Le carême, préparation pour célébrer l’Alliance pascale

 

Cinquième dimanche du carĂŞme; 1er avril 1979; Lectures : JĂ©rĂ©mie 32,31-34; HĂ©breux 5,7-9; Jean 12,20-33.

 

Aujourd’hui, Jérémie (32,31-34) interprète le sens de l’Alliance en nous annonçant une nouvelle Alliance. Il a non seulement compris tout l’engagement que suppose la Vieille Alliance, l’Alliance de nos pères, comme disaient les prophètes, mais il nous propose une perspective tournée vers un futur qui s’approche. Il est le premier dans la Bible à parler de la Nouvelle Alliance, celle dont nous allons rencontrer précisément la réalisation dans le Christ, la plénitude de toutes ces promesses de Dieu. […]

 

Le christianisme n’est pas seulement une doctrine morale. Il faut le vivre comme une histoire, histoire interpersonnelle, comme une relation d’Alliance ou encore, de communication de la vie du peuple avec Dieu.

 

J’invite tous ceux qui Ă©coutent ces paroles, Ă  essayer de comprendre la religion chrĂ©tienne non pas comme un ensemble de vĂ©ritĂ©s en lesquelles il faut croire ou un ensemble de commandements auxquels il faut obĂ©ir; et pire encore, un ensemble d’interdits : cela ne doit pas ĂŞtre ainsi. Lorsque l’on perçoit ainsi la religion comme un ensemble de dogmes, des lois morales, des interdits, je comprends qu’il y ait des gens qui soient Ă©cĹ“urĂ©s, qui n’aiment pas la religion chrĂ©tienne. La religion n’est pas une thĂ©orie. La beautĂ© et l’attrait de la religion chrĂ©tienne, c’est de la voir comme nous l’avons fait tout au long de ce carĂŞme, comme une Alliance.

 

Qu’est-ce qu’une Alliance? C’est une communion de vie, c’est une histoire qui se dĂ©roule en communion de vie avec Celui qui est la plĂ©nitude de la vie. L’être humain sait bien qu’il n’adore pas Dieu simplement Ă  cause d’un commandement thĂ©orique, pour accomplir des lois que le DĂ©calogue lui exige; cesser de faire ces choses parce qu’elles sont immorales, mais plutĂ´t que tout cela : le moral, le saint, le vĂ©ritable, le faux, les concepts thĂ©oriques deviennent une relation vitale, une interrelation personnelle. Je sens que Dieu a fait avec moi, et moi avec Lui, une Alliance.

 

Maintenant, nous comprenons mieux la comparaison du mariage : ainsi, les Ă©poux ne vivent pas les lois matrimoniales comme des prĂ©ceptes, des règles, mais ils les vivent par amour, comme une relation, un dialogue, un engagement mutuel. Qu’il sera beau le jour oĂą tous les chrĂ©tiens regarderont vers Dieu avec l’amour des Ă©poux qui se regardent et qui s’aiment. S’il y a eu une dĂ©ception, une incomprĂ©hension, une infidĂ©litĂ© mĂŞme, ils sont capables de se pardonner. C’est ainsi que le carĂŞme et la Semaine sainte nous invitent Ă  voir notre religion. 01/04/79, p.240-241, VI.

 

Le carême, une préparation pour célébrer l’Alliance pascale

Ici, nous ne sommes plus des spectateurs d’un peuple qui a vĂ©cu il y a plusieurs siècles. Le peuple d’IsraĂ«l, Abraham, MoĂŻse, qui ont cĂ©lĂ©brĂ© une Alliance avec Dieu, semblent demeurer dans l’horizon lointain de l’Histoire. Maintenant, nous allons nous regarder nous-mĂŞmes. Nous sommes le peuple qui a hĂ©ritĂ© des promesses d’Abraham, des engagements de MoĂŻse, des rĂ©novations des prophètes. « Tout cela n’aurait pas de sens, dit saint Paul, sinon comme une figure de la grande rĂ©alitĂ© que sont le Christ et son sacrifice rĂ©dempteur. Â»

 

