Le Christ, vie et richesse de l’homme
Treizième dimanche du temps
ordinaire; 1er juillet 1979; Lectures : Sagesse 1,13-15 et
2,23-25; II Corinthiens 8,7-9.13-15; Marc 5,21-43.
Chaque dimanche, c’est Pâques, chaque
dimanche doit raviver en nous l’espérance que nous suivons un Christ vivant qui
ne mourra jamais et qui possède la force de nous donner le Salut. Chaque
dimanche annonce la nécessité d’incarner le mystère du Christ et de dénoncer ce
qui s’oppose à sa réalisation. C’est pourquoi l’année liturgique, célébrant ces
mystères éternels, tente de s’appliquer aux situations concrètes par où passe
l’histoire de chaque peuple. Ce n’est pas la même chose de prêcher ce dimanche
à Rome, ou en Pologne, ou en Afrique, ou en Argentine ou au Nicaragua, qu’ici
au Salvador. La Parole de Dieu, qu’aujourd’hui nous venons de proclamer en ce
dimanche du premier juillet 1979, est pour nous, Salvadoriens. Nous devons la
regarder à partir de cette perspective : le mystère de notre Salut. Parce
que l’histoire de chaque peuple et de chaque humain de chaque famille est comme
l’instrument de Dieu pour sauver cet homme, ce peuple, cette famille. C’est
pour cela qu’il peut sembler souvent que la prédication touche à des choses
très dangereuses et qu’il serait plus facile de se taire; mais alors, la parole
évangélique n’accomplirait pas sa mission d’illuminer du mystère du Christ la
réalité du peuple.
Plan de l’homélie :
1) Le Christ, pouvoir divin qui donne
la vie
2) Le Christ, justice et amour qui
comblent les différences sociales
3) Une foi authentique dans le
Christ, unique solution à nos problèmes. 01/07/79, p.40, VII.
1) Le Christ, pouvoir divin qui donne
la vie
En premier lieu, observons le Christ
comme un pouvoir qui donne la vie : l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 5,21-43)
nous Le présente devant la fillette morte, la prenant par la main et lui
redonnant la vie. Ou
encore, rendant la santé à une femme qui souffrait d’une infirmité incurable
depuis douze ans. C’est l’image la plus belle du pouvoir de la vie au milieu de
la mort, de l’infirmité et de la maladie. Aux côtés de cette enfant morte, nous
voyons tant de jeunes gens et de jeunes filles, tant d’hommes, de femmes et
d’enfants morts. L’Empire de la mort passe sur la Terre et surtout sur notre
pays où la mort violente est pratiquement devenue l’air que nous respirons; les
hôpitaux avec des blessés, conséquences des violences ou des infirmités
naturelles, les cimetières qui se remplissent chaque jour davantage de morts.
Au milieu de tous ces signes de désespoir est présente la lumière du pouvoir
qui donne la vie : JĂ©sus-Christ.
A) Par le Verbe, Dieu créa la vie
Ce Christ, face à l’enfant morte, la
fille de Jaïre, c’est le Dieu éternel qui s’est fait homme, mais avant cela,
nous raconte l’Évangile sublime de saint Jean, Il était la Parole qui était
présente aux côtés de Dieu et c’est par cette Parole que Dieu créa toutes les
choses.
Cette Parole est la vie et celle-ci
était la lumière des hommes. Christ est la plénitude d’où provient toute cette
vie qui est ici en cette cathédrale, celle qui anime la vie de notre patrie. Il
n’existe pas de vie en ce monde qui ne provienne pas de Dieu, pouvoir qui donne
la vie.
Aspects positifs
La première lecture (Sg 1,13-15;
2,23-25) nous fait remonter à cette médiation, au Dieu de la Vie. Dieu ne créa pas la
mort ni ne s’amuse de la destruction des êtres vivants. Il créa tout pour que
nous subsistions. Les créatures du monde sont salutaires; il n’existe pas en
elles un venin de mort. Dieu créa l’homme incorruptible; Il le fit à l’image de
sa propre nature. Le Dieu Ă©ternel voulut avoir un Fils sur la Terre qui ne
meurt point. Cela apparaît clairement dans cette parole de Dieu (Sg 2,23) que
nous proclamons aujourd’hui et qui nous dit que Dieu n’a pas créé la mort. Dieu créa la vie
et Il veut qu’elle subsiste et ne meure pas. Fils de l’Immortel, nous devons
ĂŞtre Ă©galement immortels! Alors pourquoi la mort existe-t-elle en ce monde?
