Le carême, préparation pour célébrer
l’Alliance pascale
Cinquième dimanche du carême; 1er
avril 1979; Lectures : Jérémie 32,31-34; Hébreux 5,7-9; Jean 12,20-33.
Aujourd’hui, Jérémie (32,31-34)
interprète le sens de l’Alliance en nous annonçant une nouvelle Alliance. Il a
non seulement compris tout l’engagement que suppose la Vieille Alliance,
l’Alliance de nos pères, comme disaient les prophètes, mais il nous propose une
perspective tournée vers un futur qui s’approche. Il est le premier dans la
Bible Ă parler de la
Nouvelle Alliance, celle dont nous allons rencontrer
précisément la réalisation dans le Christ, la plénitude de toutes ces promesses
de Dieu. […]
Le christianisme n’est pas seulement
une doctrine morale. Il faut le vivre comme une histoire, histoire
interpersonnelle, comme une relation d’Alliance ou encore, de communication de
la vie du peuple avec Dieu.
J’invite tous ceux qui écoutent ces
paroles, à essayer de comprendre la religion chrétienne non pas comme un
ensemble de vérités en lesquelles il faut croire ou un ensemble de
commandements auxquels il faut obéir; et pire encore, un ensemble
d’interdits : cela ne doit pas être ainsi. Lorsque l’on perçoit ainsi la
religion comme un ensemble de dogmes, des lois morales, des interdits, je
comprends qu’il y ait des gens qui soient écœurés, qui n’aiment pas la religion
chrétienne. La religion n’est pas une théorie. La beauté et l’attrait de la religion
chrétienne, c’est de la voir comme nous l’avons fait tout au long de ce carême,
comme une Alliance.
Qu’est-ce qu’une Alliance? C’est une
communion de vie, c’est une histoire qui se déroule en communion de vie avec
Celui qui est la plénitude de la
vie. L’être humain sait bien qu’il n’adore pas Dieu
simplement à cause d’un commandement théorique, pour accomplir des lois que le
Décalogue lui exige; cesser de faire ces choses parce qu’elles sont immorales,
mais plutôt que tout cela : le moral, le saint, le véritable, le faux, les
concepts théoriques deviennent une relation vitale, une interrelation
personnelle. Je sens que Dieu a fait avec moi, et moi avec Lui, une Alliance.
Maintenant, nous comprenons mieux la
comparaison du mariage : ainsi, les Ă©poux ne vivent pas les lois
matrimoniales comme des préceptes, des règles, mais ils les vivent par amour,
comme une relation, un dialogue, un engagement mutuel. Qu’il sera beau le jour
où tous les chrétiens regarderont vers Dieu avec l’amour des époux qui se regardent
et qui s’aiment. S’il y a eu une déception, une incompréhension, une infidélité
même, ils sont capables de se pardonner. C’est ainsi que le carême et la
Semaine sainte nous invitent Ă voir notre religion. 01/04/79, p.240-241, VI.
Le carême, une préparation pour
célébrer l’Alliance pascale
Ici, nous ne sommes plus des
spectateurs d’un peuple qui a vécu il y a plusieurs siècles. Le peuple
d’Israël, Abraham, Moïse, qui ont célébré une Alliance avec Dieu, semblent
demeurer dans l’horizon lointain de l’Histoire. Maintenant, nous allons nous
regarder nous-mêmes. Nous sommes le peuple qui a hérité des promesses
d’Abraham, des engagements de Moïse, des rénovations des prophètes. « Tout
cela n’aurait pas de sens, dit saint Paul, sinon comme une figure de la grande
réalité que sont le Christ et son sacrifice rédempteur. »
Approchons-nous de la Semaine sainte,
non pas avec des réminiscences historiques, mais avec un engagement actuel,
sentant que moi, avec mon nom et mon prénom, tel que je suis avec mes péchés et
mes misères, mes illusions et mes espoirs, mes projets et mes échecs; moi, ma
famille, mon peuple; cette patrie du Salvador avec sa problématique si
difficile, ses injustices et ses outrages Ă la vie, mais Ă©galement avec ses
gens qui prient et qui espèrent. Cette histoire concrète de 1979 s’approche de
la Semaine sainte de cette année, pour célébrer l’Alliance avec Dieu. Non, le
Seigneur ne nous a pas abandonnés! Chaque année, Il nous invite à célébrer
l’Alliance Nouvelle.
