Le carĂŞme, Retour de la Loi de Dieu

 

Troisième dimanche du carĂŞme; 18 mars 1979; Lectures : Exode 20,1-17; Corinthiens 1,22-25; Jean 2,13-25.

 

Introduction :

 

 

A) Le carĂŞme est une prĂ©paration pour cĂ©lĂ©brer Pâques : Mort et RĂ©surrection du Seigneur.

 

C’est cela, le message de Pâques auquel nous devons dĂ©dier le principal de notre effort pastoral au cours de ces dimanches. Nous sommes dĂ©jĂ  rendus au troisième dimanche du carĂŞme et n’oublions pas que l’objectif principal vers lequel il se dirige est un pèlerinage avec le Christ qui porte sa croix et qui jeĂ»ne au dĂ©sert. Le carĂŞme est Ă  la recherche de ce consumatum est – « tout est accompli Â» – et, au-delĂ  de cela, de la gloire de la RĂ©surrection, toutes nos angoisses sont comme des croix que nous portons, comme ces jeĂ»nes du carĂŞme qui vont fleurir. C’est pourquoi nous ne devons pas perdre la perspective du carĂŞme. La gloire de la RĂ©surrection est aussi notre gloire, notre hĂ©ritage, dans la mesure oĂą nous nous unissons Ă  son effort libĂ©rateur dans la douleur et la souffrance.

 

 

B) Le « Mystère Pascal Â» : PlĂ©nitude des temps, clĂ© de la RĂ©demption.

 

Le Mystère Pascal et la mort et la RĂ©surrection du Christ sont le but ultime du carĂŞme. Je veux vous dire cela avec ces mots Ă  la mode qu’emploie le Pape Jean-Paul II, dans sa première encyclique qui est sortie cette semaine. Le titre des encycliques provient des premières paroles latines qui sont Ă©crites, elles nous indiquent, par ailleurs, la foi de cet homme dans ce Christ en qui nous mettons tous notre espĂ©rance. L’encyclique s’intitule ainsi : Redemptor Hominis, qui signifie « le RĂ©dempteur de l’homme Â». Le Pape dĂ©bute ainsi : « Le RĂ©dempteur de l’humanitĂ©, JĂ©sus-Christ, est le centre du cosmos et de l’Histoire. Â» Dans la mĂŞme introduction, il dĂ©veloppe la pensĂ©e de sa foi en JĂ©sus-Christ. « Dans l’acte rĂ©dempteur, l’Histoire humaine a atteint son sommet dans le dessein d’amour de Dieu. Dieu est entrĂ© dans l’Histoire de l’humanitĂ©, Il s’est converti en sujet – de cette histoire –, un parmi des millions et des millions et unique en mĂŞme temps. Â» Quel beau concept que de considĂ©rer le Christ comme un pèlerin de l’Histoire, comme nous! Un parmi des millions dans lesquels nous nous confondons, mais Unique parmi tous ces millions d’hommes et de femmes parce qu’Il est l’être en qui Dieu conduit, Ă  son sommet, son projet de Salut.

 

 

C) Implication de ma vie et de l’histoire de mon peuple dans cette « Histoire du Salut Â»

 

Le carĂŞme n’est rien de moins qu’un pèlerinage Ă  la rencontre de ce fait qui donna son vĂ©ritable sens Ă  l’Histoire de tous les hommes et de chacun. C’est pourquoi nous ne pouvons vivre le carĂŞme et la Semaine sainte sans penser Ă  une implication de ma vie personnelle. En tant qu’homme et comme peuple, le Salvador, dans ce carrefour actuel, n’est pas perdu. Chacun des Salvadoriens, parmi les millions que nous sommes, nous savons que Dieu nous aime comme le Pape le dit : « d’un amour ineffable Â». Votre relation avec Dieu est unique. Il respecte votre individualitĂ©, de mĂŞme qu’Il vous aime comme peuple et qu’Il ne vous confond pas avec d’autres peuples. Pour chacun d’eux, comme pour chaque ĂŞtre humain, Dieu possède ses desseins dans cette Histoire du Salut que nous commĂ©morons sous la forme d’une pĂ©rĂ©grination vers la Semaine sainte et Pâques. 18/03/79, p.205-206, VI.

 

 

D) Retour sur les dimanches précédents

 

C’est pourquoi je me suis efforcé de faire dans ma prédication de ces dimanches de carême, un lien d’idées dans le sens de l’Alliance.

L’Alliance de Dieu avec Noé… la CrĂ©ation. Signe : l’arc-en-ciel.

Le premier dimanche nous avons rappelĂ© dans les lectures bibliques, l’Alliance de Dieu avec NoĂ© après le dĂ©luge. Le signe de cette alliance est l’arc-en-ciel. C’est comme l’alliance de Dieu avec les hommes dans le champ immense de la nature, de l’être humain, du cosmos. C’est lĂ  oĂą le Pape peut dire comme dans la première ligne de son encyclique : « Le RĂ©dempteur de l’homme, JĂ©sus-Christ, est le centre du cosmos et de l’Histoire. Â» L’arc-en-ciel que Dieu mit après le dĂ©luge comme un signe de l’Alliance qu’Il a faite avec les hommes dans le domaine naturel, toute la nature est nĂ©e de nouveau après le dĂ©luge, et Dieu la remet toute neuve Ă  l’humanitĂ©. Le Christ est le vĂ©ritable arc-en-ciel parce que dans ses Pâques de RĂ©surrection, la nature naĂ®t nouvelle et se livre Ă  l’humanitĂ© afin que cette dernière, une fois purifiĂ©e du pĂ©chĂ©, sache mieux l’administrer. C’est pourquoi nous nous prĂ©parons au cours de ce carĂŞme Ă  une rĂ©novation de la nature, de l’humanitĂ©, de l’Histoire et de nous-mĂŞmes, membres de ce cosmos et de cette Histoire.

 

 

L’Alliance de Dieu avec Abraham… le peuple de Dieu naĂ®t de ce signe : la circoncision.