01/07/79, p.40-41, VII.
Le péché détruisit la vie. Dieu ne créa pas la
mort
La première lecture d’aujourd’hui est
sans doute celle d’où saint Paul tira la pensée sublime de son épître aux
Romains (5,12) : « Pour un qui pécha entra la mort. »
La mort est le fruit du péché
Selon le plan primitif de Dieu, selon
la lecture d’aujourd’hui (Sg 1,13-15; 2,23-25) dans le monde d’alors, il n’y
avait pas le venin de la mort ni l’Empire de l’abîme. L’abîme que les Hébreux
appelaient le « Schéol » est comme une figure de la mort, du pouvoir
de l’Enfer; « l’Hadès », comme la nommaient aussi les Grecs. La mort,
que nous représentons avec un crâne et une faux pour faucher la vie, apparaît
dans les Saintes Écritures comme un pouvoir étrange. Comme dit la Parole
d’aujourd’hui (Sg 2,24) : « C’est par l’envie du diable qu’entra la
mort en ce monde, ils en font l’expérience ceux qui lui appartiennent. »
C’est une triste condition de devoir payer ce tribut au diable. La mort est un
tribut au pouvoir qui détruit la vie.
Dieu ne voulait pas la mort. Si la mort
s’implanta, c’est parce qu’un homme ouvrit la porte au péché. Par la
désobéissance d’Adam – le premier homme, père de tous les humains – entra la
mort qui est passée à toute l’humanité. C’est un pouvoir étrange; c’est
pourquoi saint Paul nous parle d’une désobéissance, de quelque chose qui gémit,
de quelque chose qui n’est pas normal, de quelque chose qui est un ennemi qui
continuera Ă passer.
Provoquer la mort c’est multiplier la
présence du péché
La mort est surtout un signe de péché
lorsque la produisent, aussi directement que parmi nous, la violence,
l’assassinat, la torture d’où proviennent tant de morts, découpés et tirés à la
mer, jetés dans les dépotoirs, tout cela est l’Empire de l’Enfer. Ceux qui
produisent la mort appartiennent au Diable. Ils en font eux-mêmes l’expérience,
ceux qui appartiennent au Diable, collaborateurs, agents du DĂ©mon, imposteurs
qui apportent quelque chose d’étranger au plan de Dieu. C’est pourquoi l’Église
ne se fatiguera jamais de dénoncer tout ce qui produit la mort. La mort, même la
mort naturelle, est le produit et la conséquence du péché. 01/07/79, p.41-42,
VII.
Signes de la RĂ©demption, de la mort
et de la maladie
Le Concile dit : « La foi
chrétienne enseigne que la mort corporelle qui entra dans l’Histoire en
conséquence du péché sera vaincue lorsque l’omnipotent et le miséricordieux
Sauveur réintégrera l’humain dans le Salut perdu par le péché. » Le
Christ, le Dieu qui créa la vie dans les origines et qui ne voulait pas la
mort, lorsqu’Il vit que l’empire de la mort s’implanta en ce monde, vint pour
récupérer la vie. 01/07/79, p.45, VII.
2) Le Christ, justice et amour qui
comblent les différences sociales
Explication de la collecte pour
l’Église de Jérusalem chez saint Paul, (II Co 8,7-9,13-15), thème de la
doctrine sociale. Observons avec confiance le Seigneur dans d’autres aspects de
l’Évangile d’aujourd’hui. La seconde lecture de saint Paul aux Corinthiens
traite d’une collecte, qu’a promue l’apôtre à Corinthe pour aider les chrétiens
démunis de Jérusalem. Il leur dit la doctrine sociale de l’Église, germe de ce
que doit ĂŞtre le trĂ©sor de notre temps : les encycliques depuis Rerum Novarum de LĂ©on XIII jusqu’à Populorum Progressio, Mater et Magistra, Pacem in Terris, le Concile, MedellĂn et Puebla. Une lumière qui
scintille sur l’ambiance d’injustice de notre Amérique et sur le monde. Saint
Paul dit aux Corinthiens : « Il ne s’agit pas de vous mettre dans la
gêne en soulageant les autres, mais d’établir l’égalité. En cette occasion, ce
que vous avez en trop compensera ce qu’ils ont en moins pour qu’un jour ce
qu’ils auront en trop compense ce que vous aurez en moins : cela fera
l’égalité. »
C’est ce qu’affirme l’Écriture. Cela
nous rappelle ici un épisode pittoresque du peuple d’Israël lorsqu’il
traversait le désert et qu’il mangeait la manne. Qu’il ne devait cueillir rien de plus que
le strict nécessaire pour la journée. Certains voulurent en cueillir
davantage, et il en resta moins pour les autres, mais la Bible dit :
« Celui qui en cueillait davantage, il ne lui en restait pas et, celui qui
en ramassait moins, il ne lui en manquait pas. »
Dieu est Celui qui nous fait ces
dons, Celui qui nous donne les récoltes, Celui qui fait fleurir et mûrir le
café de nos fermes, Il veut le bonheur de tous ses enfants. Saint Paul
dit : « Il ne s’agit pas que certains donnent pour demeurer sans
rien, mais qu’on partage, qu’on égalise nos richesses. » 01/07/79, p.46,
VII.
