L’Église, un service de Libération personnelle, communautaire et transcendant

 

Cinquième dimanche du carĂŞme; 23 mars 1980; Lectures : IsaĂŻe 43,16-21; Philippiens 3,8-14; Jean 8,1-11)

 

Introduction :

 

A) Salutation à la Mission œcuménique

 

B) Contexte Liturgique : le carĂŞme, la PrĂ©paration de Pâques

 

C’est pour rendre grâce Ă  Dieu qu’un message qui n’est qu’un modeste reflet de la Parole divine, rencontre de merveilleux canaux pour s’étendre et parvenir Ă  l’humanitĂ© et lui dire que dans le contexte du carĂŞme tout ceci est une prĂ©paration pour notre Pâques qui est en soi un cri de victoire; que personne ne peut nier cette vie du Christ ressuscitĂ©; que ni la mort, ni tous les signes de mort et de haine contre Lui et son Église, ne pourront vaincre : Il est victorieux! […]

 

Le carême est un appel à célébrer notre Rédemption dans cet ensemble difficile de croix et de victoires. Notre peuple en est parfaitement capable. Tout ce contexte nous parle de la croix, mais ceux qui ont la foi et l’espérance chrétienne savent que derrière ce calvaire, que vit actuellement le Salvador, se trouve notre Pâques, notre Résurrection et c’est cela, l’espérance du peuple chrétien.

 

C) Message du carĂŞme de la Parole de Dieu

 

Ce message nous révèle le Projet de Dieu pour libérer pleinement les hommes.

 

J’ai tenté au cours de ces dimanches du carême de dévoiler dans la Parole de Dieu que nous lisons à la messe, le projet de Dieu pour sauver les peuples et les êtres humains, parce qu’aujourd’hui, lorsque surgissent divers projets historiques pour notre peuple, nous pouvons vous assurer que sera victorieux celui qui reflète le mieux le Projet de Dieu. Et C’est cela, la mission de l’Église. C’est pourquoi, à la lumière de la Parole divine qui nous révèle le Projet de Dieu pour le bonheur des peuples, nous avons le devoir de faire également références aux réalités, d’évaluer comment se reflète ou comment est nié le Projet de Dieu parmi nous. Que personne ne s’offense qu’à la lumière de la Parole de Dieu que nous lisons dans nos messes, nous éclairions les réalités sociales, politiques et économiques, parce que si ne le faisions pas, cela ne serait pas du christianisme. C’est ainsi que le Christ a voulu s’incarner pour être la lumière qu’Il apporte du Père, pour devenir la vie des hommes, des femmes et des peuples.

 

Je sais qu’il existe de nombreuses personnes qui se scandalisent de ces paroles et qui m’accusent d’avoir délaissé la prédication de l’Évangile pour me mêler de politique, mais je n’accepte pas cette accusation. Je fais plutôt un effort pour que tout ce qu’ont voulu mettre de l’avant le Concile Vatican II et les réunions de Medellín et de Puebla, ne demeure pas lettre morte dans les pages des livres, mais que nous les étudions théoriquement, que nous les vivions et que nous les traduisions dans cette réalité conflictuelle où nous devons prêcher l’Évangile, comme il se doit de l’être, pour notre peuple. C’est pourquoi je demande au Seigneur, pendant toute la semaine, alors que je recueille la clameur du peuple et la douleur de tant de crimes, l’ignominie de tant de violence, qu’Il me donne la parole opportune pour consoler, pour dénoncer, pour appeler au repentir; et même si je continue d’être une voix qui prêche dans le désert, je sais que l’Église fait l’effort d’accomplir sa mission…

 

Au cours des dimanches de ce carĂŞme nous avons vu ce projet de Dieu qui pourrait ĂŞtre rĂ©sumĂ© ainsi : Le Christ est le chemin. C’est pourquoi Il nous est prĂ©sentĂ© en train de jeĂ»ner et de vaincre les tentations au dĂ©sert. Le Christ est le but de la vie, son impulsion. C’est pourquoi Il nous est prĂ©sentĂ© transfigurĂ©, comme pour appeler vers ce but, tous ceux qui y sont appelĂ©s.

 

La collaboration humaine : la conversion

 

Au cours des 3e, 4e et 5e dimanches, nous avons parlĂ© de la conversion que Dieu nous demande pour ĂŞtre sauvĂ©s : la conversion et la rĂ©conciliation avec Lui. Par ces exemples très prĂ©cieux du figuier stĂ©rile, l’enfant prodigue ou ce matin encore, avec la femme adultère qui se repentit et qui fut pardonnĂ©e, c’est l’appel que Dieu nous fait et Il nous dit qu’Il nous accueillera comme le père : l’enfant prodigue; comme le Sauveur : la femme adultère. Il n’y a pas de pĂ©chĂ© qui ne puisse ĂŞtre pardonnĂ©; il n’y a pas d’inimitiĂ© qui ne puisse ĂŞtre rĂ©conciliĂ©e lorsqu’une conversion et un retour sincère au Seigneur se produit.

 

Le carême nous révèle la réalisation du Projet de Dieu dans l’Histoire.