 

Le second dimanche du carĂŞme, nous avons parlĂ© de l’Alliance de Dieu avec Abraham. Il s’agit dès lors d’une sĂ©lection dans l’ensemble cosmique. Dieu choisit un peuple qui naĂ®tra des entrailles stĂ©riles du vieil Abraham et de sa femme Sara. Isaac naĂ®t et c’est le dĂ©but d’un peuple en qui s’accompliront les promesses du Salut, parce que c’est de celui-ci que naĂ®tra le RĂ©dempteur, le Redemptor Hominis. Cela avait Ă©tĂ© annoncĂ© Ă  Abraham, lui qui fut choisi parmi l’humanitĂ© entière, mais non pas pour Ă©tablir une sĂ©grĂ©gation exclusive. Le peuple juif qui naĂ®t d’Abraham n’est rien d’autre qu’un missionnaire de l’Histoire. Il va nous apporter la bĂ©nĂ©diction de Dieu en un de ces descendants d’Abraham qui sera JĂ©sus-Christ, mais le destin de ce peuple et de ce don qui nous apportera comme don de Dieu, le RĂ©dempteur des hommes, n’est pas l’exclusivitĂ© du peuple juif. « Il n’y a plus de Juifs ni de Grecs Â», dira saint Paul. Maintenant que le peuple juif a accompli sa mission de nous conduire au RĂ©dempteur, tous les peuples du monde ont le droit de Le recevoir et c’est pour cela que le Père du Peuple de Dieu nous a fait don de cette caractĂ©ristique : la foi. C’est la foi qui distinguera les hommes dorĂ©navant. Non plus entre juifs et non-juifs, mais plutĂ´t entre croyants et incroyants. « Celui qui croira se sauvera, celui qui ne croira pas se condamnera. Â» L’Alliance avec Abraham est Ă  l’origine d’un peuple privilĂ©giĂ© comme source de bĂ©nĂ©diction pour tous les autres peuples.

 

L’Alliance de Dieu avec MoĂŻse… promulgation de la loi de Dieu. Signe : le Sabbat.

 

Plusieurs siècles plus tard, une troisième Alliance advint. C’est celle qui occupe notre attention dans les lectures d’aujourd’hui (Ex 20,1-17; Cor. 1,22-25; Jn 2,13-25). Il s’agit de Moïse. Le livre qui donne aujourd’hui le ton à ce troisième dimanche de carême, c’est l’Exode, le second livre de la Bible. L’Exode est comme la dogmatique, le noyau doctrinal de tout ce peuple qui est né d’Abraham et des Patriarches. C’est la faim qui conduisit leurs ancêtres en Égypte il y a de cela quatre siècles. C’est un peuple qui est devenu esclave. Dieu n’a pas oublié sa promesse, celle qu’Il fit à Abraham. L’Exode capte ce moment précieux où Dieu choisit un chef pour conduire ce peuple de l’esclavage à la Terre promise.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Le Peuple de Dieu a une loi

2) La loi de Dieu est nécessaire, mais elle ne suffit pas

3) Le Christ est la plénitude de la loi et la force de Dieu qui sauve

 

 

1) Le Peuple de Dieu a une loi

L’Exode – élection, libération, alliance – dogme cardinal de la religion de l’Ancien testament. Moïse…

 

A) AntĂ©cĂ©dents : arrivĂ©e au SinaĂŻ

Cela fait dĂ©jĂ  trois mois qu’ils sont sortis d’Égypte et cette libĂ©ration marque un trait dĂ©finitif dans l’histoire du Peuple de Dieu. LibĂ©rĂ©s par les prodiges de Dieu, ils marchent Ă  travers le dĂ©sert et ils arrivent, dans la lecture d’aujourd’hui (Ex 20,1-17) au pied du mont SinaĂŻ. Quelque chose de grandiose va s’y produire. Dieu rappelle Ă  MoĂŻse qu’Il a fait une promesse Ă  ce peuple et qu’Il va la renouveler. Il ordonne donc Ă  MoĂŻse de se purifier parce que dans trois jours Il viendra mystĂ©rieusement s’entretenir avec le guide du peuple Ă©lu. MoĂŻse commande Ă  son peuple de se purifier et personne ne doit toucher Ă  cette montagne parce que Dieu va la toucher le troisième jour. La Bible nous dĂ©crit comment se sent la prĂ©sence de Dieu. Puis Dieu dit Ă  MoĂŻse (Ex 19,4-5) : « Vous avez vu vous-mĂŞmes ce que J’ai fait aux Égyptiens, et comment Je vous ai emportĂ©s sur des ailes d’aigles et amenĂ©s vers moi. Maintenant, si vous Ă©coutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples, car toute la Terre est Ă  moi. Â»

 

Observez bien ce dĂ©tail, frères, c’est pourquoi je vous disais que « Peuple de Dieu Â», ce n’est pas la mĂŞme chose que « peuple Â» en gĂ©nĂ©ral. Peuple de Dieu, c’est : « Parmi tous les peuples qui sont les miens, dit Dieu, J’en ai choisi un avec qui Je veux Ă©tablir des relations très spĂ©ciales. Â» Ce sera cela le Peuple de Dieu, il est intĂ©ressant de prendre ça en compte. Quand nous appelons notre Église, Peuple de Dieu, ici au Salvador, il ne faut pas confondre cela avec un sens dĂ©mocratique comme si tous les Salvadoriens formaient le Peuple de Dieu. Seuls ceux qui sont baptisĂ©s, « seuls ceux qui n’ont pas oubliĂ© mes promesses, seuls ceux qui se souviennent comment Je les ai portĂ©s sur des ailes d’aigles, seuls ceux qui ont la foi,” c’est ce qui caractĂ©rise les vĂ©ritables descendants du Peuple de Dieu. Ce ne sont pas tous les Salvadoriens qui appartiennent Ă  cette Alliance que Dieu a faite avec son Peuple.

 

C’est Ă  cette portion choisie de Dieu, non pas par caprice, mais parce qu’Il rencontre chez eux une rĂ©ponse de foi, d’espĂ©rance qui Lui est dirigĂ©e. Dieu leur dit, dès la veille de la grande Alliance avec MoĂŻse : « Vous serez ma propriĂ©tĂ© personnelle parmi tous les peuples, vous serez pour Moi un royaume de prĂŞtres, une nation sainte. Â» C’est ce que Dieu dĂ©sire en choisissant un peuple. C’est une sĂ©lection humaine dans laquelle peuvent s’insĂ©rer tous ceux qui se repentent de leurs pĂ©chĂ©s et qui s’incorporent par la foi Ă  ce Dieu qui ne fait maintenant plus de distinction entre Juifs et non-Juifs, puisque dorĂ©navant il n’existe plus qu’une seule porte pour Lui appartenir, c’est la foi dans le Redemptor Hominis, dans le RĂ©dempteur de l’humanitĂ©.

