Par son Alliance, Dieu nous adopte
dans sa Famille
Fête de la Sainte Trinité;
10 juin 1979; Lectures : Deutéronome 4,32-34.39-40; Romains 8,14-17;
Matthieu 28,16-20.
La Très Sainte Trinité, Fête de Dieu, Couronnement du Mystère du Christ
et de l’année liturgique.
Aujourd’hui, c’est la fête de la Très Sainte Trinité.
Il ne s’agit pas d’autre chose, de rien de moins que d’une fête en l’honneur de
Dieu. La Trinité est l’expression chrétienne pour désigner le Dieu véritable
qui, étant un seul, possède trois personnes distinctes qui se nomment : le
Père, le Fils et l’Esprit saint. Il est très logique qu’après avoir célébré le
mystère du Christ qui sauve le monde, nous remontions avec Lui vers les
hauteurs d’où provient cette Rédemption, qu’après avoir reçu l’Esprit qui
provient d’en haut pour s’infuser comme vie chrétienne à cette Église que nous
sommes, nous recherchions la provenance de cette source. À travers l’Esprit
nous parvenons jusqu’à la source du divin, c’est ce que veut être la fête
d’aujourd’hui : une remontée à l’origine et à la finalité de tout le mystère
du Christ que nous continuons de vivre en Église.
Cette fĂŞte est comme le couronnement
du Temps Pascal, de la célébration de notre Rédemption qui, comme nous l’avons
répété plusieurs fois, eut son origine dans le Père qui nous aima et nous
envoya son Fils pour nous sauver et opérer cette Rédemption. Puis, le Fils est
retourné vers son Père après avoir accompli sa mission, d’où les deux nous
envoient l’Esprit saint.
Seule la foi en Dieu déchiffre le
problème de l’être humain et du monde.
Ainsi, cette fête n’est pas seulement
celle de Dieu, sinon une fête de tout le peuple croyant en Dieu. C’est la fête
de tous ceux qui croient et qui ont cette foi bénie en Notre Seigneur. Je
félicite de tout cœur ceux qui gardent cette foi. Je me réjouis que pour vous le
fait de venir Ă la messe le dimanche signifie que cette foi nous rassemble,
qu’elle nous unit comme une seule famille : la famille de Dieu. Parce que
s’il n’y a pas de foi en Dieu, tout le mystère du monde et de l’homme devient
un mystère insoluble, une absurdité!, quelque chose qui n’a pas de sens!
Surtout lorsque le monde se renverse comme est en train de le faire notre
Patrie, notre peuple, notre situation; comme le Nicaragua est renversé
aujourd’hui, comme tant d’autres choses qui ne s’expliquent pas et que seule la
foi profonde en Dieu, remontant jusqu’à ces hauteurs, jusqu’à ce mirador d’où
nous pouvons avoir une perspective qui nous permet de voir le pourquoi de ce
qui nous apparaît absurde sur cette Terre.
C’est cela, le message de la Parole
divine de la fête de la Très Sainte Trinité. Nous avons déjà fait le
parcours du carême, de la Semaine sainte, de Pâques, à l’aide d’une idée qui
donne unité à tous ces dimanches, l’idée de l’Alliance entre Dieu et les
hommes. Aujourd’hui, nous allons également regarder la fête de la Très Sainte
Trinité sous l’angle de l’Alliance.
Par son Alliance Dieu nous adopte
dans sa famille.
C’est ce titre qui reflète ainsi, par
ces paroles très imparfaites, la grande réalité que nous voulons porter ce
matin dans notre esprit : par l’Alliance que Dieu voulut faire avec les
hommes, Il les adopta dans sa famille. Nous sommes les enfants adoptifs de la
famille de Dieu si nous acceptons de participer Ă cette Alliance que Dieu nous
offre ce matin.
Plan de l’homélie :
1) Le « Dieu de nos
pères ». Monothéisme d’Israël. (Dans la première lecture, nous allons
découvrir cette réalité.)
