Le carĂŞme, Retour de la Loi de Dieu
Troisième dimanche du carême; 18 mars
1979; Lectures : Exode 20,1-17; Corinthiens 1,22-25; Jean 2,13-25.
Introduction :
A) Le carême est une préparation pour
célébrer Pâques : Mort et Résurrection du Seigneur.
C’est cela, le message de Pâques
auquel nous devons dédier le principal de notre effort pastoral au cours de ces
dimanches. Nous sommes déjà rendus au troisième dimanche du carême et
n’oublions pas que l’objectif principal vers lequel il se dirige est un pèlerinage
avec le Christ qui porte sa croix et qui jeûne au désert. Le carême est à la
recherche de ce consumatum est –
« tout est accompli » – et, au-delà de cela, de la gloire de la
RĂ©surrection, toutes nos angoisses sont comme des croix que nous portons, comme
ces jeûnes du carême qui vont fleurir. C’est pourquoi nous ne devons pas perdre
la perspective du carĂŞme. La gloire de la RĂ©surrection est aussi notre gloire,
notre héritage, dans la mesure où nous nous unissons à son effort libérateur
dans la douleur et la souffrance.
B) Le « Mystère
Pascal » : Plénitude des temps, clé de la Rédemption.
Le Mystère Pascal et la mort et la
RĂ©surrection du Christ sont le but ultime du carĂŞme. Je veux vous dire cela
avec ces mots à la mode qu’emploie le Pape Jean-Paul II, dans sa première
encyclique qui est sortie cette semaine. Le titre des encycliques provient des
premières paroles latines qui sont écrites, elles nous indiquent, par ailleurs,
la foi de cet homme dans ce Christ en qui nous mettons tous notre espérance. L’encyclique
s’intitule ainsi : Redemptor Hominis,
qui signifie « le Rédempteur de l’homme ». Le Pape débute
ainsi : « Le Rédempteur de l’humanité, Jésus-Christ, est le centre du
cosmos et de l’Histoire. » Dans la même introduction, il développe la
pensée de sa foi en Jésus-Christ. « Dans l’acte rédempteur, l’Histoire
humaine a atteint son sommet dans le dessein d’amour de Dieu. Dieu est entré
dans l’Histoire de l’humanité, Il s’est converti en sujet – de cette histoire
–, un parmi des millions et des millions et unique en même temps. » Quel
beau concept que de considérer le Christ comme un pèlerin de l’Histoire, comme
nous! Un parmi des millions dans lesquels nous nous confondons, mais Unique
parmi tous ces millions d’hommes et de femmes parce qu’Il est l’être en qui
Dieu conduit, Ă son sommet, son projet de Salut.
C) Implication de ma vie et de
l’histoire de mon peuple dans cette « Histoire du Salut »
Le carême n’est rien de moins qu’un
pèlerinage à la rencontre de ce fait qui donna son véritable sens à l’Histoire
de tous les hommes et de chacun. C’est pourquoi nous ne pouvons vivre le carême
et la Semaine sainte sans penser Ă une implication de ma vie personnelle. En
tant qu’homme et comme peuple, le Salvador, dans ce carrefour actuel, n’est pas
perdu. Chacun des Salvadoriens, parmi les millions que nous sommes, nous savons
que Dieu nous aime comme le Pape le dit : « d’un amour
ineffable ». Votre relation avec Dieu est unique. Il respecte votre
individualité, de même qu’Il vous aime comme peuple et qu’Il ne vous confond
pas avec d’autres peuples. Pour chacun d’eux, comme pour chaque être humain,
Dieu possède ses desseins dans cette Histoire du Salut que nous commémorons
sous la forme d’une pérégrination vers la Semaine sainte et Pâques. 18/03/79,
p.205-206, VI.
D) Retour sur les dimanches
précédents
C’est pourquoi je me suis efforcé de
faire dans ma prédication de ces dimanches de carême, un lien d’idées dans le
sens de l’Alliance.
L’Alliance de Dieu avec Noé… la Création. Signe :
l’arc-en-ciel.
Le premier dimanche nous avons
rappelé dans les lectures bibliques, l’Alliance de Dieu avec Noé après le
déluge. Le signe de cette alliance est l’arc-en-ciel. C’est comme l’alliance de
Dieu avec les hommes dans le champ immense de la nature, de l’être humain, du cosmos.
C’est là où le Pape peut dire comme dans la première ligne de son
encyclique : « Le Rédempteur de l’homme, Jésus-Christ, est le centre
du cosmos et de l’Histoire. » L’arc-en-ciel que Dieu mit après le déluge
comme un signe de l’Alliance qu’Il a faite avec les hommes dans le domaine
naturel, toute la nature est née de nouveau après le déluge, et Dieu la remet
toute neuve à l’humanité. Le Christ est le véritable arc-en-ciel parce que dans
ses Pâques de Résurrection, la nature naît nouvelle et se livre à l’humanité
afin que cette dernière, une fois purifiée du péché, sache mieux l’administrer.
C’est pourquoi nous nous préparons au cours de ce carême à une rénovation de la
nature, de l’humanité, de l’Histoire et de nous-mêmes, membres de ce cosmos et
de cette Histoire.
L’Alliance de Dieu avec Abraham… le
peuple de Dieu naît de ce signe : la circoncision.
