L’Épiphanie, révélation et don de
Dieu Ă tous les peuples
Dimanche de l’Épiphanie; 6 janvier
1980; Lectures : Isaïe 60,1-6; Éphésiens 3,2-3a.5-6; Matthieu 2,1-12.
Introduction :
1) Les Mages perdus à Jérusalem…
Hérode et Jérusalem sursautent… image de notre situation nationale
Aujourd’hui, la période de Noël
culmine par une fĂŞte qui resplendit comme le soleil pour illuminer le monde
entier : c’est l’Épiphanie. Nous rencontrons dans l’Évangile d’aujourd’hui
(Mt 2,1-12) quelques caractéristiques qui correspondent avec notre situation et
qui, pour autant, peuvent illuminer, Ă partir de la Parole de Dieu, le chemin
de notre histoire nationale.
Les Mages recherchent un Roi
Lorsque les Mages, perdus Ă
Jérusalem, demandèrent : « Où est le roi qui vient de naître? »,
l’Évangile dit cette phrase (Mt 2,3-5) : « L’ayant appris, le roi
Hérode s’émut, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres
avec les scribes du peuple, et il s’enquérait auprès d’eux du lieu où devait
naître le Christ. “À Bethléem de Judée”, lui dirent-ils. S’étant renseignés,
les Mages poursuivirent leur chemin. Nous pourrions dirent qu’il se produisit
alors une crise dans le processus. »
Une crise qui, comme toutes les
crises, se résout pour le bien de ceux qui cherchent en toute sincérité avec
une bonne volonté; crise, qui se résout, par contre, en pétrification, en
obstination pour ceux qui cherchent avec une mauvaise volonté. Pour les Mages, ce
fut la disparition de leur étoile qui les confondit pour quelque temps. C’est
pourquoi ils durent s’arrêter à Jérusalem pour se renseigner. Ainsi ils
parvinrent heureux à la fin de leur quête et ils rencontrèrent l’enfant avec
une joie intense. Par contre, Hérode qui était obsédé par l’ambition de son
trône et qui tremblait avec d’autres devant cette perspective politique de
perdre son pouvoir, fut ébranlé et planifia l’assassinat de cet enfant.
Dans le pays, nous nous retrouvons
également dans une crise du processus politique et c’est l’heure où, comme les
Mages, avec la bonne volonté de tous les Salvadoriens, nous devrions nous
demander : « Où est le Roi que nous recherchons, le véritable Sauveur
de notre patrie? »
2) La réponse à cette demande se
trouve dans la Parole de Dieu.
Nous la trouverons si nous consultons
la Parole de Dieu et si nous vivons notre foi. Aujourd’hui, précisément, dans
la liturgie de l’Épiphanie, le Seigneur nous donne des clés merveilleuses et
lumineuses pour trouver des solutions.
Sens de l’Épiphanie
L’Épiphanie est une parole grecque
qui signifie : manifestation. Le mystère de Noël est le mystère d’un Dieu
qui se fait présent dans le monde et qui se manifeste à tous les peuples. Il ne
suffit pas de l’avoir connu dans le silence de la Sainte Nuit avec les humbles
bergers. Dans l’intimité de Marie et de Joseph, le Christ naît pour sauver tous
les peuples et Il a donc besoin de se faire connaître, de se manifester. Il
doit être Épiphanie. C’est le sens de l’homélie d’aujourd’hui.
C’est pourquoi ces Mages, dont
l’Évangile nous relate l’histoire ce matin, forment les prémices d’une immense
procession dont nous sommes les héritiers. Nous sommes les mages de 1980, les
continuateurs de ceux qui furent les Mages d’il y a vingt siècles, les premiers
de ceux qui connurent le Christ. Bienheureux les hommes, bienheureux les
peuples qui vont Ă sa rencontre!
