L’Épiphanie, révélation et don de Dieu à tous les peuples

 

Dimanche de l’Épiphanie; 6 janvier 1980; Lectures : IsaĂŻe 60,1-6; ÉphĂ©siens 3,2-3a.5-6; Matthieu 2,1-12.

 

Introduction :

 

1) Les Mages perdus à Jérusalem… Hérode et Jérusalem sursautent… image de notre situation nationale

 

Aujourd’hui, la pĂ©riode de NoĂ«l culmine par une fĂŞte qui resplendit comme le soleil pour illuminer le monde entier : c’est l’Épiphanie. Nous rencontrons dans l’Évangile d’aujourd’hui (Mt 2,1-12) quelques caractĂ©ristiques qui correspondent avec notre situation et qui, pour autant, peuvent illuminer, Ă  partir de la Parole de Dieu, le chemin de notre histoire nationale.

 

Les Mages recherchent un Roi

 

Lorsque les Mages, perdus Ă  JĂ©rusalem, demandèrent : « OĂą est le roi qui vient de naĂ®tre? Â», l’Évangile dit cette phrase (Mt 2,3-5) : « L’ayant appris, le roi HĂ©rode s’émut, et tout JĂ©rusalem avec lui. Il assembla tous les grands prĂŞtres avec les scribes du peuple, et il s’enquĂ©rait auprès d’eux du lieu oĂą devait naĂ®tre le Christ. “À BethlĂ©em de JudĂ©e”, lui dirent-ils. S’étant renseignĂ©s, les Mages poursuivirent leur chemin. Nous pourrions dirent qu’il se produisit alors une crise dans le processus. Â»

 

Une crise qui, comme toutes les crises, se résout pour le bien de ceux qui cherchent en toute sincérité avec une bonne volonté; crise, qui se résout, par contre, en pétrification, en obstination pour ceux qui cherchent avec une mauvaise volonté. Pour les Mages, ce fut la disparition de leur étoile qui les confondit pour quelque temps. C’est pourquoi ils durent s’arrêter à Jérusalem pour se renseigner. Ainsi ils parvinrent heureux à la fin de leur quête et ils rencontrèrent l’enfant avec une joie intense. Par contre, Hérode qui était obsédé par l’ambition de son trône et qui tremblait avec d’autres devant cette perspective politique de perdre son pouvoir, fut ébranlé et planifia l’assassinat de cet enfant.

 

Dans le pays, nous nous retrouvons Ă©galement dans une crise du processus politique et c’est l’heure oĂą, comme les Mages, avec la bonne volontĂ© de tous les Salvadoriens, nous devrions nous demander : « OĂą est le Roi que nous recherchons, le vĂ©ritable Sauveur de notre patrie? Â»

 

2) La réponse à cette demande se trouve dans la Parole de Dieu.

 

Nous la trouverons si nous consultons la Parole de Dieu et si nous vivons notre foi. Aujourd’hui, précisément, dans la liturgie de l’Épiphanie, le Seigneur nous donne des clés merveilleuses et lumineuses pour trouver des solutions.

 

Sens de l’Épiphanie

 

L’Épiphanie est une parole grecque qui signifie : manifestation. Le mystère de NoĂ«l est le mystère d’un Dieu qui se fait prĂ©sent dans le monde et qui se manifeste Ă  tous les peuples. Il ne suffit pas de l’avoir connu dans le silence de la Sainte Nuit avec les humbles bergers. Dans l’intimitĂ© de Marie et de Joseph, le Christ naĂ®t pour sauver tous les peuples et Il a donc besoin de se faire connaĂ®tre, de se manifester. Il doit ĂŞtre Épiphanie. C’est le sens de l’homĂ©lie d’aujourd’hui.

 

C’est pourquoi ces Mages, dont l’Évangile nous relate l’histoire ce matin, forment les prémices d’une immense procession dont nous sommes les héritiers. Nous sommes les mages de 1980, les continuateurs de ceux qui furent les Mages d’il y a vingt siècles, les premiers de ceux qui connurent le Christ. Bienheureux les hommes, bienheureux les peuples qui vont à sa rencontre!

