Marie, Signe de la plénitude des
temps
QuatriĂšme dimanche de lâavent; 24
décembre 1978; Lectures : Samuel 7,1-5.8b-11.16; Romains 16,25-27; Luc
1,26-38.
Plan de lâhomĂ©lie :
1) Le Secret des siĂšcles Ă©ternels
2) Les Préparations divines dans
lâAncien Testament
3) La Plénitude des temps symbolisée
par Marie enceinte du Christ
Si la RĂ©demption sâopĂšre pendant
cette longue Histoire, nous verrons comment est-ce que Dieu désire conserver le
mĂȘme style : sauvant dans lâHistoire. Câest pourquoi la prĂ©dication de
lâĂvangile doit ĂȘtre une prolongation du projet salvateur du Christ, une
application à notre histoire, à notre peuple, à notre réalité. Une prédication,
une cĂ©lĂ©bration de NoĂ«l qui ne serait quâune histoire romantique dâil y a vingt
siĂšcles et qui ne sâincarnerait pas avec le projet salvateur de Dieu dans les
vicissitudes tragiques, douloureuses ou remplies dâespoir de notre histoire, de
notre réalité, ne serait pas un christianisme authentique. Dieu continue de
sauver dans lâHistoire!
Câest pourquoi, retournant Ă cet
épisode de la naissance du Christ à Bethléem, nous ne venons pas pour nous souvenir
la naissance du Christ il y a vingt siĂšcles, mais pour vivre cette naissance en
ce vingtiĂšme siĂšcle, en 1978, en notre NoĂ«l dâici au Salvador. Câest pourquoi
il est nĂ©cessaire quâĂ la lumiĂšre de ces lectures bibliques, nous prolongions
toute lâHistoire de la pensĂ©e Ă©ternelle de Dieu jusquâaux faits concrets de nos
sĂ©questrĂ©s, de nos torturĂ©s, de notre propre histoire. Câest ici que nous
devons rencontrer notre Dieu. 24/12/78, p.56, VI.
1) Le Secret des siĂšcles Ă©ternels
MystÚre caché depuis des siÚcles
Ă©ternels qui se rĂ©vĂšle en Christ et dans lâĂvangile que je vous annonce; que ce
Christ, comme lâavait annoncĂ© lâange Ă Marie, est lâĆuvre de la puissance du
TrĂšs-Haut. Il sâappellera Fils de Dieu, Il sera grand, Il possĂ©dera un trĂŽne
qui sera sans fin, un roi immortel pour les siĂšcles et les siĂšcles, Sauveur des
espĂ©rances de lâhumanitĂ©.
Un des chantres les plus Ă©loquents de
ce mouvement : Saint Bernard, imagine la Vierge silencieuse, réfléchissant
si elle doit répondre oui ou non. Et il lui dit : « Parle, Marie, dis
oui. De ta rĂ©ponse dĂ©pend le sort de toute lâHistoire. De ton consentement que
Dieu te demande, dépend notre espérance. »
Mais Marie, la Vierge prudente, sent
que la foi lâillumine. Ce que saint Paul nous a dit en ce dimanche (Rm 16,25-27) :
que câest un mystĂšre que Dieu veut sauver le monde en JĂ©sus-Christ. Que cette
Histoire du Salut, qui va commencer dans ces entrailles, possĂšde comme ferment
le Fils de Dieu. Une origine divine et une grandeur que lâĂvangile porte en
elle-mĂȘme, annonçant le Salut qui de Dieu seul peut venir. Saint Paul dĂ©crit
aujourdâhui ce Dieu de lâHistoire du Salut : Celui qui peut nous
fortifier, ce Dieu, lâunique sage, Ă Lui la gloire pour les siĂšcles des
siĂšcles. De Lui dĂ©pend tout, toute lâinitiative est lĂ dans la pensĂ©e secrĂšte
de Dieu. Si Dieu ne nous avait pas révélé en Jésus-Christ son amour infini, Il
nous aimerait, mais nous ne le connaßtrions pas. Il fut nécessaire pour cela
quâIl passe par une femme qui incarnait cette pensĂ©e et cet amour : Marie.