2) Le « Dieu de
Jésus-Christ » (est une Famille : Père, Fils, Esprit saint). Dans
l’Évangile (Mt 28,16-20), où le Christ ressuscité se présente rempli de toute
la puissance de Dieu pour envoyer ses apĂ´tres prĂŞcher son message au monde
entier, nous rencontrons un avancement notable dans la révélation du Dieu de
nos pères et comme l’appelle saint Paul, nous l’appellerons : Le Dieu et
le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ.
3) Les humains forment la famille de
Dieu par l’Esprit saint. Cette idée provient de la seconde lecture (Rm
8,14-17), dans laquelle saint Paul déduit les conséquences de ce Dieu famille.
Il nous envoya une Alliance au moyen du baptĂŞme pour que nous devenions les
membres adoptifs de cette famille divine. Le grand mystère de cette adoption
est l’œuvre de l’Esprit saint envoyé par le Père et par le Fils, pour faire de
tous les hommes, la Famille de Dieu, le Peuple de Dieu.
Ainsi, nous apparaîtrons comme une
lumière très brillante pour constituer, spécifiquement, la Famille de Dieu. Il
ne faut pas confondre le Peuple de Dieu, la Famille de Dieu, formés uniquement
de ceux qui veulent accepter cette Alliance avec Dieu, avec tout le peuple en
général. Il ne faut pas confondre le peuple avec le Peuple de Dieu. Au
Salvador, tous sont membres du peuple, mais le Peuple de Dieu n’est formé que
de ceux qui croient en ce mystère de Dieu et qui s’incorporent à cette
Alliance. L’Église veut être une Famille de Dieu parce qu’elle croit dans le
Père et dans la Rédemption du Fils, dans la sanctification de l’Esprit saint,
elle tente de s’alimenter de la Parole de Dieu et des sacrements, de vivre une
vie d’Église qui ne saurait être confondue avec aucune autre organisation
humaine. Elle est la lumière de tous les regroupements humains. C’est d’elle
que proviennent tous les croyants qui cherchent Ă ĂŞtre le ferment de tous les
secteurs de la société : de la politique, du social et de l’économique,
mais elle ne se confond en aucune manière avec ces mêmes institutions.
Il est nécessaire d’avoir cette idée
bien claire à l’esprit, et aujourd’hui la fête de la très Sainte
Trinité va nous donner l’opportunité d’éclaircir encore
davantage l’identité de ce Peuple de Dieu formé de ceux qui veulent suivre Dieu
et qui s’alimentent de son Esprit. Et, dans la mesure où nous formerons
intégralement la Famille de Dieu, le Peuple de Dieu, nous serons également un
groupe lumineux et utile qui sera un ferment d’espérance, un germe d’unité, une
clarté dans le monde. Je vous invite pour que nous soyons des chrétiens
véritables, une Église véritable, ce qui ne signifie pas que nous nous
désintéressons des luttes du monde. En aucune manière! Je sens que certains
cherchent à tergiverser quant à mes prédications, aussi claires qu’elles
puissent être. J’ai toujours dit que l’Église ne s’identifie pas avec la
politique, ni avec les luttes temporelles, mais j’ai dit que cette Église donne
lumière et effervescence à toutes les luttes temporelles. Elle n’est pas dans
le monde comme un vestige qui doit être gardé dans une niche, sinon que
l’Église se préserve nettement comme Famille de Dieu afin de pouvoir être le
ferment de Dieu au milieu de toutes les luttes, de tous les combats et des différents
aspects de l’humanité. L’Église est la servante de l’humanité. C’est ce que
vient de dire le Pape lorsqu’il a fait ses adieux à la Pologne, en chantant
avec les jeunes : « Ouvrons les frontières, dans l’Église il n’y a
pas d’impérialisme, l’Église est service, elle est au service du monde. »
10/06/79, 385-387, VI.
1) Le « Dieu de nos
Pères ». Monothéisme d’Israël.