 

3) Le principal ce n’est pas la solution politique… cela viendra par surcroît

 

C’est ce que signifie la fĂŞte de l’Épiphanie : la rĂ©vĂ©lation de Dieu pour que les hommes et les femmes l’adorent, le reconnaissent, espèrent en lui parce que c’est en Lui seul que nous pouvons avoir le Salut. C’est pourquoi je disais que, pour notre patrie, cette fĂŞte, qui convoque tous les peuples Ă  adorer le VĂ©ritable LibĂ©rateur, pourrait ĂŞtre le jour oĂą notre crise sera rĂ©solue, le jour oĂą la Parole de Dieu illuminera ceux qui cherchent avec sincĂ©ritĂ©. Puisse Dieu faire que cette fĂŞte de l’Épiphanie soit l’étoile de notre peuple, une consultation de la Parole de Dieu qui illumine les sentiers, provoque une vĂ©ritable sortie de cette crise afin que ce processus parvienne Ă  son dĂ©nouement final.

 

Mais je voudrais dire qu’en cette Épiphanie, ainsi qu’à toutes les fĂŞtes liturgiques et Ă  tous les dimanches de l’annĂ©e, nous venions Ă  la CathĂ©drale, non pas par curiositĂ© politique et transitoire. Comme est intĂ©ressante l’histoire de notre patrie, lorsqu’à chaque dimanche, nous rencontrons des conjonctures distinctes! Si cela Ă©tait notre raison d’être sur la Terre, combien variable et inconsistante serait notre destinĂ©e humaine! Un chemin d’opportunistes comme ceux qui changent au grĂ© des conjonctures. Mais je le rĂ©pète : L’Église ne vit pas de conjonctures; l’Église poursuit un chemin serein que l’étoile de sa foi oriente, un destin supĂ©rieur aux projets de la Terre; elle poursuit des objectifs qui demeureront mĂŞme lorsque passeront les problèmes politiques de notre temps.

 

Comme l’homme est inconsistant lorsqu’il s’appuie sur l’homme! Ceux qui avaient confiance dans le cabinet qui vient de renoncer, doivent maintenant se sentir dĂ©sillusionnĂ©s. Ceux qui se fiaient dans l’ancien rĂ©gime se sentent abandonnĂ©s, peut-ĂŞtre victimes de vengeance. Frères, nous ne vivons pas de ces critères; sachons les Ă©clairer de la lumière de l’Éternel. L’Épiphanie inspira Ă  la liturgie de l’Église un hymne magnifique oĂą il est dit au roi HĂ©rode : “Pourquoi trembles-tu HĂ©rode? Il ne vient pas pour s’emparer des royaumes terrestres Celui qui vient nous apporter le Règne Éternel.” C’est cela, la grandeur du christianisme. Nous ne vivons pas du va-et-vient des convenances de la Terre. C’est pourquoi j’incite les communautĂ©s chrĂ©tiennes Ă  toujours maintenir leur foi dans le Christ, Ă  prĂ©server surtout sa transcendance qui Ă©claire l’immanent et le transitoire.

 

Si nous faisons parfois erreur dans notre jugement politique, peu importe. L’homme est faillible. Ce qui importe, c’est de ne pas nous tromper dans le domaine de la foi; ce qui importe, c’est d’être fidèle à la Parole du Seigneur qui oriente toutes les conjonctures; ce qui importe, c’est d’avoir des hommes et des femmes qui soient si intimement rénovés dans leur cœur, qu’ils servent le peuple, dans la politique ou dans les domaines temporels, en s’inspirant de leur foi.

 

C’est ce que je demande au Seigneur : « De nous donner des politiciens, des gouvernants, des hommes et des femmes qui aient la foi. Â» Parce qu’autrement, les changements de structures, aussi profonds qu’ils soient, ne changeraient rien si ce ne sont pas des hommes et des femmes de foi qui les dirigent en sachant reconnaĂ®tre la part de relatif que contiennent les conjonctures et les structures, et la part d’absolu du Règne de Dieu.