B) Le grand thème de l’Amérique
latine
Ă€ ce sujet, je voudrais vous inviter
aujourd’hui à regarder ensemble comment le document de l’Épiscopat
latino-américain réuni à Puebla traite cette pastorale que l’on nomme :
« L’option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres. » Le document rĂ©alise, Ă
la lumière de la réalité de l’Amérique latine, une analyse fondée de notre
impressionnante injustice sociale.
Constatations
Les Ă©vĂŞques Ă Puebla dirent :
« Nous voyons, à la lumière de la foi, comme un scandale et une
contradiction avec l’être chrétien, la croissante brèche entre les riches et
les pauvres. Le luxe de quelques-uns devient une insulte contre la misère des
grandes masses. Cela est contraire au plan du Créateur et à l’honneur que l’on
y doit. Dans cette angoisse et cette douleur, l’Église discerne une situation
de péché social. Ainsi comme nous disions de la mort qui est l’indice du péché,
nous pouvons dire également : L’inégalité sociale est l’indice du
pĂ©chĂ©. » C’est ce qu’affirme explicitement l’épiscopat latino-amĂ©ricain Ă
Puebla; inégalité encore plus grave parce que cela se produit dans des nations
qui se disent catholiques et qui ont le pouvoir de changer. Citant les paroles
de Jean Paul
II à Oaxaca, au Mexique, ils disent : « Qu’on leur enlève ces
barrières de l’exploitation contre lesquelles se brisent les meilleurs efforts
de promotions humaines! » (No.28)
Le document continue en constatant
ceci : « Nous vérifions, comme la plus dévastatrice et humiliante
flagellation, la situation inhumaine de pauvreté où vivent des millions de
latino-américains, situation de mortalité infantile, de manque de logement
adéquat, problème de santé, salaire de famine, chômage et sous-emploi,
malnutrition, instabilité du travail, migrations massives forcées et
désemparées, etc. » (No.29)
« En analysant plus à fond cette
situation, nous découvrons que cette pauvreté n’est pas une étape fortuite,
mais le produit de situations et de structures Ă©conomiques, sociales et
politiques, même s’il existe d’autres causes de la misère. Nous
n’allons pas nier qu’il existe des pauvres qui le sont par leur propre faute, Ă
cause de leurs vices, mais cela n’enlève pas le fait qu’il existe des
structures brutales, horribles, où il est impossible de faire des progrès, même
pour le mieux intentionné. État interne de nos pays qui rencontrent dans
plusieurs cas, origine et appui dans des mécanismes qui sont imprégnés non pas
d’authentiques valeurs humaines, mais d’un matérialisme qui produit, au niveau
international, des riches toujours plus riches au prix de pauvres toujours plus
pauvres. Cette réalité exige la conversion personnelle et la transformation
profonde des structures afin qu’elles répondent aux aspirations légitimes du
peuple envers une véritable justice sociale. Ces changements n’ont pas été
effectués ou l’ont été trop lentement dans l’expérience de l’Amérique
latine. » (Nº 30) 01/07/79, p.46-47, VII.
De MedellĂn Ă Puebla : nĂ©cessitĂ©
de conversion
Ces constatations de Puebla nous
amènent à une réflexion pastorale qui nous incite à prendre des mesures pastorales.