24/12/78, p.56-57, VI.
2) Les Préparations divines dans
lâAncien Testament
Marie est présente dans la pensée de Dieu lorsque débute la création. Dieu
veut sauver dans lâhistoire. Si ce secret des siĂšcles Ă©ternels commence Ă se
rĂ©aliser, Dieu veut quâil se rĂ©alise dans lâhistoire.
A) La prophétie de Nathan est
le premier maillon des prophéties sur Marie⊠le Fils de David.
David qui est lâobjet de la premiĂšre lecture (2 Samuel 7,1-5,
8b-11, 16), oĂč Dieu au moyen du prophĂšte Nathan lui dit que de sa descendance
naitra un roi dont le rĂšgne ne connaitra pas de fin. Câest le premier maillon
des prophĂ©ties disant que le Christ sera Ă©galement messie et roi. Lorsquâil
passe devant les lépreux, devant les aveugles, devant les nécessiteux, nous,
les malheureux de lâHistoire, lui crions : « JĂ©sus, fils de David,
ait pitié de moi. »
B) Concept de la Bible Ă propos
de « lâhistoire du Salut »
Il nous en coûte de comprendre comment Dieu veut nous sauver
dans lâhistoire et comment les temps sont des Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires au Salut. En
ce moment, il mâarrive de penser que Dieu est comme ce peintre qui se prĂ©pare Ă
crĂ©er un tableau et qui se demande : « Mais oĂč vais-je le
faire? » Il commence par Ă©tendre sa toile sur un cadre. Câest ce que fit
Dieu en créant une toile blanche⊠Les temps qui commencent à courir. Les temps,
parce que câest dans le temps quâIl va peindre le prĂ©cieux tableau du Salut.
C) Le concept du temps dans la Bible et le concept du temps en
occident.
Le concept israélite qui se reflÚte dans la Bible est trÚs
distinct du concept occidental que nous avons du temps. Nous mesurons le temps
et pour cela nous avons une montre, un calendrier, parce que pour nous le temps
est quelque chose de mathématique, comme quoi les événements se mesurent en
temps. Par contre, pour IsraĂ«l, le temps est lâexpĂ©rience, le temps est le
vĂ©cu, et câest lĂ que se situe la Bible : « Temps pour pleurer, temps
pour rire. » Et les astres apparaissent pour séparer les nuits et les
jours oĂč les hommes et les femmes travaillent. Le temps dans la conception
biblique est une toile blanche oĂč Dieu Ă©crit lâhistoire avec les hommes. Et
cette histoire sera belle si elle est peinte selon le projet Ă©ternel.
Le secret des siÚcles éternels se réalise
sur cette toile de lâhistoire en collaboration avec lâhumanitĂ© : nous
avons lâhistoire du Salut. Si par contre, cette toile blanche que Dieu a tendue
pour que Lui et ses fils peignent lâhistoire ensemble, nous la maltraitons,
nous la peignons selon nos caprices et non pas selon les secrets Ă©ternels de
Dieu, mais selon la passion des hommes : la politique de lâhomme,
lâĂ©goĂŻsme de lâhomme, lâabus de lâhomme⊠Alors, quâest-ce qui arrive?
Lâhistoire que nous avons actuellement. Câest comme si nous avions laissĂ© entre
les mains dâun enfant malcommode un tableau dâun grand maitre et quâavec des
pinceaux il la
barbouillait. Nous retrouverions cette toile toute tùchée,
toute barbouillĂ©e. Câest ce que nous sommes pour Dieu des enfants mal Ă©levĂ©s
qui ont ruinĂ© ses projets Ă©ternels. Mais ici, nous avons, grĂące Ă Dieu, quelquâun
qui a réalisé le projet de Dieu à la perfection : celle qui dans
lâĂvangile dâaujourdâhui dit : « Je suis la servante du Seigneur, que
ta volontĂ© soit faite. » Cela nâest pas de lâaliĂ©nation. LâaliĂ©nation
câest celui qui dit comme Satan : « Je ne te servirai pas, je vais
agir Ă ma guise. » Celui-ci sâenfonce dans les tĂ©nĂšbres de son nĂ©ant.