 

PrĂ©paration Ă  l’Alliance. MoĂŻse convoque le peuple et il lui annonce tout ce que Dieu a dit. Le peuple fait alors cette merveilleuse rĂ©ponse : « Nous ferons ce qu’a dit YahvĂ©. Â» Voyez comment Dieu a prĂ©parĂ© psychologiquement le moment oĂą Il allait leur parler. Il a rappelĂ© les origines de ce peuple, Il a mentionnĂ© les conditions pour Lui appartenir. Il demande la saintetĂ©, il offre les privilèges de la saintetĂ© : peuple sacerdotal, peuple saint, peuple qui m’appartient. « Nous ferons tous ce que le Seigneur demandera. Â»

 

La ThĂ©ophanie. Alors, le livre de l’Exode commence Ă  nous dĂ©crire cette merveilleuse « thĂ©ophanie Â» (Ex 19,16-17) : « Or le surlendemain, dès le matin, il y eut des coups de tonnerre, des Ă©clairs et une Ă©paisse nuĂ©e sur la montagne, ainsi qu’un très puissant son de trompe et, dans le camp, tout le peuple trembla. MoĂŻse fit sortir le peuple du camp, Ă  la rencontre de Dieu, et ils se tinrent au bas de la montagne. Â» Et MoĂŻse, qui a reçu la charge de Dieu, monte seul pour s’entretenir avec le Seigneur. C’est lĂ  que Dieu lui dicte ce qui a Ă©tĂ© lu aujourd’hui dans la première lecture : les dix commandements, le DĂ©calogue. 18/03/79, p.208-209, VI.

 

 

B) Le Décalogue est avec le Code de l’Alliance, la Charte Maîtresse de l’Alliance du Sinaï.

 

Ă€ partir de ce moment, le DĂ©calogue sera comme l’essence du Peuple de Dieu. Le DĂ©calogue avec le code de l’alliance qui est inscrit dans les chapitres suivants de l’Exode, constitue l’âme du Pentateuque. Ce sont les cinq premiers livres de la Bible que le Christ, les prophètes et les Juifs appellent la Loi. Souvenez-vous combien de fois le Christ a dit : « La Loi et les prophètes Â». Nous sommes face Ă  la loi, c’est la Loi de Dieu qui constitue la sagesse de ce peuple.

 

La Loi de Dieu qui a Ă©tĂ© donnĂ©e sur le SinaĂŻ a pour prĂ©ambule ce que nous avons entendu aujourd’hui : « Je suis le Seigneur, ton Dieu. Â» Il s’agit Ă©galement d’un prologue historique : « Je suis le Seigneur qui t’a fait sortir d’Égypte, de l’esclavage. Â» Il ne faut pas oublier ces prĂ©ambules si nous voulons rencontrer le vĂ©ritable sens de la Loi de Dieu, dont plusieurs se moquent aujourd’hui. Mais j’aimerais vous rappeler comment Dieu a donnĂ© une loi pour tous les temps, qui n’est plus seulement pour IsraĂ«l. Par cette loi Dieu a assumĂ© l’ensemble des lois naturelles. Les lois de l’Ancien Testament prĂ©valent toujours pour le Nouveau Testament.

 

Quand le Christ dans son sermon sur la Montagne rappelle cet Ă©pisode du DĂ©calogue, Il dira : « Je ne suis pas venu pour abolir la loi, mais pour la parfaire. Â» Il rappelle au jeune homme qui cherche la voie du Salut : « Observe les commandements. Â» « Quels sont-ils? Â», lui demanda alors celui-ci. Le Christ commence alors Ă  Ă©numĂ©rer cette page que nous avons lue aujourd’hui.

 

PrĂ©ambule thĂ©ologique : « Je suis le Seigneur, ton Dieu. Â» Il existe une diffĂ©rence entre les codes, les lois contemporaines, et le DĂ©calogue. Les Ă©tudes de la Bible ont dĂ©couvert de nombreux textes de ce temps, mais entre ceux-ci et le DĂ©calogue, il existe une Ă©norme diffĂ©rence. Dans les autres codes, les lois de ces peuples se prĂ©sentent sous une forme casuistique : si quelqu’un fait telle chose… il se mĂ©rite telle rĂ©compense ou tel châtiment. Mais la loi de MoĂŻse est très distincte. Elle ne dit pas « Si quelqu’un fait cela… Â», mais plutĂ´t « Tu feras ceci et tu cesseras de faire cela Â». Ce n’est pas une casuistique, c’est la loi d’un souverain. C’est pourquoi cette SouverainetĂ© nous est prĂ©sentĂ©e au commencement : « Je suis le Seigneur, ton Dieu. Â» Aucun homme ne peut dresser la tĂŞte en signe de rĂ©bellion contre ce Seigneur qui lui a donnĂ© la vie et l’existence. MĂŞme si cet homme se prĂ©tend athĂ©e et qu’il dit : « Je ne crois pas en Dieu Â», le fait demeure que cette personne vit parce que Dieu lui a donnĂ© l’être. Au plus athĂ©e, au plus incrĂ©dule, Ă  celui qui se moque le plus de l’Église, le Seigneur peut lui adresser la parole et lui dire : « Je suis ton Dieu, ton Seigneur, Je t’impose une loi et tu dois l’accomplir. Â»

 