 

Les lectures du carême nous rapportent comment ce Dieu applique son projet dans l’Histoire pour faire, de l’histoire des peuples, son Histoire du Salut. Et dans la mesure où ces peuples reflètent ce projet de Dieu - de nous sauver dans le Christ au moyen de la conversion - les peuples se sauvent et sont heureux. C’est pourquoi dans la première lecture de tous les carêmes, nous retrouvons l’histoire d’Israël, le peuple paradigme, le peuple exemplaire jusque dans ses infidélités et dans ses péchés pour qu’en lui nous apprenions également comment Dieu punit les infidélités et les péchés. Israël est aussi un modèle en ce qui concerne la promesse du Salut de Dieu. Depuis Abraham, nous avons parcouru avec Moïse la traversée du désert, avec Josué nous avons célébré la première Pâque en Terre promise.

 

Aujourd’hui, je vous invite Ă  un second exode : le Retour de Babylone.

 

C’est une histoire que chaque peuple doit imiter, non pas parce que chaque peuple est identique à Israël, mais nous trouvons là quelque chose qui existe dans chacun d’eux, le groupe de ceux qui suivent le Christ, le groupe du Peuple de Dieu qui n’est pas le peuple naturel mais le groupe de fidèles. Cela me ramène à l’exemple de ce matin, de ces disciples du Christ aux États-Unis qui viennent ici pour partager avec les disciples du Christ au Salvador. Là-bas, dans leur grande nation du nord, ils sont la voix de l’Évangile contre les injustices de cette société… Ils viennent nous apporter leur solidarité pour que nous, Peuple de Dieu ici au Salvador, nous sachions aussi dénoncer avec courage les injustices de notre propre société…

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) La dignité de la personne humaine est la première chose que nous devons libérer

2) Dieu veut sauver tout le peuple

3) La Transcendance donne à la Libération sa dimension véritable et définitive

 

1) La dignité de la personne humaine est la première chose que nous devons libérer

 

A) La figure de l’adultère face au Christ (Jn 8,1-11)

 

Nous rencontrons dans l’Évangile d’aujourd’hui cette belle image de JĂ©sus qui sauve la dignitĂ© humaine, de ce JĂ©sus qui n’a pas de pĂ©chĂ©, face Ă  face avec la femme adultère, humiliĂ©e parce qu’elle a Ă©tĂ© surprise en train de commettre l’adultère. Le peuple rĂ©clame pour elle une sentence de lapidation. Et ce JĂ©sus, après avoir lancĂ© au visage, sans dire un mot, le pĂ©chĂ© de ses propres juges, demande Ă  cette femme (Jn 8,10-11) : « Personne ne t’a condamnĂ©e? Â» Elle dit : « Personne Seigneur. Â» Alors JĂ©sus dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, dĂ©sormais ne pèche plus. Â»

 

Force et tendresse. La dignitĂ© humaine avant tout. Il s’agissait lĂ  d’un problème lĂ©gal Ă  l’époque de JĂ©sus. Dans le DeutĂ©ronome il est Ă©crit que toute femme surprise en train de commettre l’adultère devait mourir et lorsqu’il demeurait un espace de discussion cela se rapportait Ă  la mĂ©thode de mise Ă  mort. Les pharisiens et les scribes discutaient ainsi : « Par lapidation, par strangulation? » C’est Ă  cela que se rĂ©fère la question qui est adressĂ©e au Christ (Jn 8,4-5) : « MaĂ®tre, cette femme a Ă©tĂ© surprise en flagrant dĂ©lit d’adultère. Or, dans la Loi, MoĂŻse nous a prescrit de lapider ces femmes-lĂ . Toi donc, que dis-tu? Â» Selon la discussion actuelle comment devons-nous la tuer? Ces dĂ©tails lĂ©galistes importent peu Ă  JĂ©sus. Dans une attitude supĂ©rieure Ă  ceux qui voulaient la mettre Ă  mort, JĂ©sus se met Ă  dessiner par terre avec un bâton. Ils insistaient et JĂ©sus leur donne alors la grande rĂ©ponse de sa sagesse (Jn 8,7) : « Que celui d’entre vous qui est sans pĂ©chĂ© lui jette le premier une pierre! Â»

 

Il a touché la conscience

 

C’étaient les témoins, selon la loi ancienne, qui devaient être les premiers à lancer des pierres. Mais les témoins, en regardant leur conscience, sentirent qu’ils étaient les témoins de leurs propres péchés. Et la dignité de la femme est sauvée. Dieu ne sauve pas le péché mais la dignité d’une femme submergée par le péché. Il nous aime, Il est venu précisément pour cela, pour sauver les pécheurs et nous en avons ici l’exemple. La convertir c’est bien mieux que de la lapider; lui pardonner et la sauver, c’est beaucoup mieux que de la condamner. La loi doit être un service à la dignité humaine et non aux faux légalismes avec lesquels on piétine trop souvent l’honneur des personnes.

 

L’Évangile nous dit avec un rĂ©alisme effrayant (Jn 8,9) : « Mais eux, entendant cela, s’en allèrent un Ă  un, Ă  commencer par les plus vieux. Â» Notre vie est remplie d’offenses Ă  Dieu et les annĂ©es qui devraient nous servir pour croĂ®tre dans notre engagement envers l’humanitĂ©, envers la dignitĂ© humaine et envers Dieu, ne servent qu’à grandir dans notre hypocrisie en camouflant nos propres pĂ©chĂ©s qui augmentent avec l’âge.