 

Ce qui fulgure à présent, ce qui illumine, comme un soleil, les pas des Mages et les pas de tous les êtres humains, c’est la foi qui naît dans le cœur et dans la joie d’avoir connu le Christ, la foi de savoir qu’Il ne faillira jamais et que dans toutes les crises et même dans les échecs, l’allégresse de ne pas avoir échoué, pour avoir mis sa confiance en Celui qui peut nous sauver, demeurera toujours. C’est pourquoi je veux donner à mon homélie d’aujourd’hui ce titre qui, grâce à Dieu, puisse être une inspiration pour tous ceux qui participent à cette réflexion.

 

L’Épiphanie, Révélation et Don de Dieu à tous les Peuples.

 

Comprenons l’esprit de cette fĂŞte. C’est cela, l’Épiphanie : RĂ©vĂ©lation et don de Dieu. Dieu qui se rĂ©vèle Ă  tous les peuples.

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) Les mages, prémices d’un appel universel

2) Ce que Dieu offre Ă  tous les peuples

3) Les Mages, exemple de ceux qui cherchent et trouvent la véritable libération

 

1) Les mages, prémices d’un appel universel

 

A) « Dieu m’a accordĂ© par rĂ©vĂ©lation la connaissance du Mystère … les paĂŻens sont admis au mĂŞme hĂ©ritage… Â»

 

Dans la seconde lecture (Ep 3,2-3a,5-6), saint Paul nous dit exactement qu’il se sent heureux d’être l’apôtre des païens. Rappelons-nous l’énorme division qui était soulignée jusqu’à l’intérieur du temple de Jérusalem, par un grand mur, le mur des gentils. La division entre le peuple juif, le privilégié, les enfants de Dieu, les fils d’Abraham, ceux qui vont être sauvés, et le peuple gentil, qu’ils appelaient les chiens, les étrangers. Les juifs et les gentils ne pouvaient même pas se fréquenter.

 

« â€¦ mais c’est ici que le Christ, dit saint Paul, a abattu ce mur et a fait de ces deux peuples, un seul. Â» Et le grand mystère que Paul annonçait, est dit en toute clartĂ© dans l’épĂ®tre que nous avons lu aujourd’hui : « Il m’a Ă©tĂ© donnĂ© de connaĂ®tre, par rĂ©vĂ©lation, le mystère qui n’avait pas Ă©tĂ© manifestĂ© aux hommes d’un autre temps, comme il l’a Ă©tĂ© maintenant par l’Esprit, Ă  ses saint apĂ´tres et prophètes – Ă  ceux qui Ă©taient chargĂ©s de prĂŞcher. Â» Mais quel est donc ce mystère? Que les gentils sont cohĂ©ritiers, membres du mĂŞme corps, participants de la promesse en JĂ©sus-Christ, par l’Évangile. « C’est cela, la grande nouvelle! Â»

 

Frères et sœurs, qui remplissez la cathédrale, nous sommes des gentils; nous n’appartenons pas à la race juive; nous sommes les descendants des païens qui peuplaient ces terres, il y à peine cinq siècles; mais Dieu pensait à nous. Qui aurait pu dire à Christophe Colomb que, sur ces terres vierges remplies de jungles, d’animaux et d’indigènes, allait fleurir, de nos cathédrales, de nos sanctuaires, de nos temples, la civilisation chrétienne? C’est cela, le grand mystère.

 

B) Le sens de l’Épiphanie

 

Deux mondes : juif et gentil

 

Les Mages provenaient, semble-t-il, de l’Asie Mineure, probablement de l’Iran. Ils étaient éclairés par des informations qui leur provenaient des juifs qui émigraient vers ces terres ou des juifs qui se joignaient peut-être aux gentils qui se rendaient en pèlerinage à Jérusalem. Là, ils avaient entendu dire qu’un prophète, de l’Ancien Testament, avait annoncé que, de la maison de Jacob, allait se lever une étoile. C’est de là que proviendrait l’origine de cette étoile à laquelle nous ne pouvons trouver d’explication naturelle.