PrĂ©ambule historique : « Je suis le Seigneur qui t’a fait sortir du pays d’Égypte et de l’esclavage. Â» Parce que l’Exode marque pour IsraĂ«l son origine en tant que peuple. L’Alliance que MoĂŻse rĂ©alisa avec son Dieu est une alliance comme peuple. Ainsi, l’alliance que Dieu fit avec Abraham comme père d’un futur peuple Ă©tait individuelle. Maintenant, ce peuple est devenu une rĂ©alitĂ© et l’alliance qui est faite avec celui-ci possède un sens communautaire. C’est une communautĂ© qui naquit de la libĂ©ration (expĂ©rience fondatrice). Comme il est merveilleux de penser Ă  cela alors qu’on discute autant de libĂ©ration, sur ce qu’est le vĂ©ritable sens de celle-ci. Dieu est le grand LibĂ©rateur : « Je t’ai donnĂ© la libertĂ© Â», mais la libertĂ© ne vous est pas donnĂ©e pour le libertinage. La libertĂ© nous est donnĂ©e pour quelque chose. Saint Paul dit : « Libres pour le Christ. Â» Chaque fois qu’il y a une libĂ©ration, celle-ci possède un objectif pour lequel il faut l’acquĂ©rir. Si Dieu libère IsraĂ«l d’Égypte, c’est pour en faire son peuple. Non, naturellement, avec la duretĂ© du Pharaon, sinon avec son doux joug. Sa loi est lĂ©gère, mais il n’y a pas un homme qui puisse vivre sans loi. Celui qui n’obĂ©it pas Ă  la loi de la libertĂ© des fils de Dieu tombe dans l’esclavage de ses passions. Celui qui n’obĂ©it pas Ă  la loi de Dieu se croit libre. Il n’y a pas plus esclave que celui qui est rebelle Ă  loi de Dieu, parce qu’il est esclave de quelque chose : esclave de la chair, de l’argent, de la passion politique, de la luxure et de l’orgueil. La libertĂ© de Dieu nous offre un chemin que nous devrons toujours suivre : la loi de Dieu. Il est bon de s’en rappeler parce qu’aujourd’hui oĂą nous devons rĂ©flĂ©chir sur les pages de la Bible qui traitent des dix commandements de la loi de Dieu, je voudrais que nous pĂ©nĂ©trions dans l’intimitĂ© de chaque cĹ“ur et que nous regardions sincèrement comment est-ce que nous accomplissons notre alliance avec Dieu.

 

L’éthique demeure en interdépendance avec le dogme, mais cette relation ne provient pas d’un caprice de nous diriger. Il existe une éthique qui est basée sur un dogme, c’est-à-dire sur une vérité, sur une révélation. Dieu s’est révélé comme l’aigle qui emporte le peuple sur ses ailes. Il s’est révélé comme une force libératrice du peuple. Dieu s’est révélé comme un principe d’amour aux êtres humains. Nous ne pouvons pas oublier ces révélations qui constituent notre dogme, nous ne voulons pas que la loi de Dieu se convertisse en quelque chose d’odieux. Pourquoi est-ce que de nombreuses personnes n’accomplissent pas la loi de Dieu? Parce qu’elles ont été séparées de cette révélation d’amour. Qui est-ce qui accomplit le mieux, avec amour et avec joie, la loi de Dieu? Ceux qui n’ont pas oublié la révélation d’un Dieu qui s’est révélé comme un Père et qui impose ses lois pour notre bien. C’est ainsi que, en tenant compte de ces principes dogmatiques, le peuple d’Israël et nous, chrétiens, qui possédons cette grande révélation en Jésus-Christ, nous accomplirons notre loi.

 

Mais je crois qu’ici nous touchons au fond de notre situation salvadorienne. Ici, nous touchons le fond d’autant de dĂ©sordres dans notre vie sociale. Si nous recherchons le pourquoi des grèves, le pourquoi des sĂ©questrations, des divisions, de la violence et de tant de crimes, des disparitions et des tortures, nous n’aurons qu’une seule et mĂŞme rĂ©ponse : les hommes ont oubliĂ© la Loi de Dieu. Un jour, je vous signalerai la putrĂ©faction de notre système, l’abus du pouvoir qui s’est converti en un voleur. Nous pouvons dĂ©crire des situations bien honteuses d’hommes qui devraient nous donner l’exemple d’honnĂŞtetĂ© dans le poste qu’ils occupent au gouvernement, dans les affaires et le commerce. Pourquoi profitent-ils de ces fonctions, de ces positions? Cela n’a rien Ă  voir avec le bien commun, ils agissent par Ă©goĂŻsme! Ah, si l’on rĂ©visait leur comptabilitĂ©! Ah si on demandait des comptes Ă  ces nombreuses Ĺ“uvres publiques! La loi de Dieu n’a pas Ă©tĂ© respectĂ©e par ceux qui devraient ĂŞtre nos modèles : les lĂ©gislateurs, ceux qui commandent. Et dans le peuple, naturellement, l’exemple de ceux d’en haut sème le doute, l’incertitude et Ă©galement la soif d’en profiter. Alors, nous avons une nation corrompue de haut en bas parce qu’ils ont tous oubliĂ© la loi de Dieu, nous avons oubliĂ© la loi de Dieu.

Il est nécessaire maintenant de nous rappeler un à un ces commandements et nous verrons alors comme tout serait facile si nous revenions à l’observance de la loi divine. Je vous ai rappelé, dès le premier point, que le peuple de Dieu possède une loi qui lui a été donnée dans la solennité du mont Sinaï, qui est parvenue jusqu’à nous et qui maintenant, en ce carême de 1979, nous demande une révision de vie comme communauté, comme pays, comme gouvernés, comme peuple et comme chrétiens. C’est seulement ainsi que le carême pourra opérer cette grande tâche de rénovation si nous gardons devant nous le miroir où apparaîtra enlaidi notre visage parce que nous ne nous sommes pas préoccupés de refléter dans notre vie la loi du Seigneur.

 

Les dix commandements, qui apparaissent aujourd’hui dans la première lecture, se divisent en deux, comme il est dit dans notre catéchisme. Les trois premiers ont trait aux relations des hommes avec Dieu, les sept autres concernent les relations de l’humain envers son prochain. Quel traité complet de morale que celui qui se retrouve dans la première lecture d’aujourd’hui (Ex 20,1-17). 18/03/79, p.209-211, VI.

 

 

Premier commandement. Le monothéisme ne pratique… aucune image. Les autres peuples avaient de nombreuses images de leurs divinités.

 

Le premier commandement, que notre catĂ©chisme annonce simplement en disant : « Tu aimeras ton Dieu par-dessus tout. Â» La Bible le dĂ©crit un peu plus (Ex 20,2-6) : « Je suis YahvĂ©, ton Dieu, qui t’a fait sortir d’Égypte, de la maison de servitude. Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi. Tu ne te feras aucune image sculptĂ©e, rien qui ressemble Ă  ce qui est dans les cieux, lĂ -haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car moi, YahvĂ©, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux qui punit la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haĂŻssent, mais qui fait grâce Ă  des milliers pour ceux qui m’aiment et gardent mes commandements. Â»

 

Quelques protestants veulent y voir une accusation des catholiques parce que nous avons des images. Ce n’est pas le temps ici pour nous attarder à cela, mais en passant je vous dis que Dieu ne nous a pas interdit l’usage des images des saints, sinon qu’Il nous prohibe l’usage des images de Dieu. Les images des saints sont des portraits de personnes que nous savons qu’ils sont déjà dans l’autre vie. C’est pour que nous les ayons présents à l’esprit comme j’ai la photo de ma mère auprès de mon lit, tout en sachant que ce n’est pas elle qui est là, mais son effigie, son portrait.