C’est la première lecture (Dt
4,32-34.39-40) qui nous présente deux manières de parvenir à la connaissance de
Dieu. La première lecture débute ainsi (Dt 4,32-33) : « Interroge
donc les anciens âges, qui t’ont précédé depuis le jour où Dieu créa l’homme
sur la Terre : d’un bout du Ciel à l’autre y eut-il jamais si auguste
parole? En entendit-on de semblable? Est-il un peuple qui ait entendu la voix
du Dieu vivant parlant au milieu du feu, comme tu l’as entendue, et soit
demeuré en vie? » Cela veut dire que depuis la création du monde, Dieu se
révèle dans la création à tous les peuples, à tous les hommes; mais qu’il
existe une voix spécifique qui se nomme révélation, par laquelle Dieu ne se
laisse pas découvrir dans la nature, sinon qu’Il s’adresse directement à un
peuple. Il parle, Il se révèle.
Il est possible de connaître Dieu par
la voie intellectuelle.
C’est la première connaissance de
Dieu que reconnaissait déjà l’épître aux Romains (1,20-21) : « Ce
qu’il a d’invisible depuis la création du monde se laisse voir à l’intelligence
à travers ses œuvres, son éternelle puissance et sa divinité, en sorte qu’ils
sont inexcusables; puisqu’ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme à un
Dieu, gloire ou Action de grâce… » Prenons en considération cette pensée
que le Concile Vatican I, au siècle dernier, définit comme un dogme de
foi : « La possibilité de l’intelligence humaine, sans qu’elle ait
besoin pour cela de la religion, par sa propre lumière naturelle, découvre Dieu
dans la création. »
Mais il s’agit d’un chemin
intellectuel, d’une réflexion qui depuis les créatures remonte jusqu’au
Créateur, et c’est pourquoi saint Paul dit : « Qu’ils sont
inexcusables parce qu’ils ont, ouvert devant leurs yeux, le livre de la
création. » C’est pour cela, selon notre foi chrétienne, que la
méconnaissance de Dieu, la négation de Dieu, implique toujours un péché moral.
Celui qui nie Dieu ne le nie pas seulement parce qu’il n’a pas pu le découvrir,
il le nie parce qu’il porte en lui quelque chose qu’il ne veut pas laisser voir
(à Dieu) et c’est pour cette raison qu’il est inexcusable. Les athées ont ce
péché : ceux qui se glorifient de ne pas croire en Dieu, ce n’est pas une
fanfaronnade, ce n’est pas un orgueil, c’est tristement une vérité, mais c’est
une vérité qui ne leur enlève pas l’impossibilité de Le connaître, c’est une
triste vérité qui provient d’un péché que l’on porte dans l’âme.
La méconnaissance de Dieu implique
une faute morale : vide de la pensée, obscurcissement de la raison,
endurcissement du cœur, aveuglement qui va jusqu’à la folie. Seuls les fous
ou les pécheurs sont athées. Personne ne se glorifie, par amour à Dieu, de
dire : « Je ne crois pas en Dieu. » Malheureusement, il existe
de nombreuses personnes qui se glorifient d’être scientifiques et qui au nom de
cette science, affirment qu’ils ne croient pas en Dieu. Avant-hier j’ai
rencontré une vieille dame malade à l’hôpital. Quelle foi en Dieu avait cette
femme! Elle m’a dit : « J’ai tenté d’inculquer la foi en Dieu à mes
enfants, après ils s’en sont allés et j’ignore s’ils sont croyants
aujourd’hui. » C’est la vérité, ce qui leur a été inculqué avec la
tendresse et la saintetĂ© d’une mère se perd. Il est perdu au collège, Ă
l’université, dans les livres, dans les groupes où on se passe de Dieu et où se
produit cet endurcissement, cet obscurantisme ou ces vices, parce qu’il n’y a
pas de pire couteau pour un pécheur que sa foi en Dieu qui lui réclame des
comptes. C’est pourquoi il vaut mieux rejeter l’idée de Dieu pour pouvoir
pécher librement. Il n’y a aucune gloire à être athée, c’est le fruit d’un
péché, d’une situation qui n’est pas digne de l’homme.
A) Le « Dieu des
philosophes. »
Le Concile Vatican II a dit que la
plus haute vocation de l’être humain est de parvenir à atteindre la communion
avec son Dieu auquel il croit par amour. Lorsqu’un homme découvre dans sa vie
qu’il ne s’est pas fait lui-même, ni ses parents, que ceux-ci n’ont été que les
instruments de Dieu, que sa vie vient de Dieu. Cette personne en arrive par
cette réflexion et si possible dans la contemplation qui est le plus haut degré
de la prière, à s’entretenir avec Dieu comme d’ami à ami, c’est alors la promotion
la plus haute qu’un humain puisse atteindre, entrer en communion avec son Dieu.