 

Le péché personnel est à la base du grand péché social

 

Il faut tenir compte de cela parce qu’aujourd’hui il est très facile, comme les témoins de l’adultère, de dénoncer et de demander justice pour les maux de la société; mais combien se regardent eux-mêmes dans leur propre conscience! Il est facile de dénoncer l’injustice structurelle, la violence institutionnalisée et le péché social! Et tout cela existe, c’est bien vrai. Mais où est la source de ce péché social? Dans le cœur de chacun. La société actuelle est comme une espèce de société anonyme où personne ne veut porter la faute mais où tous sont responsables. Nous sommes tous responsables de ce commerce, mais il est anonyme. Nous sommes tous pécheurs et nous avons tous mis notre grain de sable dans ce moule de crimes et de violence dans notre patrie.

 

C’est pourquoi le Salut commence Ă  l’intĂ©rieur de la personne humaine, de la dignitĂ© humaine, du dĂ©racinement du pĂ©chĂ© en chacun de nous. Et le carĂŞme, est cet appel de Dieu : « Convertissez-vous individuellement! » Il ne se trouve pas ici parmi nous deux pĂ©cheurs semblables. Chacun a commis ses propres bĂŞtises et nous voulons jeter la faute sur l’autre, en cachant les nĂ´tres. Il est nĂ©cessaire de se dĂ©masquer; je suis aussi un de ceux-lĂ  et je dois demander pardon Ă  Dieu; j’ai offensĂ© Dieu et la sociĂ©tĂ©.

 

Cet appel du Christ : la personne d’abord!

 

Quelle attitude magnifique de cette femme se sentant pardonnĂ©e et comprise (Jn 8, 11) : « Personne, Seigneur. Â» Alors JĂ©sus dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, dĂ©sormais ne pèche plus. Â» Prenons garde, mes frères. Si Dieu nous a pardonnĂ© tant de fois, sachons profiter de cette amitiĂ© du Seigneur que nous avons rĂ©cupĂ©rĂ©e et vivons-la comme une grâce.

 

La promotion de la femme

 

Nous avons ici, dans ce chapitre, un apport du christianisme à la promotion de la femme! Si la femme a atteint une place semblable à l’homme, une grande part en revient à cet Évangile de Jésus-Christ. Au temps du Christ, on s’étonnait qu’Il puisse parler à une Samaritaine parce que la femme était considérée comme quelque chose d’impure; l’homme ne pouvait converser avec elle. Mais Jésus sait que nous sommes tous égaux. Il n’y a plus ni Juifs ni Grecs, ni homme ni femme, nous sommes tous des enfants de Dieu. La femme devrait être doublement reconnaissante envers le christianisme parce que le Christ, avec son message, est Celui qui a fait la promotion de la grandeur de la femme. De quelles grandeurs sont capables ces dons féminins qui sont souvent réprimés par le machisme des hommes qui ne les stimulent pas ni ne les apprécient. 23/03/80, p.361-362, VIII.

 

B) Les accusateurs

 

Les témoins ont également compris que la Rédemption commence par la dignité humaine et qu’avant de vouloir être des juges qui administrent la justice, ils doivent être des hommes honorables. Ils doivent pouvoir prononcer leurs sentences avec une conscience claire, parce qu’ils devraient être les premiers à se l’appliquer eux-mêmes s’ils commettaient ce crime.

 

L’attitude de Jésus

 

Il faut remarquer dans cet Évangile ce que nous devons retenir : une dĂ©licatesse pour la personne humaine. Aussi pĂ©cheresse soit-elle, Il la distingue comme enfant de Dieu, comme une image du Seigneur. Il ne condamne pas sinon qu’Il pardonne. Il ne consent pas non plus au pĂ©chĂ©; Il est fort pour rejeter le pĂ©chĂ©. Mais Il condamne le pĂ©chĂ© en sauvant le pĂ©cheur.

 

Il ne subordonne pas l’être humain Ă  la loi. Et cela est bien important Ă  notre Ă©poque. Il a dit : « L’homme n’a pas Ă©tĂ© fait pour le sabbat mais le sabbat pour l’homme. Â» Nous ne voulons pas, pour sauver la constitution du pays, alors qu’elle a Ă©tĂ© piĂ©tinĂ©e de tant de façons, nous en servir comme d’un prĂ©texte pour dĂ©fendre nos Ă©goĂŻsmes personnels. La loi pour la personne humaine, non pas la personne pour la loi. JĂ©sus est source de paix quand Il rend Ă  une personne sa dignitĂ©, sa vĂ©ritable prĂ©misse. L’être humain sent qu’il peut compter sur JĂ©sus, qu’il ne peut compter sur le pĂ©chĂ© et qu’il doit se repentir et revenir au Christ avec sincĂ©ritĂ©. C’est la joie la plus profonde de l’être humain. 23/03/80, p.362-363, VIII.

 

C) Saint Paul… un autre converti, libéré du péché et de l’ignorance

 

Dans la seconde lecture d’aujourd’hui (Ph 3,8-14) nous retrouvons Ă©galement l’exemple d’un autre pĂ©cheur qui demeura longtemps dans l’erreur mais qui, lorsqu’il connut le Christ, fut sauvĂ© et mit toutes ses forces vitales au service de ce Christ. (Ph 3,8) : « Ă€ cause de lui j’ai acceptĂ© de tout perdre, je considère tout comme dĂ©chets, Â» nous a dit l’épĂ®tre d’aujourd’hui. Alors que nous idolâtrons les biens de ce monde, quand nous avons connu le vĂ©ritable Dieu, le vrai Seigneur, toutes les idĂ©ologies de la Terre, toutes les stratĂ©gies, toutes les idoles du pouvoir, de l’argent, des biens matĂ©riels, apparaissent semblables Ă  des ordures. Saint Paul dit lui-mĂŞme qu’à cĂ´tĂ© du Christ tout lui apparaĂ®t semblable Ă  des dĂ©chets.