LâĂȘtre humain lorsquâil pĂȘche, dit le Concile : « En rompant le fil
qui lâunit Ă son CrĂ©ateur, il sâĂ©vanouit. » Ou encore, comme dit le Christ :
« Quand une branche est coupĂ©e de lâarbre, elle ne peut que se
dessécher. » Tout pécheur est une branche coupée. Par contre, Marie dit au
Seigneur, comme la branche unie au tronc : « Je ne veux pas me
séparer de toi, je veux porter du fruit. Celui que tu me donnes, celui de ta
sĂšve, celui de ta pensĂ©e. Que ta parole sâaccomplisse. » Câest cela,
lâhistoire du Salut.
La Providence divine se révÚle dans le temps
Selon la révélation biblique, le premier chapitre du Salut des
hommes, la premiÚre réalisation de ce salut que Dieu veut réaliser avec
lâhumanitĂ©, le premier chapitre de lâhistoire des relations de Dieu avec les
hommes, câest la
création. La création est le commencement du temps. Nous
devons tenir compte de cela : la crĂ©ation, lâordre naturel, ce que Dieu a
crĂ©Ă©, lâintelligence quâil a donnĂ©e aux humains, les richesses de lâor de la
terre, les produits quâIl a faits, câest Lui qui les a faits. Parce que câest
ainsi que dĂ©buta lâhistoire du Salut, le premier chapitre câest la crĂ©ation.
« Que la lumiÚre soit, que les mers soient, que les minéraux soient, que
les animaux soient, que tout soit crĂ©Ă©. » Et Dieu dit Ă lâĂȘtre
humain : « Ce que Jâai crĂ©Ă© pour toi, personne ne peut le possĂ©der
avec un droit absolu, tout a été créé pour le bonheur de la famille humaine que
Jâai crĂ©Ă©e en ce monde. »
Câest ici que le Concile Vatican II, recueillant dans une brĂšve
synthÚse cette histoire de Dieu, que le document sur la Révélation divine (Dei Verbum), débute en disant :
« Voulant ouvrir les chemins du Salut Ă©ternel, Il sâest en outre manifestĂ©
dĂšs lâorigine Ă nos premiers parents. » La crĂ©ation est dĂ©jĂ commencĂ©e et
maintenant commence lâordre du Salut Ă©ternel. Et ces premiers pĂšres
commencÚrent par désobéir à Dieu. « AprÚs leur chute, Il leur promit une
rĂ©demption, leur rendit courage en leur faisant espĂ©rer le Salut; sans arrĂȘt,
Il montra sa sollicitude pour le genre humain afin de donner la vie Ă©ternelle Ă
tous ceux qui, leur constance dans le bien, cherchent le Salut. » Ici, la
littĂ©rature du Nouveau Testament fait rĂ©fĂ©rence aux siĂšcles antĂ©rieurs Ă
Abraham, depuis Adam, depuis la crĂ©ation, lorsque que le monde commença Ă ĂȘtre
peuplĂ© dâhumains et quâils possĂ©dĂšrent la terre, le temps de lâignorance comme
le temps de lâenfance, comme le temps oĂč le pĂšre et la mĂšre commencent Ă voir que
leur enfant fait ses premiers pas, quâil commence Ă demander, sans avoir encore
lâusage de la raison, le temps de lâignorance. « Ă lâĂ©poque quâil avait
marquée, dit le Concile, Il appela Abraham pour faire de lui un grand
peuple. » Câest ici que dĂ©bute lâhistoire dâun salut qui va se rĂ©aliser
dans un peuple, comme modĂšle pour tous les peuples, la sphĂšre qui ne se trouve
quâen Dieu qui a crĂ©Ă© le Salut que nous espĂ©rons tous. « AprĂšs les
Patriarches, câest par MoĂŻse et les ProphĂštes quâIl fit lâĂ©ducation de ce
peuple, pour quâon le reconnĂ»t, Lui, comme le seul Dieu vivant et vrai, comme
le PĂšre prĂ©voyant et le juge juste, et pour quâon attendĂźt le Sauveur
promis⊠»
Puis, Dieu chargea MoĂŻse de faire sortir le peuple juif de la
servitude dâĂgypte et de les conduire au dĂ©sert vers une terre promise. Ici
Dieu rĂ©alise sous une forme historique, le Salut quâil veut rĂ©aliser pour tous
les peuples : les faire sortir de lâesclavage. Dieu a besoin de prophĂštes
qui annoncent au peuple sa dignitĂ© : « Vous nâavez pas Ă ĂȘtre
esclaves de personne, vous devez chercher la liberté que Dieu vous
offre. » LâExode est un livre prĂ©cieux pour tous les peuples pour quâils
apprennent ce quâest la dignitĂ© humaine.