 

Il s’agit des traditions de ces peuples qui faisaient rĂ©fĂ©rence Ă  une Ă©toile. Ils avaient entendu parler aussi qu’un roi, de la descendance de David, de la lignĂ©e d’Abraham, avait Ă©tĂ© annoncĂ©, et qu’il allait naĂ®tre Ă  BethlĂ©em : “Et toi BethlĂ©em, tu n’es pas la moindre parce que de toi sortira Celui qui doit rĂ©gner sur mon peuple IsraĂ«l.” Il y avait aussi cette prophĂ©tie de MichĂ©e qui annonçait que ce roi naĂ®trait dans l’humble village de BethlĂ©em. Les Mages entendirent parler de la nouvelle des anges et des bergers et ils se mirent en marche, Ă  la recherche du Seigneur. Et l’étoile qui scintilla est Ă  l’aube de leur foi.

 

« Les peuples marcheront Ă  ta lumière… Â»

 

« Des mages d’Orient… Â» C’est l’expression de l’Évangile. Mais nous, Ă  la lumière de la fĂŞte de l’Épiphanie, nous commentons avec le prophète IsaĂŻe (60,3)5-6) : “Les nations marcheront Ă  ta lumière et les rois Ă  ta clartĂ© naissante. […] Les richesses de la mer afflueront vers toi, et les trĂ©sors des nations viendront chez toi. Des multitudes de chameaux te couvriront ainsi que des jeunes bĂŞtes de Madian et d’Épha; tous viendront de Saba, apportant l’or et l’encens” pour le brĂ»ler sur tes autels. Toutes ces images des prophètes qui annonçaient un empire universel et mystĂ©rieux, un monde divisĂ© en petits royaumes, en empires, cela faisait rĂŞver les cĹ“urs nobles : OĂą allait donc naĂ®tre ce grand roi? ” Et quand ces hommes, peut-ĂŞtre illuminĂ©s par leur science astrologique, cherchaient celui qui devait naĂ®tre, ils n’étaient que les prĂ©mices de l’accomplissement de cette promesse.

 

Les Mages initient le pèlerinage des peuples vers Dieu

 

C’est pourquoi cette fête de l’Épiphanie est si grande. C’est le jour où nous célébrons l’abolition de ce mur qui séparait les juifs, comme privilégiés, des autres, qui étaient considérés impurs. La foi est passée au-dessus des différences charnelles. Ce ne sont déjà plus des enfants d’Abraham selon la chair, ceux qui vont être le Peuple de Dieu, ce sont des fils d’Abraham, parce qu’ils ont la foi d’Abraham. C’est ici que se trouvent les prémices. Les Mages sont aussi des fils d’Abraham même s’ils sont nés en Orient, parce qu’ils ont rencontré la même foi et le même roi.

 

Il semble que ce que l’apĂ´tre saint Matthieu veut nous dĂ©montrer dans son Évangile c’est comment le Christ se rĂ©vèle. Comment Il se fait connaĂ®tre et aimer des gentils plus que par les juifs. Parce que ces derniers, HĂ©rode et ceux qui l’entouraient, auraient pu donner un indice oĂą le Christ devait se trouver. Mais ils demeurèrent indiffĂ©rents sauf HĂ©rode qui chercha Ă  connaĂ®tre cet endroit afin de faire pĂ©rir l’enfant. (Jn 1,11-12) : « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais Ă  tous ceux qui l’ont accueilli, il a donnĂ© pouvoir de devenir enfants de Dieu. Â» 06/01/80, p.118-120, VIII.

 

2) Ce que Dieu offre Ă  tous les peuples

 

Qu’est-ce qu’offre ce Christ qui naĂ®t, qui se manifeste et se fait dĂ©jĂ  connaĂ®tre aux prĂ©mices des gentils et de tous ceux qui auront le bonheur de Le connaĂ®tre et de Le suivre? Qu’est-ce que Dieu nous offre, qu’est-ce qu’Il donne Ă  tous les peuples? Trois choses : en premier lieu, les dons individuels, en deuxième lieu, les dons sociaux, et en troisième lieu, une Église pour administrer ces dons du Seigneur.

 

A) Les dons individuels

 

La Vocation

 

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, lorsque les Mages demandent : « OĂą est le roi des juifs qui est nĂ© parce que nous avons vu son Ă©toile et nous sommes venus pour l’adorer? Â» nous avons lĂ  une très belle expression d’une vocation qui veut ĂŞtre fidèle Ă  son appel. C’est la première chose que Dieu donne : une vocation.