Plan de l’homélie :
1) L’intériorité, caractéristique de la Nouvelle Alliance
(C’est une Alliance qui ne consiste pas en des lois extérieures, des tables de
pierre, mais qui consiste en quelque chose d’intérieur au cœur de chacun. C’est
cela l’aspect typique auquel nous invite la Semaine sainte : une Alliance
de vie spirituelle, d’intimité.)
2) Le Christ, auteur de la Nouvelle Alliance
3) La Nouvelle Alliance
devient nĂ´tre par le baptĂŞme (c'est pourquoi je nous invite tous Ă renouveler
la grâce de notre baptême.)
1) L’intériorité, caractéristique de la Nouvelle Alliance
A) Figure et mission de Jérémie
Son charisme, l’intériorité
Sa mission se doit de correspondre Ă
ce charisme. Un charisme est une expérience qu’un homme a eue avec Dieu. Un
charisme, c’est une grâce que Dieu a faite à un homme en se prévalant de son
caractère ou de la mission qui lui est confiée, lui donnant une expérience, une
sensation unique. Et ce charisme de l’intimité que Dieu a confié à Jérémie,
c’est parce qu’Il va lui confier une mission qui est clairement exprimée dans
la lecture d’aujourd’hui (Jer 31,31-34).
B) Message
Rappel de l’Histoire de l’Ancienne
Alliance : fidélité et amour à Dieu.
Les versets que nous avons lus
aujourd’hui sont comme la fleur de tout le livre de Jérémie (31,31-32) :
« Voici venir des jours – oracle de Yahvé – où je conclurai avec la maison
d’Israël (et la maison de Judas) une alliance nouvelle. Non pas comme celle que
j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les pris par la main pour les
faire sortir du pays d’Égypte. » C’est la première expérience et la
première pensée du message de Jérémie pour nous, ce matin. C’est ce que nous
avons fait pendant notre carême. Rappelez-vous quelle belle histoire d’amour,
de Dieu avec l’humanité! Toujours fidèle! Quelle belle comparaison :
« Je les ai pris par la main. » (Jer 31,32). Comme lorsqu’un père
prend par la main son fils? Comme lorsqu’une mère retrouve son enfant qu’elle
avait perdu et l’amène : Avec quel amour! C’est cela l’amour fidèle,
infatigable de Dieu.
Infidélité et indifférence du peuple.
« Mon Alliance qu’eux-mêmes ont
rompue bien que je fusse leur Maître. » (Jer 31,32). C’est cela notre
réponse. C’est cela la triste histoire, l’Histoire de l’Ancienne Alliance.
Comment doit ĂŞtre la Nouvelle Alliance :
l’intériorité
C’est pourquoi Il dit (Jer 31,
33) : « Voici l’Alliance que je conclurai avec la maison d’Israël
après ces jours-là . Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur
leur coeur. » Observez, avant tout il s’agit d’une Alliance intérieure.
Dieu ne va pas poser sur les épaules épuisées du peuple d’Israël, de nouvelles
pierres de lois. Les lois apparaissent semblables Ă des pierres. Surtout
lorsque le peuple est fatigué, combien lourdes sont les lois? « Je ne vais
plus écrire de lois en pierre, je vais les écrire dans votre cœur, je vais me
placer à l’intérieur de vous, je vais vous transformer de l’intérieur. »
C’est cela, le message de
l’intériorité avec lequel la Parole de Dieu d’aujourd’hui nous invite à vivre
une religion non pas de décalogues et de dogmes, d’un ensemble de théories,
mais un option personnelle, intime, au-dessus des pratiques extérieures,
d’endroits et de choses. Ne faisons pas consister la religion dans ces signes
d’extériorité, mais dans la sincérité, dans la recherche intime de Dieu, d’où
jaillissent comme des fruits : l’amour, la justice, la sincérité, la
vérité.
Et cela, nous le constatons tous les
jours, mes frères. Lorsque nous sommes l’ami d’une personne, nous ne nous
parons pas de nos attributs extérieurs. Nous ne nous fions pas tant aux signes
extérieurs. Nous apprécions avant tout la sincérité, l’estime, l’amour. C’est
ce que cherche à établir la relation de Dieu avec l’humanité. Une relation en
laquelle il est certain qu’il y aura une hiérarchie, des apparats extérieurs, mais
qui ne deviennent pas l’essentiel. Rien ne servirait toute la beauté de nos
temples, toute la magnificence de nos rites, si nous n’avions pas un cœur qui
parle avec amour, avec amitié au Seigneur.
