L’Église, un service de Libération
personnelle, communautaire et transcendant
Cinquième dimanche du carême; 23 mars
1980; Lectures : IsaĂŻe 43,16-21; Philippiens 3,8-14; Jean 8,1-11)
Introduction :
A) Salutation à la Mission œcuménique
B) Contexte Liturgique : le carĂŞme,
la Préparation de Pâques
C’est pour rendre grâce à Dieu qu’un
message qui n’est qu’un modeste reflet de la Parole divine, rencontre de
merveilleux canaux pour s’étendre et parvenir à l’humanité et lui dire que dans
le contexte du carême tout ceci est une préparation pour notre Pâques qui est
en soi un cri de victoire; que personne ne peut nier cette vie du Christ
ressuscité; que ni la mort, ni tous les signes de mort et de haine contre Lui
et son Église, ne pourront vaincre : Il est victorieux! […]
Le carême est un appel à célébrer
notre RĂ©demption dans cet ensemble difficile de croix et de victoires. Notre peuple
en est parfaitement capable. Tout ce contexte nous parle de la croix, mais ceux
qui ont la foi et l’espérance chrétienne savent que derrière ce calvaire, que
vit actuellement le Salvador, se trouve notre Pâques, notre Résurrection et
c’est cela, l’espérance du peuple chrétien.
C) Message du carĂŞme de la Parole de
Dieu
Ce message nous révèle le Projet de
Dieu pour libérer pleinement les hommes.
J’ai tenté au cours de ces dimanches
du carême de dévoiler dans la Parole de Dieu que nous lisons à la messe, le
projet de Dieu pour sauver les peuples et les ĂŞtres humains, parce
qu’aujourd’hui, lorsque surgissent divers projets historiques pour notre
peuple, nous pouvons vous assurer que sera victorieux celui qui reflète le
mieux le Projet de Dieu. Et C’est cela, la mission de l’Église. C’est pourquoi,
à la lumière de la Parole divine qui nous révèle le Projet de Dieu pour le
bonheur des peuples, nous avons le devoir de faire également références aux
réalités, d’évaluer comment se reflète ou comment est nié le Projet de Dieu
parmi nous. Que personne ne s’offense qu’à la lumière de la Parole de Dieu que
nous lisons dans nos messes, nous éclairions les réalités sociales, politiques
et Ă©conomiques, parce que si ne le faisions pas, cela ne serait pas du christianisme.
C’est ainsi que le Christ a voulu s’incarner pour être la lumière qu’Il apporte
du Père, pour devenir la vie des hommes, des femmes et des peuples.
Je sais qu’il existe de nombreuses
personnes qui se scandalisent de ces paroles et qui m’accusent d’avoir délaissé
la prédication de l’Évangile pour me mêler de politique, mais je n’accepte pas
cette accusation. Je fais plutôt un effort pour que tout ce qu’ont voulu mettre
de l’avant le Concile Vatican II et les rĂ©unions de MedellĂn et de Puebla, ne
demeure pas lettre morte dans les pages des livres, mais que nous les Ă©tudions
théoriquement, que nous les vivions et que nous les traduisions dans cette
réalité conflictuelle où nous devons prêcher l’Évangile, comme il se doit de
l’être, pour notre peuple. C’est pourquoi je demande au Seigneur, pendant toute
la semaine, alors que je recueille la clameur du peuple et la douleur de tant
de crimes, l’ignominie de tant de violence, qu’Il me donne la parole opportune
pour consoler, pour dénoncer, pour appeler au repentir; et même si je continue
d’être une voix qui prêche dans le désert, je sais que l’Église fait l’effort
d’accomplir sa mission…
Au cours des dimanches de ce carĂŞme
nous avons vu ce projet de Dieu qui pourrait être résumé ainsi : Le Christ
est le chemin. C’est pourquoi Il nous est présenté en train de jeûner et de
vaincre les tentations au désert. Le Christ est le but de la vie, son
impulsion. C’est pourquoi Il nous est présenté transfiguré, comme pour appeler
vers ce but, tous ceux qui y sont appelés.
La collaboration humaine : la
conversion
Au cours des 3e, 4e
et 5e dimanches, nous avons parlé de la conversion que Dieu nous
demande pour être sauvés : la conversion et la réconciliation avec Lui.
Par ces exemples très précieux du figuier stérile, l’enfant prodigue ou ce
matin encore, avec la femme adultère qui se repentit et qui fut pardonnée,
c’est l’appel que Dieu nous fait et Il nous dit qu’Il nous accueillera comme le
père : l’enfant prodigue; comme le Sauveur : la femme adultère. Il
n’y a pas de péché qui ne puisse être pardonné; il n’y a pas d’inimitié qui ne
puisse être réconciliée lorsqu’une conversion et un retour sincère au Seigneur
se produit.
Le carême nous révèle la réalisation
du Projet de Dieu dans l’Histoire.