 

Chers frères, surtout vous les jeunes et les enfants, demandez-vous comme les Mages : Est-ce cela mon Ă©toile? OĂą se trouve la rĂ©alisation pleine et entière de ma vie? OĂą le Seigneur me veut-Il? Nous avons tous une vocation. Pas un homme ni une femme ne naĂ®t sans une vocation de Dieu. Nous avons tous une place Ă  occuper dans l’histoire; connaĂ®tre ce poste et se dĂ©velopper, c’est rĂ©aliser sa propre personnalitĂ©. Soyons fidèles et recherchons toujours ce que Dieu attend de nous.

 

 

La Foi

 

Qu’est-ce que les Mages exprimèrent lorsqu’ils rencontrèrent cet enfant? « Ils s’agenouillèrent Ă  ses pieds et l’adorèrent. Â» Rien d’autre. C’est la foi. Seule la foi peut dĂ©couvrir dans un enfant posĂ© sur les jambes d’une femme, qu’il s’agit d’un Dieu, d’un RĂ©dempteur, du Roi qu’ils recherchaient. Et ils lui offrirent de l’or, de l’encens et de la myrrhe qui sont des expressions de foi, des prĂ©mices de la sainte liturgie chrĂ©tienne. Nous employons aussi sur notre autel, de l’encens, de l’or pour nos calices et de la myrrhe, signe de la RĂ©demption. Nous ne prĂŞcherions pas sans myrrhe, sans amertume, sans dĂ©tachement. C’est pourquoi cela est-il si difficile Ă  comprendre.

 

L’Allégresse

 

Qu’est-ce que les Mages reçoivent encore? L’Évangile le dit explicitement : « Quand ils revirent l’étoile, leur cĹ“ur se remplit d’une joie intense. Â» C’est la grande absente de notre temps : la joie, l’allĂ©gresse. Parce que nous n’avons pas la foi, parce que nous n’avons pas connu Dieu qui est la source de l’allĂ©gresse. C’est lĂ  un des signes de ceux qui sont avec Dieu : mĂŞme au milieu des difficultĂ©s de l’histoire, ils demeurent heureux parce que le Seigneur est près d’eux. C’est ce que ressentirent les Mages.

 

La grâce de la Rédemption

 

Saint Paul dans la seconde lecture (Ep 3,2-3a.5-6) complète ce tableau des dons personnels.

 

« CohĂ©ritiers… Â»

 

Nous avons été faits cohéritiers des promesses de Dieu à Abraham. Celles-ci sont nôtres quand nous avons la foi que nous sommes les fils de Dieu, que le Christ nous a rachetés, et que nous aurons la Vie éternelle. Cela n’est pas une illusion. Les pauvres qui n’ont pas la foi ne le comprennent pas; mais pour nous, c’est la plus grande motivation de nos luttes, de nos efforts; c’est pour cela que nous travaillons sur la Terre avec autant d’ardeur, ce que ne font pas ceux qui n’ont pas la foi ni l’espérance.

 

Membre du mĂŞme corps

 

Saint Paul dit : « C’est le grand mystère que je vous ai rĂ©vĂ©lĂ©, que vous aussi les gentils, faites partie de ce mĂŞme corps. Â» Vous serez incorporĂ©s au Christ. Par leur baptĂŞme, que les missionnaires nous apportèrent, nos ancĂŞtres commencèrent Ă  devenir des membres du Christ. Peu importe de quelle race nous sommes; ce qui importe c’est d’être membres du Christ. Il n’y a plus de Juifs, ni de Grecs, ni d’esclaves ni d’hommes libres, ni mĂŞme de diffĂ©rences entre les hommes et les femmes; la seule chose qui compte dorĂ©navant, c’est d’être membres du Christ. La grande Ă©galitĂ© que prĂŞche le christianisme c’est l’égalitĂ© des enfants de Dieu. Tous nos problèmes nationaux dĂ©coulent de cette inĂ©galitĂ©.