3) Le principal ce n’est pas la
solution politique… cela viendra par surcroît
C’est ce que signifie la fête de
l’Épiphanie : la révélation de Dieu pour que les hommes et les femmes
l’adorent, le reconnaissent, espèrent en lui parce que c’est en Lui seul que
nous pouvons avoir le Salut. C’est pourquoi je disais que, pour notre patrie,
cette fête, qui convoque tous les peuples à adorer le Véritable Libérateur,
pourrait être le jour où notre crise sera résolue, le jour où la Parole de Dieu
illuminera ceux qui cherchent avec sincérité. Puisse Dieu faire que cette fête
de l’Épiphanie soit l’étoile de notre peuple, une consultation de la Parole de
Dieu qui illumine les sentiers, provoque une véritable sortie de cette crise
afin que ce processus parvienne à son dénouement final.
Mais je voudrais dire qu’en cette
Épiphanie, ainsi qu’à toutes les fêtes liturgiques et à tous les dimanches de
l’année, nous venions à la Cathédrale, non pas par curiosité politique et
transitoire. Comme est intéressante l’histoire de notre patrie, lorsqu’à chaque
dimanche, nous rencontrons des conjonctures distinctes! Si cela Ă©tait notre
raison d’être sur la Terre, combien variable et inconsistante serait notre
destinée humaine! Un chemin d’opportunistes comme ceux qui changent au gré des
conjonctures. Mais je le répète : L’Église ne vit pas de conjonctures; l’Église
poursuit un chemin serein que l’étoile de sa foi oriente, un destin supérieur
aux projets de la Terre; elle poursuit des objectifs qui demeureront mĂŞme
lorsque passeront les problèmes politiques de notre temps.
Comme l’homme est inconsistant
lorsqu’il s’appuie sur l’homme! Ceux qui avaient confiance dans le cabinet qui
vient de renoncer, doivent maintenant se sentir désillusionnés. Ceux qui se
fiaient dans l’ancien régime se sentent abandonnés, peut-être victimes de
vengeance. Frères, nous ne vivons pas de ces critères; sachons les éclairer de
la lumière de l’Éternel. L’Épiphanie inspira à la liturgie de l’Église un hymne
magnifique où il est dit au roi Hérode : “Pourquoi trembles-tu Hérode? Il
ne vient pas pour s’emparer des royaumes terrestres Celui qui vient nous
apporter le Règne Éternel.” C’est cela, la grandeur du christianisme. Nous ne
vivons pas du va-et-vient des convenances de la Terre. C’est pourquoi j’incite
les communautĂ©s chrĂ©tiennes Ă toujours maintenir leur foi dans le Christ, Ă
préserver surtout sa transcendance qui éclaire l’immanent et le transitoire.
Si nous faisons parfois erreur dans
notre jugement politique, peu importe. L’homme est faillible. Ce qui importe,
c’est de ne pas nous tromper dans le domaine de la foi; ce qui importe, c’est
d’être fidèle à la Parole du Seigneur qui oriente toutes les conjonctures; ce
qui importe, c’est d’avoir des hommes et des femmes qui soient si intimement
rénovés dans leur cœur, qu’ils servent le peuple, dans la politique ou dans les
domaines temporels, en s’inspirant de leur foi.
C’est ce que je demande au
Seigneur : « De nous donner des politiciens, des gouvernants, des
hommes et des femmes qui aient la foi. » Parce qu’autrement, les
changements de structures, aussi profonds qu’ils soient, ne changeraient rien
si ce ne sont pas des hommes et des femmes de foi qui les dirigent en sachant
reconnaître la part de relatif que contiennent les conjonctures et les
structures, et la part d’absolu du Règne de Dieu.
Ce qui fulgure à présent, ce qui
illumine, comme un soleil, les pas des Mages et les pas de tous les ĂŞtres
humains, c’est la foi qui naît dans le cœur et dans la joie d’avoir connu le
Christ, la foi de savoir qu’Il ne faillira jamais et que dans toutes les crises
et même dans les échecs, l’allégresse de ne pas avoir échoué, pour avoir mis sa
confiance en Celui qui peut nous sauver, demeurera toujours. C’est pourquoi je
veux donner à mon homélie d’aujourd’hui ce titre qui, grâce à Dieu, puisse être
une inspiration pour tous ceux qui participent à cette réflexion.