Les lectures du carĂŞme nous rapportent
comment ce Dieu applique son projet dans l’Histoire pour faire, de l’histoire
des peuples, son Histoire du Salut. Et dans la mesure où ces peuples reflètent
ce projet de Dieu - de nous sauver dans le Christ au moyen de la conversion -
les peuples se sauvent et sont heureux. C’est pourquoi dans la première lecture
de tous les carêmes, nous retrouvons l’histoire d’Israël, le peuple paradigme,
le peuple exemplaire jusque dans ses infidélités et dans ses péchés pour qu’en
lui nous apprenions également comment Dieu punit les infidélités et les péchés.
Israël est aussi un modèle en ce qui concerne la promesse du Salut de Dieu.
Depuis Abraham, nous avons parcouru avec Moïse la traversée du désert, avec
Josué nous avons célébré la première Pâque en Terre promise.
Aujourd’hui, je vous invite à un
second exode : le Retour de Babylone.
C’est une histoire que chaque peuple
doit imiter, non pas parce que chaque peuple est identique à Israël, mais nous
trouvons là quelque chose qui existe dans chacun d’eux, le groupe de ceux qui
suivent le Christ, le groupe du Peuple de Dieu qui n’est pas le peuple naturel
mais le groupe de fidèles. Cela me ramène à l’exemple de ce matin, de ces
disciples du Christ aux États-Unis qui viennent ici pour partager avec les
disciples du Christ au Salvador. LĂ -bas, dans leur grande nation du nord, ils
sont la voix de l’Évangile contre les injustices de cette société… Ils viennent
nous apporter leur solidarité pour que nous, Peuple de Dieu ici au Salvador,
nous sachions aussi dénoncer avec courage les injustices de notre propre
société…
Plan de l’homélie :
1) La dignité de la personne humaine
est la première chose que nous devons libérer
2) Dieu veut sauver tout le peuple
3) La Transcendance donne Ă la
Libération sa dimension véritable et définitive
1) La dignité de la personne humaine
est la première chose que nous devons libérer
A) La figure de l’adultère face au
Christ (Jn 8,1-11)
Nous rencontrons dans l’Évangile
d’aujourd’hui cette belle image de Jésus qui sauve la dignité humaine, de ce
Jésus qui n’a pas de péché, face à face avec la femme adultère, humiliée parce
qu’elle a été surprise en train de commettre l’adultère. Le peuple réclame pour
elle une sentence de lapidation. Et ce Jésus, après avoir lancé au visage, sans
dire un mot, le péché de ses propres juges, demande à cette femme (Jn
8,10-11) : « Personne ne t’a condamnée? » Elle dit :
« Personne Seigneur. » Alors Jésus dit : « Moi non plus, je
ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus. »
Force et tendresse. La dignité
humaine avant tout. Il s’agissait là d’un problème légal à l’époque de Jésus.
Dans le Deutéronome il est écrit que toute femme surprise en train de commettre
l’adultère devait mourir et lorsqu’il demeurait un espace de discussion cela se
rapportait à la méthode de mise à mort. Les pharisiens et les scribes
discutaient ainsi : « Par lapidation, par strangulation? » C’est Ă
cela que se réfère la question qui est adressée au Christ (Jn 8,4-5) :
« Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or,
dans la Loi, MoĂŻse nous a prescrit de lapider ces femmes-lĂ . Toi donc, que
dis-tu? » Selon la discussion actuelle comment devons-nous la tuer? Ces
détails légalistes importent peu à Jésus. Dans une attitude supérieure à ceux
qui voulaient la mettre Ă mort, JĂ©sus se met Ă dessiner par terre avec un
bâton. Ils insistaient et Jésus leur donne alors la grande réponse de sa
sagesse (Jn 8,7) : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui
jette le premier une pierre! »
Il a touché la conscience
C’étaient les témoins, selon la loi
ancienne, qui devaient ĂŞtre les premiers Ă lancer des pierres. Mais les
témoins, en regardant leur conscience, sentirent qu’ils étaient les témoins de
leurs propres péchés. Et la dignité de la femme est sauvée. Dieu ne sauve pas
le péché mais la dignité d’une femme submergée par le péché. Il nous aime, Il
est venu précisément pour cela, pour sauver les pécheurs et nous en avons ici
l’exemple. La convertir c’est bien mieux que de la lapider; lui pardonner et la
sauver, c’est beaucoup mieux que de la condamner. La loi doit ĂŞtre un service Ă
la dignité humaine et non aux faux légalismes avec lesquels on piétine trop
souvent l’honneur des personnes.
L’Évangile nous dit avec un réalisme
effrayant (Jn 8,9) : « Mais eux, entendant cela, s’en allèrent un Ă
un, Ă commencer par les plus vieux. » Notre vie est remplie d’offenses Ă
Dieu et les années qui devraient nous servir pour croître dans notre engagement
envers l’humanitĂ©, envers la dignitĂ© humaine et envers Dieu, ne servent qu’Ă
grandir dans notre hypocrisie en camouflant nos propres péchés qui augmentent
avec l’âge.