Approchons-nous de la Semaine sainte, non pas avec des réminiscences historiques, mais avec un engagement actuel, sentant que moi, avec mon nom et mon prénom, tel que je suis avec mes péchés et mes misères, mes illusions et mes espoirs, mes projets et mes échecs; moi, ma famille, mon peuple; cette patrie du Salvador avec sa problématique si difficile, ses injustices et ses outrages à la vie, mais également avec ses gens qui prient et qui espèrent. Cette histoire concrète de 1979 s’approche de la Semaine sainte de cette année, pour célébrer l’Alliance avec Dieu. Non, le Seigneur ne nous a pas abandonnés! Chaque année, Il nous invite à célébrer l’Alliance Nouvelle.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) L’intĂ©rioritĂ©, caractĂ©ristique de la Nouvelle Alliance (C’est une Alliance qui ne consiste pas en des lois extĂ©rieures, des tables de pierre, mais qui consiste en quelque chose d’intĂ©rieur au cĹ“ur de chacun. C’est cela l’aspect typique auquel nous invite la Semaine sainte : une Alliance de vie spirituelle, d’intimitĂ©.)

2) Le Christ, auteur de la Nouvelle Alliance

3) La Nouvelle Alliance devient nôtre par le baptême (c'est pourquoi je nous invite tous à renouveler la grâce de notre baptême.)

 

 

1) L’intériorité, caractéristique de la Nouvelle Alliance

 

A) Figure et mission de Jérémie

 

Son charisme, l’intériorité

 

Sa mission se doit de correspondre à ce charisme. Un charisme est une expérience qu’un homme a eue avec Dieu. Un charisme, c’est une grâce que Dieu a faite à un homme en se prévalant de son caractère ou de la mission qui lui est confiée, lui donnant une expérience, une sensation unique. Et ce charisme de l’intimité que Dieu a confié à Jérémie, c’est parce qu’Il va lui confier une mission qui est clairement exprimée dans la lecture d’aujourd’hui (Jer 31,31-34).

 

 

B) Message

 

Rappel de l’Histoire de l’Ancienne Alliance : fidĂ©litĂ© et amour Ă  Dieu.

Les versets que nous avons lus aujourd’hui sont comme la fleur de tout le livre de JĂ©rĂ©mie (31,31-32) : « Voici venir des jours – oracle de YahvĂ© – oĂą je conclurai avec la maison d’IsraĂ«l (et la maison de Judas) une alliance nouvelle. Non pas comme celle que j’ai conclue avec leurs pères, le jour oĂą je les pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte. Â» C’est la première expĂ©rience et la première pensĂ©e du message de JĂ©rĂ©mie pour nous, ce matin. C’est ce que nous avons fait pendant notre carĂŞme. Rappelez-vous quelle belle histoire d’amour, de Dieu avec l’humanitĂ©! Toujours fidèle! Quelle belle comparaison : « Je les ai pris par la main. Â» (Jer 31,32). Comme lorsqu’un père prend par la main son fils? Comme lorsqu’une mère retrouve son enfant qu’elle avait perdu et l’amène : Avec quel amour! C’est cela l’amour fidèle, infatigable de Dieu.

 

 

Infidélité et indifférence du peuple.

 

« Mon Alliance qu’eux-mĂŞmes ont rompue bien que je fusse leur MaĂ®tre. Â» (Jer 31,32). C’est cela notre rĂ©ponse. C’est cela la triste histoire, l’Histoire de l’Ancienne Alliance.

 

 

Comment doit ĂŞtre la Nouvelle Alliance : l’intĂ©rioritĂ©

 

C’est pourquoi Il dit (Jer 31, 33) : « Voici l’Alliance que je conclurai avec la maison d’IsraĂ«l après ces jours-lĂ . Je mettrai ma Loi au fond de leur ĂŞtre et je l’écrirai sur leur coeur. Â» Observez, avant tout il s’agit d’une Alliance intĂ©rieure. Dieu ne va pas poser sur les Ă©paules Ă©puisĂ©es du peuple d’IsraĂ«l, de nouvelles pierres de lois. Les lois apparaissent semblables Ă  des pierres. Surtout lorsque le peuple est fatiguĂ©, combien lourdes sont les lois? « Je ne vais plus Ă©crire de lois en pierre, je vais les Ă©crire dans votre cĹ“ur, je vais me placer Ă  l’intĂ©rieur de vous, je vais vous transformer de l’intĂ©rieur. Â»