Nous sommes encore sous le rĂšgne de la crĂ©ation : lâĂȘtre
humain. Lâhomme nâest pas nĂ© pour ĂȘtre esclave, pour ĂȘtre opprimĂ© par
quiconque. La libertĂ© est ce qui nous rend Ă©gaux Ă Dieu : « Jâai crĂ©Ă©
lâhomme Ă mon image et Ă ma ressemblance. » Et ce qui distingue Dieu,
câest quâil a mis la libertĂ© au-dessus de toutes les crĂ©atures. Lâhumain aura
une libertĂ© relative parce quâelle consiste Ă obĂ©ir librement Ă son CrĂ©ateur,
mais seulement Ă son CrĂ©ateur : « Tu nâauras pas dâautres dieux en
dehors de Moi. Je suis ton Dieu, tu es mon peuple. » Cette sainte liberté est
celle quâenseignent MoĂŻse et les prophĂštes qui dĂ©noncent dans un langage
terrible tout ce qui ressemble Ă de lâoppression, tout pĂ©chĂ© dâabus, tout ce
qui défigure la dignité humaine. Lisez, frÚres, les beaux livres des prophÚtes
et vous y trouverez que ce que je dis maintenant est une tenue sobre de ce que
nous devrions dire au nom de Dieu qui est jaloux de sa liberté qui se reflÚte
dans lâhumain et la sociĂ©tĂ©. Ă lire les prophĂštes, cela nous donne encore plus
de courage Ă nommer par leur propre nom les assassins, ceux qui soumettent Ă
lâesclavage, ceux qui idolĂątrent, ceux qui Ă©loignent de la figure du vĂ©ritable
Dieu lâimage de Celui-ci sur la Terre qui est lâĂȘtre humain depuis le dĂ©but de
sa conception dans les entrailles dâune femme. « ⊠et câest ainsi, poursuit
le texte du Concile, quâĂ travers les siĂšcles Il prĂ©para le chemin de
lâĂvangile. » Quelle belle expression Ă lire en cette veille de NoĂ«l en
voyant en Marie dans ces derniers jours de grossesse!
Elle est comme la synthÚse des préparations éternelles à travers
les siÚcles. Celui à qui Marie va donner naissance cette nuit est la révélation
de tout cet amour infini de Dieu qui sâest prĂ©parĂ©, dĂ©ployĂ©, manifestĂ©, Ă
travers les siĂšcles, Ă travers le peuple Ă©lu.
Marie, enceinte de JĂ©sus, figure de lâAncien Testament
En se référant à Marie, le Concile parle de cette femme bénie
qui dans le cĆur de Dieu allait prĂ©parer lâĂvangile dans Lumen Gentium au no 55 : « Les livres de lâAncien
Testament dĂ©crivent lâhistoire du Salut, oĂč lentement se prĂ©pare la venue du
Christ dans le monde. » Nâavez-vous pas senti, en lisant les prophĂštes au
cours de ces quatre dimanches, les pas divins de quelquâun qui sâapprochent?
Câest cela, lâAncien Testament, lâaction de Dieu qui prĂ©pare la venue du Christ
au monde.