L’Épiphanie, Révélation et Don de
Dieu Ă tous les Peuples.
Comprenons l’esprit de cette fête.
C’est cela, l’Épiphanie : RĂ©vĂ©lation et don de Dieu. Dieu qui se rĂ©vèle Ă
tous les peuples.
Plan de l’homélie :
1) Les mages, prémices d’un appel
universel
2) Ce que Dieu offre Ă tous les
peuples
3) Les Mages, exemple de ceux qui
cherchent et trouvent la véritable libération
1) Les mages, prémices d’un appel
universel
A) « Dieu m’a accordé par
révélation la connaissance du Mystère … les païens sont admis au même
héritage… »
Dans la seconde lecture (Ep
3,2-3a,5-6), saint Paul nous dit exactement qu’il se sent heureux d’être l’apôtre
des paĂŻens. Rappelons-nous l’énorme division qui Ă©tait soulignĂ©e jusqu’Ă
l’intérieur du temple de Jérusalem, par un grand mur, le mur des gentils. La
division entre le peuple juif, le privilégié, les enfants de Dieu, les fils
d’Abraham, ceux qui vont être sauvés, et le peuple gentil, qu’ils appelaient
les chiens, les Ă©trangers. Les juifs et les gentils ne pouvaient mĂŞme pas se
fréquenter.
« … mais c’est ici que le
Christ, dit saint Paul, a abattu ce mur et a fait de ces deux peuples, un
seul. » Et le grand mystère que Paul annonçait, est dit en toute clarté
dans l’épître que nous avons lu aujourd’hui : « Il m’a été donné de
connaître, par révélation, le mystère qui n’avait pas été manifesté aux hommes
d’un autre temps, comme il l’a été maintenant par l’Esprit, à ses saint apôtres
et prophètes – à ceux qui étaient chargés de prêcher. » Mais quel est donc
ce mystère? Que les gentils sont cohéritiers, membres du même corps,
participants de la promesse en Jésus-Christ, par l’Évangile. « C’est cela,
la grande nouvelle! »
Frères et sœurs, qui remplissez la
cathédrale, nous sommes des gentils; nous n’appartenons pas à la race juive; nous
sommes les descendants des paĂŻens qui peuplaient ces terres, il y Ă peine cinq
siècles; mais Dieu pensait à nous. Qui aurait pu dire à Christophe Colomb que,
sur ces terres vierges remplies de jungles, d’animaux et d’indigènes, allait fleurir,
de nos cathédrales, de nos sanctuaires, de nos temples, la civilisation
chrétienne? C’est cela, le grand mystère.
B) Le sens de l’Épiphanie
Deux mondes : juif et gentil
Les Mages provenaient, semble-t-il,
de l’Asie Mineure, probablement de l’Iran. Ils étaient éclairés par des
informations qui leur provenaient des juifs qui Ă©migraient vers ces terres ou
des juifs qui se joignaient peut-ĂŞtre aux gentils qui se rendaient en
pèlerinage à Jérusalem. Là , ils avaient entendu dire qu’un prophète, de
l’Ancien Testament, avait annoncé que, de la maison de Jacob, allait se lever
une étoile. C’est de là que proviendrait l’origine de cette étoile à laquelle
nous ne pouvons trouver d’explication naturelle.