C’est cela, le message de l’intĂ©rioritĂ© avec lequel la Parole de Dieu d’aujourd’hui nous invite Ă  vivre une religion non pas de dĂ©calogues et de dogmes, d’un ensemble de thĂ©ories, mais un option personnelle, intime, au-dessus des pratiques extĂ©rieures, d’endroits et de choses. Ne faisons pas consister la religion dans ces signes d’extĂ©rioritĂ©, mais dans la sincĂ©ritĂ©, dans la recherche intime de Dieu, d’oĂą jaillissent comme des fruits : l’amour, la justice, la sincĂ©ritĂ©, la vĂ©ritĂ©.

 

Et cela, nous le constatons tous les jours, mes frères. Lorsque nous sommes l’ami d’une personne, nous ne nous parons pas de nos attributs extérieurs. Nous ne nous fions pas tant aux signes extérieurs. Nous apprécions avant tout la sincérité, l’estime, l’amour. C’est ce que cherche à établir la relation de Dieu avec l’humanité. Une relation en laquelle il est certain qu’il y aura une hiérarchie, des apparats extérieurs, mais qui ne deviennent pas l’essentiel. Rien ne servirait toute la beauté de nos temples, toute la magnificence de nos rites, si nous n’avions pas un cœur qui parle avec amour, avec amitié au Seigneur.

 

C’est ainsi que je me sens lorsque je vous vois Ă  la cathĂ©drale. Avant tout, vous venez pour vivre cette relation d’amour avec le Dieu dans lequel nous avons placĂ© notre espĂ©rance et, lorsque je prĂŞche, je voudrais qu’avant tout vous compreniez que mon langage ne cherche qu’à encourager cette relation d’espĂ©rance, de foi, d’amour, du peuple avec son Dieu. « En Toi Seigneur, j’espère. Tu es le motif de mon espĂ©rance. Â» Cela me fait vĂ©ritablement plaisir de constater que les communautĂ©s, les hommes et les femmes, se convertissent Ă  cette relation d’intimitĂ© avec Dieu.

 

Connaissance vécue, non seulement une foi théorique, de Magistère.

Ă€ l’intĂ©rieur de cette intimitĂ©, de cette intĂ©rioritĂ©, la Parole de Dieu nous dit autre chose (Jer 31,34) : « Ils n’auront plus besoin d’instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : “Ayez la connaissance de YahvĂ©!” Car tous me connaĂ®tront des plus petits aux plus grands. Â» Regardez, mĂŞme le Magistère demeure insuffisant avec toute la beautĂ© de notre doctrine qui nous oriente depuis la parole du Pape jusqu’au plus humble catĂ©chiste. OĂą est Dieu? Comment devons-nous le servir? Comment devons-nous l’aimer? Dieu dit dans la Nouvelle Alliance : « Cela sera comme une aide, mais le principal, c’est que chacun ait appris Ă  connaĂ®tre. Â» Et ce verbe en hĂ©breu, dans son sens biblique, connaĂ®tre signifie quelque chose de vĂ©cu, qui fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’expĂ©rience. C’est connaĂ®tre la saveur de quelque chose de savoureux par exemple. C’est ce « connaĂ®tre Â» qui comprend la vie et la connaissance. C’est la foi de celui qui dit : « Je crois, j’accepte ce que Dieu dit non pas comme quelque chose de thĂ©orique, mais comme le don de soi Ă  son Dieu. Â» Cette attitude d’un homme, d’une femme, qui, devant Dieu, peut dire : « Je crois en Toi, Seigneur JĂ©sus. Â»

 