 

Participants des promesses…

 

« Vous participez, dit saint Paul, aux promesses en JĂ©sus-Christ. Â» L’Évangile est le signe que la procession des Mages se poursuit parmi nous parce que nous nous laissons guider par sa Parole. En un mot, chacun de vous, comme moi, nous devons ressentir, dans l’intimitĂ© de notre personnalitĂ©, les dons personnels que nous avons.

 

Je vous invite à faire un exercice semblable à celui des Mages. Le Concile dit que chaque homme possède dans l’intimité de son être, de sa conscience, comme une chambre secrète où Dieu descend pour s’entretenir avec lui et où chacun décide de son propre destin. Descendons aujourd’hui, comme les Mages, dans l’intimité de notre être pour rencontrer le Christ là, dans notre cœur. Ne Le cherchons pas au dehors; cherchons-le à l’intérieur de nous-mêmes et nous verrons alors que nous pouvons parler du rôle que nous pouvons jouer en cette heure de l’histoire du Salvador! Nous avons beaucoup à donner parce que Dieu est avec chacun de nous. 06/01/80, p.120-122, VIII.

 

B) Dons à caractères sociaux

 

Le chemin clair de l’Histoire

 

Comme est belle cette première lecture d’IsaĂŻe (60,1-2) : « Debout! Resplendis! Car voici ta lumière, et sur toi se lève la gloire de YahvĂ©. Tandis que les tĂ©nèbres s’étendent sur la terre et l’obscuritĂ© sur les peuples, sur toi se lève YahvĂ© et sa gloire sur toi paraĂ®t. Â» Le plus grand bien que Dieu puisse faire Ă  un peuple, c’est la foi. Pauvres peuples qui n’ont pas la foi! Ils marchent dans les tĂ©nèbres. « Les tĂ©nèbres les encerclent; mais sur toi brillera la lumière. Â»

 

Sagesse de ses rois…

 

« Les peuples marcheront vers ta lumière et les rois Ă  ta clartĂ© naissante. Â» (Is 60,3) Bienheureux les peuples qui ont des gouvernements chrĂ©tiens! Bienheureux les peuples dont les rois adorent le Roi de l’Histoire, le Seigneur, et qui dĂ©couvrent en Lui, ce que Dieu veut pour ses peuples : qu’ils ne deviennent pas des tyrans, mais des administrateurs de la volontĂ© du Seigneur : ĂŞtre le bonheur et la lumière des peuples!

 

Unité universelle

 

Quel autre don Ă  caractère social? L’unitĂ© universelle nous dit IsaĂŻe : « Voyez comme tous les peuples apportent leurs fils et leurs filles Ă  la reconnaissance de ton unique souverainetĂ©. Â»

 

Richesse

 

La foi catholique qui a été injectée dans les peuples ne l’a pas été pour anéantir ces peuples mais pour les purifier, pour les élever, pour donner une valeur divine et éternelle à ces cultures et à ces manières d’être.

 

L’Église du Salvador ne veut pas être la copie identique de l’Église de Rome, ou de l’Asie ou d’ailleurs; elle respecte la nature des Salvadoriens et tout en étant elle-même salvadorienne, elle élève le peuple, son histoire et ses valeurs, ses fruits et son travail. Nous chrétiens salvadoriens, nous sommes capables de dire que nous sommes authentiquement nationaux et que notre foi ne nous aliène pas. Au contraire, elle purifie ce qu’il y a de grand, de noble et de beau dans chaque peuple! C’est pourquoi l’Église prêche ses missions et enseigne à ses missionnaires de ne pas apporter une sorte d’impérialisme aux autres peuples, de ne pas s’imposer aux autres cultures, mais de donner cette foi qui purifie les cultures de tous les peuples.

 

Les libĂ©rations qui veulent imposer des idĂ©ologies importĂ©es d’ailleurs, trahissent notre nationalitĂ©. L’Église ne trahira jamais le peuple comme peut le faire une inspiration marxiste ou une inspiration de caractère aliĂ©nant et Ă©tranger Ă  la nature de notre peuple. Grâce Ă  Dieu, dans les profondeurs de l’âme des Salvadoriens, le chrĂ©tien vit et c’est en lui que nous retrouvons les germes de son authentique LibĂ©ration. C’est ce que la foi chrĂ©tienne apporte Ă  nos peuples : une unitĂ© universelle qui respecte le caractère de la pluralitĂ©. 06/01/80, p.122-123, VIII.