Le second dimanche du carĂŞme, nous
avons parlé de l’Alliance de Dieu avec Abraham. Il s’agit dès lors d’une
sélection dans l’ensemble cosmique. Dieu choisit un peuple qui naîtra des
entrailles stériles du vieil Abraham et de sa femme Sara. Isaac naît et c’est
le début d’un peuple en qui s’accompliront les promesses du Salut, parce que
c’est de celui-ci que naîtra le Rédempteur, le Redemptor Hominis. Cela avait été annoncé à Abraham, lui qui fut
choisi parmi l’humanité entière, mais non pas pour établir une ségrégation
exclusive. Le peuple juif qui naît d’Abraham n’est rien d’autre qu’un
missionnaire de l’Histoire. Il va nous apporter la bénédiction de Dieu en un de
ces descendants d’Abraham qui sera Jésus-Christ, mais le destin de ce peuple et
de ce don qui nous apportera comme don de Dieu, le Rédempteur des hommes, n’est
pas l’exclusivité du peuple juif. « Il n’y a plus de Juifs ni de
Grecs », dira saint Paul. Maintenant que le peuple juif a accompli sa
mission de nous conduire au RĂ©dempteur, tous les peuples du monde ont le droit
de Le recevoir et c’est pour cela que le Père du Peuple de Dieu nous a fait don
de cette caractéristique : la
foi. C’est la foi qui distinguera les hommes dorénavant. Non
plus entre juifs et non-juifs, mais plutĂ´t entre croyants et incroyants.
« Celui qui croira se sauvera, celui qui ne croira pas se
condamnera. » L’Alliance avec Abraham est à l’origine d’un peuple privilégié
comme source de bénédiction pour tous les autres peuples.
L’Alliance de Dieu avec Moïse…
promulgation de la loi de Dieu. Signe : le Sabbat.
Plusieurs siècles plus tard, une
troisième Alliance advint. C’est celle qui occupe notre attention dans les
lectures d’aujourd’hui (Ex 20,1-17; Cor. 1,22-25; Jn 2,13-25). Il s’agit de
Moïse. Le livre qui donne aujourd’hui le ton à ce troisième dimanche de carême,
c’est l’Exode, le second livre de la Bible. L’Exode est comme la dogmatique, le noyau
doctrinal de tout ce peuple qui est né d’Abraham et des Patriarches. C’est la
faim qui conduisit leurs ancêtres en Égypte il y a de cela quatre siècles.
C’est un peuple qui est devenu esclave. Dieu n’a pas oublié sa promesse, celle
qu’Il fit à Abraham. L’Exode capte ce moment précieux où Dieu choisit un chef
pour conduire ce peuple de l’esclavage à la Terre promise.
Plan de l’homélie :
1) Le Peuple de Dieu a une loi
2) La loi de Dieu est nécessaire,
mais elle ne suffit pas
3) Le Christ est la plénitude de la
loi et la force de Dieu qui sauve
1) Le Peuple de Dieu a une loi
L’Exode – élection, libération,
alliance – dogme cardinal de la religion de l’Ancien testament. Moïse…
A) Antécédents : arrivée au
SinaĂŻ
Cela fait déjà trois mois qu’ils sont
sortis d’Égypte et cette libération marque un trait définitif dans l’histoire
du Peuple de Dieu. Libérés par les prodiges de Dieu, ils marchent à travers le
désert et ils arrivent, dans la lecture d’aujourd’hui (Ex 20,1-17) au pied du
mont Sinaï. Quelque chose de grandiose va s’y produire. Dieu rappelle à Moïse
qu’Il a fait une promesse à ce peuple et qu’Il va la renouveler. Il
ordonne donc Ă MoĂŻse de se purifier parce que dans trois jours Il viendra
mystérieusement s’entretenir avec le guide du peuple élu. Moïse commande à son
peuple de se purifier et personne ne doit toucher Ă cette montagne parce que
Dieu va la toucher le troisième jour. La Bible nous décrit comment se sent la
présence de Dieu. Puis Dieu dit à Moïse (Ex 19,4-5) : « Vous avez vu
vous-mêmes ce que J’ai fait aux Égyptiens, et comment Je vous ai emportés sur
des ailes d’aigles et amenés vers moi. Maintenant, si vous écoutez ma voix et
gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les
peuples, car toute la Terre est à moi. »
Observez bien ce détail, frères,
c’est pourquoi je vous disais que « Peuple de Dieu », ce n’est pas la
même chose que « peuple » en général. Peuple de Dieu, c’est :
« Parmi tous les peuples qui sont les miens, dit Dieu, J’en ai choisi un
avec qui Je veux établir des relations très spéciales. » Ce sera cela le
Peuple de Dieu, il est intéressant de prendre ça en compte. Quand nous appelons
notre Église, Peuple de Dieu, ici au Salvador, il ne faut pas confondre cela
avec un sens démocratique comme si tous les Salvadoriens formaient le Peuple de
Dieu. Seuls ceux qui sont baptisés, « seuls ceux qui n’ont pas oublié mes
promesses, seuls ceux qui se souviennent comment Je les ai portés sur des ailes
d’aigles, seuls ceux qui ont la foi,” c’est ce qui caractérise les véritables
descendants du Peuple de Dieu. Ce ne sont pas tous les Salvadoriens qui
appartiennent Ă cette Alliance que Dieu a faite avec son Peuple.
C’est à cette portion choisie de
Dieu, non pas par caprice, mais parce qu’Il rencontre chez eux une réponse de
foi, d’espérance qui Lui est dirigée. Dieu leur dit, dès la veille de la grande Alliance
avec Moïse : « Vous serez ma propriété personnelle parmi tous les
peuples, vous serez pour Moi un royaume de prêtres, une nation sainte. »
C’est ce que Dieu désire en choisissant un peuple. C’est une sélection humaine
dans laquelle peuvent s’insérer tous ceux qui se repentent de leurs péchés et
qui s’incorporent par la foi à ce Dieu qui ne fait maintenant plus de
distinction entre Juifs et non-Juifs, puisque dorénavant il n’existe plus qu’une
seule porte pour Lui appartenir, c’est la foi dans le Redemptor Hominis, dans le Rédempteur de l’humanité.