C’est ce que sera la Nouvelle Alliance : une Alliance dans laquelle nous n’avons plus besoin qu’on nous dise ce que nous devons faire ni ce Ă  quoi nous devons croire. Il sera toujours nĂ©cessaire cependant, afin que nous sachions si nous sommes sur la voie de la vĂ©ritable foi et de la vĂ©ritable morale, d’avoir le Pape et le Magistère de l’Église. Ils seront toujours comme une pierre d’angle, afin de voir si notre chemin est authentique. Mais je ne le ferai pas par peur du châtiment, par peur d’être excommuniĂ©; je ne le ferai pas pour paraĂ®tre bien aux yeux de personne. Je le ferai parce que je sens que Dieu me remplit, que cette doctrine de l’Église est vĂ©ritablement celle qui remplit mes aspirations. Je tente de vivre la morale chrĂ©tienne parce qu’en elle je trouve le chemin le plus authentique pour rencontrer mon Dieu dans l’intĂ©rioritĂ© de la foi. 01/04/79, p.242-244, VI

 

 

2) Le Christ, auteur de la Nouvelle Alliance

 

A) Relation de la Nouvelle Alliance avec Pâques

Pâques est la fĂŞte de l’Alliance parce qu’elle se cĂ©lĂ©brait comme une fĂŞte qui s’appelait Pâques. Le mystère pascal, les Pâques que cĂ©lĂ©braient les Juifs, consistait Ă  tuer un agneau et Ă  le manger en famille. C’est Dieu qui l’avait commandĂ©, la nuit oĂą le Pharaon d’Égypte voulut faire tuer les IsraĂ©lites. Dieu dit : « Qu’ils tuent un agneau et qu’avec son sang ils marquent les portes des Juifs. Ce signal sera la marque oĂą l’ange exterminateur n’entrera pas pour nous faire pĂ©rir. Â» Signal du sang de l’agneau qui va nous libĂ©rer de l’esclavage, qui va nous donner le pardon. Chaque fois que Pâques arrivait, lorsque l’aĂ®nĂ© de la famille partageait le pain sans levain, il rappelait : « Nous faisons cela pour nous souvenir que nous Ă©tions prisonniers en Égypte d’oĂą le Seigneur nous fit sortir. Nous avons un engagement avec Lui. Â» Ils revivaient leur Alliance, leurs Pâques.

En Pâques, le Christ transforma l’Ancienne Alliance en une Nouvelle.

 

C’est pourquoi le Christ voulut aussi profiter de Pâques. Cela se passait vers ces mois de mars et d’avril, selon les Juifs, lorsqu’on cĂ©lĂ©brait Pâques. Le Christ se rĂ©unit avec ses apĂ´tres dans les jours qui prĂ©cèdent Pâques. C’est dans cette ambiance pascale qu’il va verser son sang duquel on dira : « Ceci est le sang de l’Alliance Nouvelle et Éternelle. Â» Le Christ est celui qui nous donne l’exemple d’unir ces deux concepts qui sont maintenant insĂ©parables : Alliance Nouvelle, mystère pascal. Le Christ verse ce sang et, au mĂŞme moment, il ressuscite. La mort et la RĂ©surrection sont les deux cĂ´tĂ©s du mystère pascal qui couronne l’Alliance Nouvelle des chrĂ©tiens. 01/04/79, p. 245, VI.

 

 

B) Le Christ est l’auteur de l’Alliance nouvelle parce qu’Il l’a cautionnée par sa mort soufferte par obéissance.

 

Le Christ est l’auteur de l’Alliance. Je voudrais vous rappeler ici une phrase gĂ©niale de Jean-Paul II dans sa nouvelle encyclique Redemptore Hominis. Lorsqu’il parle de ce sacrifice du Christ RĂ©dempteur de l’homme, il dit ces mots : « La RĂ©demption du monde est, dans sa racine la plus profonde, la plĂ©nitude de la justice dans un cĹ“ur humain. Â» Cette phrase apparaĂ®t trop sublime pour que nous puissions la comprendre dans toute sa grandeur. Elle signifie que le Christ, en s’offrant au Père dans le sacrifice de la Croix, offre dans un cĹ“ur d’homme, la plĂ©nitude de la justice. Dès lors, Dieu se doit de pardonner en toute justice Ă  tout pĂ©cheur qui lui demande pardon par le Christ. Non pas pour les mĂ©rites personnels du pĂ©cheur repenti, mais par le Christ qui a offert la plĂ©nitude de la justice.