 

La doctrine sur l’homme dans Puebla

 

Pour ne pas trop vous fatiguer, je ne vous lirai pas tout le riche contenu du document de Puebla en ce qui se rĂ©fère Ă  une de ses bases thĂ©ologiques. Il s’agit des trois orientations thĂ©ologiques de Puebla : La vĂ©ritĂ© sur le Christ, la vĂ©ritĂ© sur l’Église et la vĂ©ritĂ© sur l’homme

 

Et quand nous parlons de l’être humain, en tant qu’évĂŞques du continent, nous avons signĂ© un engagement Ă  Puebla : la personne doit ĂŞtre au centre de toutes organisations humaines pour la promotion de l’homme et la femme.

 

Nous, les Ă©vĂŞques d’AmĂ©rique latine : « Professons que tout homme et que toute femme, pour aussi insignifiant qu’il semble, possède Ă  l’intĂ©rieur de lui-mĂŞme une noblesse inviolable qu’eux-mĂŞmes et les autres doivent respecter inconditionnellement, Ă  savoir : que toute vie humaine mĂ©rite en soi, dans n’importe quelles circonstances, sa dignitĂ©; que toute convivialitĂ© doit ĂŞtre fondĂ©e sur le bien commun qui consiste en la rĂ©alisation toujours plus fraternelle de la commune dignitĂ© humaine, laquelle exige de ne pas se servir des uns comme de simples instruments au service des autres, en demeurant mĂŞme disposĂ© Ă  faire le sacrifice des biens privĂ©s… Â» (317)

 

Nous dénonçons les fausses visions de la personne humaine qui prévalent sur la Terre, les intérêts humains de ceux qui font de l’être humain un instrument d’exploitation, les idéologies marxistes qui font de l’homme rien de plus qu’une pièce de l’engrenage, ou celles de la Sécurité nationale qui transforment l’homme et la femme en serviteurs de l’État, comme si ce dernier était le seigneur, et l’humain, l’esclave; alors qu’au contraire, l’État pour l’homme et non pas l’homme pour l’État.

 

C’est cela, la base de notre sociologie, celle que nous avons apprise du Christ dans son Évangile. C’est l’homme avant tout qu’il nous faut sauver et le péché individuel est la première chose que nous devons extirper. Nos comptes avec Dieu, nos relations personnelles avec Lui, sont les bases de tout le reste. Ce sont de faux libérateurs ceux qui ont l’âme esclave du péché et qui crient vers les autres; c’est pourquoi ils sont si souvent cruels; c’est parce qu’ils ne savent pas aimer ni respecter la personne humaine… 23/03/80, p.363-364, VIII.

 

2) Dieu veut sauver tout le peuple

 

A) Personnalité collective

 

Mais la seconde pensée passe de l’individu vers le communautaire. Dans les lectures d’aujourd’hui nous voyons que Dieu veut sauver les hommes en tant que peuple. C’est tout le peuple que Dieu veut sauver.

 

Dieu avec un Peuple

 

La première lecture d’aujourd’hui (Is 43,16-21) - les fameuses hymnes d’IsaĂŻe - nous prĂ©sente un Dieu qui parle avec un peuple; c’est le dialogue de Dieu avec une personnalitĂ© collective, - c’est ainsi que les appellent les Écritures - « personnalitĂ© collective Â» comme s’il s’agissait d’une personne. Dieu parle avec un peuple et Dieu en fait son Peuple parce que c’est Ă  lui qu’Il va confier ses promesses, ses rĂ©vĂ©lations qui vont servir aussi pour les autres peuples.

 

Différences entre Peuple de Dieu et peuple naturel

 

Remarquez bien que dans l’histoire de la Bible, dans l’Ancien Testament, il y a des choses qui font rĂ©fĂ©rence uniquement Ă  ce secteur « Peuple de Dieu Â» et il y a d’autres points qui se rĂ©fèrent au peuple commun, au peuple naturel. Combien de fois les prophètes ont-ils reprochĂ© Ă  IsraĂ«l de se glorifier d’être les fils d’Abraham plutĂ´t que d’obĂ©ir Ă  Dieu et de croire en Lui. Les croyants, qui Ă©taient ce nombre rĂ©duit de gens, Ă©taient le vĂ©ritable Peuple de Dieu. Tout le reste Ă©tait prĂ©varicateur, (infidèles au sens premier de la loi divine) tout comme l’étaient les peuples qu’on appelait gentils. Mais ce noyau Ă©tait le vĂ©ritable Peuple de Dieu, la personnalitĂ© collective Ă  qui Dieu s’adressait, et Ă  travers le Christ, Ă  tous les chrĂ©tiens. Il ne s’agit dĂ©jĂ  plus d’un petit groupe au sein du peuple d’IsraĂ«l mais qu’il existera toujours un groupe en chaque nation.