Le péché personnel est à la base du
grand péché social
Il faut tenir compte de cela parce
qu’aujourd’hui il est très facile, comme les témoins de l’adultère, de dénoncer
et de demander justice pour les maux de la société; mais combien se regardent
eux-mêmes dans leur propre conscience! Il est facile de dénoncer l’injustice
structurelle, la violence institutionnalisée et le péché social! Et tout cela
existe, c’est bien vrai. Mais où est la source de ce péché social? Dans le cœur
de chacun. La société actuelle est comme une espèce de société anonyme où
personne ne veut porter la faute mais oĂą tous sont responsables. Nous sommes
tous responsables de ce commerce, mais il est anonyme. Nous sommes tous
pécheurs et nous avons tous mis notre grain de sable dans ce moule de crimes et
de violence dans notre patrie.
C’est pourquoi le Salut commence Ă
l’intérieur de la personne humaine, de la dignité humaine, du déracinement du
péché en chacun de nous. Et le carême, est cet appel de Dieu :
« Convertissez-vous individuellement! » Il ne se trouve pas ici parmi nous
deux pécheurs semblables. Chacun a commis ses propres bêtises et nous voulons
jeter la faute sur l’autre, en cachant les nôtres. Il est nécessaire de se
démasquer; je suis aussi un de ceux-là et je dois demander pardon à Dieu; j’ai
offensé Dieu et la société.
Cet appel du Christ : la
personne d’abord!
Quelle attitude magnifique de cette
femme se sentant pardonnée et comprise (Jn 8, 11) : « Personne,
Seigneur. » Alors Jésus dit : « Moi non plus, je ne te condamne
pas. Va, désormais ne pèche plus. » Prenons garde, mes frères. Si Dieu
nous a pardonné tant de fois, sachons profiter de cette amitié du Seigneur que
nous avons récupérée et vivons-la comme une grâce.
La promotion de la femme
Nous avons ici, dans ce chapitre, un
apport du christianisme Ă la promotion de la femme! Si la femme a atteint une
place semblable à l’homme, une grande part en revient à cet Évangile de Jésus-Christ.
Au temps du Christ, on s’étonnait qu’Il puisse parler à une Samaritaine parce
que la femme était considérée comme quelque chose d’impure; l’homme ne pouvait
converser avec elle. Mais Jésus sait que nous sommes tous égaux. Il n’y a plus
ni Juifs ni Grecs, ni homme ni femme, nous sommes tous des enfants de Dieu. La
femme devrait ĂŞtre doublement reconnaissante envers le christianisme parce que
le Christ, avec son message, est Celui qui a fait la promotion de la grandeur
de la femme. De quelles grandeurs sont capables ces dons féminins qui sont
souvent réprimés par le machisme des hommes qui ne les stimulent pas ni ne les
apprécient. 23/03/80, p.361-362, VIII.
B) Les accusateurs
Les témoins ont également compris que
la Rédemption commence par la dignité humaine et qu’avant de vouloir être des
juges qui administrent la justice, ils doivent ĂŞtre des hommes honorables. Ils
doivent pouvoir prononcer leurs sentences avec une conscience claire, parce
qu’ils devraient être les premiers à se l’appliquer eux-mêmes s’ils
commettaient ce crime.
L’attitude de Jésus
Il faut remarquer dans cet Évangile
ce que nous devons retenir : une délicatesse pour la personne humaine.
Aussi pécheresse soit-elle, Il la distingue comme enfant de Dieu, comme une
image du Seigneur. Il ne condamne pas sinon qu’Il pardonne. Il ne consent pas
non plus au péché; Il est fort pour rejeter le péché. Mais Il condamne le péché
en sauvant le pécheur.
Il ne subordonne pas l’être humain Ă
la loi. Et cela est bien important Ă notre Ă©poque. Il a dit :
« L’homme n’a pas été fait pour le sabbat mais le sabbat pour
l’homme. » Nous ne voulons pas, pour sauver la constitution du pays, alors
qu’elle a été piétinée de tant de façons, nous en servir comme d’un prétexte
pour défendre nos égoïsmes personnels. La loi pour la personne humaine, non pas
la personne pour la loi. JĂ©sus est source de paix quand Il rend Ă une personne
sa dignité, sa véritable prémisse. L’être humain sent qu’il peut compter sur
Jésus, qu’il ne peut compter sur le péché et qu’il doit se repentir et revenir
au Christ avec sincérité. C’est la joie la plus profonde de l’être humain.
23/03/80, p.362-363, VIII.