Il s’agit des traditions de ces
peuples qui faisaient référence à une étoile. Ils avaient entendu parler aussi
qu’un roi, de la descendance de David, de la lignée d’Abraham, avait été
annoncé, et qu’il allait naître à Bethléem : “Et toi Bethléem, tu n’es pas
la moindre parce que de toi sortira Celui qui doit régner sur mon peuple
Israël.” Il y avait aussi cette prophétie de Michée qui annonçait que ce roi naîtrait
dans l’humble village de Bethléem. Les Mages entendirent parler de la nouvelle
des anges et des bergers et ils se mirent en marche, Ă la recherche du
Seigneur. Et l’étoile qui scintilla est à l’aube de leur foi.
« Les peuples marcheront à ta
lumière… »
« Des mages d’Orient… » C’est
l’expression de l’Évangile. Mais nous, à la lumière de la fête de l’Épiphanie,
nous commentons avec le prophète Isaïe (60,3)5-6) : “Les nations
marcheront à ta lumière et les rois à ta clarté naissante. […] Les richesses de
la mer afflueront vers toi, et les trésors des nations viendront chez toi. Des
multitudes de chameaux te couvriront ainsi que des jeunes bĂŞtes de Madian et
d’Épha; tous viendront de Saba, apportant l’or et l’encens” pour le brûler sur
tes autels. Toutes ces images des prophètes qui annonçaient un empire universel
et mystérieux, un monde divisé en petits royaumes, en empires, cela faisait rêver
les cœurs nobles : Où allait donc naître ce grand roi? ” Et quand ces
hommes, peut-être illuminés par leur science astrologique, cherchaient celui
qui devait naître, ils n’étaient que les prémices de l’accomplissement de cette
promesse.
Les Mages initient le pèlerinage des
peuples vers Dieu
C’est pourquoi cette fête de
l’Épiphanie est si grande. C’est le jour où nous célébrons l’abolition de ce
mur qui séparait les juifs, comme privilégiés, des autres, qui étaient
considérés impurs. La foi est passée au-dessus des différences charnelles. Ce
ne sont déjà plus des enfants d’Abraham selon la chair, ceux qui vont être le
Peuple de Dieu, ce sont des fils d’Abraham, parce qu’ils ont la foi d’Abraham.
C’est ici que se trouvent les prémices. Les Mages sont aussi des fils d’Abraham
même s’ils sont nés en Orient, parce qu’ils ont rencontré la même foi et le
mĂŞme roi.
Il semble que ce que l’apôtre saint
Matthieu veut nous démontrer dans son Évangile c’est comment le Christ se
révèle. Comment Il se fait connaître et aimer des gentils plus que par les
juifs. Parce que ces derniers, Hérode et ceux qui l’entouraient, auraient pu
donner un indice où le Christ devait se trouver. Mais ils demeurèrent
indifférents sauf Hérode qui chercha à connaître cet endroit afin de faire périr
l’enfant. (Jn 1,11-12) : « Il est venu chez lui, et les siens ne
l’ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir
de devenir enfants de Dieu. » 06/01/80, p.118-120, VIII.
2) Ce que Dieu offre Ă tous les
peuples
Qu’est-ce qu’offre ce Christ qui naît,
qui se manifeste et se fait déjà connaître aux prémices des gentils et de tous
ceux qui auront le bonheur de Le connaître et de Le suivre? Qu’est-ce que Dieu
nous offre, qu’est-ce qu’Il donne à tous les peuples? Trois choses : en
premier lieu, les dons individuels, en deuxième lieu, les dons sociaux, et en
troisième lieu, une Église pour administrer ces dons du Seigneur.
A) Les dons individuels
La Vocation
Dans l’Évangile d’aujourd’hui, lorsque
les Mages demandent : « Où est le roi des juifs qui est né parce que
nous avons vu son étoile et nous sommes venus pour l’adorer? » nous avons
là une très belle expression d’une vocation qui veut être fidèle à son appel.
C’est la première chose que Dieu donne : une vocation.
Chers frères, surtout vous les jeunes
et les enfants, demandez-vous comme les Mages : Est-ce cela mon Ă©toile? OĂą
se trouve la réalisation pleine et entière de ma vie? Où le Seigneur me veut-Il?