Mais cela demeure le Dieu des philosophes, le Dieu des réflexions, ou comme
disait Tertullien, vers le quatrième siècle de notre ère : « Le Dieu
d’Athènes n’est pas le même Dieu que celui de Jérusalem. » Le Dieu de
Jérusalem, celui qui se révèle dans la Bible, ne demande pas autant
d’élucubrations, autant de métaphysique. 10/06/79, p.387-388, VI.
B) Dieu se révèle à son peuple par le
biais de l’histoire, établissant une Alliance avec un peuple élu.
Il est magnifique dans la lecture
d’aujourd’hui de voir comment Moïse – l’homme qui traita si intimement avec
Dieu - dit à son peuple (Dt 4,32-33) : « Eut-il jamais si auguste
parole? En entendit-on de semblable? Est-il un peuple qui ait entendu la voix
du Dieu vivant parlant au milieu du feu? » Et il poursuit la narration des
prodiges bibliques (Dt 4,34) : « Est-il un Dieu qui soit venu se
chercher une nation au milieu d’une autre, par des épreuves, des signes, des
prodiges et des combats Ă main forte et Ă bras Ă©tendus, et par de grandes
terreurs – toutes choses que pour vous, sous vos yeux, Yahvé votre Dieu a
faites en Égypte? »
Quelle belle révélation! La
révélation n’a pas besoin de passer par les créatures, de ramper sur le sol
pour parvenir à former une religion au goût des hommes qui l’inventèrent. C’est
cela la différence entre les religions humaines, inventées par des hommes et
par les peuples, avec la grande religion que Dieu nous a révélée. Dieu vit, Il
parle, Il se présente à son peuple élu en cherchant une nation comme un jeune
homme se cherche une fiancée pour l’épouser. Dieu cherche parmi les peuples,
une nation pour faire un pacte avec Lui et le pacte de Dieu avec ce peuple se
manifeste par une sorte d’exclusivisme. Comme le fiancé aime exclusivement sa
fiancée entre toutes les autres jeunes femmes. Dieu aima pendant tout l’Ancien
Testament, avec une préférence merveilleuse, ce que Moïse reconnaît
lui-même : « Où se trouve une autre nation qui peut se glorifier
d’être la fiancée de Dieu? »
C) Le « Dieu des pères »,
c’est le Dieu de l’Alliance, de l’histoire de chaque peuple.
L’Ancien Testament nous mentionne ces
prodiges que nous devons garder à l’Esprit en cette heure où nos peuples
luttent pour leur libération, pour leur liberté, pour leur dignité. Il est
merveilleux de remonter jusqu’à ce Dieu qui est le même Dieu de notre peuple,
le Dieu de nos pères, qui usa de signes et de sa puissance. Prodiges et
guerres! Dieu employa également la guerre comme signe de sa prédilection pour
sauver la liberté de son peuple, par sa main forte et ses bras puissants.
Le Dieu auquel nous croyons, de ceux
qui ne sont pas athées, n’est pas un Dieu faible. Qui sait si l’athée n’est pas
plus faible? Il n’y a pas de gens plus craintifs ou qui ressentent autant la
peur à l’heure de l’épreuve, que ceux qui disent qu’ils ne croient pas en Dieu.
L’homme qui sait que Dieu existe, qui sait que Dieu est le Dieu de notre
peuple, Celui qui va avec nos signes, Celui qui va avec nos guerres et nos luttes,
Celui qui marche avec le peuple dans ses justes revendications, ce Dieu
merveilleux, est le Dieu que les chrétiens doivent continuer d’adopter. C’est
le Dieu de la révélation, Il n’a pas besoin de grandes abstractions
métaphysiques ou philosophiques pour le connaître.
Ce n’est pas le Dieu des philosophes,
c’est le Dieu dont le Christ disait (Lc 10,21) : « Je te bénis, Père,
Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux
intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. » Le Dieu des humbles!