Les évêques disent clairement : « Nous reprenons, avec une espérance
renouvelée dans la force vivifiante de l’Esprit, la position de la Seconde Conférence
de MedellĂn, d’une option prĂ©fĂ©rentielle et solidaire pour les pauvres… Nous
affirmons la nécessité de la conversion de toute l’Église en faveur d’une
option préférentielle et solidaire pour les pauvres, ayant comme perspective
une libération intégrale… (Nº 1134) »
Et plus clairement sur l’Église, ils
disent : « Ce ne sont pas tous qui, dans l’Église d’Amérique latine,
se sont engagés suffisamment avec les pauvres; nous ne nous préoccupons pas
toujours de leur sort, et nous ne sommes pas toujours solidaires avec eux. ĂŠtre
Ă leur service exige, en effet, une conversion et une purification constante,
chez tous les chrétiens, pour obtenir une identification qui soit chaque jour
plus complète avec le Christ pauvre avec les pauvres » (Nº 1140). Il
s’agit d’un appel, mes frères, qui depuis l’évêque jusqu’au dernier fidèle, en
passant par les prĂŞtres et les religieuses et les institutions catholiques,
réclame une révision. C’est un scandale, dans notre environnement qui reflète
la réalité décrite par Puebla, qu’il y ait des personnes ou des institutions
dans l’Église qui se désintéressent du pauvre et qui vivent dans le confort. Un
effort de conversion est nécessaire. 01/07/79, p.47, VII.
Persécution
DĂ©jĂ , dans la pratique, Puebla fait
la constatation de ce qu’il en a coûté, ces dix dernières années, afin de
demeurer fidèles Ă cet engagement de MedellĂn : « La dĂ©nonciation
prophétique de l’Église et ses compromis concrets avec le pauvre l’ont amené,
en de nombreuses occasions, à des persécutions et des vexations de plusieurs
formes. Les pauvres eux-mêmes ont été les premières victimes de ces vexations.
Ă€ ce sujet, je veux souligner
l’information que l’on m’a remise en entrant dans la cathédrale, selon laquelle
en ce jour précisément nous soulignions le premier anniversaire de la mort du
père Hermógenes López de San Pedro Pinula, assassiné au Guatemala pour s’être
solidarisé avec les pauvres. Nos prêtres assassinés dans le diocèse l’ont été
pour cette même option préférentielle pour les pauvres. L’égoïsme de ceux qui
veulent que rien ne change n’a pas pu tolérer cette voix. Ils sont capables
d’acheter avec leur argent les mains des assassins pour que se taisent les voix
qui crient justice en faveur de ceux qui n’ont aucune justice. C’est cela la
conversion qui nous est demandée à tous parce que l’Église n’est pas un
démagogue qui demande uniquement le changement des structures. Ayons cela en
tête : ce que demande l’Église, avant tout, est la conversion du cœur.
C’est pourquoi les organisations
politiques et populaires qui luttent pour les justes revendications du peuple,
doivent se rappeler que jusqu’à ce qu’elles incorporent à cette lutte et à cet
effort, la sainteté et l’amplitude de la libération en Jésus-Christ du péché,
et qu’ils en fassent la promotion jusqu’à la sainteté, ce ne seront que des
libérations partielles et souvent mutilées par le péché. Demain elles se
convertiront en des structures nouvelles, mais aussi violentes envers le
pauvre; ils seront les nouveaux riches, rien de plus. Je désire seulement que
ceux qui luttent véritablement pour un monde plus juste, en constatant
l’injustice dans laquelle nous vivons, commencent par changer leur cœur. Et
dire aussi à tous ceux que Dieu a favorisés par de grands biens :
convertissez-vous! 01/07/79, p.47-48, VII.
Communautés Ecclésiales de Base,
Potentiel des Pauvres
Au souvenir de Puebla, parmi les
réalités d’Amérique latine, les évêques ont dit que, dans les communautés
ecclésiales de base, nous rencontrions un trésor. Ce sont là leurs
paroles : « L’engagement avec les pauvres et les opprimés et
l’émergence des communautĂ©s de base a aidĂ© l’Église d’AmĂ©rique latine Ă
découvrir le potentiel évangélisateur des pauvres, en ce qu’ils interpellent
constamment, appelant à la conversion, parce qu’ils réalisent dans leur vie les
valeurs évangéliques de solidarité, de service, et de disponibilité pour accueillir
le don de Dieu » (Nº 1147) C’est ici qu’apparaît cette recette
merveilleuse que, grâce à Dieu, notre diocèse tente de mettre en
pratique : les communautés ecclésiales de base. Ces groupes de réflexion
chrétienne ne sont pas subversifs!