 

L’image qui est interdite dans ce commandement, c’est celle de l’idolâtrie, l’image de culte. En rĂ©visant cela, les investigations modernes ont dĂ©montrĂ© les distinctions Ă©normes qui existent entre le peuple d’IsraĂ«l et les peuples voisins qui n’avaient pas ces interdits. Ils ont dĂ©couvert plusieurs de ces images dans les excavations qu’ils ont rĂ©alisĂ©es chez ces peuples, alors que chez les juifs de cette Ă©poque ils n’en ont dĂ©couvert aucune, pas une seule image de leur divinitĂ©. Par contre, ils ont rencontrĂ© sur les sites archĂ©ologiques de ces autres nations, des divinitĂ©s reprĂ©sentĂ©es sous forme de serpents, d’animaux, etc. Pour Ă©viter ce danger de l’idolâtrie, Dieu ordonne qu’ils ne se fabriquent pas d’images du divin, qu’il ne tente pas de reprĂ©senter Dieu par des images visibles parce que le jour oĂą un juif sera agenouillĂ© devant une idole, il aura trahi le DĂ©calogue : « Je suis un Dieu jaloux, dit le Seigneur, Je ne veux pas que tu adores qui que ce soi en dehors de moi. Â»

 

C’est le sens du premier commandement, lequel, comme vous voyez, a encore son sens pour notre temps. Quelles sont les idoles de notre temps? Nous l’avons dit souvent et c’est pourquoi il y a de nombreuses personnes qui pèchent contre le premier commandement, parce qu’ils se sont Ă©rigĂ© des idoles : l’argent, le pouvoir, l’orgueil, l’égocentrisme. Ce premier commandement est pour nous l’opportunitĂ© que nous offre le carĂŞme pour dĂ©trĂ´ner toute idole qui n’est pas le Dieu vĂ©ritable. Cela doit ĂŞtre un moment de rĂ©vision de ma vie et de mes critères. Est-ce que je mets Dieu au-dessus de tout?

 

Deuxième commandement. Le mauvais usage du Saint Nom… Blasphèmes, Jurons, Malédiction, magie noire.

Le deuxième commandement que notre catĂ©chisme nous dit est : « Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain. Â» La Bible nous le prĂ©sente plus explicitement (Ex 20,7) : « Tu ne prononceras pas le nom de YahvĂ© ton Dieu Ă  faux, car YahvĂ© ne laisse pas impuni celui qui prononce son nom Ă  faux. Â» Cela fait rĂ©fĂ©rence Ă  prendre le nom de Dieu comme fondement pour une malĂ©diction. Le respect de ce second commandement est allĂ© si loin que les IsraĂ©lites ne prononçaient pas le nom de YahvĂ© sinon qu’ils disaient : « AdonaĂŻ Â», qui signifie « Le Seigneur Â». La rĂ©vĂ©lation du Saint Nom de YahvĂ©, ce n’est pas Jehova comme l’affirment les TĂ©moins du mĂŞme nom. Il s’agit d’une falsification, cela n’existe pas. YahvĂ© est son nom. YahvĂ©! Mais ce nom Ă©tait si saint et ils respectaient tant ce second commandement de ne pas prononcer le nom de YahvĂ© sans respect, qu’il valait mieux ne pas le prononcer, et ils le changèrent pour un autre : « AdonaĂŻ Â», le Seigneur.

 

Troisième commandement. Le sabbat doit être consacré à Dieu.

Le troisième commandement qui marque les relations de l’homme avec Dieu et aussi celui de l’Alliance de Dieu avec Moïse, c’est le Sabbat. Le repos sabbatique c’est comme l’arc-en-ciel, c’est le signe d’une alliance. Le dimanche sera aussi le signe de l’alliance de Dieu avec son peuple. C’est pourquoi venir à la messe le dimanche c’est comme si le peuple de Dieu était ici en train de renouveler avec Dieu son alliance.

 

Je vous remercie pour votre prĂ©sence dans la cathĂ©drale, cela donne tant de vie Ă  ce jour du prĂ©cepte. Vous pourriez vous demander : pourquoi pas le samedi, comme dit la Bible? Le Sabbat est une parole dont la racine signifie repos. Ce n’est pas proprement un jour de semaine, mais un jour de repos. Pour les IsraĂ©lites, ce fut le Sabbat, mais comme le Christ ressuscita un dimanche, les premiers chrĂ©tiens dĂ©jĂ , avaient pris l’habitude de changer le jour du repos traditionnel pour celui qui commĂ©morait la RĂ©surrection, fondement de notre espĂ©rance. C’est pourquoi le Concile dit : « Les catholiques viennent Ă  la messe le dimanche, ils se rĂ©unissent pour renouveler leur alliance avec Dieu, pour rendre grâce Ă  Dieu pour l’espĂ©rance de la RĂ©demption qu’ils portent dans leur cĹ“ur. Â» C’est pour cela que nous venons le dimanche, pour renouveler notre alliance! Sanctifier le jour du Seigneur, venir Ă  cette AssemblĂ©e rĂ©unie, c’est ce que j’ai mentionnĂ© aujourd’hui : L’assemblĂ©e convoquĂ©e par MoĂŻse lorsque Dieu allait leur parler.

 

Je vous regarde et je sais que mon humble ministère n’est pas plus que celui de MoĂŻse, de vous transmettre la Parole : « Le Seigneur dit. Â» Quel bonheur cela me fait de constater dans les lettres que je reçois que, dans l’intimitĂ© de vos cĹ“urs, vous acceptez, ce que le peuple rĂ©pondit Ă  MoĂŻse : « Nous ferons tout ce que YahvĂ© a ordonnĂ©. Â»

 

L’autre jour, un prĂŞtre m’a dit qu’un monsieur cherchait Ă  se confesser – cela faisait quarante ans qu’il ne l’avait pas fait – parce qu’il voulait se convertir Ă  cause de ce qu’il avait entendu Ă  la cathĂ©drale. Quand on dit que ma prĂ©dication est politique, je m’en remets Ă  ces tĂ©moignages de conversion Ă  Dieu. C’est ce que je cherche : la conversion Ă  Dieu. Et si je fais souvent rĂ©fĂ©rence aux Ă©vĂ©nements politiques, souvent corrompus, je le fais pour que ces hommes que Dieu aime se convertissent et abandonnent leurs pĂ©chĂ©s. C’est ici que viennent les sept prĂ©ceptes qui concernent les relations des hommes entre eux.