Rendons grâce à Dieu en cette fête de la Très Sainte
Trinité, qu’en étant si grand, si élevé, si haut, Il ait
voulu que nous le découvrions non pas à travers les prodiges de la nature et de
ces merveilles, sinon avec la simplicité d’un enfant qui apprend de sa
mère : Sois bon parce que Dieu te voit! Dieu te veut, Dieu veut avoir de
bons enfants. Ce que nous avons appris des lèvres de notre mère, c’est la
Bible, c’est Moïse sur les lèvres de nos catéchistes, qui nous enseigne le Dieu
de nos Pères, le Dieu de la Révélation chrétienne, celui que le Christ est venu
parfaire, en se faisant lui-même notre frère pour nous enseigner le chemin qui
mène à Dieu.
Comment sentons-nous Dieu présent
dans notre histoire de cette semaine?
Mais avant de vous parler du Dieu de
Jésus-Christ et du Dieu qui vient nous apporter l’Esprit saint, je voudrais
m’attarder ici pour introduire cette dimension historique que je garde
habituellement pour la fin de l’homélie, je veux la situer ici comme un trait
du Dieu de nos pères. Il ne s’agit pas de simplement rappeler l’histoire de
l’Égypte, de l’Exode, de la Terre promise où le Dieu d’Israël s’est montré
comme un Dieu qui est présent. Prenons cela en considération : C’est le
Dieu qui est maintenant en 1979 au Nicaragua, qui est au Salvador et qui est en
Pologne où le Pape a démasqué le désordre. C’est le Dieu qui parle avec justice
et force et, qui emploie parfois la guerre lorsque cela est nécessaire, mais
surtout sa Parole qui démasque.
Événements de la semaine :
Le Parti UDN a dénoncé l’apparition
de 22 cadavres, dont plusieurs d’entre eux portaient des traces de torture qui
n’ont pas permis l’identification de certaines victimes qui n’ont pu être
reconnues par leur famille. Ce même communiqué attribue cette violence extrême
que vit le pays, aux organes policiers liés au gouvernement et il
déclare : « Nous attirons l’attention sur le fait que cette méthode
mise en pratique tant de fois dans notre pays par les corps de sécurité, comme
en d’autres occasions, ne donne que les mêmes résultats de toujours lorsqu’a
été décrété l’État de Siège.
Nous avons déjà dit dès le
début : Puisse Dieu l’État de Siège ne pas coïncider, comme il a su si
souvent le faire au cours de notre histoire, avec l’outrage de la dignité et de
la liberté humaine, qu’il ne serve pas de prétexte. Le Dieu de notre peuple ne
peut bien voir une loi donnée, qui ne possède qu’un caractère répressif. Le
Dieu de notre peuple est aux côtés de ces cadavres qui clament vers le ciel. Il
est aux côtés de ces familles orphelines et désemparées. […]
Je voudrais demander Ă tous ceux qui
ont foi en ce Dieu, d’intensifier leur prière, mais aussi notre engagement avec
cette Église du saint ordre de Dieu pour que nous travaillions dans la mesure
de nos influences et possibilités : ceux qui ont la vocation politique
doivent travailler depuis le domaine politique qui est un devoir de citoyen.
Vous qui travaillez, surtout vous les laïcs, souvenez-vous qu’une foi en Dieu
qui ne se traduit pas par un labeur pour Ă©tablir un ordre plus juste en ce pays
où Dieu a placé ce croyant, ce n’est pas une foi véritable. Chacun de vous,
tout comme moi Ă partir de mon rĂ´le de pasteur, nous avons le devoir de
rechercher à partir de son lieu, de son poste de travail dans la société, de ses
influences politiques, s’il en a, ou dans les domaines politique, social ou
économique, une manière de nous engager. Nous devons tous travailler pour que
ce peuple, qui n’a pas seulement été choisi par Dieu, mais baptisé de son saint
nom « Salvador », pour que ce peuple soit véritablement un peuple
dans lequel Il agisse véritablement avec une main forte et des bras
puissants. » 10/06/79, p.388-392, VI.