C) Saint Paul… un autre converti,
libéré du péché et de l’ignorance
Dans la seconde lecture d’aujourd’hui
(Ph 3,8-14) nous retrouvons également l’exemple d’un autre pécheur qui demeura
longtemps dans l’erreur mais qui, lorsqu’il connut le Christ, fut sauvé et mit
toutes ses forces vitales au service de ce Christ. (Ph 3,8) : « À
cause de lui j’ai accepté de tout perdre, je considère tout comme
déchets, » nous a dit l’épître d’aujourd’hui. Alors que nous idolâtrons les
biens de ce monde, quand nous avons connu le véritable Dieu, le vrai Seigneur, toutes
les idéologies de la Terre, toutes les stratégies, toutes les idoles du
pouvoir, de l’argent, des biens matériels, apparaissent semblables à des
ordures. Saint Paul dit lui-même qu’à côté du Christ tout lui apparaît
semblable à des déchets.
La doctrine sur l’homme dans Puebla
Pour ne pas trop vous fatiguer, je ne
vous lirai pas tout le riche contenu du document de Puebla en ce qui se réfère
à une de ses bases théologiques. Il s’agit des trois orientations théologiques
de Puebla : La vérité sur le Christ, la vérité sur l’Église et la vérité
sur l’homme
Et quand nous parlons de l’être humain,
en tant qu’évêques du continent, nous avons signé un engagement à Puebla :
la personne doit ĂŞtre au centre de toutes organisations humaines pour la
promotion de l’homme et la femme.
Nous, les évêques d’Amérique
latine : « Professons que tout homme et que toute femme, pour aussi
insignifiant qu’il semble, possède à l’intérieur de lui-même une noblesse
inviolable qu’eux-mĂŞmes et les autres doivent respecter inconditionnellement, Ă
savoir : que toute vie humaine mérite en soi, dans n’importe quelles circonstances,
sa dignité; que toute convivialité doit être fondée sur le bien commun qui
consiste en la réalisation toujours plus fraternelle de la commune dignité
humaine, laquelle exige de ne pas se servir des uns comme de simples
instruments au service des autres, en demeurant même disposé à faire le
sacrifice des biens privés… » (317)
Nous dénonçons les fausses visions de
la personne humaine qui prévalent sur la Terre, les intérêts humains de ceux
qui font de l’être humain un instrument d’exploitation, les idéologies
marxistes qui font de l’homme rien de plus qu’une pièce de l’engrenage, ou
celles de la Sécurité nationale qui transforment l’homme et la femme en
serviteurs de l’État, comme si ce dernier était le seigneur, et l’humain,
l’esclave; alors qu’au contraire, l’État pour l’homme et non pas l’homme pour
l’État.
C’est cela, la base de notre
sociologie, celle que nous avons apprise du Christ dans son Évangile. C’est
l’homme avant tout qu’il nous faut sauver et le péché individuel est la
première chose que nous devons extirper. Nos comptes avec Dieu, nos relations
personnelles avec Lui, sont les bases de tout le reste. Ce sont de faux
libérateurs ceux qui ont l’âme esclave du péché et qui crient vers les autres;
c’est pourquoi ils sont si souvent cruels; c’est parce qu’ils ne savent pas
aimer ni respecter la personne humaine… 23/03/80, p.363-364, VIII.
2) Dieu veut sauver tout le peuple
A) Personnalité collective
Mais la seconde pensée passe de
l’individu vers le communautaire. Dans les lectures d’aujourd’hui nous voyons
que Dieu veut sauver les hommes en tant que peuple. C’est tout le peuple que
Dieu veut sauver.
Dieu avec un Peuple
La première lecture d’aujourd’hui (Is
43,16-21) - les fameuses hymnes d’Isaïe - nous présente un Dieu qui parle avec
un peuple; c’est le dialogue de Dieu avec une personnalité collective, - c’est
ainsi que les appellent les Écritures - « personnalité collective »
comme s’il s’agissait d’une personne. Dieu parle avec un peuple et Dieu en fait
son Peuple parce que c’est à lui qu’Il va confier ses promesses, ses
révélations qui vont servir aussi pour les autres peuples.
Différences entre Peuple de Dieu et
peuple naturel
Remarquez bien que dans l’histoire de
la Bible, dans l’Ancien Testament, il y a des choses qui font référence
uniquement à ce secteur « Peuple de Dieu » et il y a d’autres points
qui se réfèrent au peuple commun, au peuple naturel. Combien de fois les
prophètes ont-ils reproché à Israël de se glorifier d’être les fils d’Abraham
plutôt que d’obéir à Dieu et de croire en Lui. Les croyants, qui étaient ce
nombre réduit de gens, étaient le véritable Peuple de Dieu. Tout le reste était
prévaricateur, (infidèles au sens premier de la loi divine) tout comme l’étaient
les peuples qu’on appelait gentils. Mais ce noyau était le véritable Peuple de
Dieu, la personnalité collective à qui Dieu s’adressait, et à travers le Christ,
à tous les chrétiens. Il ne s’agit déjà plus d’un petit groupe au sein du
peuple d’Israël mais qu’il existera toujours un groupe en chaque nation.