Préparation à l’Alliance. Moïse
convoque le peuple et il lui annonce tout ce que Dieu a dit. Le peuple fait
alors cette merveilleuse réponse : « Nous ferons ce qu’a dit
Yahvé. » Voyez comment Dieu a préparé psychologiquement le moment où Il
allait leur parler. Il a rappelé les origines de ce peuple, Il a mentionné les
conditions pour Lui appartenir. Il demande la sainteté, il offre les privilèges
de la sainteté : peuple sacerdotal, peuple saint, peuple qui m’appartient.
« Nous ferons tous ce que le Seigneur demandera. »
La Théophanie. Alors, le livre de l’Exode commence à nous décrire cette
merveilleuse « théophanie » (Ex 19,16-17) : « Or le surlendemain,
dès le matin, il y eut des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée
sur la montagne, ainsi qu’un très puissant son de trompe et, dans le camp, tout
le peuple trembla. MoĂŻse fit sortir le peuple du camp, Ă la rencontre de Dieu,
et ils se tinrent au bas de la montagne. » Et Moïse, qui a reçu la charge
de Dieu, monte seul pour s’entretenir avec le Seigneur. C’est là que Dieu lui
dicte ce qui a été lu aujourd’hui dans la première lecture : les dix
commandements, le DĂ©calogue. 18/03/79, p.208-209, VI.
B) Le DĂ©calogue est avec le Code de
l’Alliance, la
Charte Maîtresse de l’Alliance du Sinaï.
Ă€ partir de ce moment, le DĂ©calogue
sera comme l’essence du Peuple de Dieu. Le Décalogue avec le code de l’alliance
qui est inscrit dans les chapitres suivants de l’Exode, constitue l’âme du
Pentateuque. Ce sont les cinq premiers livres de la Bible que le Christ, les
prophètes et les Juifs appellent la Loi. Souvenez-vous
combien de fois le Christ a dit : « La Loi et les prophètes ».
Nous sommes face à la loi, c’est la Loi de Dieu qui constitue la sagesse de ce
peuple.
La Loi de Dieu qui a été donnée sur
le Sinaï a pour préambule ce que nous avons entendu aujourd’hui :
« Je suis le Seigneur, ton Dieu. » Il s’agit également d’un prologue
historique : « Je suis le Seigneur qui t’a fait sortir d’Égypte, de
l’esclavage. » Il ne faut pas oublier ces préambules si nous voulons
rencontrer le véritable sens de la Loi de Dieu, dont plusieurs se moquent
aujourd’hui. Mais j’aimerais vous rappeler comment Dieu a donné une loi pour
tous les temps, qui n’est plus seulement pour Israël. Par cette loi Dieu a
assumé l’ensemble des lois naturelles. Les lois de l’Ancien Testament prévalent
toujours pour le Nouveau Testament.
Quand le Christ dans son sermon sur
la Montagne rappelle cet épisode du Décalogue, Il dira : « Je ne suis
pas venu pour abolir la loi, mais pour la parfaire. » Il rappelle au jeune
homme qui cherche la voie du Salut : « Observe les
commandements. » « Quels sont-ils? », lui demanda alors
celui-ci. Le Christ commence alors à énumérer cette page que nous avons lue
aujourd’hui.
Préambule théologique :
« Je suis le Seigneur, ton Dieu. » Il existe une différence entre les
codes, les lois contemporaines, et le DĂ©calogue. Les Ă©tudes de la Bible ont
découvert de nombreux textes de ce temps, mais entre ceux-ci et le Décalogue,
il existe une énorme différence. Dans les autres codes, les lois de ces peuples
se présentent sous une forme casuistique : si quelqu’un fait telle chose…
il se mérite telle récompense ou tel châtiment. Mais la loi de Moïse est très
distincte. Elle ne dit pas « Si quelqu’un fait cela… », mais plutôt
« Tu feras ceci et tu cesseras de faire cela ». Ce n’est pas une
casuistique, c’est la loi d’un souverain. C’est pourquoi cette Souveraineté
nous est présentée au commencement : « Je suis le Seigneur, ton
Dieu. » Aucun homme ne peut dresser la tête en signe de rébellion contre
ce Seigneur qui lui a donné la vie et l’existence. Même si cet homme se prétend
athée et qu’il dit : « Je ne crois pas en Dieu », le fait
demeure que cette personne vit parce que Dieu lui a donné l’être. Au plus
athée, au plus incrédule, à celui qui se moque le plus de l’Église, le Seigneur
peut lui adresser la parole et lui dire : « Je suis ton Dieu, ton
Seigneur, Je t’impose une loi et tu dois l’accomplir. »
Préambule historique : « Je
suis le Seigneur qui t’a fait sortir du pays d’Égypte et de l’esclavage. »
Parce que l’Exode marque pour Israël son origine en tant que peuple. L’Alliance
que Moïse réalisa avec son Dieu est une alliance comme peuple. Ainsi,
l’alliance que Dieu fit avec Abraham comme père d’un futur peuple était
individuelle. Maintenant, ce peuple est devenu une réalité et l’alliance qui
est faite avec celui-ci possède un sens communautaire. C’est une communauté qui
naquit de la libération (expérience fondatrice). Comme il est merveilleux de
penser à cela alors qu’on discute autant de libération, sur ce qu’est le
véritable sens de celle-ci. Dieu est le grand Libérateur : « Je t’ai
donné la liberté », mais la liberté ne vous est pas donnée pour le
libertinage. La liberté nous est donnée pour quelque chose. Saint Paul
dit : « Libres pour le Christ. » Chaque fois qu’il y a une
libération, celle-ci possède un objectif pour lequel il faut l’acquérir. Si Dieu
libère Israël d’Égypte, c’est pour en faire son peuple. Non, naturellement,
avec la dureté du Pharaon, sinon avec son doux joug. Sa loi est légère, mais il
n’y a pas un homme qui puisse vivre sans loi. Celui qui n’obéit pas à la loi de
la liberté des fils de Dieu tombe dans l’esclavage de ses passions. Celui qui
n’obéit pas à la loi de Dieu se croit libre. Il n’y a pas plus esclave que
celui qui est rebelle à loi de Dieu, parce qu’il est esclave de quelque
chose : esclave de la chair, de l’argent, de la passion politique, de la
luxure et de l’orgueil. La liberté de Dieu nous offre un chemin que nous
devrons toujours suivre : la loi de Dieu. Il est bon de s’en rappeler
parce qu’aujourd’hui où nous devons réfléchir sur les pages de la Bible qui
traitent des dix commandements de la loi de Dieu, je voudrais que nous
pénétrions dans l’intimité de chaque cœur et que nous regardions sincèrement
comment est-ce que nous accomplissons notre alliance avec Dieu.