 

Quatrième commandement. L’obligation envers les parents. « Le premier commandement avec une promesse. Â»

Le quatrième commandement a trait Ă  la relation des hommes et des femmes envers leurs parents. Saint Paul dans l’épĂ®tre aux ÉphĂ©siens l’appelle « le premier commandement avec une promesse. Â» Il est bien intĂ©ressant de savoir que le seul commandement qui contient une promesse de bĂ©nĂ©diction est celui oĂą Dieu dit (Ex 20,12) : « Honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la Terre que te donne YahvĂ© ton Dieu. Â» Je crois qu’il suffit d’en appeler Ă  l’expĂ©rience des bons et des mauvais enfants. Quelle joie apporte le bon fils! Quels problèmes apporte le mauvais fils! Quelle tendresse que celle de la vieille dame qui peut dire : mon fils ne m’oublie jamais! Quelle amertume que celle de l’homme qui dit : mes enfants ne se soucient plus de moi. Si cette loi Ă©tait observĂ©e, comme il y aurait du bonheur dans de nombreux foyers et dans de nombreux cĹ“urs! 18/03/79, p.211-213, VI.

 

Le cinquième commandement a trait à l’homicide, au caractère sacré de la vie humaine.

Le cinquième commandement est court, mais terrible : « Tu ne tueras pas! Â» C’est ici que le caractère sacrĂ© de la vie est affirmĂ©. Souvenez-vous que tout est sous l’épigramme : « Je suis le Seigneur, ton Dieu, Je t’ai donnĂ© la vie et tu n’enlèveras pas la vie Ă  ton frère. Â» Combien de sang a enlevĂ© parmi nous le bonheur et la saintetĂ© de ce commandement! On envoie tuer, on paie pour tuer, on gagne sa vie en tuant. On tue pour Ă©liminer l’ennemie politique qui dĂ©range, on tue par haine. Combien de crimes ont eu lieu sur ces cadavres qui apparaissent? Souvent, l’origine de leur capture fut officielle, mais je pense au motif de ces assassinats. Quel fut-il? Qui a payĂ©? Quel intĂ©rĂŞt se cache-t-il derrière cette mort? Tu ne tueras pas, c’est terrible!

 

Puissent, Dieu, m’entendre ces hommes qui ont les mains tachĂ©es par un homicide. Ils sont nombreux, malheureusement, parce qu’est homicide Ă©galement celui qui torture. Celui qui commence Ă  torturer ignore oĂą cela va se terminer. Nous avons vu des victimes de tortures, amenĂ©es par mille subterfuges mensongers, pour mourir dans un hĂ´pital. Ce sont des assassins Ă©galement, des homicides, ils ne respectent pas le caractère sacrĂ© de la vie. Personne ne peut porter la main sur un autre homme parce que celui-ci est Ă  l’image de Dieu. Tu ne tueras pas! […] Quand le Christ voulut amĂ©liorer ce commandement, il disait : « DĂ©jĂ , lorsque vous commencez Ă  haĂŻr, vous avez commencĂ© Ă  tuer. Â» C’est pour cela qu’Il est venu, pour parfaire, par ses conseils Ă©vangĂ©liques, ces commandements, pour Ă©loigner autant que possible, la possibilitĂ© que l’être humain dĂ©sobĂ©isse Ă  la loi du Seigneur et pour qu’il demeure toujours heureux.

 

Nous pourrions poursuivre ainsi, parce que ce cinquième commandement est très malmené parmi nous, tragiquement négligé! Puisse Dieu que devant la lumière de mes mots qui répètent sa Parole, nous regardions avec plus de respect la vie humaine. Surtout, si cet homme est sous le pouvoir de quelqu’un qui le fait souffrir. Respectez-le s’il vous plait. Ne le tuez pas! Où sont les disparus? Dans quelle prison sont-ils en train de mourir en se languissant, ou sont-ils déjà morts, les ont-ils déjà tués? Dites-le, ne serait-ce que pour que les mères sachent où emporter une couronne à leur fils qu’elles pleurent dans l’incertitude…

 

Tu ne tueras pas! MĂŞme si tu conduis un char d’assaut ou si tu manipules des fusils de gros calibre. Pourquoi sont morts les spectateurs de la grève, il y a quelques jours? N’y a-t-il pas une autre manière d’éloigner une foule que d’ouvrir le feu sur elle? De nouveaux foyers pleurent ces morts inattendus. Tu ne tueras pas! Puisse Dieu se graver comme sur une pierre dans la conscience et dans le cĹ“ur de celui qui agit envers un autre homme, surtout lorsqu’il s’agit de relation d’autoritĂ© envers des subordonnĂ©s : Tu ne tueras pas! La loi de Dieu l’exige.

 

Sixième commandement. Sainteté du mariage.

Il y aurait tant Ă  dire Ă©galement du sixième commandement. Tu ne commettras pas l’adultère. Lorsque nous regardons Ă  la lumière de Dieu, la situation de notre pays, nous nous surprenons de voir comment est-ce que Dieu est patient et qu’Il ne nous traite pas pire que cela par notre propre faute. C’est la saintetĂ© du mariage, c’est seulement dans le mariage que peuvent avoir lieu les relations sexuelles d’un homme et d’une femme et pour sauver la saintetĂ© de cet acte qui collabore avec le Dieu CrĂ©ateur dans la fĂ©conditĂ© de la vie, Dieu interdit toute relation en dehors du mariage. Ici, nous avons un autre bon nĂ©goce au Salvador : les motels, les bordels, les maisons de rencontre. Combien de pourriture, combien de misère, combien d’exploitation de la dignitĂ© de la femme, de la santĂ©, de la vie du pays. Et ce sont de bonnes affaires. Vous seriez Ă©tonnĂ©s d’apprendre Ă  qui appartiennent ces Ă©tablissements.

 

Chers frères, il peut pleuvoir du feu sur cette Sodome. Ce sont des maisons du péché qui sont occupées jour et nuit. Ce sont des temps où on offense Dieu. Il n’y a plus d’austérité dans la vie. La loi de Dieu est de trop. Tu ne commettras pas l’adultère! Tu ne forniqueras pas!