C’est l’exemple que nous avons ici
devant nous ce matin. Cette délégation des États-Unis exprime que là aussi, il
existe des chrétiens qui ne sont pas tous les Américains; de même au Salvador,
nous avons ce groupe de l’Église qui n’est pas toute la population du pays. De
sorte que, comme pasteur, je m’adresse au Peuple de Dieu; je ne prétends pas
être le maître de tout le Salvador mais je suis le pauvre serviteur d’un noyau
qui se nomme l’Église, dans un archidiocèse; le serviteur de ceux qui veulent
servir le Christ et qui reconnaissent dans l’évêque, le maître qui leur parle
au nom du Christ. J’attends d’eux le respect et l’obĂ©issance; je me sens uni Ă
eux et cela ne m’étonne pas que ceux qui ne sont pas l’Église, même s’ils en
sont membres, me critiquent et médisent contre moi.
Ceux-là ne sont déjà plus membres du
Peuple de Dieu s’ils ne s’unissent pas solidairement aux enseignements
exigeants de l’Évangile, aux applications concrètes de notre pastorale, même
s’ils sont baptisés, même s’ils viennent à la messe. Alors, frères, sachons
bien distinguer pour ne pas préjuger de ce nom si sacré : le peuple. Nous
nommons Peuple de Dieu ce noyau de Salvadoriens qui croient dans le Christ et
qui veulent Le suivre fidèlement et s’alimenter de sa vie, de ses sacrements,
autour de ses pasteurs. 23/03/80, p.364-365, VIII.
B) Historicité du Salut : Dieu
sauve dans l’Histoire
Ce Peuple de Dieu qui se succède dans
l’Histoire.
Avez-vous remarqué comment la
première lecture dit cela (Is 43,18-19) : « Ne vous souvenez plus des
événements anciens, ne pensez plus aux choses passées. Voici que je vais faire
une chose nouvelle, déjà elle pointe, ne la reconnaissez-vous pas? » Dieu
est Celui qui rend les choses nouvelles, c’est le Dieu qui marche avec
l’Histoire.
Le Nouvel Exode : vers JĂ©rusalem
Maintenant, l’exode proviendra d’un
autre lieu : de Babylone, de l’exil. Le désert qu’ils vont traverser
fleurira comme un jardin, l’eau jaillira comme pour symboliser le passage du
pardon de Dieu, du peuple réconcilié avec Dieu. Il ne s’agit plus de
l’esclavage en Égypte sinon de l’Exil à Babylone; c’est ainsi que l’Histoire se
succède.
Chaque pays vit son propre Exode
Aujourd’hui également, le Salvador
vit son propre Exode. Nous passons actuellement par la libération du désert, où
les cadavres jonchent le sol, où la douleur angoissante nous dévaste et
plusieurs subissent la tentation de ceux qui marchaient avec MoĂŻse et qui
voulurent rebrousser chemin. C’est l’Histoire de toujours. Dieu veut sauver le
peuple en renouvelant l’Histoire. L’Histoire ne se répète pas même si on le
dit. Certaines choses se répètent et cela peut sembler une répétition. Ce qui
ne se répète pas ce sont les circonstances, les conjonctures dont nous sommes
témoins au Salvador. Comme notre histoire est dense, comme elle change de jour
en jour! Quelqu’un quitte le pays et revient la semaine suivante et il semble
que l’histoire a changé profondément. Ne nous établissons pas dans un rôle où
nous jurions de l’histoire une fois pour toute. Mais une chose si : que
demeure fermement ancré dans notre âme, la foi en Jésus-Christ, le Dieu de
l’histoire qui ne change pas. Il possède le pouvoir de changer l’histoire, de
se jouer d’elle : « Je fais des choses nouvelles. »
Alors, la grâce du chrétien c’est de
ne pas s’établir dans des traditions qui ne peuvent être maintenues, mais d’appliquer
cette tradition éternelle qu’est la foi en Jésus-Christ aux réalités présentes.
Nous devons demander au Seigneur la grâce d’adopter les changements Ă
l’intérieur de l’Église sans trahir notre foi, en demeurant compréhensifs
vis-à -vis l’heure actuelle. Dieu fait les choses nouvelles et c’est pourquoi Il
corrigeait les Israélites parce qu’ils se réjouissaient du premier exode et ne
croyaient pas que Dieu puisse réaliser ses merveilles dans un second exode. Ses
merveilles seront encore bien plus grandes au cours de l’ère chrétienne.
L’Histoire ne périra point parce que
Dieu la porte. C’est pourquoi je dis que, dans la mesure où les projets
historiques s’efforcent de refléter le projet éternel de Dieu, s’ils ne
s’installent pas dans aucun système social, dans aucune organisation politique,
dans aucun parti, ils seront un reflet du Règne de Dieu dans l’Histoire.