L’éthique demeure en interdépendance
avec le dogme, mais cette relation ne provient pas d’un caprice de nous
diriger. Il existe une éthique qui est basée sur un dogme, c’est-à -dire sur une
vérité, sur une révélation. Dieu s’est révélé comme l’aigle qui emporte le
peuple sur ses ailes. Il s’est révélé comme une force libératrice du peuple.
Dieu s’est révélé comme un principe d’amour aux êtres humains. Nous ne pouvons
pas oublier ces révélations qui constituent notre dogme, nous ne voulons pas
que la loi de Dieu se convertisse en quelque chose d’odieux. Pourquoi est-ce
que de nombreuses personnes n’accomplissent pas la loi de Dieu? Parce qu’elles
ont été séparées de cette révélation d’amour. Qui est-ce qui accomplit le
mieux, avec amour et avec joie, la loi de Dieu? Ceux qui n’ont pas oublié la
révélation d’un Dieu qui s’est révélé comme un Père et qui impose ses lois pour
notre bien. C’est ainsi que, en tenant compte de ces principes dogmatiques, le
peuple d’Israël et nous, chrétiens, qui possédons cette grande révélation en
JĂ©sus-Christ, nous accomplirons notre loi.
Mais je crois qu’ici nous touchons au
fond de notre situation salvadorienne. Ici, nous touchons le fond d’autant de
désordres dans notre vie sociale. Si nous recherchons le pourquoi des grèves,
le pourquoi des séquestrations, des divisions, de la violence et de tant de
crimes, des disparitions et des tortures, nous n’aurons qu’une seule et même
réponse : les hommes ont oublié la Loi de Dieu. Un jour, je vous
signalerai la putréfaction de notre système, l’abus du pouvoir qui s’est
converti en un voleur. Nous pouvons décrire des situations bien honteuses
d’hommes qui devraient nous donner l’exemple d’honnêteté dans le poste qu’ils
occupent au gouvernement, dans les affaires et le commerce. Pourquoi
profitent-ils de ces fonctions, de ces positions? Cela n’a rien à voir avec le
bien commun, ils agissent par égoïsme! Ah, si l’on révisait leur comptabilité!
Ah si on demandait des comptes Ă ces nombreuses Ĺ“uvres publiques! La loi de
Dieu n’a pas été respectée par ceux qui devraient être nos modèles : les
législateurs, ceux qui commandent. Et dans le peuple, naturellement, l’exemple
de ceux d’en haut sème le doute, l’incertitude et également la soif d’en
profiter. Alors, nous avons une nation corrompue de haut en bas parce qu’ils
ont tous oublié la loi de Dieu, nous avons oublié la loi de Dieu.
Il est nécessaire maintenant de nous
rappeler un Ă un ces commandements et nous verrons alors comme tout serait
facile si nous revenions à l’observance de la loi divine. Je vous ai rappelé,
dès le premier point, que le peuple de Dieu possède une loi qui lui a été
donnée dans la solennité du mont Sinaï, qui est parvenue jusqu’à nous et qui
maintenant, en ce carême de 1979, nous demande une révision de vie comme
communauté, comme pays, comme gouvernés, comme peuple et comme chrétiens. C’est
seulement ainsi que le carême pourra opérer cette grande tâche de rénovation si
nous gardons devant nous le miroir où apparaîtra enlaidi notre visage parce que
nous ne nous sommes pas préoccupés de refléter dans notre vie la loi du
Seigneur.
Les dix commandements, qui
apparaissent aujourd’hui dans la première lecture, se divisent en deux, comme
il est dit dans notre catéchisme. Les trois premiers ont trait aux relations
des hommes avec Dieu, les sept autres concernent les relations de l’humain
envers son prochain. Quel traité complet de morale que celui qui se retrouve
dans la première lecture d’aujourd’hui (Ex 20,1-17). 18/03/79, p.209-211, VI.
Premier commandement. Le monothéisme
ne pratique… aucune image. Les autres peuples avaient de nombreuses images de
leurs divinités.
Le premier commandement, que notre
catéchisme annonce simplement en disant : « Tu aimeras ton Dieu
par-dessus tout. » La Bible le décrit un peu plus (Ex 20,2-6) :
« Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t’a fait sortir d’Égypte, de la maison de servitude.
Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi. Tu ne te feras aucune image sculptée,
rien qui ressemble Ă ce qui est dans les cieux, lĂ -haut, ou sur la terre,
ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre. Tu ne te
prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car moi, Yahvé,
ton Dieu, je suis un Dieu jaloux qui punit la faute des pères sur les enfants,
les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haïssent,
mais qui fait grâce à des milliers pour ceux qui m’aiment et gardent mes
commandements. »
Quelques protestants veulent y voir
une accusation des catholiques parce que nous avons des images. Ce n’est pas le
temps ici pour nous attarder Ă cela, mais en passant je vous dis que Dieu ne
nous a pas interdit l’usage des images des saints, sinon qu’Il nous prohibe
l’usage des images de Dieu. Les images des saints sont des portraits de
personnes que nous savons qu’ils sont déjà dans l’autre vie. C’est pour que
nous les ayons présents à l’esprit comme j’ai la photo de ma mère auprès de mon
lit, tout en sachant que ce n’est pas elle qui est là , mais son effigie, son
portrait.