 

C’est l’exemple que nous avons ici devant nous ce matin. Cette délégation des États-Unis exprime que là aussi, il existe des chrétiens qui ne sont pas tous les Américains; de même au Salvador, nous avons ce groupe de l’Église qui n’est pas toute la population du pays. De sorte que, comme pasteur, je m’adresse au Peuple de Dieu; je ne prétends pas être le maître de tout le Salvador mais je suis le pauvre serviteur d’un noyau qui se nomme l’Église, dans un archidiocèse; le serviteur de ceux qui veulent servir le Christ et qui reconnaissent dans l’évêque, le maître qui leur parle au nom du Christ. J’attends d’eux le respect et l’obéissance; je me sens uni à eux et cela ne m’étonne pas que ceux qui ne sont pas l’Église, même s’ils en sont membres, me critiquent et médisent contre moi.

 

Ceux-lĂ  ne sont dĂ©jĂ  plus membres du Peuple de Dieu s’ils ne s’unissent pas solidairement aux enseignements exigeants de l’Évangile, aux applications concrètes de notre pastorale, mĂŞme s’ils sont baptisĂ©s, mĂŞme s’ils viennent Ă  la messe. Alors, frères, sachons bien distinguer pour ne pas prĂ©juger de ce nom si sacrĂ© : le peuple. Nous nommons Peuple de Dieu ce noyau de Salvadoriens qui croient dans le Christ et qui veulent Le suivre fidèlement et s’alimenter de sa vie, de ses sacrements, autour de ses pasteurs. 23/03/80, p.364-365, VIII.

 

B) HistoricitĂ© du Salut : Dieu sauve dans l’Histoire

 

Ce Peuple de Dieu qui se succède dans l’Histoire.

 

Avez-vous remarquĂ© comment la première lecture dit cela (Is 43,18-19) : « Ne vous souvenez plus des Ă©vĂ©nements anciens, ne pensez plus aux choses passĂ©es. Voici que je vais faire une chose nouvelle, dĂ©jĂ  elle pointe, ne la reconnaissez-vous pas? Â» Dieu est Celui qui rend les choses nouvelles, c’est le Dieu qui marche avec l’Histoire.

 

Le Nouvel Exode : vers JĂ©rusalem

 

Maintenant, l’exode proviendra d’un autre lieu : de Babylone, de l’exil. Le dĂ©sert qu’ils vont traverser fleurira comme un jardin, l’eau jaillira comme pour symboliser le passage du pardon de Dieu, du peuple rĂ©conciliĂ© avec Dieu. Il ne s’agit plus de l’esclavage en Égypte sinon de l’Exil Ă  Babylone; c’est ainsi que l’Histoire se succède.

 

Chaque pays vit son propre Exode

 

Aujourd’hui Ă©galement, le Salvador vit son propre Exode. Nous passons actuellement par la libĂ©ration du dĂ©sert, oĂą les cadavres jonchent le sol, oĂą la douleur angoissante nous dĂ©vaste et plusieurs subissent la tentation de ceux qui marchaient avec MoĂŻse et qui voulurent rebrousser chemin. C’est l’Histoire de toujours. Dieu veut sauver le peuple en renouvelant l’Histoire. L’Histoire ne se rĂ©pète pas mĂŞme si on le dit. Certaines choses se rĂ©pètent et cela peut sembler une rĂ©pĂ©tition. Ce qui ne se rĂ©pète pas ce sont les circonstances, les conjonctures dont nous sommes tĂ©moins au Salvador. Comme notre histoire est dense, comme elle change de jour en jour! Quelqu’un quitte le pays et revient la semaine suivante et il semble que l’histoire a changĂ© profondĂ©ment. Ne nous Ă©tablissons pas dans un rĂ´le oĂą nous jurions de l’histoire une fois pour toute. Mais une chose si : que demeure fermement ancrĂ© dans notre âme, la foi en JĂ©sus-Christ, le Dieu de l’histoire qui ne change pas. Il possède le pouvoir de changer l’histoire, de se jouer d’elle : « Je fais des choses nouvelles. Â»

 

Alors, la grâce du chrétien c’est de ne pas s’établir dans des traditions qui ne peuvent être maintenues, mais d’appliquer cette tradition éternelle qu’est la foi en Jésus-Christ aux réalités présentes. Nous devons demander au Seigneur la grâce d’adopter les changements à l’intérieur de l’Église sans trahir notre foi, en demeurant compréhensifs vis-à-vis l’heure actuelle. Dieu fait les choses nouvelles et c’est pourquoi Il corrigeait les Israélites parce qu’ils se réjouissaient du premier exode et ne croyaient pas que Dieu puisse réaliser ses merveilles dans un second exode. Ses merveilles seront encore bien plus grandes au cours de l’ère chrétienne.

L’Histoire ne périra point parce que Dieu la porte. C’est pourquoi je dis que, dans la mesure où les projets historiques s’efforcent de refléter le projet éternel de Dieu, s’ils ne s’installent pas dans aucun système social, dans aucune organisation politique, dans aucun parti, ils seront un reflet du Règne de Dieu dans l’Histoire. L’Église ne se laisse pas séduire par aucune de ces forces parce qu’elle est celle qui demeure en pèlerinage éternel à travers l’Histoire et qui indique, dans tous les événements historiques, ce qui reflète le Règne de Dieu et ce qui ne le reflète pas; elle est au service de ce Règne…

 