L’Église ne se laisse pas séduire par aucune de ces forces parce qu’elle est
celle qui demeure en pèlerinage éternel à travers l’Histoire et qui indique,
dans tous les événements historiques, ce qui reflète le Règne de Dieu et ce qui
ne le reflète pas; elle est au service de ce Règne…
Le grand travail des chrétiens doit
être le suivant : s’imprégner du Règne de Dieu et à partir de là , avec cette
âme imprégnée du Règne de Dieu, travailler les projets de l’Histoire. Il est
bien de faire partie d’une organisation populaire, d’un parti politique, de
participer au gouvernement, mais vous devez, dans ces tâches, apporter votre
identité chrétienne qui doit refléter le Règne de Dieu, en vous efforçant de
l’implanter là où vous travaillez afin que ce Règne ne soit pas le jouet des
ambitions de la Terre. C’est cela, le grand devoir des hommes et des femmes
d’aujourd’hui. Très chers chrétiens, j’ai toujours dit et je répéterai sans
cesse, que, de ce groupe de chrétiens, de ce Peuple de Dieu, doivent sortir des
hommes et des femmes qui vont être les véritables libérateurs de notre peuple…
N’importe quel projet historique qui
ne se fonde pas sur ce que nous avons dit au premier point : la dignité de
la personne humaine, la volonté de Dieu, le Règne du Christ parmi les hommes,
sera un projet éphémère. Au contraire, il sera toujours plus stable et une solution
pour le bien commun des peuples, selon les caractéristiques de chaque peuple,
le projet qui reflétera le mieux ce dessein éternel de Dieu. C’est pourquoi
vous devez remercier l’Église, chers frères politiciens, et vous ne devez pas
chercher à la manipuler pour l’amener à dire ce que vous voulez qu’elle dise.
L’Église n’a pas d’intérêt à défendre; elle dit ce qu’elle a à dire. Je n’ai
aucune ambition de pouvoir et c’est pourquoi je peux dire en toute liberté au
gouvernement ce qui est bien et ce qui est mauvais comme je le fais pour n’importe
quel groupe politique; c’est mon devoir.
À partir de cette liberté du Règne de
Dieu, l’Église qui n’est pas seulement l’évêque et les prêtres, mais vous tous,
les fidèles, les religieuses, les collèges catholiques, tous ceux qui forment
le Peuple de Dieu, le noyau des croyants en JĂ©sus-Christ, nous devrions unir
nos critères; nous ne devrions pas être désunis; nous ne devrions pas sembler
dispersés. Nous apparaissons souvent complexés devant les organisations politiques
populaires et nous cherchons à leur plaire plutôt qu’aux desseins éternels du
Règne de Dieu. Nous n’avons rien à mendier à qui que ce soit parce que nous
avons bien plus à leur offrir… Et cela ce n’est pas de la vantardise. Je dis
cela avec l’humilité de celui qui a reçu de Dieu une révélation pour la
communiquer aux autres… 23/03/80, p.365-367, VIII.
3) La Transcendance donne Ă la
Libération sa dimension véritable et définitive
Finalement, la troisième pensée que
j’ai extraite des lectures d’aujourd’hui, fait référence au fait que le projet
de Dieu pour libérer le peuple est transcendant.
Qu’est-ce que la Transcendance?
Je crois que j’ai trop répété cette
idée mais je ne me lasserai pas de le faire, parce que nous courrons souvent le
danger de vouloir sortir des situations actuelles par des solutions immédiates
et nous oublions que ces solutions rapides peuvent être des rapiéçages et non
pas des solutions véritables. La véritable solution doit envisager le projet
définitif de Dieu. Toutes solutions que nous voudrions donner aux problèmes
d’une meilleure répartition de la terre, à une meilleure administration de
l’argent au Salvador, à une organisation politique accommodée au bien commun
des Salvadoriens, devront toujours être recherchées dans le cadre de la
Libération définitive.
Il y a peu de temps, m’a été présenté
un schéma très significatif; c’est celui de l’homme qui travaille en politique
et qui scrute les problèmes temporels : l’argent, les terres, les biens
matériels, et il peut se satisfaire de ne résoudre que ces problèmes; mais le
politicien qui a la foi, remonte jusqu’à Dieu et à partir de là , il observe
cette trame de l’histoire immédiate que les politiciens d’aujourd’hui tentent
de résoudre. Cela ne doit pas se faire séparément de la perspective de Dieu. Du
commencement à la fin de l’Histoire, Dieu a un projet et les solutions à nos
problèmes doivent demeurer compatibles avec cette perspective de Dieu pour
qu’elles soient efficaces. Et selon cette perspective de Dieu, comme cela
apparaît dans les paroles que nous avons lues aujourd’hui dans la Bible, en premier
lieu, il faut reconnaître que Dieu est le protagoniste de l’Histoire; en second
lieu, il faut partir de la Rédemption du péché; et en troisième lieu, il ne
faut pas renoncer au Christ qui est le chemin et le but de la véritable
Libération. C’est ce que nous retrouvons dans les lectures d’aujourd’hui :
le projet que nous avons étudié tout au long du carême.