Nous avons tous une vocation. Pas un homme ni une femme ne naît sans une
vocation de Dieu. Nous avons tous une place à occuper dans l’histoire;
connaître ce poste et se développer, c’est réaliser sa propre personnalité.
Soyons fidèles et recherchons toujours ce que Dieu attend de nous.
La Foi
Qu’est-ce que les Mages exprimèrent lorsqu’ils
rencontrèrent cet enfant? « Ils s’agenouillèrent à ses pieds et
l’adorèrent. » Rien d’autre. C’est la foi. Seule la foi peut découvrir
dans un enfant posé sur les jambes d’une femme, qu’il s’agit d’un Dieu, d’un
Rédempteur, du Roi qu’ils recherchaient. Et ils lui offrirent de l’or, de
l’encens et de la myrrhe qui sont des expressions de foi, des prémices de la
sainte liturgie chrétienne. Nous employons aussi sur notre autel, de l’encens,
de l’or pour nos calices et de la myrrhe, signe de la Rédemption. Nous ne prêcherions
pas sans myrrhe, sans amertume, sans détachement. C’est pourquoi cela est-il si
difficile Ă comprendre.
L’Allégresse
Qu’est-ce que les Mages reçoivent
encore? L’Évangile le dit explicitement : « Quand ils revirent
l’étoile, leur cœur se remplit d’une joie intense. » C’est la grande
absente de notre temps : la joie, l’allégresse. Parce que nous n’avons pas
la foi, parce que nous n’avons pas connu Dieu qui est la source de
l’allégresse. C’est là un des signes de ceux qui sont avec Dieu : même au
milieu des difficultés de l’histoire, ils demeurent heureux parce que le
Seigneur est près d’eux. C’est ce que ressentirent les Mages.
La grâce de la Rédemption
Saint Paul dans la seconde lecture
(Ep 3,2-3a.5-6) complète ce tableau des dons personnels.
« Cohéritiers… »
Nous avons été faits cohéritiers des
promesses de Dieu Ă Abraham. Celles-ci sont nĂ´tres quand nous avons la foi que
nous sommes les fils de Dieu, que le Christ nous a rachetés, et que nous aurons
la Vie éternelle. Cela n’est pas une illusion. Les pauvres qui n’ont pas la foi
ne le comprennent pas; mais pour nous, c’est la plus grande motivation de nos
luttes, de nos efforts; c’est pour cela que nous travaillons sur la Terre avec autant
d’ardeur, ce que ne font pas ceux qui n’ont pas la foi ni l’espérance.
Membre du mĂŞme corps
Saint Paul dit : « C’est le
grand mystère que je vous ai révélé, que vous aussi les gentils, faites partie
de ce même corps. » Vous serez incorporés au Christ. Par leur baptême, que
les missionnaires nous apportèrent, nos ancêtres commencèrent à devenir des
membres du Christ. Peu importe de quelle race nous sommes; ce qui importe c’est
d’être membres du Christ. Il n’y a plus de Juifs, ni de Grecs, ni d’esclaves ni
d’hommes libres, ni même de différences entre les hommes et les femmes; la
seule chose qui compte dorénavant, c’est d’être membres du Christ. La grande
égalité que prêche le christianisme c’est l’égalité des enfants de Dieu. Tous
nos problèmes nationaux découlent de cette inégalité.
Â
Participants des promesses…
« Vous participez, dit saint
Paul, aux promesses en Jésus-Christ. » L’Évangile est le signe que la
procession des Mages se poursuit parmi nous parce que nous nous laissons guider
par sa Parole. En un mot, chacun de vous, comme moi, nous devons ressentir,
dans l’intimité de notre personnalité, les dons personnels que nous avons.
Je vous invite Ă faire un exercice
semblable à celui des Mages. Le Concile dit que chaque homme possède dans
l’intimité de son être, de sa conscience, comme une chambre secrète où Dieu
descend pour s’entretenir avec lui et où chacun décide de son propre destin.