Le grand travail des chrĂ©tiens doit ĂŞtre le suivant : s’imprĂ©gner du Règne de Dieu et Ă  partir de lĂ , avec cette âme imprĂ©gnĂ©e du Règne de Dieu, travailler les projets de l’Histoire. Il est bien de faire partie d’une organisation populaire, d’un parti politique, de participer au gouvernement, mais vous devez, dans ces tâches, apporter votre identitĂ© chrĂ©tienne qui doit reflĂ©ter le Règne de Dieu, en vous efforçant de l’implanter lĂ  oĂą vous travaillez afin que ce Règne ne soit pas le jouet des ambitions de la Terre. C’est cela, le grand devoir des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Très chers chrĂ©tiens, j’ai toujours dit et je rĂ©pĂ©terai sans cesse, que, de ce groupe de chrĂ©tiens, de ce Peuple de Dieu, doivent sortir des hommes et des femmes qui vont ĂŞtre les vĂ©ritables libĂ©rateurs de notre peuple…

 

N’importe quel projet historique qui ne se fonde pas sur ce que nous avons dit au premier point : la dignitĂ© de la personne humaine, la volontĂ© de Dieu, le Règne du Christ parmi les hommes, sera un projet Ă©phĂ©mère. Au contraire, il sera toujours plus stable et une solution pour le bien commun des peuples, selon les caractĂ©ristiques de chaque peuple, le projet qui reflĂ©tera le mieux ce dessein Ă©ternel de Dieu. C’est pourquoi vous devez remercier l’Église, chers frères politiciens, et vous ne devez pas chercher Ă  la manipuler pour l’amener Ă  dire ce que vous voulez qu’elle dise. L’Église n’a pas d’intĂ©rĂŞt Ă  dĂ©fendre; elle dit ce qu’elle a Ă  dire. Je n’ai aucune ambition de pouvoir et c’est pourquoi je peux dire en toute libertĂ© au gouvernement ce qui est bien et ce qui est mauvais comme je le fais pour n’importe quel groupe politique; c’est mon devoir.

 

À partir de cette liberté du Règne de Dieu, l’Église qui n’est pas seulement l’évêque et les prêtres, mais vous tous, les fidèles, les religieuses, les collèges catholiques, tous ceux qui forment le Peuple de Dieu, le noyau des croyants en Jésus-Christ, nous devrions unir nos critères; nous ne devrions pas être désunis; nous ne devrions pas sembler dispersés. Nous apparaissons souvent complexés devant les organisations politiques populaires et nous cherchons à leur plaire plutôt qu’aux desseins éternels du Règne de Dieu. Nous n’avons rien à mendier à qui que ce soit parce que nous avons bien plus à leur offrir… Et cela ce n’est pas de la vantardise. Je dis cela avec l’humilité de celui qui a reçu de Dieu une révélation pour la communiquer aux autres… 23/03/80, p.365-367, VIII.

 

3) La Transcendance donne à la Libération sa dimension véritable et définitive

 

Finalement, la troisième pensée que j’ai extraite des lectures d’aujourd’hui, fait référence au fait que le projet de Dieu pour libérer le peuple est transcendant.

 

Qu’est-ce que la Transcendance?

 

Je crois que j’ai trop répété cette idée mais je ne me lasserai pas de le faire, parce que nous courrons souvent le danger de vouloir sortir des situations actuelles par des solutions immédiates et nous oublions que ces solutions rapides peuvent être des rapiéçages et non pas des solutions véritables. La véritable solution doit envisager le projet définitif de Dieu. Toutes solutions que nous voudrions donner aux problèmes d’une meilleure répartition de la terre, à une meilleure administration de l’argent au Salvador, à une organisation politique accommodée au bien commun des Salvadoriens, devront toujours être recherchées dans le cadre de la Libération définitive.

 

Il y a peu de temps, m’a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© un schĂ©ma très significatif; c’est celui de l’homme qui travaille en politique et qui scrute les problèmes temporels : l’argent, les terres, les biens matĂ©riels, et il peut se satisfaire de ne rĂ©soudre que ces problèmes; mais le politicien qui a la foi, remonte jusqu’à Dieu et Ă  partir de lĂ , il observe cette trame de l’histoire immĂ©diate que les politiciens d’aujourd’hui tentent de rĂ©soudre. Cela ne doit pas se faire sĂ©parĂ©ment de la perspective de Dieu. Du commencement Ă  la fin de l’Histoire, Dieu a un projet et les solutions Ă  nos problèmes doivent demeurer compatibles avec cette perspective de Dieu pour qu’elles soient efficaces. Et selon cette perspective de Dieu, comme cela apparaĂ®t dans les paroles que nous avons lues aujourd’hui dans la Bible, en premier lieu, il faut reconnaĂ®tre que Dieu est le protagoniste de l’Histoire; en second lieu, il faut partir de la RĂ©demption du pĂ©chĂ©; et en troisième lieu, il ne faut pas renoncer au Christ qui est le chemin et le but de la vĂ©ritable LibĂ©ration. C’est ce que nous retrouvons dans les lectures d’aujourd’hui : le projet que nous avons Ă©tudiĂ© tout au long du carĂŞme.