Premièrement : reconnaître
l’Initiative de Dieu pour libérer
Cela apparaît clairement aujourd’hui,
que c’est Dieu qui prend l’initiative : « Le peuple que J’ai
formé », dit Dieu dans la première lecture. C’est Dieu qui parle avec
Israël : « Je t’ai choisi, c’est moi qui conduis ton histoire. »
Est merveilleux le moment où l’homme comprend qu’il n’est pas autre chose qu’un
instrument de Dieu qui vit tant que Dieu le veut, qui peut autant que Dieu le
veut, qui possède l’intelligence que Dieu lui a donnée. Mettre toutes nos
limites entre les mains de Dieu, reconnaître que sans Lui je ne peux rien. Cela,
chers frères, en un sens transcendant de l’heure actuelle au Salvador. Il faut
beaucoup prier pour demeurer uni Ă Dieu. Et il y a des gens qui travaillent
pour la libération en s’unissant à Dieu.
L’autre jour, alors que nous
discutions d’un problème d’un refuge, - ne confondez pas refuge avec une base -
Un refuge est un endroit où les gens viennent parce qu’ils ont peur et doivent
fuir pour se cacher. Mais plusieurs de ces réfugiés sont organisés et ne
peuvent demeurer inactifs. Très bien. Alors qu’ils aillent ailleurs pour
travailler. Le refuge est un endroit où l’on retrouve des malades. Par exemple,
ce père de famille avec sa femme et ses enfants qui étaient malades et qu’on
voulait envoyer occuper une église. Comment cela serait-il possible s’ils sont
malades? Qu’ils offrent leurs souffrances, qu’ils offrent leur maladie. Cela
possède une valeur mais quand on perd de vue la transcendance de la lutte, tout
consiste en des choses qui sont parfois erronées. Puisse Dieu, tous ceux qui travaillent
aujourd’hui pour la libération du peuple, savoir que sans Dieu rien ne peut
être fait et qu’avec Dieu, jusqu’aux choses les plus inutiles possèdent leur
valeur lorsque cela est fait avec une bonne volonté…
Dans la première lecture
d’aujourd’hui, Dieu invite le peuple d’Israël à découvrir sa Main, non
seulement quand Il les fit sortir d’Égypte vers la Terre promise, mais aujourd’hui
encore, alors qu’ils reviennent de Babylone à Jérusalem. Découvrir la Main de
Dieu dans les conjonctures historiques du peuple, ça c’est un geste de
transcendance. C’est pourquoi ceux qui travaillent à la libération du peuple,
ne doivent pas perdre de vue cette mesure, cette dimension transcendante.
Deuxièmement : la Libération
doit s’extirper du péché
Nous devons tenir compte que tous ces
maux ont une racine commune qui est le péché. Dans le cœur de l’homme sont les
égoïsmes, les envies, les idolâtries et c’est là où surgissent les divisions,
les accaparements comme disait le Christ : « Ce n’est pas ce qui entre
dans l’homme qui le souille, mais ce qui est dans son cœur », les
mauvaises pensées. Il faut purifier cette source de tous les esclavages.
Pourquoi y a-t-il des esclavages? Pourquoi y a-t-il des exclus? Pourquoi est-ce
que l’analphabétisme existe? Pourquoi y a-t-il des maladies? Pourquoi le peuple
gémit-il dans la douleur? Tout cela nous révèle que le péché existe. « La
pauvretĂ©, dit MedellĂn, est une dĂ©nonciation de l’injustice de ce
peuple. »
C’est pour cela que la transcendance
de la libération déracine le péché et l’Église prêchera toujours : Repentez-vous
de vos péchés personnels. Et qu’elle dit, comme le Seigneur à la femme
adultère : je ne te condamne pas, repens-toi et ne pèche plus. Le péché
est le mal de toujours. Comme je voudrais dire Ă tous ceux qui accordent peu
d’importance à ces relations intimes avec Dieu, de leur donner l’importance
qu’elles ont. Il ne suffit pas de dire : « Je suis athée, je ne crois
pas en Dieu, je ne l’offense pas ». La question n’est pas de savoir si tu
crois, c’est que tu as objectivement rompu tes relations avec le principe de
toute vie. Tant que tu ne le découvriras pas, que tu ne le suivras pas en
l’aimant, tu seras une pièce détachée de son origine et c’est pour cela que tu
portes en toi le désordre, la division, l’ingratitude, le manque de foi, de
fraternité. Sans Dieu il ne peut pas exister un concept véritable de
libération. Il peut y avoir des concepts de libérations immédiates, mais des
libérations définitives et solides ne peuvent être accomplies que par des
hommes qui ont la foi.
