (G.S. 74)
Nous avons alors une véritable
communauté politique lorsque nous avons une diversité d’opinions. Qu’il y ait
plusieurs partis, de nombreuses organisations, béni soit Dieu! Qu’il y ait
plusieurs façons de pensée, mais en nous respectant les uns les autres! Ayant
une autorité qui non pas de manière répressive voudrait que nous pensions tous
de la même manière, mais qui respecterait les divers modes de penser, et
permettrait la participation de tous, dans le respect de leur liberté, au bien
que nous devons rechercher ensemble. Parce que lorsqu’un groupe ne s’efforce
plus de rechercher ce bien commun, mais ses avantages particuliers, il est
proprement dit en train de détruire plutôt que de construire. Par contre, lorsqu’aussi
différents et opposés que soient les systèmes, tous participent au bien commun,
selon leurs manières de concevoir les choses, l’autorité se retrouve dans la
même liberté qu’elle consent à tous, la stimulation afin qu’entre nous tous,
nous rencontrions ces solutions qui débordent en bien pour la liberté commune.
« Il est évident que la
communauté politique et l’autorité publique se fondent sur la nature humaine
et, par cela même, appartiennent à l’ordre prévu par Dieu même lorsque la
détermination du régime politique et la désignation des gouvernements sont
laissées au libre choix des citoyens. » (G.S. 74) À la base de notre
patrie et de tous les peuples, apparaît ce vouloir de Dieu. Dieu veut la
patrie, Dieu veut la diversité au sein de la patrie, et Dieu veut l’autorité
dans la patrie et Il veut le bien commun qui est l’objectif de la patrie. C’est cela le
peuple.
C’est pourquoi, mes chers frères,
nous disons maintenant que dans les lectures d’aujourd’hui, nous voulons
illuminer cette grande réalité qu’est la communauté du Peuple de Dieu et celle
de la communauté politique, la communauté du peuple. Notons qu’il y a de
nombreuses différences et que nous ne pouvons plus confondre Église et
politique. Mais l’Église à partir de sa perspective évangélique qui cherche le
Règne de Dieu, illumine, donne énergie et force morale à l’autorité et au
peuple. L’Église défend les droits humains. Elle travaille pour le bien commun,
dénonce les péchés d’égoïsme, et enlève toutes les entraves qui détruisent la
communauté politique. 28/10/79, p.383-386, VII.
3) Relation entre le Peuple de Dieu
et le peuple comme communauté politique
Relation entre le Peuple de Dieu,
l’Église et le peuple en tant que communauté politique : l’État, la
société civile, la République ou, comme vous voudrez l’appeler, tout cela se
nomme la communauté politique. Malheureusement, elle n’est pas toujours
organisée et aujourd’hui nous vivons un moment de crise pour notre peuple. Nous
recherchons une nouvelle façon de vivre qui nous fasse sortir des modèles si
honteux dans lesquels nous avons vécu pour construire véritablement une
nouvelle société, un nouveau peuple.
Ce n’est pas la tâche de l’Église de
la construire, mais Ă vous, les civils; vous qui vivez dans le monde, vous
devez apprendre à penser avec autonomie et avec des critères. Si ces critères
sont véritablement chrétiens comme ceux que vous vivez à l’intérieur de votre
communauté Église. Tâchez, mes chers frères, professionnels, politiciens,
paysans, ouvriers, partis et organisations politiques, tâchez de développer
tout cela dans le sens véritable que le Dieu des nations veut pour chaque
peuple, recherchant entre tous, le véritable bien commun. L’Église sera
toujours une communauté distincte parce que ses objectifs sont bien au-delà du bien
commun de la Terre oĂą est le bien commun de tous les peuples qui seront une
seule chose en Dieu à la fin de l’Histoire. Mais, entre temps, cette communauté
politique continue de vivre dans chaque peuple, dans chaque nation, étant dès
maintenant, illumination, ferment, germe de la société. Nous
devons nous préparer pour cela.
A) Jésus encourage la santé de
l’aveugle
Lorsque dans l’Évangile d’aujourd’hui
(Mc 10,42-52), JĂ©sus soigne un aveugle, non seulement en lui donnant la foi,
mais en lui donnant également la vue, Il nous dit comment dans le cœur de Dieu
sont unis l’esprit et le corps, les nécessités spirituelles et les nécessités
sociales, comment il importe à Dieu non seulement de nous libérer du péché, en
mourant sur la Croix, mais aussi en éliminant les conséquences du péché que
sont l’infirmité, la cécité, la faim, les divisions; tout cela entre dans
l’évangélisation.
B) Élu parmi les humains, Il a été
placé pour représenter les hommes dans leurs relations avec Dieu.