L’image qui est interdite dans ce
commandement, c’est celle de l’idolâtrie, l’image de culte. En révisant cela,
les investigations modernes ont démontré les distinctions énormes qui existent
entre le peuple d’Israël et les peuples voisins qui n’avaient pas ces
interdits. Ils ont découvert plusieurs de ces images dans les excavations
qu’ils ont réalisées chez ces peuples, alors que chez les juifs de cette époque
ils n’en ont découvert aucune, pas une seule image de leur divinité. Par
contre, ils ont rencontré sur les sites archéologiques de ces autres nations,
des divinités représentées sous forme de serpents, d’animaux, etc. Pour éviter
ce danger de l’idolâtrie, Dieu ordonne qu’ils ne se fabriquent pas d’images du
divin, qu’il ne tente pas de représenter Dieu par des images visibles parce que
le jour où un juif sera agenouillé devant une idole, il aura trahi le
Décalogue : « Je suis un Dieu jaloux, dit le Seigneur, Je ne veux pas
que tu adores qui que ce soi en dehors de moi. »
C’est le sens du premier
commandement, lequel, comme vous voyez, a encore son sens pour notre temps.
Quelles sont les idoles de notre temps? Nous l’avons dit souvent et c’est pourquoi
il y a de nombreuses personnes qui pèchent contre le premier commandement,
parce qu’ils se sont érigé des idoles : l’argent, le pouvoir, l’orgueil,
l’égocentrisme. Ce premier commandement est pour nous l’opportunité que nous
offre le carême pour détrôner toute idole qui n’est pas le Dieu véritable. Cela
doit être un moment de révision de ma vie et de mes critères. Est-ce que je
mets Dieu au-dessus de tout?
Deuxième commandement. Le mauvais
usage du Saint Nom… Blasphèmes, Jurons, Malédiction, magie noire.
Le deuxième commandement que notre
catéchisme nous dit est : « Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en
vain. » La Bible nous le présente plus explicitement (Ex 20,7) :
« Tu ne prononceras pas le nom de Yahvé ton Dieu à faux, car Yahvé ne
laisse pas impuni celui qui prononce son nom à faux. » Cela fait référence
à prendre le nom de Dieu comme fondement pour une malédiction. Le respect de ce
second commandement est allé si loin que les Israélites ne prononçaient pas le
nom de Yahvé sinon qu’ils disaient : « Adonaï », qui signifie
« Le Seigneur ». La révélation du Saint Nom de Yahvé, ce n’est pas
Jehova comme l’affirment les Témoins du même nom. Il s’agit d’une
falsification, cela n’existe pas. Yahvé est son nom. Yahvé! Mais ce nom était
si saint et ils respectaient tant ce second commandement de ne pas prononcer le
nom de Yahvé sans respect, qu’il valait mieux ne pas le prononcer, et ils le
changèrent pour un autre : « Adonaï », le Seigneur.
Troisième commandement. Le sabbat
doit être consacré à Dieu.
Le troisième commandement qui marque
les relations de l’homme avec Dieu et aussi celui de l’Alliance de Dieu avec
Moïse, c’est le Sabbat. Le repos sabbatique c’est comme l’arc-en-ciel, c’est le
signe d’une alliance. Le dimanche sera aussi le signe de l’alliance de Dieu
avec son peuple. C’est pourquoi venir à la messe le dimanche c’est comme si le
peuple de Dieu Ă©tait ici en train de renouveler avec Dieu son alliance.
Je vous remercie pour votre présence
dans la cathédrale, cela donne tant de vie à ce jour du précepte. Vous pourriez
vous demander : pourquoi pas le samedi, comme dit la Bible? Le Sabbat est
une parole dont la racine signifie repos. Ce n’est pas proprement un jour de
semaine, mais un jour de repos. Pour les Israélites, ce fut le Sabbat, mais
comme le Christ ressuscita un dimanche, les premiers chrétiens déjà , avaient
pris l’habitude de changer le jour du repos traditionnel pour celui qui
commémorait la Résurrection, fondement de notre espérance. C’est pourquoi le
Concile dit : « Les catholiques viennent à la messe le dimanche, ils
se réunissent pour renouveler leur alliance avec Dieu, pour rendre grâce à Dieu
pour l’espérance de la Rédemption qu’ils portent dans leur cœur. » C’est
pour cela que nous venons le dimanche, pour renouveler notre alliance!
Sanctifier le jour du Seigneur, venir à cette Assemblée réunie, c’est ce que
j’ai mentionné aujourd’hui : L’assemblée convoquée par Moïse lorsque Dieu
allait leur parler.
Je vous regarde et je sais que mon
humble ministère n’est pas plus que celui de Moïse, de vous transmettre la
Parole : « Le Seigneur dit. » Quel bonheur cela me fait de
constater dans les lettres que je reçois que, dans l’intimité de vos cœurs,
vous acceptez, ce que le peuple répondit à Moïse : « Nous ferons tout
ce que Yahvé a ordonné. »
L’autre jour, un prêtre m’a dit qu’un
monsieur cherchait à se confesser – cela faisait quarante ans qu’il ne l’avait
pas fait – parce qu’il voulait se convertir Ă cause de ce qu’il avait entendu Ă
la
cathédrale. Quand on dit que ma prédication est politique, je
m’en remets à ces témoignages de conversion à Dieu. C’est ce que je
cherche : la conversion à Dieu. Et si je fais souvent référence aux
événements politiques, souvent corrompus, je le fais pour que ces hommes que
Dieu aime se convertissent et abandonnent leurs péchés. C’est ici que viennent
les sept préceptes qui concernent les relations des hommes entre eux.