Septième commandement. La sainteté de la propriété privée inclut la liberté.

 

Le septième prĂ©cepte du DĂ©calogue est : « Tu ne voleras pas! Â» Quel examen de conscience pourrions-nous faire ici, alors qu’on vole Ă  outrance dans notre environnement. Celui qui ne vole pas se sent stupide, et celui qui fait des affaires ou qui entreprend une Ĺ“uvre se croit obliger d’abuser – parfois Ă  coup de millions. Tu ne voleras pas! Notre pays serait diffĂ©rent si on ne volait pas tant…

 

Je veux rendre justice Ă  de nombreuses personnes qui possèdent de l’argent et qui sont très honorables, qui se plaignent qu’on leur ait attribuĂ© la faute en tout. Ils nous font voir sous un autre aspect pour nous dire : ce ne sont pas uniquement les quatorze familles qui sont coupables. On voit de plus en plus d’ex-fonctionnaires se retirer très Ă  l’aise. Les grandes propriĂ©tĂ©s, les maisons luxueuses et les commerces se multiplient. Est-ce que tout cela provient de choses honnĂŞtes? BĂ©ni soit Dieu! Mais si dans le fond ils enfreignent le septième commandement, ils ne peuvent pas remercier Dieu. Tu ne voleras pas! C’est la vĂ©ritĂ© et ce qu’ils ont, ils l’ont volĂ© au peuple qui pĂ©rit dans la misère. Combien d’autres choses pourrions-nous dire de ce prĂ©cepte qui semble aujourd’hui sans importance. Mais, frères, voler sera toujours un pĂ©chĂ©. Ne pas voler, c’est la loi de Dieu.

Huitième commandement. « Tu ne rendras pas de faux tĂ©moignages contre ton prochain. Â»

 

La loi de la sincérité! Je veux rendre grâce à Dieu parce que l’Église a le langage de la sincérité. Je veux rendre grâce à Dieu parce qu’au milieu d’un monde de mensonges, où personne ne croit plus en rien, on croit encore en l’Église. Grâce à Dieu qui préserve le sens de la crédibilité et la capacité de dialoguer parce qu’ils savent que l’Église ne ment pas. Elle est dure parce qu’elle ne sait pas mentir. Mais dans ce commandement de la sincérité, combien de choses y aurait-il à dire. Combien sont ceux qui croient les nouvelles de nos journaux, surtout quand ils servent à la défense de certains intérêts? Par chance, le peuple – et je le félicite – apprend à lire les journaux, à écouter la radio et à regarder la télévision. Ce n’est pas tout ce qui sort de là qui est la vérité. Il y a de nombreux mensonges. Il y a de nombreux péchés contre le huitième commandement.

 

Un Ă©crivain moderne a dit : « Si nous nous Ă©veillions un jour avec l’idĂ©e d’accomplir la loi de Dieu, en arrivant Ă  la maison, en prenant le journal, nous dĂ©couvririons de nombreux endroits laissĂ©s en plan. Â» S’il Ă©tait interdit de mentir, c’est certain qu’il y aurait davantage de confiance dans les rapports humains. Mais oĂą en sommes-nous rendus dans notre sociĂ©tĂ©? Ă€ une mĂ©fiance si grande, que chaque fois que nous avons une conversation avec quelqu’un, nous regardons Ă  gauche et Ă  droite pour voir si quelqu’un n’est pas en train de nous Ă©pier. Parce qu’épier les gens, c’est Ă©galement un pĂ©chĂ© contre le huitième commandement… Parce que la plupart du temps, l’information qu’ils rapportent est inspirĂ©e par la haine, par la vengeance. J’ai vu ainsi souffrir de nombreux hommes parce qu’on porta de faux tĂ©moignages contre eux. C’est ce qui se produit avec les communautĂ©s de notre Église, elles sont victimes de ce pĂ©chĂ© : le faux tĂ©moignage.

 

Je me souviens de certains arguments de ceux qui désiraient voir expulser certains prêtres. J’ai pu me rendre compte du mensonge et de l’insolence avec laquelle ils m’apportèrent ces informations sur laquelle étaient fondées des décisions injustes, inspirées par le péché, contre le huitième commandement. Un peu de conscience, chers frères, un peu de conscience pour dire toujours la vérité! Il vaut mieux se taire, même si parfois c’est de la lâcheté lorsqu’il s’agit de défendre celui qui pèche en rendant un faux témoignage.

 

Neuvième et dixième commandements. Les désirs illicites peuvent conduire à des actions concrètes contre les sixième et septième commandements.

 

Ce sont les deux derniers prĂ©ceptes : « Tu ne convoiteras pas les biens de ton prochain Â», « ni ne dĂ©sireras la femme de ton prochain Â», comme prĂ©ceptes prĂ©ventifs afin de ne pas tomber dans la violation de la saintetĂ© de la propriĂ©tĂ© et du mariage.

 

Comme vous voyez, les commandements écrits sur le mont Sinaï, comme nous dit la Bible, sont nos relations les plus importantes avec Dieu et avec nos prochains. Puisse, Dieu, ce carême être pour nous l’occasion de faire une révision de vie afin de voir comment nous accomplissons la loi de Dieu!

 

 

C) MĂ©diation de MoĂŻse

 

Après cela, nous terminons la cĂ©rĂ©monie du SinaĂŻ, MoĂŻse ordonne de tuer des animaux pour sceller l’alliance qui avait Ă©tĂ© conclue avec Dieu et la moitiĂ© du sang fut aspergĂ© sur le peuple, comme pour marquer de ce sang de victime, la promesse qui avait Ă©tĂ© faite. « Nous ferons tout ce que YahvĂ© a dit. Â» Les dix commandements de la loi de Dieu sont la rĂ©ponse des hommes Ă  l’alliance qu’Il veut faire avec nous. Accomplir ces commandements, c’est ratifier chaque jour l’entente signĂ©e avec Dieu : « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. Â» Ne nous glorifions pas d’être le peuple de Dieu tant que nous offenserons autant la loi du Seigneur. 18/03/79, p.214-216, VI.

 

 

2) La loi de Dieu est nécessaire, mais elle ne suffit pas

 

La lettre sans l’esprit : le temple, les fĂŞtes, les institutions sacrificielles.