2) Le Dieu de Jésus-Christ se révèle
comme une Famille : Père, Fils et Esprit saint
Lorsque le Christ vint dans la
plénitude des temps, Il se nomme le « Dieu de notre Seigneur
Jésus-Christ. » Cela ne contredit pas tout ce que nous avons dit, au
contraire, ça le perfectionne parce que le Dieu de l’Ancienne Alliance était un
Dieu monothéiste. Il n’existe qu’un seul Dieu, dit Moïse après avoir raconté
ses merveilles. (Dt 4,39) : « Sache-le donc aujourd’hui et médite-le
dans ton cœur : c’est Yahvé qui est Dieu, là -haut dans le ciel comme ici
bas sur la terre, lui et nul autre. » Ce n’est pas un Dieu lointain, transcendant
et infini, mais un Dieu près de la
Terre. Il n’y en a pas d’autre, et ce Dieu unique que les
Israélites ne connurent que comme le Dieu puissant, le Dieu du peuple, le Dieu
des Patriarches, le Christ vint le parfaire dans sa révélation.
Le Christ révèle sa mission et la
plénitude de son pouvoir comme « l’Envoyé » du Père.
Quand Il nous apparaît dans les
Évangiles d’aujourd’hui en disant (Mt 28,19) : « Allez baptiser au
nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint. » Le Dieu de Jésus-Christ est
un Dieu-famille, et non un Dieu solitaire, Il est un, mais en Lui il y a trois
personnes : le Père engendre le Fils par un processus mystérieux de
l’éternité et entre le Fils engendré et le Père générateur, un courant d’amour
qui est aussi une personne, un esprit, l’Esprit saint, les identifie et les
unit. C’est le processus trinitaire que le Christ vint nous révéler quand Il
vint nous parler continuellement du Père en disant « Mon Père vous
aime » et aussi lorsqu’Il nous dit « Je vous enverrai
l’Esprit. » Cette promesse du Dieu de Jésus-Christ s’accomplit quand ce
Dernier meurt en payant nos péchés et qu’Il ressuscite et retourne au Ciel pour
dire à son Père : « Mission accomplie, le courant trinitaire qui n’a
pas été interrompu, s’est étendu. Envoyons-leur l’Esprit qui Nous unit dans
l’Amour éternel pour que ce courant pénètre le cœur de tous les hommes. »
Et l’Esprit saint est venu, envoyé comme une force de vie de Dieu pour faire
des hommes et des femmes une seule famille.
Le Christ est venu pour révéler le
Père
Mais concentrons-nous sur ce Christ
qui nous révèle le Père. Ce que nous disions : Il ne vient pas pour nous
révéler un Dieu d’Athènes ni un Dieu des philosophes, Il vient pour nous
révéler un Dieu vivant, un Dieu d’amour et nous n’avons pas besoin pour cela de
grandes leçons. Jésus apparaît pour dire aux apôtres : « Celui qui me
voit, voit le Père. » Ou, comme disait saint Paul : « Toute la
gloire du Père se révèle dans le visage du Christ son Fils. » C’est cela
le rôle du Christ, c’est pourquoi le Concile l’appelle la Plénitude de la Révélation.
Maintenant nous Le connaissons, parce que le Christ nous a
dit que le Père a tant d’amour pour nous qu’Il envoya son Fils mourir pour
nous. Et toutes ces belles paraboles du Christ sont des révélations de Dieu :
la brebis égarée que le berger va chercher avec amour; le fils prodigue qui
après avoir dilapidé toute sa fortune, revient ruiné et déshonoré vers son père
et celui-ci l’embrasse et l’introduit à nouveau auprès de lui. C’est le Dieu
que le Christ est venu nous révéler. Le Dieu de Jésus-Christ est le Dieu de la
miséricorde.
C’est pourquoi les chrétiens, plus
que les israélites de Moïse, doivent rendre grâce parce que ce n’est pas dans
un buisson ardent que nous avons connu Dieu. Le Christ est le buisson ardent du
Nouveau Testament. Dans le Christ brûle l’amour et la plénitude de Dieu. Qui
connaît le Christ a rencontré Dieu. Personne ne connaît le Père sinon le Fils
et celui à qui le Fils veut bien Le révéler. Qu’il serait merveilleux d’avoir
une foi chrétienne, une foi en Jésus-Christ, mais non pas une foi théorique,
académique, une foi qui provient de la tête, mais une foi qui est ce qu’elle
signifie, le don de soi et une confiance absolue. « En Toi, Seigneur, j’ai
mis toute mon espérance et je ne serai pas confondu. » Croire dans le
Christ, Révélateur du Père, c’est accepter cette foi qui nous rend
véritablement libres. 10/06/79, p.394-395, VI.