Quatrième commandement. L’obligation
envers les parents. « Le premier commandement avec une promesse. »
Le quatrième commandement a trait Ă
la relation des hommes et des femmes envers leurs parents. Saint Paul dans
l’épître aux Éphésiens l’appelle « le premier commandement avec une
promesse. » Il est bien intéressant de savoir que le seul commandement qui
contient une promesse de bénédiction est celui où Dieu dit (Ex 20,12) :
« Honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la
Terre que te donne YahvĂ© ton Dieu. » Je crois qu’il suffit d’en appeler Ă
l’expérience des bons et des mauvais enfants. Quelle joie apporte le bon fils!
Quels problèmes apporte le mauvais fils! Quelle tendresse que celle de la
vieille dame qui peut dire : mon fils ne m’oublie jamais! Quelle amertume
que celle de l’homme qui dit : mes enfants ne se soucient plus de moi. Si
cette loi était observée, comme il y aurait du bonheur dans de nombreux foyers
et dans de nombreux cœurs! 18/03/79, p.211-213, VI.
Le cinquième commandement a trait Ă
l’homicide, au caractère sacré de la vie humaine.
Le cinquième commandement est court,
mais terrible : « Tu ne tueras pas! » C’est ici que le caractère
sacré de la vie est affirmé. Souvenez-vous que tout est sous l’épigramme :
« Je suis le Seigneur, ton Dieu, Je t’ai donné la vie et tu n’enlèveras
pas la vie à ton frère. » Combien de sang a enlevé parmi nous le bonheur
et la sainteté de ce commandement! On envoie tuer, on paie pour tuer, on gagne
sa vie en tuant. On tue pour éliminer l’ennemie politique qui dérange, on tue
par haine. Combien de crimes ont eu lieu sur ces cadavres qui apparaissent?
Souvent, l’origine de leur capture fut officielle, mais je pense au motif de
ces assassinats. Quel fut-il? Qui a payé? Quel intérêt se cache-t-il derrière
cette mort? Tu ne tueras pas, c’est terrible!
Puissent, Dieu, m’entendre ces hommes
qui ont les mains tachées par un homicide. Ils sont nombreux, malheureusement,
parce qu’est homicide Ă©galement celui qui torture. Celui qui commence Ă
torturer ignore oĂą cela va se terminer. Nous avons vu des victimes de tortures,
amenées par mille subterfuges mensongers, pour mourir dans un hôpital. Ce sont
des assassins également, des homicides, ils ne respectent pas le caractère
sacré de la vie.
Personne ne peut porter la main sur un autre homme parce que
celui-ci est à l’image de Dieu. Tu ne tueras pas! […] Quand le Christ voulut
améliorer ce commandement, il disait : « Déjà , lorsque vous commencez
à haïr, vous avez commencé à tuer. » C’est pour cela qu’Il est venu, pour
parfaire, par ses conseils évangéliques, ces commandements, pour éloigner
autant que possible, la possibilité que l’être humain désobéisse à la loi du
Seigneur et pour qu’il demeure toujours heureux.
Nous pourrions poursuivre ainsi,
parce que ce cinquième commandement est très malmené parmi nous, tragiquement
négligé! Puisse Dieu que devant la lumière de mes mots qui répètent sa Parole,
nous regardions avec plus de respect la vie humaine. Surtout, si cet homme est
sous le pouvoir de quelqu’un qui le fait souffrir. Respectez-le s’il vous
plait. Ne le tuez pas! OĂą sont les disparus? Dans quelle prison sont-ils en
train de mourir en se languissant, ou sont-ils dĂ©jĂ morts, les ont-ils dĂ©jĂ
tués? Dites-le, ne serait-ce que pour que les mères sachent où emporter une
couronne à leur fils qu’elles pleurent dans l’incertitude…
Tu ne tueras pas! MĂŞme si tu conduis
un char d’assaut ou si tu manipules des fusils de gros calibre. Pourquoi sont
morts les spectateurs de la grève, il y a quelques jours? N’y a-t-il pas une
autre manière d’éloigner une foule que d’ouvrir le feu sur elle? De nouveaux
foyers pleurent ces morts inattendus. Tu ne tueras pas! Puisse Dieu se graver
comme sur une pierre dans la conscience et dans le cœur de celui qui agit
envers un autre homme, surtout lorsqu’il s’agit de relation d’autorité envers
des subordonnés : Tu ne tueras pas! La loi de Dieu l’exige.
Sixième commandement. Sainteté du
mariage.
Il y aurait tant Ă dire Ă©galement du
sixième commandement. Tu ne commettras pas l’adultère. Lorsque nous regardons Ă
la lumière de Dieu, la situation de notre pays, nous nous surprenons de voir
comment est-ce que Dieu est patient et qu’Il ne nous traite pas pire que cela
par notre propre faute. C’est la sainteté du mariage, c’est seulement dans le
mariage que peuvent avoir lieu les relations sexuelles d’un homme et d’une
femme et pour sauver la sainteté de cet acte qui collabore avec le Dieu
Créateur dans la fécondité de la vie, Dieu interdit toute relation en dehors du
mariage. Ici, nous avons un autre bon négoce au Salvador : les motels, les
bordels, les maisons de rencontre. Combien de pourriture, combien de misère,
combien d’exploitation de la dignité de la femme, de la santé, de la vie du
pays. Et ce sont de bonnes affaires. Vous seriez étonnés d’apprendre à qui
appartiennent ces Ă©tablissements.
Chers frères, il peut pleuvoir du feu
sur cette Sodome. Ce sont des maisons du péché qui sont occupées jour et nuit.
Ce sont des temps où on offense Dieu. Il n’y a plus d’austérité dans la vie. La loi de Dieu est de
trop. Tu ne commettras pas l’adultère! Tu ne forniqueras pas!