 

Pourquoi? Observez bien ce concept. Parce que le pĂ©chĂ© est une dĂ©sobĂ©issance, la RĂ©demption au contraire est une obĂ©issance jusqu’à la mort. VoilĂ  pourquoi le Christ est le RĂ©dempteur, parce qu’Il a obĂ©i Ă  son Père d’une obĂ©issance non seulement hĂ©roĂŻque, mais divine, en offrant son corps et sa douleur pour l’offrir en rançon des dĂ©sobĂ©issances de toute l’humanitĂ©. C’est pour cela que le prophète IsaĂŻe dit : « Dieu plaça sur ses Ă©paules toutes nos iniquitĂ©s. Â» En supportant nos propres misères, Il est montĂ© au Calvaire oĂą Il s’est livrĂ© dans un sacrifice.

 

Les lectures d’aujourd’hui (Jer 31,31-34; He 5,7-9; Jn 12,20-33) nous décrivent ce visage de la souffrance et de la mort par obéissance.

Ce n’est pas un Christ impassible. Observez bien la seconde lecture. Saint Paul dit dans l’ÉpĂ®tre aux HĂ©breux (5,7) : « Ayant prĂ©sentĂ© avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications Ă  Celui qui pouvait le sauver. Â» Il est nĂ©cessaire de ne pas nous accoutumer au Protagoniste de la Semaine sainte, regardez-Le comme Le prĂ©sente la Bible. On nous Le prĂ©sente aujourd’hui, dans la seconde lecture, avec des suppliques et des prières, avec des larmes et des cris.

 

ComplĂ©tons cette vision avec celle de l’Évangile, alors que le Christ, comme dans une crise de vocation, s’exclame (Jn 12,27) : « Maintenant, mon âme est troublĂ©e. Et que dire? Père, sauve-moi de cette heure! Mais c’est pour cela que je suis venu Ă  cette heure. Â» Voyez quel instinct de conservation! Le Christ n’est pas un ĂŞtre insensible. Le Christ est un homme de chair et d’os, de nerfs et de muscles comme nous. Un homme qui ressent ce que ressent quelqu’un lorsqu’il est amenĂ© par la Garde Nationale et qu’on l’amène vers ces endroits de torture. Que ressent-il? J’ai entendu des tĂ©moignages horribles, mais qu’est-ce que cela en comparaison du Christ qui voit venir toute une tempĂŞte de tortures qui va se terminer avec Lui sur la Croix?

 

 

Nous anticipons aujourd’hui l’angoisse de Gethsémani.

 

Ce dimanche, mes frères, nous anticipons dĂ©jĂ  la nuit de GethsĂ©mani. N’oublions pas dans notre rĂ©flexion de foi chrĂ©tienne d’aujourd’hui, la figure du Christ, criant avec des larmes, son visage baignĂ© de larmes, vers Celui qui pourrait le sauver. Le Christ accablĂ© qui s’exclame devant ce qu’Il sent venir : « Mon âme s’est retournĂ©e, Père, dĂ©livre-moi de cette heure. Â» Mais sa rĂ©action finale est celle de l’obĂ©issance : « mais c’est pour cela que je suis venu en cette heure. Â» C’est cela la beautĂ© du sacrifice du Christ, qui se livre volontairement, par obĂ©issance au Père!

 