« Ces documents des premiers Ăąges, selon lâintelligence
quâen a lâĂglise Ă la lumiĂšre de la rĂ©vĂ©lation parfaite qui devait suivre,
mettent peu Ă peu en une lumiĂšre toujours plus claire la figure dâune
femme : la MĂšre du RĂ©dempteur. Câest elle quâon devine dĂ©jĂ prophĂ©tiquement
présentée sous cette lumiÚre dans la promesse, qui est faite à nos premiers
parents tombés dans le péché, de la victoire sur le serpent (cf. Gn
3,15). » DĂšs le commencement de lâhistoire, Marie apparait. Quand Adam et
Ăve honteux sont expulsĂ©s du paradis, dĂ©jĂ la figure dâune femme Ă©crasant la
tĂȘte dâun serpent trompeur nous prĂ©sage Marie qui va apporter la victoire sur
le péché.
« Pareillement, câest elle, la Vierge, qui concevra et
mettra au monde un Fils dont le nom sera Emmanuel (cf. Is 7,14). » Câest
la prophĂ©tie dâIsaĂŻe, quand les armĂ©es dâenvahisseurs de la Terre sainte font
trembler jusquâau roi de JĂ©rusalem. Le prophĂšte annonce que Dieu est avec
IsraĂ«l et, comme signe de cette protection, il dit que viendra un temps oĂč une
vierge, sans perdre la gloire de sa virginitĂ©, concevra et donnera naissance Ă
un fils qui sâappellera Emmanuel qui veut dire : « Dieu avec
nous. » Quâil est magnifique de lire en cette nuit de NoĂ«l, cette
prophĂ©tie de la Vierge enceinte : elle va donner naissance, elle va ĂȘtre
mĂšre, mais elle demeurera vierge. Et cela est le signe, comme nous lâa dit
lâĂvangile dâaujourdâhui, que pour Dieu, rien nâest impossible. Il rendit
possible quâune femme ĂągĂ©e et stĂ©rile comme Ălisabeth conçut et donna naissance
au précurseur Jean Baptiste, Il peut dire à Marie : « Tu continueras
dâĂȘtre vierge, et tu ne perdras pas ta virginitĂ©, par lâĆuvre de lâEsprit de
Dieu tu vas concevoir et donner naissance à Noël et ton corps demeurera dans le
secret de la virginité. » Cela fut également le présage des temps anciens
qui préparaient déjà cette nuit sainte.
« Elle est au premier rang de ces humbles et de ces pauvres
du Seigneur qui attendent le Salut avec confiance. » Toute lâaspiration de
lâAncien Testament, toute la faim de Dieu : « Viens, Seigneur, nous sauver! »
Toute lâangoisse du peuple conduit prisonnier Ă Babylone a besoin dâun Sauveur,
toute lâangoisse des prophĂštes qui demandent Ă Dieu quâIl envoie le Sauveur
quâIl a promis, toutes ces choses palpitent dans le cĆur de la Pauvre de YahvĂ©,
la Vierge.
Nous répétons ici ce que nous avons dit le premier dimanche de
lâavent : que personne ne pourra cĂ©lĂ©brer un NoĂ«l authentique sâil nâest
pas pauvre en vérité. Les autosuffisants, les orgueilleux, ceux qui déprécient
les autres parce quâils possĂšdent tout, ceux qui nâont pas besoin de Dieu, pour
ceux-lĂ il nây aura pas de NoĂ«l. Seuls les pauvres, les affamĂ©s, ceux qui ont
besoin que quelquâun vienne pour eux, auront ce quelquâun, et ce quelquâun
câest Dieu, Emmanuel, Dieu avec nous. Sans un esprit humble, on ne peut
recevoir Dieu. Si Dieu nâavait pas rencontrĂ© ce vide immense chez Marie par son
humilitĂ©, Il ne serait pas venu en ce monde, il nây aurait pas eu quelquâun
pour le recevoir. GrĂące Ă Dieu, et cela, nous le devons Ă la Vierge, Dieu la
choisit pour ĂȘtre sa mĂšre parce quâelle Ă©tait sainte par son humilitĂ©, parce
que personne nâexprima comme elle la pauvretĂ© dâIsraĂ«l, parce que personne
comme Marie nâexprima lâangoisse de tous les peuples. Marie est lâexpression du
besoin des Salvadoriens, Marie est lâexpression de lâangoisse de ceux qui sont
en prison, Marie est la douleur des mĂšres qui ont perdu leurs fils et Ă qui
personne ne dit oĂč ils sont. Marie est la tendresse qui cherche anxieusement
une solution. Marie est dans notre patrie comme dans une rue sans issue, mais
elle espĂšre que Dieu va venir pour nous sauver. Puisse Dieu imitions-nous cette
Pauvre de Yahvé et sentions-nous que sans Dieu nous ne pouvons rien, que Dieu
est lâespĂ©rance de notre peuple, que seul le Christ, le Divin Sauveur, peut
ĂȘtre le Sauveur de notre patrie.