Septième commandement. La sainteté de
la propriété privée inclut la liberté.
Le septième précepte du Décalogue
est : « Tu ne voleras pas! » Quel examen de conscience
pourrions-nous faire ici, alors qu’on vole à outrance dans notre environnement.
Celui qui ne vole pas se sent stupide, et celui qui fait des affaires ou qui
entreprend une œuvre se croit obliger d’abuser – parfois à coup de millions. Tu
ne voleras pas! Notre pays serait différent si on ne volait pas tant…
Je veux rendre justice Ă de
nombreuses personnes qui possèdent de l’argent et qui sont très honorables, qui
se plaignent qu’on leur ait attribué la faute en tout. Ils nous font voir sous
un autre aspect pour nous dire : ce ne sont pas uniquement les quatorze
familles qui sont coupables. On voit de plus en plus d’ex-fonctionnaires se
retirer très à l’aise. Les grandes propriétés, les maisons luxueuses et les
commerces se multiplient. Est-ce que tout cela provient de choses honnĂŞtes?
Béni soit Dieu! Mais si dans le fond ils enfreignent le septième commandement,
ils ne peuvent pas remercier Dieu. Tu ne voleras pas! C’est la vérité et ce
qu’ils ont, ils l’ont volé au peuple qui périt dans la misère. Combien
d’autres choses pourrions-nous dire de ce précepte qui semble aujourd’hui sans
importance. Mais, frères, voler sera toujours un péché. Ne pas voler, c’est la
loi de Dieu.
Huitième commandement. « Tu ne
rendras pas de faux témoignages contre ton prochain. »
La loi de la sincérité! Je veux
rendre grâce à Dieu parce que l’Église a le langage de la sincérité. Je
veux rendre grâce à Dieu parce qu’au milieu d’un monde de mensonges, où
personne ne croit plus en rien, on croit encore en l’Église. Grâce à Dieu qui
préserve le sens de la crédibilité et la capacité de dialoguer parce qu’ils
savent que l’Église ne ment pas. Elle est dure parce qu’elle ne sait pas mentir.
Mais dans ce commandement de la sincĂ©ritĂ©, combien de choses y aurait-il Ă
dire. Combien sont ceux qui croient les nouvelles de nos journaux, surtout
quand ils servent à la défense de certains intérêts? Par chance, le peuple – et
je le félicite – apprend à lire les journaux, à écouter la radio et à regarder la télévision. Ce
n’est pas tout ce qui sort de là qui est la vérité. Il
y a de nombreux mensonges. Il y a de nombreux péchés contre le huitième
commandement.
Un Ă©crivain moderne a dit :
« Si nous nous éveillions un jour avec l’idée d’accomplir la loi de Dieu,
en arrivant à la maison, en prenant le journal, nous découvririons de nombreux
endroits laissés en plan. » S’il était interdit de mentir, c’est certain
qu’il y aurait davantage de confiance dans les rapports humains. Mais où en
sommes-nous rendus dans notre société? À une méfiance si grande, que chaque
fois que nous avons une conversation avec quelqu’un, nous regardons à gauche et
à droite pour voir si quelqu’un n’est pas en train de nous épier. Parce
qu’épier les gens, c’est également un péché contre le huitième commandement…
Parce que la plupart du temps, l’information qu’ils rapportent est inspirée par
la haine, par la
vengeance. J’ai vu ainsi souffrir de nombreux hommes parce
qu’on porta de faux témoignages contre eux. C’est ce qui se produit avec les
communautés de notre Église, elles sont victimes de ce péché : le faux
témoignage.
Je me souviens de certains arguments
de ceux qui désiraient voir expulser certains prêtres. J’ai pu me rendre compte
du mensonge et de l’insolence avec laquelle ils m’apportèrent ces informations
sur laquelle étaient fondées des décisions injustes, inspirées par le péché,
contre le huitième commandement. Un peu de conscience, chers frères, un peu de
conscience pour dire toujours la vérité! Il vaut mieux se taire, même si
parfois c’est de la lâcheté lorsqu’il s’agit de défendre celui qui pèche en
rendant un faux témoignage.
Neuvième et dixième commandements.
Les désirs illicites peuvent conduire à des actions concrètes contre les
sixième et septième commandements.
Ce sont les deux derniers
préceptes : « Tu ne convoiteras pas les biens de ton prochain »,
« ni ne désireras la femme de ton prochain », comme préceptes
préventifs afin de ne pas tomber dans la violation de la sainteté de la
propriété et du mariage.
Comme vous voyez, les commandements
Ă©crits sur le mont SinaĂŻ, comme nous dit la Bible, sont nos relations les plus
importantes avec Dieu et avec nos prochains. Puisse, Dieu, ce carĂŞme ĂŞtre pour
nous l’occasion de faire une révision de vie afin de voir comment nous
accomplissons la loi de Dieu!
C) MĂ©diation de MoĂŻse
Après cela, nous terminons la
cérémonie du Sinaï, Moïse ordonne de tuer des animaux pour sceller l’alliance
qui avait été conclue avec Dieu et la moitié du sang fut aspergé sur le peuple,
comme pour marquer de ce sang de victime, la promesse qui avait été faite.
« Nous ferons tout ce que Yahvé a dit. » Les dix commandements de la
loi de Dieu sont la réponse des hommes à l’alliance qu’Il veut faire avec nous.
Accomplir ces commandements, c’est ratifier chaque jour l’entente signée avec
Dieu : « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. » Ne nous
glorifions pas d’être le peuple de Dieu tant que nous offenserons autant la loi
du Seigneur. 18/03/79, p.214-216, VI.
2) La loi de Dieu est nécessaire,
mais elle ne suffit pas
La lettre sans l’esprit : le
temple, les fĂŞtes, les institutions sacrificielles.