3) Par l’Esprit saint, les hommes
entrent dans la famille de Dieu
A) L’Esprit saint est envoyé aux
humains par le Père et le Fils.
La seconde lecture (Rm 8,14-17) nous
parle de cette humanité admise dans la famille de Dieu.
Effet : l’Adoption
Comme se sent bienheureux et rempli
de gratitude le fils d’un pauvre qui a été adopté par une famille qui va lui
permettre de faire des études. Il va faire tout ce qu’il peut pour développer
ses talents. Qu’est-ce que cela sinon une pâle image de l’œuvre de l’Esprit de
Dieu qui est venu pour adopter les hommes : vous voulez que cette vie du
Père, du Fils et de l’Esprit saint, qui est unité de communion, qui est amour,
qui est don de soi, qui est lumière, s’établisse ici également et qu’elle nous
apporte aussi ses qualités. Saint Paul le dit aujourd’hui :
« Bienheureux ceux qui acceptent cette invitation, ceux qui se laissent
porter par l’Esprit de Dieu, ce sont des fils de Dieu. »
B) Qualités de l’effet de famille
Vous avez reçu cet Esprit, mais que
produit-il en nous? Si par le baptême et pour vivre dans la grâce de Dieu nous
appartenons à cette famille divine, les conséquences nous sont présentées ici
dans la seconde lecture (Rm 8,14-17).
Sans peurs ni esclavages…
Vous n’avez pas reçu un esprit
d’esclavage pour retomber dans la peur. Quand nous vivons dans une ambiance de
crainte, de tension et de peur, nous devons nous rappeler ceci : vous
n’avez pas reçu un esprit d’esclave, vous avez reçu la capacité d’être libres
et c’est pourquoi, toute lutte pour la liberté correspond également aux
desseins de Dieu non seulement en Israël, mais aussi dans la sainteté du Nouveau
Testament.
L’Esprit de fils : « Abba!
Père! »
Un esprit de fils adoptif qui nous
fait crier : « Abba! Père! » C’était le mot araméen que le
Christ utilisait lorsqu’Il priait son Père. Abba
veut dire : « papa », « père ». Et Il nous enseigna
également le Notre Père, mais lorsque nous sommes sous la grâce de Dieu, nous
disons cela parce que l’Esprit rend témoignage à l’intérieur de nous pour dire
que nous sommes vraiment les enfants de Dieu. Il nous a adoptés, Il nous a
envoyé le courant de la filiation divine qui nous élève, non seulement dans
l’éternité après notre mort, sinon ici, dès maintenant. Celui qui vit dans la
grâce de Dieu et grâce à Dieu nous avons de nombreux saints dans notre Église,
tant d’hommes et de femmes véritablement saints, parce que Dieu les a
introduits dans sa vie trinitaire. Plusieurs d’entre eux travaillent également
et ils doivent tous travailler pour ces justes revendications de notre peuple,
mais à partir de ces perspectives de la vie de Dieu qui leur donne une fermeté
à nos idéaux et à nos prétentions.
Pour conclure, j’aimerais citer une
pensée de saint Cyprien que le Concile a recueillie quand, après avoir décrit
l’œuvre du Père, du Fils et de l’Esprit saint dans l’Église, nous nous sentons
comme enveloppés dans l’amour de la Très Sainte
TrinitĂ©, comme invitĂ©s Ă faire partie de cette famille, Ă
nous Ă©lever pour faire de la Terre une image de ce Ciel vers lequel nous
aspirons et il termine en disant : « Ainsi, toute l’Église –
c’est-à -dire nous tous – apparaît comme un peuple réuni dans la vertu de
l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit saint. » Ainsi soit-il. 10/06/79,
p.395-396, VI.