Descendons aujourd’hui, comme les Mages, dans l’intimité de notre être pour
rencontrer le Christ là , dans notre cœur. Ne Le cherchons pas au dehors;
cherchons-le à l’intérieur de nous-mêmes et nous verrons alors que nous pouvons
parler du rôle que nous pouvons jouer en cette heure de l’histoire du Salvador!
Nous avons beaucoup Ă donner parce que Dieu est avec chacun de nous. 06/01/80,
p.120-122, VIII.
B) Dons à caractères sociaux
Le chemin clair de l’Histoire
Comme est belle cette première
lecture d’Isaïe (60,1-2) : « Debout! Resplendis! Car voici ta
lumière, et sur toi se lève la gloire de Yahvé. Tandis que les ténèbres
s’étendent sur la terre et l’obscurité sur les peuples, sur toi se lève Yahvé
et sa gloire sur toi paraĂ®t. » Le plus grand bien que Dieu puisse faire Ă
un peuple, c’est la foi. Pauvres peuples qui n’ont pas la foi! Ils marchent
dans les ténèbres. « Les ténèbres les encerclent; mais sur toi brillera la
lumière. »
Sagesse de ses rois…
« Les peuples marcheront vers ta
lumière et les rois à ta clarté naissante. » (Is 60,3) Bienheureux les
peuples qui ont des gouvernements chrétiens! Bienheureux les peuples dont les
rois adorent le Roi de l’Histoire, le Seigneur, et qui découvrent en Lui, ce
que Dieu veut pour ses peuples : qu’ils ne deviennent pas des tyrans, mais
des administrateurs de la volonté du Seigneur : être le bonheur et la
lumière des peuples!
Unité universelle
Quel autre don à caractère social?
L’unité universelle nous dit Isaïe : « Voyez comme tous les peuples
apportent leurs fils et leurs filles Ă la reconnaissance de ton unique
souveraineté. »
Richesse
La foi catholique qui a été injectée
dans les peuples ne l’a pas été pour anéantir ces peuples mais pour les
purifier, pour les Ă©lever, pour donner une valeur divine et Ă©ternelle Ă ces
cultures et à ces manières d’être.
L’Église du Salvador ne veut pas être
la copie identique de l’Église de Rome, ou de l’Asie ou d’ailleurs; elle
respecte la nature des Salvadoriens et tout en Ă©tant elle-mĂŞme salvadorienne,
elle élève le peuple, son histoire et ses valeurs, ses fruits et son travail.
Nous chrétiens salvadoriens, nous sommes capables de dire que nous sommes
authentiquement nationaux et que notre foi ne nous aliène pas. Au contraire,
elle purifie ce qu’il y a de grand, de noble et de beau dans chaque peuple!
C’est pourquoi l’Église prêche ses missions et enseigne à ses missionnaires de
ne pas apporter une sorte d’impérialisme aux autres peuples, de ne pas s’imposer
aux autres cultures, mais de donner cette foi qui purifie les cultures de tous
les peuples.
Les libérations qui veulent imposer
des idéologies importées d’ailleurs, trahissent notre nationalité. L’Église ne
trahira jamais le peuple comme peut le faire une inspiration marxiste ou une
inspiration de caractère aliénant et étranger à la nature de notre peuple.
Grâce à Dieu, dans les profondeurs de l’âme des Salvadoriens, le chrétien vit
et c’est en lui que nous retrouvons les germes de son authentique Libération.
C’est ce que la foi chrétienne apporte à nos peuples : une unité
universelle qui respecte le caractère de la pluralité. 06/01/80, p.122-123,
VIII.
C) L’Église
Qu’est-ce que nous donne Dieu au
travers des promesses que nous avons entendues aujourd’hui? Une Église chargée
d’administrer ces dons de Dieu aux peuples.