Il s’agit de réflexions où l’homme et
la femme apprennent cette vertu évangélique de la pauvreté indispensable chez
le riche et chez le pauvre. Je fais ici un appel Ă toutes les paroisses et tous
les agents de pastoral, aux religieuses qui travaillent dans les villages. Je
vous félicite parce que déjà , nous pouvons dénombrer plusieurs communautés
ecclésiales de base. Mais là où existe encore la méfiance, rappelez-vous que
l’école efficace pour découvrir ces valeurs de nos pauvres paysans, le trésor
caché dans tant de cœurs, c’est la communauté ecclésiale de base. 01/07/79,
p.48, VII.
C) Quelle est la véritable pauvreté?
La clé d’interprétation se trouve dans le message de Puebla.
Il y a une phrase dans la salutation
de Puebla aux peuples d’Amérique latine qui me paraît être la règle pour ceux
qui croient faussement que lorsque l’Église se proclame l’Église des pauvres,
elle se morcelle et déprécie les riches. En aucune manière! Le message est
universel. Dieu veut sauver les riches également, mais précisément parce qu’Il
veut les sauver, il leur dit qu’ils ne peuvent être sauvés tant qu’ils ne se
convertissent pas au Christ qui vit parmi les pauvres; le message de Puebla dit
qu’en cela consiste la pauvreté : « accepter et assumer la cause des
pauvres comme s’il s’agissait de votre propre cause, la cause du Christ. »
« Tout ce que tu as fait Ă un de ceux-ci, aussi humble soit-il, c’est Ă
moi que tu l’as fait. » 01/07/79, p.49, VII.
Il ne suffit pas d’être pauvre
matériellement, mais d’animer cette pauvreté d’un véritable esprit évangélique.
Le secret, mes frères, n’est pas, comme saint Paul nous le rappelle
aujourd’hui, de se déprendre matériellement des choses et de demeurer sans
aucun bien. Ne rien posséder ne suffit pas. Je veux dire aux pauvres qui n’ont
rien qu’il ne suffit pas de ne rien avoir; si on ne met pas l’Esprit
évangélique dans cette pauvreté, ce n’est pas la pauvreté que le Christ désire.
Au riche, il ne suffit pas d’avoir un
faux esprit qui ne s’incarne pas dans une pauvreté réelle. Aux riches, je veux
dire également qu’une pauvreté spirituelle ne suffit pas, une espèce de désir
inopérant; à ceux-ci, je leur dis : tant que vous n’incarnerez pas ces
désirs de pauvreté évangélique dans des réalisations qui s’intéressent à la
cause des pauvres comme si c’était la vôtre, comme s’il s’agissait du Christ,
vous continuerez d’être nommés : « ceux que Dieu déprécie »
parce que vous placez davantage votre confiance dans votre argent et c’est ce
qui vous distingue de ceux que vous considérez comme des hommes de seconde classe.
Nous devons arriver, pauvres et
riches, à avoir un esprit évangélique de pauvreté, non pas en utopie et en
théorie, mais en réalité qui s’intéresse, qui réalise des œuvres.
« Partagez comme le Christ, disait saint Paul dans la seconde lecture d’aujourd’hui
(II Co), qui Ă©tant riche se fit pauvre pour nous enrichir de sa
pauvreté. » C’est cela la dialectique de la pauvreté évangélique, c’est
pourquoi saint Paul dit aux Corinthiens : « Vous allez donner aux
pauvres de Jérusalem qui n’ont rien, non pas dans un sens paternaliste parce
que Jérusalem également partagera avec vous ce qu’elle possède. Ils ont
beaucoup de pauvreté évangélique, et beaucoup le sens de la sainteté. »
C’est cela que je voulais vous dire : « Nous ne devons secourir
personne avec un sentiment de supériorité, que celui qui donne matériellement
reçoive spirituellement. Il y a un échange de biens que seulement peut
comprendre un véritable esprit de pauvreté. Cela permet au riche de se sentir
très proche du pauvre et de ne pas faire en sorte que le pauvre se sente
inférieur au riche sinon dans un rapport d’échange d’égal à égal : donner
et recevoir, “égaliser” comme dit saint Paul. » 01/07/79, p.49, VII.
3) Une foi authentique dans le
Christ, unique solution à nos problèmes
Finalement, pour comprendre le
Christ, pouvoir qui donne la vie et pour L’accepter depuis les versants de la
richesse ou de la pauvreté, et faire du Christ la force qui unit dans la
justice et dans l’amour, une chose est nécessaire, et ce dimanche, c’est la
réponse que le Christ attend de nous : la foi.