 

Ici, je vais me limiter à l’Évangile d’aujourd’hui (Jn 2,13-25). Le Christ se fait un fouet avec des cordes pour expulser du temple ceux qui ont fait de la loi de Moïse un commerce, ceux qui ont fait du temple, symbole de l’union avec Dieu, un marché, une cave de voleurs. Pour purifier ce saint lieu qu’était le temple, il fallait sans cesse offrir un culte de sacrifice, mais cela se faisait d’une manière si légaliste qu’ils s’étaient éloignés de l’esprit de la loi.

 

L’Évangile de saint Jean est très pittoresque, il relate de nombreuses coutumes de la tradition juive. Dans l’Évangile d’aujourd’hui apparaissent par exemple le signe des fêtes, le signe du temple, le signe de l’institution sacrificiel. Tout ceci n’était rien d’autre que des signes extérieurs, c’était la lettre de la loi. Mais le légalisme n’est pas l’esprit, ce que Dieu veut avant tout, c’est l’esprit.

 

La lettre ne suffit pas, l’esprit est nécessaire (encyclique Redemptor Hominis).

 

Puisque je vous ai annoncĂ© la nouvelle encyclique de sa SaintetĂ© Jean-Paul II, je ne voudrais pas vous priver d’en entendre quelques extraits, sur le point qui se rĂ©fère Ă  la RĂ©demption et au Salut des hommes d’aujourd’hui. Il dit que la lettre ne suffit pas, mais que l’esprit est nĂ©cessaire : « DĂ©jĂ , depuis la première moitiĂ© de ce siècle, dans la pĂ©riode oĂą diverses formes de totalitarismes d’État se sont dĂ©veloppĂ©es, lesquelles, comme c’est connu, nous conduisirent Ă  d’horribles catastrophes belliqueuses; l’Église avait clairement dĂ©limitĂ© sa position face Ă  ces rĂ©gimes qui agissaient apparemment pour un bien supĂ©rieur, comme le bien de l’État, tandis que l’histoire dĂ©montrait, au contraire, qu’il s’agissait plutĂ´t du bien d’un parti qui s’identifiait Ă  l’État. Â» Il s’agit des rĂ©gimes d’avant-guerre, surtout de l’Allemagne et de l’Italie, oĂą naquit l’idĂ©ologie de « la SĂ©curitĂ© d’État Â», qui sert maintenant d’inspiration Ă  nos rĂ©gimes latino-amĂ©ricains. Le Pape dit que c’est prĂ©cisĂ©ment pour avoir vĂ©cu cette triste histoire des violations des droits humains dans ces pays qui se glorifiaient de servir le bien commun, que c’est Ă  cause de cela qu’est nĂ©e l’Organisation des Nations Unies et que fut rĂ©digĂ©e la DĂ©claration universelle des droits de l’homme.

 

Le Pape fait rĂ©fĂ©rence Ă  cela lorsqu’il dit : « En partageant la joie de cette conquĂŞte avec tous les hommes de bonne volontĂ©, avec tous ceux qui aiment vĂ©ritablement la justice et la paix, l’Église est consciente que la “lettre” seule peut tuer, alors que l’“Esprit de vie” doit se demander sans cesse avec l’aide des hommes de bonne volontĂ© si la DĂ©claration des Droits Humains et l’acceptation de sa “lettre” signifient pour tous la rĂ©alisation de son “esprit”. Surgissent, en effet, des craintes fondĂ©es selon lesquelles nous sommes bien souvent Ă©loignĂ©s de cette rĂ©alisation et que peut-ĂŞtre l’esprit de la vie sociale et publique se retrouve dans une opposition douloureuse avec la “lettre” dĂ©clarĂ©e des droits de l’homme. Cet Ă©tat de fait, très grave pour ces sociĂ©tĂ©s, rendrait particulièrement responsables, face Ă  ces dites sociĂ©tĂ©s et Ă  l’histoire de l’humanitĂ©, ceux qui contribuent Ă  en dĂ©terminer la “lettre”. Â»

 

Nous nous glorifions de ce que les droits humains coĂŻncident avec la loi de Dieu, mais si le Pape dit : « Nous devons cependant nous demander si cette DĂ©claration universelle des Droits de l’homme acceptĂ©e par de nombreux pays, comme si un nouveau SinaĂŻ avait inspirĂ© un nouveau respect envers Dieu et les ĂŞtres humains, si la loi de Dieu comme la DĂ©claration universelle des droits de l’homme n’avaient pas davantage servi pour se recouvrir de la “lettre”, en laissant son “esprit” très loin de ce qui en Ă©tait espĂ©rĂ©. Â» 18/03/79, p.217-218, VI.

 

 

3) Le Christ est la plénitude de la loi et la force de Dieu qui sauve

 

Nous allons nous approcher de l’autel avec ce troisième point. J’y ai déjà fait allusion, la loi est nécessaire, mais la lettre ne suffit pas, l’esprit de la loi est nécessaire, seul le Christ est la plénitude de la Loi. Ne l’oublions pas quand nous marchons pendant notre carême jusqu’au Calvaire et la Résurrection.

 

 

Le Christ est le vrai temple : la mort et la rĂ©surrection sont la porte du Salut.

 

Saint Paul nous a dit que ni le signe que recherchent les Juifs avec la magnificence de leur temple, avec les miracles, ni la sagesse des Grecs, ne sauveront l’humanitĂ©, mais la force « salvatrice Â» qui se trouve dans le Christ crucifiĂ©. C’est le signe, quand le Christ nous rappelle, ce matin, son geste valeureux d’expulser du temple ceux qui le profanaient, Il se prĂ©sente Lui-mĂŞme comme le temple, comme l’endroit oĂą Dieu rencontre l’être humain, comme le parfait adorateur de Dieu et le Sauveur des hommes. Ni les signes des juifs, ni la sagesse des Grecs, sinon l’unique signe de Dieu, scandale et folie pour les hommes : le Christ crucifiĂ©.

 

Puisse Dieu, toutes ces rĂ©flexions sur l’Alliance et notre rĂ©alitĂ© nationale, nous amener Ă  comprendre comme saint Paul nous a dit : « N’ayons pas une autre espĂ©rance ni dans les lois ni dans les pouvoirs des hommes, ni dans les signes crĂ©Ă©s que notre confiance et notre espĂ©rance. Â» Oui, travaillons pour les choses de la Terre, pour amĂ©liorer les moyens humains, mais le cĹ“ur enracinĂ© dans le grand signe des chrĂ©tiens : Christ crucifiĂ©! Christ ressuscitĂ©! Amen… 18/03/79, p.222, VI.