Marie avec Jésus, image de l’Église
Cela me charme aujourd’hui de
regarder le visage de Marie avec l’Enfant Jésus dans ses bras qui se fait
adorer par les Mages. Cela ressemble à cette belle image de l’Église qui offre
le Christ à tous les peuples. Marie et l’Église sont une seule et même réalité.
Marie est la magnifique image de l’Église et l’Église voit en Marie le modèle
de ce que doivent être toutes les âmes rachetées. C’est pourquoi l’Église et
Marie sont présentes en cette Épiphanie de Dieu pour dire aux humains que,
s’ils veulent rencontrer le Christ, ils ne doivent pas être séparés de
l’Église.
Saint Paul a dit aujourd’hui que ce
mystère de Dieu se donnant à tous les peuples, fut révélé par l’Esprit aux
apôtres et aux prophètes.
Cela signifie qu’au moyen des
ministres de l’Église, qu’au moyen de l’Église, les peuples connaîtront Dieu et
seront rachetés par la Rédemption du Christ. Il est bon de tenir compte de
cette grande doctrine, parce qu’ici circulent des idées comme quoi la
hiérarchie, le magistère ne compte pas sinon le peuple, l’Église du peuple. Il
est clair que le peuple est l’objet de nos travaux et que c’est par le peuple
que le Christ fonda son Église. “Mais l’Église, dit le Concile, est le germe du
Règne de Dieu qui sauvera tous les peuples.” Elle est l’instrument de Dieu pour
annoncer son Règne à tous les peuples.
Comme je voudrais, très chères
communautĂ©s chrĂ©tiennes, qu’avec un saint orgueil, vous ayez bien clair Ă
l’esprit cette idée : savoir qu’être docile et en communion avec l’Évêque
et avec le Pape, ce n’est pas trahir le peuple, mais c’est avoir la garantie de
conduire le peuple au Règne de Dieu… De grâce, très chers frères catholiques
et, surtout les communautés ecclésiales, ne vous détachez pas des saints, des
apôtres et des prophètes, du magistère qui a reçu de l’Esprit Saint la charge
d’annoncer que tous les peuples sont appelés à être rachetés en Jésus-Christ et
Ă recevoir ces grands dons de la RĂ©demption.
Le jour oĂą un prĂŞtre ou une
communauté, ou un catéchiste, un agent de pastorale préfère les caprices du
peuple aux inspirations du Magistère de l’Église, il est déjà en dehors de
l’Église; il prêche déjà quelque chose de très terrestre, de très humain. S’il
veut véritablement être une connexion entre cette doctrine, qui est descendue
du Ciel par le Christ Jésus, qui donne la vie et la sainteté que le Christ
apporta au monde, il doit employer ce canal que le Christ a laissé, en
disant : “Celui qui vous entend, m’entend et celui qui ne vous entend pas,
c’est moi qu’Il rejette.” Oui, le Christ a voulu orienter le ministère de son
Église au bonheur des peuples et à la fidélité à Dieu. Je vous supplie de
demander au Seigneur que cette Église soit véritablement une servante fidèle,
pour que nous sachions tous, même pécheurs, nous efforcer de nous convertir, faisant
en sorte qu’à chaque jour nous soyons davantage de fidèles instruments d’une
Église de Dieu qui veut sauver le monde. 06/01/80, p.123-124, VIII.
3) Les Mages, exemple de ceux qui
cherchent et trouvent la véritable libération
Prompt à entendre l’appel
Ce ne sont pas tous les hommes qui
rencontrent le Seigneur, mais les Mages nous donnent ce merveilleux exemple qui
nous fournit la clé pour découvrir le bonheur temporel. Tous ceux qui
ressentent intiment ce moment de crise politique dans le pays, se voient dans
le miroir des Mages. Et il se peut que, mĂŞme sans penser Ă la fĂŞte de
l’Épiphanie, même sans qu’ils soient chrétiens, il se peut, que par le simple
fait de vouloir sortir le pays de ce marasme, ils rencontrent dans cet exemple
chrétien des Mages, l’exemple politique, l’exemple qui rendra notre patrie
heureuse, le seul qui puisse la racheter.