C’est ainsi que je me sens lorsque je
vous vois Ă la
cathédrale. Avant tout, vous venez pour vivre cette relation
d’amour avec le Dieu dans lequel nous avons placé notre espérance et, lorsque
je prêche, je voudrais qu’avant tout vous compreniez que mon langage ne cherche
qu’à encourager cette relation d’espérance, de foi, d’amour, du peuple avec son
Dieu. « En Toi Seigneur, j’espère. Tu es le motif de mon espérance. »
Cela me fait véritablement plaisir de constater que les communautés, les hommes
et les femmes, se convertissent à cette relation d’intimité avec Dieu.
Connaissance vécue, non seulement une
foi théorique, de Magistère.
À l’intérieur de cette intimité, de
cette intériorité, la Parole de Dieu nous dit autre chose (Jer 31,34) :
« Ils n’auront plus besoin d’instruire chacun son prochain, chacun son frère,
en disant : “Ayez la connaissance de Yahvé!” Car tous me connaîtront des
plus petits aux plus grands. » Regardez, même le Magistère demeure
insuffisant avec toute la beauté de notre doctrine qui nous oriente depuis la
parole du Pape jusqu’au plus humble catéchiste. Où est Dieu? Comment
devons-nous le servir? Comment devons-nous l’aimer? Dieu dit dans la Nouvelle Alliance :
« Cela sera comme une aide, mais le principal, c’est que chacun ait appris
à connaître. » Et ce verbe en hébreu, dans son sens biblique, connaître
signifie quelque chose de vécu, qui fait référence à l’expérience. C’est
connaître la saveur de quelque chose de savoureux par exemple. C’est ce
« connaître » qui comprend la vie et la connaissance. C’est
la foi de celui qui dit : « Je crois, j’accepte ce que Dieu dit non
pas comme quelque chose de théorique, mais comme le don de soi à son
Dieu. » Cette attitude d’un homme, d’une femme, qui, devant Dieu, peut
dire : « Je crois en Toi, Seigneur Jésus. »
C’est ce que sera la Nouvelle Alliance :
une Alliance dans laquelle nous n’avons plus besoin qu’on nous dise ce que nous
devons faire ni ce à quoi nous devons croire. Il sera toujours nécessaire
cependant, afin que nous sachions si nous sommes sur la voie de la véritable
foi et de la véritable morale, d’avoir le Pape et le Magistère de l’Église. Ils
seront toujours comme une pierre d’angle, afin de voir si notre chemin est
authentique. Mais je ne le ferai pas par peur du châtiment, par peur d’être
excommunié; je ne le ferai pas pour paraître bien aux yeux de personne. Je le
ferai parce que je sens que Dieu me remplit, que cette doctrine de l’Église est
véritablement celle qui remplit mes aspirations. Je tente de vivre la morale
chrétienne parce qu’en elle je trouve le chemin le plus authentique pour
rencontrer mon Dieu dans l’intériorité de la foi. 01/04/79, p.242-244, VI
2) Le Christ, auteur de la Nouvelle Alliance
A) Relation de la Nouvelle Alliance
avec Pâques
Pâques est la fête de l’Alliance
parce qu’elle se célébrait comme une fête qui s’appelait Pâques. Le mystère
pascal, les Pâques que cĂ©lĂ©braient les Juifs, consistait Ă tuer un agneau et Ă
le manger en famille. C’est Dieu qui l’avait commandé, la nuit où le Pharaon
d’Égypte voulut faire tuer les Israélites. Dieu dit : « Qu’ils tuent
un agneau et qu’avec son sang ils marquent les portes des Juifs. Ce signal sera
la marque où l’ange exterminateur n’entrera pas pour nous faire périr. »
Signal du sang de l’agneau qui va nous libérer de l’esclavage, qui va nous
donner le pardon. Chaque fois que Pâques arrivait, lorsque l’aîné de la famille
partageait le pain sans levain, il rappelait : « Nous faisons cela
pour nous souvenir que nous étions prisonniers en Égypte d’où le Seigneur nous
fit sortir. Nous avons un engagement avec Lui. » Ils revivaient leur
Alliance, leurs Pâques.