Cette passion du Christ que nous allons contempler durant le chemin de croix et la Semaine sainte, approfondissons-le avec cette pensĂ©e : cela n’aurait servi Ă  rien si cela n’avait Ă©tĂ© animĂ© par une obĂ©issance au Père. L’âme de la passion du Christ est sa reddition obĂ©issante au Père. C’est le sens de la rĂ©paration avec laquelle Il offre sa vie : Père, s’il est nĂ©cessaire que tombent ces coups de fouet pour que soient pardonnĂ©s tous les pĂ©chĂ©s du monde, qu’il en soit ainsi. S’il est nĂ©cessaire qu’ils tissent cette couronne d’épines et qu’ils la posent sur mes tempes, qu’elle soit plantĂ©e sur ma tĂŞte pour qu’il soit pardonnĂ© Ă  tous mes frères. Si l’horreur de mes muscles traversĂ©s par des clous et de mon cĂ´tĂ© transpercĂ© par une lance est nĂ©cessaire, fais-le Seigneur, parce que c’est lĂ  la RĂ©demption de mes frères. Le plus remarquable dans tout cela, c’est que le Christ est le substitut du pĂ©cheur que je suis : je devrais souffrir, ĂŞtre châtiĂ©, ĂŞtre jetĂ© en enfer, Ă©loignĂ© pour toujours du Père. Mais le Christ veut porter toute cette faute qu’est la mienne pour que je puisse rencontrer la rĂ©conciliation. L’obĂ©issance du Christ devient mienne pour payer mes nombreuses dĂ©sobĂ©issances. 01/04/79, p.245-247, VI

 

 

C) Le Christ est l’auteur de l’Alliance parce que la Résurrection est la garantie de son efficacité.

 

Le Christ est l’auteur de notre Alliance par sa mort obĂ©issante. Mais n’oublions pas l’autre cĂ´tĂ© de la mĂ©daille. C’est ce qui m’importe le plus que nous ayons bien cela Ă  l’esprit. Le Christ est l’Auteur de notre Alliance et la garantie de toute notre espĂ©rance parce qu’Il est ressuscitĂ©. Parce que la RĂ©surrection est la preuve que le pouvoir de Dieu a acceptĂ© ce sacrifice et lui a donnĂ© une nouvelle vie qui ne mourra plus : la RĂ©surrection.

 

 

La consommation, la gloire

 

Deux paroles bibliques d’aujourd’hui. La première, la « consommation Â» , dit l’ÉpĂ®tre aux HĂ©breux. Et l’Évangile dit « la glorification Â». Comment pouvons-nous comprendre que ce Christ, terrorisĂ© devant sa passion, nous parle qu’Il est dĂ©jĂ  glorifiĂ©? Il est nĂ©cessaire de comprendre un peu cela, frères, sinon, nous ne comprendrons pas le mystère de la RĂ©demption. Le Christ s’est fait le Salut des hommes, sa gloire maintenant est immense. Depuis le ciel, Il nous envoie maintenant sa Vie, son Esprit. En Lui, nous plaçons toute notre espĂ©rance grâce au fait qu’Il s’est soumis Ă  passer par la mort, mais, de la mort, Il est passĂ© Ă  la vie. C’est cela la consommation! Le Christ peut dire : la glorification commence Ă  GethsĂ©mani. C’est cela la consommation de cette heure qui commence dĂ©jĂ  dans les douleurs de la passion. Un Christ qui serait ressuscitĂ© sans ĂŞtre passĂ© par la mort n’aurait pas tout le mĂ©rite qu’Il possède maintenant. Une Passion sans RĂ©surrection serait un Ă©chec. Les deux choses concluent le Mystère Pascal duquel nous devons vivre.

 

De cela vit l’Église : du mystère pascal, la mort par obĂ©issance du Christ et la RĂ©surrection comme signature de Dieu qui a acceptĂ© cette rĂ©paration.

 

La RĂ©surrection ne possĂ©derait pas toute la joie qu’elle eut si ce n’était en assumant la mort. La victoire du Christ ne serait pas si retentissante si elle n’avait laissĂ© un calvaire ensanglantĂ© et un tombeau qui demeura ouvert pour le voir sortir glorifier après l’y avoir vu entrer humiliĂ©. C’est cela la mystique de la RĂ©demption chrĂ©tienne : mourir pour ressusciter. 01/04/79, p.247-248, VI.