A) DĂ©tachement
Les Mages voient l’étoile, ils se
sentent appelés par Dieu et entreprennent ce voyage. C’est ce qui est
important. Je crois que plusieurs parlent de changements au Salvador mais ne
veulent rien changer. Les plus coupables sont surtout ceux qui détiennent le
pouvoir économique, qui ne veulent pas se séparer de leurs biens pour
rechercher le bonheur du pays. Ainsi, nous n’arriverons à rien. De même, ceux
qui sont idolâtres du pouvoir, qui veulent s’y maintenir sans vouloir le
partager avec des civils qui, peut-être, sont davantage appelés à travailler pour
le bien du peuple. De mĂŞme pour ceux qui se disent en marche : les partis
politiques, les organisations populaires… Qu’est-ce qu’ils recherchent dans
leurs tactiques? Se sont-ils défaits de leur propre manière de penser pour
pouvoir dialoguer et rechercher avec tous, le bien dont la patrie a besoin?
S’adorent-ils eux-mêmes ou adorent-ils le peuple?
Ce détachement est nécessaire. Les
Mages n’auraient jamais rencontré le bonheur d’avoir connu le Roi de l’univers
s’ils n’avaient pas abandonné leurs commodités, leurs palais et leurs trônes.
Si, tout en étant vraiment des rois, ils n’avaient pas entrepris ce long
voyage, incommode, surtout en ces temps.
B) La Recherche
S’ils n’avaient pas rempli également
cette seconde condition, non seulement de détachement, mais de recherche.
Humble quête parce que nul ne peut prétendre tout savoir. Les Mages parvinrent
à Jérusalem et là ils sentirent le besoin d’aller demander leur chemin à nul
autre qu’à Hérode. Mais lui aussi ignorait ce fait et il dut consulter les
interprètes de la Bible. La vérité, personne ne la possède, sinon Dieu. Et
celui qui dĂ©sire marcher dans la vĂ©ritĂ© doit ĂŞtre humble et se joindre Ă
d’autres. Dans un dialogue, on ne peut pas imposer à l’autre sa manière de
penser. Le dialogue s’établit dans le respect de l’autre; c’est ce qui nous
manque, cet esprit de recherche. Où est ce Roi qui doit naître? Cela vaut la
peine, surtout lorsque la quête est si grande comme l’est le bien du pays ou
comme l’était pour les Mages qui voulaient connaître le Roi de l’univers. Cela
vaut la peine de tuer son amour propre et de faire prévaloir le bien du
Seigneur, le bien du peuple.
C) L’Adoration
Et finalement un troisième exemple
des Mages qui en plus de se désinstaller et de chercher, viennent adorer. Quand
ils rencontrèrent le Christ, ils s’inclinèrent comme de simples hommes devant
la majesté de Dieu, ils déposèrent à ses pieds leur couronne et leurs dons pour
s’agenouiller. C’est Lui seul qu’il faut adorer, seul le Christ est Seigneur.
Bienheureux celui qui est Ă genoux face au Seul devant qui nous devons nous
agenouiller. Comme cela est vrai devant les idoles de la société actuelle. Je
les ai souvent dénoncées et il suffit de rappeler qu’il existe de nombreux
idolâtres de la richesse et de l’argent qui ne seront pas capables d’adorer
Dieu parce qu’ils adorent leur argent. Idolâtres du pouvoir qui sont capables
de manipuler jusqu’aux consciences des autres pour satisfaire leurs ambitions
de pouvoir. Idolâtres de leur manière de penser : seul mon parti, seule
mon organisation possède la vérité. Ces idolâtries empêchent le Dieu unique de
nous sauver. Le seul qui puisse nous sauver. 06/01/80, p.124-125, VIII.