« Et enfin, avec elle, poursuit le Concile, fille sublime
de Sion, aprĂšs la longue attente de la promesse, les temps sâaccomplissent et
une nouvelle Ă©conomie sâinstaure lorsque le Fils de Dieu prend dâelle la nature
humaine pour dĂ©livrer lâhomme du pĂ©chĂ© par les mystĂšres de sa chair. »
3) La Plénitude des temps symbolisée
par Marie enceinte du Christ
LâĂglise est chargĂ©e de prĂ©server et
dâadapter cette vĂ©ritĂ© et cette grĂące.
Le Salut ne se donnera seulement
quâen JĂ©sus-Christ. Câest pourquoi dans le Christ vient tout ce quâIl a confiĂ©
Ă son Ăglise : « Tout pouvoir mâa Ă©tĂ© donnĂ© dans le Ciel et sur la
Terre. Ă vous, mes apĂŽtres que jâai choisis comme mes confidents, Ă ceux Ă qui
jâai enseignĂ© le secret des siĂšcles Ă©ternels, le dessein de Dieu de sauver
toutes les nations, de soumettre tous les peuples à la foi chrétienne, Je vous
envoie : âAllez, prĂȘcher cette Ăvangile! Celui qui croira se sauvera, et
celui qui ne croira pas se condamnera.â » Depuis ce temps, lâĂglise est la
missionnaire du Christ, celle qui porte le trésor du Salut. 24/12/78, p.63, VI.
La responsabilité des hommes est de
conserver et dâadapter cette vĂ©ritĂ© et cette grĂące.
Je sens, ici et maintenant, lâimmense
honneur, quâĂ travers ma pauvre parole, mĂȘme si plusieurs la dĂ©prĂ©cient et se
moquent dâelle, que cette parole devient un vĂ©hicule du Salut. Câest le
véhicule qui porte la Vérité qui sauve, les desseins des secrets éternels,
lâappel Ă la conversion, celui de crĂ©er un RĂšgne de Dieu parmi les humains du
Salvador, de faire de notre archidiocĂšse une Ăglise qui correspond aux desseins
des signes secrets et Ă©ternels du Seigneur, câest mon travail, et celui de tous
mes frÚres dans le sacerdoce, des catéchÚtes, des religieuses et de tous ceux
qui vivent les rĂ©alitĂ©s de cette Ăglise qui ne veut pas ĂȘtre autre chose que le
Christ, plénitude des temps. Plénitudes des temps sont les sacrements que le
Christ a apportés pour transmettre sa vie aux humains, plénitude des temps est
lâespĂ©rance de la rĂ©surrection Ă©ternelle qui se sĂšme dans le cĆur des
chrétiens, plénitude des temps est la profession de foi que vous allez dire
dans quelques instants : « Nous annonçons ta mort, nous proclamons ta
Résurrection, viens, Seigneur Jésus. »
Le Christ est présent depuis le
moment, nous dit saint Paul : « OĂč est venue la plĂ©nitude des temps,
le Verbe de Dieu fut conçu par une femme qui lui révÚle le secret caché depuis
des siĂšcles Ă©ternels. » ConnaĂźtre le Christ, câest connaĂźtre lâunique
vĂ©ritĂ© de lâHistoire. On ne peut peindre avec Dieu lâHistoire vĂ©ritable quâen
sâincorporant au Christ qui est lâimage du Dieu invisible, la rĂ©alisation du
secret Ă©ternel du Seigneur. 24/12/78, p.63-64, VI.