En Pâques, le Christ transforma
l’Ancienne Alliance en une Nouvelle.
C’est pourquoi le Christ voulut aussi
profiter de Pâques. Cela se passait vers ces mois de mars et d’avril, selon les
Juifs, lorsqu’on célébrait Pâques. Le Christ se réunit avec ses apôtres dans
les jours qui précèdent Pâques. C’est dans cette ambiance pascale qu’il va
verser son sang duquel on dira : « Ceci est le sang de l’Alliance
Nouvelle et Éternelle. » Le Christ est celui qui nous donne l’exemple d’unir
ces deux concepts qui sont maintenant inséparables : Alliance Nouvelle,
mystère pascal. Le Christ verse ce sang et, au même moment, il ressuscite. La
mort et la Résurrection sont les deux côtés du mystère pascal qui couronne
l’Alliance Nouvelle des chrétiens. 01/04/79, p. 245, VI.
B) Le Christ est l’auteur de
l’Alliance nouvelle parce qu’Il l’a cautionnée par sa mort soufferte par
obéissance.
Le Christ est l’auteur de l’Alliance.
Je voudrais vous rappeler ici une phrase géniale de Jean-Paul II dans sa
nouvelle encyclique Redemptore Hominis.
Lorsqu’il parle de ce sacrifice du Christ Rédempteur de l’homme, il dit ces
mots : « La Rédemption du monde est, dans sa racine la plus profonde,
la plénitude de la justice dans un cœur humain. » Cette phrase apparaît
trop sublime pour que nous puissions la comprendre dans toute sa grandeur. Elle
signifie que le Christ, en s’offrant au Père dans le sacrifice de la Croix,
offre dans un cœur d’homme, la plénitude de la justice. Dès
lors, Dieu se doit de pardonner en toute justice à tout pécheur qui lui demande
pardon par le Christ. Non pas pour les mérites personnels du pécheur repenti,
mais par le Christ qui a offert la plénitude de la justice.
Pourquoi? Observez bien ce concept.
Parce que le péché est une désobéissance, la Rédemption au contraire est une
obéissance jusqu’à la
mort. Voilà pourquoi le Christ est le Rédempteur, parce qu’Il
a obéi à son Père d’une obéissance non seulement héroïque, mais divine, en
offrant son corps et sa douleur pour l’offrir en rançon des désobéissances de
toute l’humanité. C’est pour cela que le prophète Isaïe dit : « Dieu
plaça sur ses épaules toutes nos iniquités. » En supportant nos propres
misères, Il est monté au Calvaire où Il s’est livré dans un sacrifice.
Les lectures d’aujourd’hui (Jer
31,31-34; He 5,7-9; Jn 12,20-33) nous décrivent ce visage de la souffrance et
de la mort par obéissance.
Ce n’est pas un Christ impassible.
Observez bien la seconde lecture. Saint Paul dit dans l’Épître aux Hébreux
(5,7) : « Ayant présenté avec une violente clameur et des larmes, des
implorations et des supplications à Celui qui pouvait le sauver. » Il est
nécessaire de ne pas nous accoutumer au Protagoniste de la Semaine sainte,
regardez-Le comme Le présente la
Bible. On nous Le présente aujourd’hui, dans la seconde
lecture, avec des suppliques et des prières, avec des larmes et des cris.
Complétons cette vision avec celle de
l’Évangile, alors que le Christ, comme dans une crise de vocation, s’exclame
(Jn 12,27) : « Maintenant, mon âme est troublée. Et que dire? Père,
sauve-moi de cette heure! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette
heure. » Voyez quel instinct de conservation! Le Christ n’est pas un être
insensible. Le Christ est un homme de chair et d’os, de nerfs et de muscles comme
nous. Un homme qui ressent ce que ressent quelqu’un lorsqu’il est amené par la Garde Nationale et
qu’on l’amène vers ces endroits de torture. Que ressent-il? J’ai entendu des
témoignages horribles, mais qu’est-ce que cela en comparaison du Christ qui
voit venir toute une tempĂŞte de tortures qui va se terminer avec Lui sur la
Croix?
Nous anticipons aujourd’hui
l’angoisse de Gethsémani.