Troisièmement : cette
Transcendance nous demande une foi très grande en Jésus-Christ
Cette page de saint Paul est
incomparable. Paul, le pécheur qui avait oublié le Christ ou plutôt, qui ne le
connaissait pas encore, qui croyait que le Christ et ses chrétiens étaient des
traîtres à la religion véritable qu’était pour lui le judaïsme. Il se pensait
autorisé à pourchasser et à ramener attachés les membres de cette secte. Mais
lorsque le Christ lui apparaît et se révèle à lui, Saul découvre son ignorance
et écrit plus tard (Ph 3,8) : « Bien plus, désormais je considère
tout comme désavantageux à cause de la supériorité du Christ Jésus mon
Seigneur. » Quelle gratitude que celle d’un pécheur lorsqu’il dit :
Seigneur je ne te connaissais pas, mais maintenant que je te connais, tout le
reste me semble inutile en comparaison de l’excellence de Te connaître!
« À cause de lui j’ai accepté de tout perdre, je considère tout comme
déchet, afin de gagner le Christ et d’être trouvé en lui, n’ayant plus ma justice
Ă moi, celle qui vient de la Loi, mais la justice par la foi au Christ, celle
qui vient de Dieu et s’appuie sur la foi. » Ça c’est de la transcendance!
Plusieurs veulent avoir leur propre
justice, une justice personnelle, une justice d’hommes. Cela n’est pas de la
transcendance, ce n’est pas cette justice qui me sauve dit saint Paul, c’est
celle qui provient de la foi au Christ, mon Seigneur. Mais comment est-ce que
le Christ pourrait être la justice des hommes? (Ph 3,10-11) : « Le
connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses
souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible Ă
ressusciter d’entre les morts. » Voyez comment la vie recouvre tout son
sens et la souffrance est déjà une communion avec le Christ qui souffre et la
mort est une communion Ă la mort qui racheta le monde. Qui peut se sentir
inutile devant ce trĂ©sor de celui qui a rencontrĂ© le Christ qui donne un sens Ă
la maladie, à la douleur, à l’oppression, à la torture, à la marginalisation?
Personne n’est vaincu, même s’il est
sous la botte de l’oppression et de la répression s’il croit en Jésus-Christ; il
sait alors qu’il est un vainqueur et que la victoire définitive sera celle de
la vérité et de la justice…
Saint Paul poursuit en disant (Ph 3,
12-14) : « Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait; mais
je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le
Christ Jésus. Non, frères, je ne me flatte point d’avoir déjà saisi; je dis
seulement ceci : oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant,
tendu de tout mon ĂŞtre, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous
appelle à recevoir là -haut, dans le Christ Jésus. » C’est cela, la
transcendance : un but vers lequel nous voulons pousser notre libération,
un but qui sera la joie définitive de tous les hommes.
C’est cela, la Libération que notre
Église doit vivre et prêcher. Nous l’avons appris dans la Parole de Dieu à la
veille de la Semaine sainte et nous allons entrer dans cette semaine en
devenant davantage Église, davantage Peuple de Dieu. Je parle en ce moment Ă
mes chers prĂŞtres, aux communautĂ©s religieuses, aux communautĂ©s chrĂ©tiennes, Ă
tout ce qui se nomme l’Église, le Peuple de Dieu, le noyau des croyants, pour
qu’à partir d’ici, de ce cercle de croyants, nous ayons la force, comme Dieu la
donna à Israël, pour éclairer tous les autres peuples, pour illuminer et
sanctionner ce qui n’est pas bon et pour encourager ce qui l’est. J’invite tous
les protagonistes de l’Histoire à être véritablement ce que nous devons
être : un moteur de la Libération tel que le veut le projet de Dieu.
23/03/80, p.367-370, VIII.
Je voudrais faire appel, de manière
spéciale, aux hommes de l’armée et plus concrètement à ceux des bases de la Garde
Nationale, de la Police et des casernes.
Frères, vous faites partie de notre
peuple; vous tuez vos propres frères paysans et devant un ordre de tuer que
vous donne un autre homme, doit prévaloir la loi de Dieu qui dit : Tu ne
tueras pas… Aucun soldat n’est obligé d’obéir à un ordre qui est contraire à la
loi de Dieu… Une loi immorale, personne ne doit l’accomplir…
Il est grand temps que vous
récupériez votre conscience et que vous obéissiez à votre conscience plutôt
qu’aux ordres du péché… L’Église, défenderesse des droits de Dieu, de la loi de
Dieu, de la dignité humaine, de la personne, ne peut demeurer silencieuse
devant autant d’abominations. Nous voulons que le gouvernement prenne au
sérieux que les réformes ne servent à rien si elles sont accompagnées d’autant
de sang… Au nom de Dieu et au nom de ce peuple souffrant dont les lamentations
de plus en plus fortes s’élèvent à chaque jour jusqu’aux cieux, je vous
supplie, je vous en prie, je vous l’ordonne au nom de Dieu : Cessez la
Répression…!
L’Église prêche sa libération comme
nous l’avons étudié aujourd’hui dans la Sainte Bible. Une libération qui
possède, par dessus tout, le respect de la dignité de la personne, le salut du
bien commun du peuple et la transcendance qui regarde Dieu avant tout et de qui
seul proviennent son espérance et sa force. 23/03/80, p.382, VIII.