 

Premièrement : reconnaĂ®tre l’Initiative de Dieu pour libĂ©rer

 

Cela apparaĂ®t clairement aujourd’hui, que c’est Dieu qui prend l’initiative : « Le peuple que J’ai formĂ© Â», dit Dieu dans la première lecture. C’est Dieu qui parle avec IsraĂ«l : « Je t’ai choisi, c’est moi qui conduis ton histoire. Â» Est merveilleux le moment oĂą l’homme comprend qu’il n’est pas autre chose qu’un instrument de Dieu qui vit tant que Dieu le veut, qui peut autant que Dieu le veut, qui possède l’intelligence que Dieu lui a donnĂ©e. Mettre toutes nos limites entre les mains de Dieu, reconnaĂ®tre que sans Lui je ne peux rien. Cela, chers frères, en un sens transcendant de l’heure actuelle au Salvador. Il faut beaucoup prier pour demeurer uni Ă  Dieu. Et il y a des gens qui travaillent pour la libĂ©ration en s’unissant Ă  Dieu.

 

L’autre jour, alors que nous discutions d’un problème d’un refuge, - ne confondez pas refuge avec une base - Un refuge est un endroit où les gens viennent parce qu’ils ont peur et doivent fuir pour se cacher. Mais plusieurs de ces réfugiés sont organisés et ne peuvent demeurer inactifs. Très bien. Alors qu’ils aillent ailleurs pour travailler. Le refuge est un endroit où l’on retrouve des malades. Par exemple, ce père de famille avec sa femme et ses enfants qui étaient malades et qu’on voulait envoyer occuper une église. Comment cela serait-il possible s’ils sont malades? Qu’ils offrent leurs souffrances, qu’ils offrent leur maladie. Cela possède une valeur mais quand on perd de vue la transcendance de la lutte, tout consiste en des choses qui sont parfois erronées. Puisse Dieu, tous ceux qui travaillent aujourd’hui pour la libération du peuple, savoir que sans Dieu rien ne peut être fait et qu’avec Dieu, jusqu’aux choses les plus inutiles possèdent leur valeur lorsque cela est fait avec une bonne volonté…

 

Dans la première lecture d’aujourd’hui, Dieu invite le peuple d’Israël à découvrir sa Main, non seulement quand Il les fit sortir d’Égypte vers la Terre promise, mais aujourd’hui encore, alors qu’ils reviennent de Babylone à Jérusalem. Découvrir la Main de Dieu dans les conjonctures historiques du peuple, ça c’est un geste de transcendance. C’est pourquoi ceux qui travaillent à la libération du peuple, ne doivent pas perdre de vue cette mesure, cette dimension transcendante.

 

Deuxièmement : la LibĂ©ration doit s’extirper du pĂ©chĂ©

 

Nous devons tenir compte que tous ces maux ont une racine commune qui est le pĂ©chĂ©. Dans le cĹ“ur de l’homme sont les Ă©goĂŻsmes, les envies, les idolâtries et c’est lĂ  oĂą surgissent les divisions, les accaparements comme disait le Christ : « Ce n’est pas ce qui entre dans l’homme qui le souille, mais ce qui est dans son cĹ“ur Â», les mauvaises pensĂ©es. Il faut purifier cette source de tous les esclavages. Pourquoi y a-t-il des esclavages? Pourquoi y a-t-il des exclus? Pourquoi est-ce que l’analphabĂ©tisme existe? Pourquoi y a-t-il des maladies? Pourquoi le peuple gĂ©mit-il dans la douleur? Tout cela nous rĂ©vèle que le pĂ©chĂ© existe. « La pauvretĂ©, dit MedellĂ­n, est une dĂ©nonciation de l’injustice de ce peuple. Â»

 

C’est pour cela que la transcendance de la libĂ©ration dĂ©racine le pĂ©chĂ© et l’Église prĂŞchera toujours : Repentez-vous de vos pĂ©chĂ©s personnels. Et qu’elle dit, comme le Seigneur Ă  la femme adultère : je ne te condamne pas, repens-toi et ne pèche plus. Le pĂ©chĂ© est le mal de toujours. Comme je voudrais dire Ă  tous ceux qui accordent peu d’importance Ă  ces relations intimes avec Dieu, de leur donner l’importance qu’elles ont. Il ne suffit pas de dire : « Je suis athĂ©e, je ne crois pas en Dieu, je ne l’offense pas Â». La question n’est pas de savoir si tu crois, c’est que tu as objectivement rompu tes relations avec le principe de toute vie. Tant que tu ne le dĂ©couvriras pas, que tu ne le suivras pas en l’aimant, tu seras une pièce dĂ©tachĂ©e de son origine et c’est pour cela que tu portes en toi le dĂ©sordre, la division, l’ingratitude, le manque de foi, de fraternitĂ©. Sans Dieu il ne peut pas exister un concept vĂ©ritable de libĂ©ration. Il peut y avoir des concepts de libĂ©rations immĂ©diates, mais des libĂ©rations dĂ©finitives et solides ne peuvent ĂŞtre accomplies que par des hommes qui ont la foi.