Ce dimanche, mes frères, nous
anticipons déjà la nuit de Gethsémani. N’oublions pas dans notre réflexion de
foi chrétienne d’aujourd’hui, la figure du Christ, criant avec des larmes, son
visage baigné de larmes, vers Celui qui pourrait le sauver. Le Christ accablé
qui s’exclame devant ce qu’Il sent venir : « Mon âme s’est retournée,
Père, délivre-moi de cette heure. » Mais sa réaction finale est celle de
l’obéissance : « mais c’est pour cela que je suis venu en cette
heure. » C’est cela la beauté du sacrifice du Christ, qui se livre
volontairement, par obéissance au Père!
Cette passion du Christ que nous
allons contempler durant le chemin de croix et la Semaine sainte,
approfondissons-le avec cette pensée : cela n’aurait servi à rien si cela
n’avait été animé par une obéissance au Père. L’âme de la passion du Christ est
sa reddition obéissante au Père. C’est le sens de la réparation avec laquelle
Il offre sa vie : Père, s’il est nécessaire que tombent ces coups de fouet
pour que soient pardonnés tous les péchés du monde, qu’il en soit ainsi. S’il
est nécessaire qu’ils tissent cette couronne d’épines et qu’ils la posent sur
mes tempes, qu’elle soit plantée sur ma tête pour qu’il soit pardonné à tous
mes frères. Si l’horreur de mes muscles traversés par des clous et de mon côté
transpercĂ© par une lance est nĂ©cessaire, fais-le Seigneur, parce que c’est lĂ
la Rédemption de mes frères. Le plus remarquable dans tout cela, c’est que le
Christ est le substitut du pécheur que je suis : je devrais souffrir, être
châtié, être jeté en enfer, éloigné pour toujours du Père. Mais le Christ veut
porter toute cette faute qu’est la mienne pour que je puisse rencontrer la réconciliation. L’obéissance
du Christ devient mienne pour payer mes nombreuses désobéissances. 01/04/79,
p.245-247, VI
C) Le Christ est l’auteur de
l’Alliance parce que la Résurrection est la garantie de son efficacité.
Le Christ est l’auteur de notre
Alliance par sa mort obéissante. Mais n’oublions pas l’autre côté de la médaille. C’est
ce qui m’importe le plus que nous ayons bien cela à l’esprit. Le Christ est
l’Auteur de notre Alliance et la garantie de toute notre espérance parce qu’Il
est ressuscité. Parce que la Résurrection est la preuve que le pouvoir de Dieu
a accepté ce sacrifice et lui a donné une nouvelle vie qui ne mourra
plus : la RĂ©surrection.
La consommation, la gloire
Deux paroles bibliques d’aujourd’hui.
La première, la « consommation » , dit l’Épître aux Hébreux. Et
l’Évangile dit « la glorification ». Comment pouvons-nous comprendre
que ce Christ, terrorisé devant sa passion, nous parle qu’Il est déjà glorifié?
Il est nécessaire de comprendre un peu cela, frères, sinon, nous ne
comprendrons pas le mystère de la Rédemption. Le Christ
s’est fait le Salut des hommes, sa gloire maintenant est immense. Depuis le
ciel, Il nous envoie maintenant sa Vie, son Esprit. En Lui, nous plaçons toute
notre espérance grâce au fait qu’Il s’est soumis à passer par la mort, mais, de
la mort, Il est passé à la vie.
C’est cela la consommation! Le Christ peut dire : la
glorification commence à Gethsémani. C’est cela la consommation de cette heure
qui commence déjà dans les douleurs de la passion. Un Christ
qui serait ressuscité sans être passé par la mort n’aurait pas tout le mérite
qu’Il possède maintenant. Une Passion sans Résurrection serait un échec. Les
deux choses concluent le Mystère Pascal duquel nous devons vivre.
De cela vit l’Église : du
mystère pascal, la mort par obéissance du Christ et la Résurrection comme
signature de Dieu qui a accepté cette réparation.
La Résurrection ne posséderait pas
toute la joie qu’elle eut si ce n’était en assumant la mort. La victoire du
Christ ne serait pas si retentissante si elle n’avait laissé un calvaire
ensanglanté et un tombeau qui demeura ouvert pour le voir sortir glorifier
après l’y avoir vu entrer humilié. C’est cela la mystique de la Rédemption
chrétienne : mourir pour ressusciter. 01/04/79, p.247-248, VI.