 

 

3) La Nouvelle Alliance devient nĂ´tre par le baptĂŞme

 

 

A) L’Alliance Nouvelle pour un nouveau Peuple de Dieu

 

Le Baptême de chacun de nous, ton baptême, mon baptême est ce qui a fait miennes et tiennes cette mort et cette Résurrection. Lorsqu’on nous baptisa, le prêtre, le ministre de Dieu, marqua ma vie pour toujours de la mort obéissante du Christ. C’est pourquoi également, en cette Pâques et en ce carême, les baptisés se doivent de retourner à leur engagement. Anciennement, les baptêmes se réalisaient le Samedi saint, dans la nuit, les catéchètes s’y étaient préparés durant tout le carême.

 

Son passage « pascal Â» de la mort Ă  une Vie nouvelle est aussi le processus de tout chrĂ©tien.

Le baptême nous incorpore à la Rédemption pascale. C’est ce que nous dit cet Évangile d’aujourd’hui qui fut écrit par des chrétiens. N’oublions pas que s’il en est certain, saint Jean nous rapporte ici un épisode de la vie du Christ à la veille de sa passion. Il fait cette réflexion bien après qu’eurent lieu ces événements, comme lorsqu’un historien raconte une histoire plusieurs années plus tard. Cela fut écrit à une autre époque, entouré d’autres gens. Ce sont les premiers chrétiens qui aidèrent Jean à réfléchir sur les engagements du baptême.

 

Nous pourrions dire aujourd’hui : nous, chrĂ©tiens, de ce dimanche de 1979, nous rĂ©flĂ©chissons sur ce mystère de notre baptĂŞme qui nous incorpore au Mystère Pascal du Christ. Et Ă  partir de lĂ , nous ferions les conclusions suivantes de sorte que lorsque le Christ parle aujourd’hui, il se pourrait bien que ses paroles reflètent davantage la rĂ©flexion de cette communautĂ© actuelle. C’est pourquoi nous sommes Ă  l’écoute de ce qui vient avec l’appropriation de la RĂ©demption au moyen du baptĂŞme. (Jn 12,24) « En vĂ©ritĂ©, en vĂ©ritĂ© je vous le dis, si le grain tombĂ© en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. Â» Et l’Évangile continue (Jn 12,25-26) : « Qui aime sa vie la perd et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie Ă©ternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et oĂą je suis, lĂ  aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Â» C’est pour nous! Cela n’est pas l’histoire d’il y a vingt siècles! C’est le Mystère Pascal s’incarnant dans le Corps du Christ que nous sommes aujourd’hui, nous autres, les baptisĂ©s de 1979!

 

Ă€ chacun de nous le Christ dit : si tu veux que ta vie et ta mission soient fructueuses comme la mienne, fais comme Moi : convertis-toi en grain qui se laisse enterrer, qui se laisse tuer, n’aie pas peur. Celui qui rejette la souffrance demeurera seul. Il n’y a pas de gens plus seuls que les Ă©goĂŻstes. Mais si par amour des autres tu donnes ta vie comme Je vais la donner pour vous tous, tu rĂ©colteras de nombreux fruits. Tu connaĂ®tras les satisfactions les plus profondes. Ne crains pas la mort, les menaces, le Seigneur t’accompagne.

Celui qui désire sauver sa vie, c’est à dire, en langage biblique, celui qui veut être bien, celui qui ne veut pas s’engager, celui qui ne veut pas avoir de problèmes, celui qui désire demeurer en marge d’une situation dans laquelle nous devons tous nous engager, celui-là perdra sa vie.

 

Quelle chose plus horrible que d’avoir vécu bien confortablement sans connaître aucune souffrance, sans s’être placé dans des problèmes, bien tranquille, bien installé, bien entouré politiquement, économiquement et socialement. Rien ne lui manquait, il avait tout. À quoi cela sert-il s’il y perd son âme? Mais celui qui, par amour pour Moi, se dérange et accompagne le peuple, qui va dans la souffrance du pauvre, s’y incarne et fait sienne la douleur, l’outrage; celui-là gagnera sa vie, parce que mon Père l’honorera.

 

Mes frères, mes sĹ“urs, c’est ce Ă  quoi nous convie la parole de Dieu en ce jour et je voudrais vĂ©ritablement avoir toute la force de conviction pour vous dire : cela vaut la peine d’être chrĂ©tien! 01/04/79, p.248-249, VI.