 

Troisièmement : cette Transcendance nous demande une foi très grande en JĂ©sus-Christ

 

Cette page de saint Paul est incomparable. Paul, le pĂ©cheur qui avait oubliĂ© le Christ ou plutĂ´t, qui ne le connaissait pas encore, qui croyait que le Christ et ses chrĂ©tiens Ă©taient des traĂ®tres Ă  la religion vĂ©ritable qu’était pour lui le judaĂŻsme. Il se pensait autorisĂ© Ă  pourchasser et Ă  ramener attachĂ©s les membres de cette secte. Mais lorsque le Christ lui apparaĂ®t et se rĂ©vèle Ă  lui, Saul dĂ©couvre son ignorance et Ă©crit plus tard (Ph 3,8) : « Bien plus, dĂ©sormais je considère tout comme dĂ©savantageux Ă  cause de la supĂ©rioritĂ© du Christ JĂ©sus mon Seigneur. Â» Quelle gratitude que celle d’un pĂ©cheur lorsqu’il dit : Seigneur je ne te connaissais pas, mais maintenant que je te connais, tout le reste me semble inutile en comparaison de l’excellence de Te connaĂ®tre! « Ă€ cause de lui j’ai acceptĂ© de tout perdre, je considère tout comme dĂ©chet, afin de gagner le Christ et d’être trouvĂ© en lui, n’ayant plus ma justice Ă  moi, celle qui vient de la Loi, mais la justice par la foi au Christ, celle qui vient de Dieu et s’appuie sur la foi. Â» Ça c’est de la transcendance!

 

Plusieurs veulent avoir leur propre justice, une justice personnelle, une justice d’hommes. Cela n’est pas de la transcendance, ce n’est pas cette justice qui me sauve dit saint Paul, c’est celle qui provient de la foi au Christ, mon Seigneur. Mais comment est-ce que le Christ pourrait ĂŞtre la justice des hommes? (Ph 3,10-11) : « Le connaĂ®tre, lui, avec la puissance de sa rĂ©surrection et la communion Ă  ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible Ă  ressusciter d’entre les morts. Â» Voyez comment la vie recouvre tout son sens et la souffrance est dĂ©jĂ  une communion avec le Christ qui souffre et la mort est une communion Ă  la mort qui racheta le monde. Qui peut se sentir inutile devant ce trĂ©sor de celui qui a rencontrĂ© le Christ qui donne un sens Ă  la maladie, Ă  la douleur, Ă  l’oppression, Ă  la torture, Ă  la marginalisation?

 

Personne n’est vaincu, même s’il est sous la botte de l’oppression et de la répression s’il croit en Jésus-Christ; il sait alors qu’il est un vainqueur et que la victoire définitive sera celle de la vérité et de la justice…

 

Saint Paul poursuit en disant (Ph 3, 12-14) : « Non que je sois dĂ©jĂ  au but, ni dĂ©jĂ  devenu parfait; mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant Ă©tĂ© saisi moi-mĂŞme par le Christ JĂ©sus. Non, frères, je ne me flatte point d’avoir dĂ©jĂ  saisi; je dis seulement ceci : oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon ĂŞtre, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle Ă  recevoir lĂ -haut, dans le Christ JĂ©sus. Â» C’est cela, la transcendance : un but vers lequel nous voulons pousser notre libĂ©ration, un but qui sera la joie dĂ©finitive de tous les hommes.

 

C’est cela, la LibĂ©ration que notre Église doit vivre et prĂŞcher. Nous l’avons appris dans la Parole de Dieu Ă  la veille de la Semaine sainte et nous allons entrer dans cette semaine en devenant davantage Église, davantage Peuple de Dieu. Je parle en ce moment Ă  mes chers prĂŞtres, aux communautĂ©s religieuses, aux communautĂ©s chrĂ©tiennes, Ă  tout ce qui se nomme l’Église, le Peuple de Dieu, le noyau des croyants, pour qu’à partir d’ici, de ce cercle de croyants, nous ayons la force, comme Dieu la donna Ă  IsraĂ«l, pour Ă©clairer tous les autres peuples, pour illuminer et sanctionner ce qui n’est pas bon et pour encourager ce qui l’est. J’invite tous les protagonistes de l’Histoire Ă  ĂŞtre vĂ©ritablement ce que nous devons ĂŞtre : un moteur de la LibĂ©ration tel que le veut le projet de Dieu. 23/03/80, p.367-370, VIII.

 

Je voudrais faire appel, de manière spéciale, aux hommes de l’armée et plus concrètement à ceux des bases de la Garde Nationale, de la Police et des casernes.

 

Frères, vous faites partie de notre peuple; vous tuez vos propres frères paysans et devant un ordre de tuer que vous donne un autre homme, doit prĂ©valoir la loi de Dieu qui dit : Tu ne tueras pas… Aucun soldat n’est obligĂ© d’obĂ©ir Ă  un ordre qui est contraire Ă  la loi de Dieu… Une loi immorale, personne ne doit l’accomplir…

Il est grand temps que vous rĂ©cupĂ©riez votre conscience et que vous obĂ©issiez Ă  votre conscience plutĂ´t qu’aux ordres du pĂ©ché… L’Église, dĂ©fenderesse des droits de Dieu, de la loi de Dieu, de la dignitĂ© humaine, de la personne, ne peut demeurer silencieuse devant autant d’abominations. Nous voulons que le gouvernement prenne au sĂ©rieux que les rĂ©formes ne servent Ă  rien si elles sont accompagnĂ©es d’autant de sang… Au nom de Dieu et au nom de ce peuple souffrant dont les lamentations de plus en plus fortes s’élèvent Ă  chaque jour jusqu’aux cieux, je vous supplie, je vous en prie, je vous l’ordonne au nom de Dieu : Cessez la RĂ©pression…!

 

L’Église prêche sa libération comme nous l’avons étudié aujourd’hui dans la Sainte Bible. Une libération qui possède, par dessus tout, le respect de la dignité de la personne, le salut du bien commun du peuple et la transcendance qui regarde Dieu avant tout et de qui seul proviennent son espérance et sa force. 23/03/80, p.382, VIII.