Ici, je vais me limiter à l’Évangile
d’aujourd’hui (Jn 2,13-25). Le Christ se fait un fouet avec des cordes pour
expulser du temple ceux qui ont fait de la loi de MoĂŻse un commerce, ceux qui
ont fait du temple, symbole de l’union avec Dieu, un marché, une cave de
voleurs. Pour purifier ce saint lieu qu’était le temple, il fallait sans cesse
offrir un culte de sacrifice, mais cela se faisait d’une manière si légaliste
qu’ils s’étaient éloignés de l’esprit de la loi.
L’Évangile de saint Jean est très
pittoresque, il relate de nombreuses coutumes de la tradition juive. Dans
l’Évangile d’aujourd’hui apparaissent par exemple le signe des fêtes, le signe
du temple, le signe de l’institution sacrificiel. Tout ceci n’était rien
d’autre que des signes extérieurs, c’était la lettre de la loi. Mais le légalisme
n’est pas l’esprit, ce que Dieu veut avant tout, c’est l’esprit.
La lettre ne suffit pas, l’esprit est
nécessaire (encyclique Redemptor Hominis).
Puisque je vous ai annoncé la
nouvelle encyclique de sa Sainteté Jean-Paul II, je ne voudrais pas vous priver
d’en entendre quelques extraits, sur le point qui se réfère à la Rédemption et
au Salut des hommes d’aujourd’hui. Il dit que la lettre ne suffit pas, mais que
l’esprit est nécessaire : « Déjà , depuis la première moitié de ce
siècle, dans la période où diverses formes de totalitarismes d’État se sont développées,
lesquelles, comme c’est connu, nous conduisirent à d’horribles catastrophes
belliqueuses; l’Église avait clairement délimité sa position face à ces régimes
qui agissaient apparemment pour un bien supérieur, comme le bien de l’État,
tandis que l’histoire démontrait, au contraire, qu’il s’agissait plutôt du bien
d’un parti qui s’identifiait à l’État. » Il s’agit des régimes
d’avant-guerre, surtout de l’Allemagne et de l’Italie, où naquit l’idéologie de
« la Sécurité d’État », qui sert maintenant d’inspiration à nos
régimes latino-américains. Le Pape dit que c’est précisément pour avoir vécu
cette triste histoire des violations des droits humains dans ces pays qui se
glorifiaient de servir le bien commun, que c’est à cause de cela qu’est née
l’Organisation des Nations Unies et que fut rédigée la Déclaration universelle
des droits de l’homme.
Le Pape fait référence à cela
lorsqu’il dit : « En partageant la joie de cette conquête avec tous
les hommes de bonne volonté, avec tous ceux qui aiment véritablement la justice
et la paix, l’Église est consciente que la “lettre” seule peut tuer, alors que
l’“Esprit de vie” doit se demander sans cesse avec l’aide des hommes de bonne
volonté si la Déclaration des Droits Humains et l’acceptation de sa “lettre”
signifient pour tous la réalisation de son “esprit”. Surgissent, en effet, des
craintes fondées selon lesquelles nous sommes bien souvent éloignés de cette
réalisation et que peut-être l’esprit de la vie sociale et publique se retrouve
dans une opposition douloureuse avec la “lettre” déclarée des droits de
l’homme. Cet état de fait, très grave pour ces sociétés, rendrait
particulièrement responsables, face à ces dites sociétés et à l’histoire de
l’humanité, ceux qui contribuent à en déterminer la “lettre”. »
Nous nous glorifions de ce que les
droits humains coĂŻncident avec la loi de Dieu, mais si le Pape dit :
« Nous devons cependant nous demander si cette Déclaration universelle des
Droits de l’homme acceptée par de nombreux pays, comme si un nouveau Sinaï
avait inspiré un nouveau respect envers Dieu et les êtres humains, si la loi de
Dieu comme la Déclaration universelle des droits de l’homme n’avaient pas
davantage servi pour se recouvrir de la “lettre”, en laissant son “esprit” très
loin de ce qui en était espéré. » 18/03/79, p.217-218, VI.
3) Le Christ est la plénitude de la
loi et la force de Dieu qui sauve
Nous allons nous approcher de l’autel
avec ce troisième point. J’y ai déjà fait allusion, la loi est nécessaire, mais
la lettre ne suffit pas, l’esprit de la loi est nécessaire, seul le Christ est
la plénitude de la Loi. Ne
l’oublions pas quand nous marchons pendant notre carême jusqu’au Calvaire et la
RĂ©surrection.
Le Christ est le vrai temple :
la mort et la résurrection sont la porte du Salut.
Saint Paul nous a dit que ni le signe
que recherchent les Juifs avec la magnificence de leur temple, avec les
miracles, ni la sagesse des Grecs, ne sauveront l’humanité, mais la force
« salvatrice » qui se trouve dans le Christ crucifié. C’est le signe,
quand le Christ nous rappelle, ce matin, son geste valeureux d’expulser du
temple ceux qui le profanaient, Il se présente Lui-même comme le temple, comme
l’endroit où Dieu rencontre l’être humain, comme le parfait adorateur de Dieu
et le Sauveur des hommes. Ni les signes des juifs, ni la sagesse des Grecs,
sinon l’unique signe de Dieu, scandale et folie pour les hommes : le
Christ crucifié.
Puisse Dieu, toutes ces réflexions
sur l’Alliance et notre réalité nationale, nous amener à comprendre comme saint
Paul nous a dit : « N’ayons pas une autre espérance ni dans les lois
ni dans les pouvoirs des hommes, ni dans les signes créés que notre confiance
et notre espérance. » Oui, travaillons pour les choses de la Terre, pour
améliorer les moyens humains, mais le cœur enraciné dans le grand signe des
chrétiens : Christ crucifié! Christ ressuscité! Amen… 18/03/79, p.222, VI.