Ainsi, vous comprendrez, mes trĂšs
chers frĂšres, pourquoi dans les homĂ©lies du dimanche, lâarchevĂȘque se soucie
dâincarner le message secret des siĂšcles Ă©ternels dans la rĂ©alitĂ© concrĂšte de
lâHistoire. Vous comprendrez, mĂȘme si vous nâaimez pas cela, que cette lumiĂšre
dâĂ©ternitĂ© illumine les traits mal tracĂ©s de notre histoire et les dĂ©nonce pour
dire : « LâHistoire ne doit pas se passer ainsi! » Et pour dire
par contre Ă ceux qui travaillent au bien commun : « Câest ainsi que
doit se rĂ©aliser notre Histoire. » Câest pourquoi Ă la lumiĂšre de ce Dieu,
qui vient à Noël sous la trÚs douce présence de Marie, signe de la plénitude
des temps, nous analysons notre réalité humaine, ensemble avec Marie, celle qui
vit le mieux la réalité de notre peuple.
Parce que câest cela qui fut son
office : incarner le Christ dans lâHistoire. Et Marie se fait
Salvadorienne et incarne le Christ dans lâhistoire du Salvador, et Marie fait
siens vos noms et le mien pour incarner lâhistoire de sa famille, de ma famille
dans la vie Ă©ternelle de lâĂvangile. Marie sâidentifie avec chacun de nous pour
incarner le Christ dans notre propre vie. Bienheureux si en cela nous faisons
consister la dĂ©votion Ă Marie. Câest pourquoi le Concile avertit les
prĂ©dicateurs quâils se gardent de propager une fausse idĂ©e de la dĂ©votion Ă la
Vierge qui, lamentablement, nous a séparés des protestants parce que certains
catholiques en sont arrivés à faire de la Vierge une idolùtrie, une
« mariolĂątrie », mais la vĂ©ritable doctrine est que Marie nâest pas
une idole. Lâunique Sauveur est JĂ©sus-Christ, mais Marie est lâinstrument
humain, la Fille dâAdam, la Fille dâIsraĂ«l, incarnation dâun peuple, sĆur de
notre race, qui par sa saintetĂ© fut capable dâincarner la Vie divine de Dieu
dans lâHistoire. Alors, le vĂ©ritable hommage quâun chrĂ©tien peut rendre Ă la
Vierge est de faire comme Elle lâeffort dâincarner la Vie de Dieu dans les
vicissitudes de notre histoire transitoire. 24/12/78, p.64, VI.
Restructurer le vécu des sacrements
de lâĂglise, câest la renforcer, depuis le plus profond, pour quâelle soit sel,
ferment et lumiĂšreâŠ
Plusieurs ont rĂ©duit les sacrements Ă
un rite ou Ă une cĂ©rĂ©monie et les ont prostituĂ©s; dâautres ont rĂ©alisĂ© un
labeur de conscientisation Ă partir de la foi et ont fait abstraction de la
cĂ©lĂ©bration, laissant les gens sans moyens de sâexprimer dans la foi pascale,
sans dire leur parole de foi, avec le risque de se méconnaßtre comme chrétiens
et de perdre leur identitĂ©. Dans le numĂ©ro dâOrientaciĂłn, on publie une partie de cette instruction et je
souscris à ce qui y est écrit : que non seulement la réflexion biblique,
ni seulement les sacrements, mais les deux choses unies. RĂ©flexion biblique qui
nous permet de découvrir le sens des sacrements et sacrements qui célÚbrent et
vivent la foi que nous professons dans la Bible. Une Bible
sans sacrement, ce serait du protestantisme; des sacrements sans la Bible, ce
que plusieurs dâentre nous ont eu : des rites qui ont perdu tout sens.
Grùce à Dieu, dans ces communautés que je vais nommer, on est en train de
récupérer cette précieuse conjugaison de la Parole de Dieu et de la vie
sacramentelle. 24/12/78, p.66, VI.