Lorsque dans la seconde lecture (He
5,1-6), on nous parle du prêtre choisi parmi les hommes, il nous est signifié
par là que ce qui intéresse Dieu ce n’est pas tant le prêtre, mais le peuple
ayant la tâche de servir. Si le Peuple de Dieu est un peuple d’appelés
spécialement pour partager la sainteté de son Règne, ce n’est pas pour qu’il en
profite en égoïste, mais pour qu’avec cette lumière de foi, d’amour et
d’espérance, il soit lumière et ferment de toute la société civile qui
l’entoure.
C) Relation entre Église et
communauté politique
Je désire également me prévaloir du
Concile, pardonnez-moi, mais c’est la grande loi que nous avons maintenant
parmi nous. Lorsque le Concile pose la question « Quelle doit être la
relation entre l’Église et la communauté politique? », il dit clairement :
« La communauté politique et l’Église sont indépendantes et autonomes,
chacune dans son propre domaine. » C’est bien clair, l’Église est Église
et sa mission est sa propre identité. La communauté politique est aussi une
société voulue par Dieu, composée de tous, et à laquelle tous participent pour
rechercher le bien de tous. Ce sont deux entités autonomes.
« Cependant, l’Église et la
communauté politique, quoiqu’à des titres divers, sont au service de la
vocation personnelle et sociale de l’être humain. » C’est ce que nous
avons toujours dit : Il n’y a pas de conflit entre l’Église et l’autorité
civile, mais plutôt un conflit entre l’autorité civile et le peuple. S’il n’y
avait pas eu ce conflit, si l’autorité vivait en fonction du peuple, travaillait
en fonction du peuple, l’Église qui doit également travailler son autonomie en
fonction du peuple, l’Église et l’autorité, donc, se rencontreraient ici dans
cette grande devise du Concile : « Ce service pour le bien de tous,
ils le réaliseront d’autant plus efficacement que sera saine et meilleure leur
coopération en tenant toujours compte des circonstances, de l’endroit et du
temps. » C’est pourquoi nous avons dit que l’Église était ouverte au
dialogue et à la collaboration, chaque fois que l’autorité recherche également
le bien du peuple.
L’être humain ne se limite pas au
seul horizon temporel, sinon qu’en tant que sujet de l’Histoire humaine, il
maintient intégralement sa vocation éternelle. L’Église, fondée dans l’amour du
Rédempteur, contribue à diffuser chaque fois davantage le Règne de la justice
et de la charité au sein de chaque nation et entre les nations. Prêchant la
vérité évangélique et illuminant tous les secteurs de l’activité humaine avec
sa doctrine et par le témoignage des chrétiens, l’Église respecte et fait aussi
la promotion de la liberté et de la responsabilité politique du citoyen.
D) Lorsque Jean-Paul II a parlĂ© Ă
l’OEA
Il en vint Ă dire que :
« Le bien commun qui est l’office de tout gouvernement est aussi l’objet
de la lutte de l’Église. » Et il offrit la collaboration du Saint-Siège et
des Églises d’Amérique. Ce sont les paroles de Jean-Paul II à l’OEA :
« Demandant la liberté religieuse pour l’Église qui est si souvent
outragée dans les pays d’Amérique latine. » Et cette liberté qu’il
demanda, dit le Pape est pour servir et non pas pour s’opposer dans la légitime
autonomie de la société civile.
Ce sont lĂ des paroles du Pape qui
viendront très bientôt, je l’espère, à notre patrie.
« Combien davantage les citoyens
sont habituellement capables de rétablir leur liberté dans la vie de la nation,
plus rapidement les communautés chrétiennes seront capables de se dédier
elles-mêmes à la tâche centrale de l’évangélisation, c’est-à -dire de prêcher
l’Évangile du Christ, source de vie, de force, de justice et de paix. »
Le Pape signifie par lĂ que si
l’Église accomplit un rôle de dénonciation, presque au premier plan, presque
son unique plan, c’est par suppléance; mais le jour où les individus, les
partis, la politique, la technique, parleront, l’Église aura plus de temps pour
se consacrer à ce qui lui est plus spécifique : méditer et réfléchir sur
l’Évangile, source de paix, d’amour et de sainteté. Jamais nous n’avons cessé
de le faire, grâce à Dieu. Certes il est vrai que d’avoir dû occuper ce terrain
nous a enlevĂ© beaucoup d’attention. Puisse Dieu que ces terrains soient Ă
nouveau occupés par ceux qui doivent les occuper : les politiciens, les
techniciens, les professionnels. C’est maintenant que le Salvador entre dans la
phase de l’auto-construction de sa propre destinée. 28/10/79, p.386-388, VII.