Attitude de JaĂŻre
Le geste de JaĂŻre est merveilleux.
S’agenouillant devant le Christ, il dit (Mc 5,23.35) : « Ma
petite-fille est à toute extrémité, vient lui imposer les mains pour qu’elle
soit sauvée et qu’elle vive. » Tandis qu’il parlait encore arrivent de
chez le chef de synagogue des gens qui disent : “Ta fille est morte;
pourquoi déranges-tu encore le Maître?”
RĂ©ponse de JĂ©sus
Le Christ dit (Mc 5,36) :
« Sois sans crainte, aie seulement la foi. » Ce fut la seule
condition qu’Il exigea, même si cela provoqua les moqueries de plusieurs :
elle n’est pas morte, elle ne fait que dormir. Et la prenant par la main, Il
lui dit cette parole araméenne que saint Marc a conservée (5,41) : « Talitha koum », ce qui se traduit
par « Fillette, je te le dis, lève-toi! » Et en un geste très humain,
le Christ l’aide à se lever et la rend à ses parents en leur disant de lui
donner à manger. Elle s’éveilla avec la faim.
Attitude de l’hémorroïsse
Quel geste plus merveilleux Ă©galement
que celui de l’hémorroïsse! C’est ainsi que l’Évangile nomme cette femme qui
souffrait depuis des années de perte de sang. Et elle cherchait parmi la
multitude, à toucher la robe du Maître, avec une foi si grande qu’elle se
disait (Mc 5,28) : « Si je touche au moins ses vêtements, je serai
sauvée. » Elle réussit à le faire et elle fut guérie.
RĂ©ponse de JĂ©sus
Le Christ sentit qu’une force était
sortie de Lui devant cette foi qui l’avait touchée. Celle-ci était très
différente des autres qui le touchaient par curiosité. Il se retourna aussitôt
pour connaître celui ou celle qui l’avait touché. (Mc 5,33-34) :
« Alors la femme craintive et tremblante, sachant bien ce qui était
arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Et Il
lui dit : “Ma fille, ta foi t’a sauvée; va en paix et sois guérie de ton
infirmité.” »
La foi n’est pas quelque chose de
magique
Nous terminons en disant que la foi
de cette communauté, la foi audacieuse qui lui fait suivre fidèlement le
Christ, ne consiste pas en une foi magique. La foi qui arracha ces miracles de
l’Évangile d’aujourd’hui est une foi qui consiste dans une disposition de
confiance totale en JĂ©sus qui nous conduit Ă une libre acceptation du Sauveur.
C’est ce que je vous souhaite, une confiance totale en Jésus comme celle de
Jaïre, comme celle de l’hémorroïsse, parce qu’alors oui, nous aurons un peuple
qui espère véritablement dans la justice de Dieu.
TĂ©moignage de notre peuple
Ă€ ce propos, en tant que voix du
peuple, des suppliques des humbles, des expressions de foi des lettres que je
reçois, je dois vous transmettre ces témoignages. Une jeune d’Ilobasco, Émérite
Miranda, me supplie de remercier publiquement la guérison miraculeuse de sa
mère : « Remerciements à la Petite Vierge des désemparées et au Sacré-Cœur de
Jésus, à qui j’ai demandé à genoux, de toute ma foi et avec des larmes dans les
yeux, pour la santé de ma mère et j’ai été exaucé. Je vous demande la charité
de faire parvenir à tous les catholiques ce témoignage, que lorsqu’ils prient
avec foi, les miracles sont possibles. »
Nous avons aussi le cas de José
Ascensio Orellana, amené à l’Institut de Sécurité Sociale avec une hémorragie.
Il me charge de rendre grâce à Dieu parce ce que c’est avec foi qu’il Lui a
demandé son aide. Il publie maintenant son témoignage sans aucune peine, pour
dire à tous que la foi n’est pas quelque chose d’il y a vingt siècles; la foi
demeure actuelle. Ce qu’elle a pu réaliser dans la guérison de ces témoins de
l’Évangile qui se sont confiés dans le Christ! Je vous demande mes
frères : pourquoi Jésus-Christ ne le réaliserait-il pas avec notre peuple?
Peuple qui se sent cerner par la bannière du péché : la mort,
l’assassinat, la maladie, la pauvreté, l’injustice institutionnalisée. Viendra
un ordre nouveau, viendront des hommes nouveaux, ils auront la foi, la foi en
Jésus-Christ… 01/07/79, p.53-54, VII.