3) La Nouvelle Alliance
devient nĂ´tre par le baptĂŞme
A) L’Alliance Nouvelle pour un
nouveau Peuple de Dieu
Le BaptĂŞme de chacun de nous, ton
baptĂŞme, mon baptĂŞme est ce qui a fait miennes et tiennes cette mort et cette
Résurrection. Lorsqu’on nous baptisa, le prêtre, le ministre de Dieu, marqua ma
vie pour toujours de la mort obéissante du Christ. C’est pourquoi également, en
cette Pâques et en ce carême, les baptisés se doivent de retourner à leur
engagement. Anciennement, les baptêmes se réalisaient le Samedi saint, dans la
nuit, les catéchètes s’y étaient préparés durant tout le carême.
Son passage « pascal » de
la mort à une Vie nouvelle est aussi le processus de tout chrétien.
Le baptĂŞme nous incorpore Ă la
Rédemption pascale. C’est ce que nous dit cet Évangile d’aujourd’hui qui fut
écrit par des chrétiens. N’oublions pas que s’il en est certain, saint Jean
nous rapporte ici un Ă©pisode de la vie du Christ Ă la veille de sa passion. Il
fait cette réflexion bien après qu’eurent lieu ces événements, comme lorsqu’un
historien raconte une histoire plusieurs années plus tard. Cela fut écrit à une
autre époque, entouré d’autres gens. Ce sont les premiers chrétiens qui
aidèrent Jean à réfléchir sur les engagements du baptême.
Nous pourrions dire
aujourd’hui : nous, chrétiens, de ce dimanche de 1979, nous réfléchissons
sur ce mystère de notre baptême qui nous incorpore au Mystère Pascal du Christ.
Et Ă partir de lĂ , nous ferions les conclusions suivantes de sorte que lorsque
le Christ parle aujourd’hui, il se pourrait bien que ses paroles reflètent
davantage la réflexion de cette communauté actuelle. C’est pourquoi nous sommes
à l’écoute de ce qui vient avec l’appropriation de la Rédemption au moyen du
baptême. (Jn 12,24) « En vérité, en vérité je vous le dis, si le grain
tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s’il meurt, il porte
beaucoup de fruits. » Et l’Évangile continue (Jn 12,25-26) :
« Qui aime sa vie la perd et qui hait sa vie en ce monde la conservera en
vie éternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et où je suis, là aussi
sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. » C’est
pour nous! Cela n’est pas l’histoire d’il y a vingt siècles! C’est le Mystère
Pascal s’incarnant dans le Corps du Christ que nous sommes aujourd’hui, nous
autres, les baptisés de 1979!
Ă€ chacun de nous le Christ dit :
si tu veux que ta vie et ta mission soient fructueuses comme la mienne, fais
comme Moi : convertis-toi en grain qui se laisse enterrer, qui se laisse
tuer, n’aie pas peur. Celui qui rejette la souffrance demeurera seul. Il n’y a
pas de gens plus seuls que les Ă©goĂŻstes. Mais si par amour des autres tu donnes
ta vie comme Je vais la donner pour vous tous, tu récolteras de nombreux
fruits. Tu connaîtras les satisfactions les plus profondes. Ne crains pas la
mort, les menaces, le Seigneur t’accompagne.
Celui qui désire sauver sa vie, c’est
Ă dire, en langage biblique, celui qui veut ĂŞtre bien, celui qui ne veut pas
s’engager, celui qui ne veut pas avoir de problèmes, celui qui désire demeurer
en marge d’une situation dans laquelle nous devons tous nous engager, celui-lĂ
perdra sa vie.
Quelle chose plus horrible que
d’avoir vécu bien confortablement sans connaître aucune souffrance, sans s’être
placé dans des problèmes, bien tranquille, bien installé, bien entouré
politiquement, Ă©conomiquement et socialement. Rien ne lui manquait, il avait
tout. À quoi cela sert-il s’il y perd son âme? Mais celui qui, par amour pour
Moi, se dérange et accompagne le peuple, qui va dans la souffrance du pauvre,
s’y incarne et fait sienne la douleur, l’outrage; celui-là gagnera sa vie,
parce que mon Père l’honorera.
Mes frères, mes sĹ“urs, c’est ce Ă
quoi nous convie la parole de Dieu en ce jour et je voudrais véritablement
avoir toute la force de conviction pour vous dire : cela vaut la peine
d’être chrétien! 01/04/79, p.248-249, VI.