 

C) L’Église

 

Qu’est-ce que nous donne Dieu au travers des promesses que nous avons entendues aujourd’hui? Une Église chargée d’administrer ces dons de Dieu aux peuples.

 

Marie avec Jésus, image de l’Église

 

Cela me charme aujourd’hui de regarder le visage de Marie avec l’Enfant Jésus dans ses bras qui se fait adorer par les Mages. Cela ressemble à cette belle image de l’Église qui offre le Christ à tous les peuples. Marie et l’Église sont une seule et même réalité. Marie est la magnifique image de l’Église et l’Église voit en Marie le modèle de ce que doivent être toutes les âmes rachetées. C’est pourquoi l’Église et Marie sont présentes en cette Épiphanie de Dieu pour dire aux humains que, s’ils veulent rencontrer le Christ, ils ne doivent pas être séparés de l’Église.

 

Saint Paul a dit aujourd’hui que ce mystère de Dieu se donnant à tous les peuples, fut révélé par l’Esprit aux apôtres et aux prophètes.

 

Cela signifie qu’au moyen des ministres de l’Église, qu’au moyen de l’Église, les peuples connaîtront Dieu et seront rachetés par la Rédemption du Christ. Il est bon de tenir compte de cette grande doctrine, parce qu’ici circulent des idées comme quoi la hiérarchie, le magistère ne compte pas sinon le peuple, l’Église du peuple. Il est clair que le peuple est l’objet de nos travaux et que c’est par le peuple que le Christ fonda son Église. “Mais l’Église, dit le Concile, est le germe du Règne de Dieu qui sauvera tous les peuples.” Elle est l’instrument de Dieu pour annoncer son Règne à tous les peuples.

 

Comme je voudrais, très chères communautĂ©s chrĂ©tiennes, qu’avec un saint orgueil, vous ayez bien clair Ă  l’esprit cette idĂ©e : savoir qu’être docile et en communion avec l’ÉvĂŞque et avec le Pape, ce n’est pas trahir le peuple, mais c’est avoir la garantie de conduire le peuple au Règne de Dieu… De grâce, très chers frères catholiques et, surtout les communautĂ©s ecclĂ©siales, ne vous dĂ©tachez pas des saints, des apĂ´tres et des prophètes, du magistère qui a reçu de l’Esprit Saint la charge d’annoncer que tous les peuples sont appelĂ©s Ă  ĂŞtre rachetĂ©s en JĂ©sus-Christ et Ă  recevoir ces grands dons de la RĂ©demption.

 

Le jour oĂą un prĂŞtre ou une communautĂ©, ou un catĂ©chiste, un agent de pastorale prĂ©fère les caprices du peuple aux inspirations du Magistère de l’Église, il est dĂ©jĂ  en dehors de l’Église; il prĂŞche dĂ©jĂ  quelque chose de très terrestre, de très humain. S’il veut vĂ©ritablement ĂŞtre une connexion entre cette doctrine, qui est descendue du Ciel par le Christ JĂ©sus, qui donne la vie et la saintetĂ© que le Christ apporta au monde, il doit employer ce canal que le Christ a laissĂ©, en disant : “Celui qui vous entend, m’entend et celui qui ne vous entend pas, c’est moi qu’Il rejette.” Oui, le Christ a voulu orienter le ministère de son Église au bonheur des peuples et Ă  la fidĂ©litĂ© Ă  Dieu. Je vous supplie de demander au Seigneur que cette Église soit vĂ©ritablement une servante fidèle, pour que nous sachions tous, mĂŞme pĂ©cheurs, nous efforcer de nous convertir, faisant en sorte qu’à chaque jour nous soyons davantage de fidèles instruments d’une Église de Dieu qui veut sauver le monde. 06/01/80, p.123-124, VIII.

 

3) Les Mages, exemple de ceux qui cherchent et trouvent la véritable libération

 

Prompt à entendre l’appel

 

Ce ne sont pas tous les hommes qui rencontrent le Seigneur, mais les Mages nous donnent ce merveilleux exemple qui nous fournit la clé pour découvrir le bonheur temporel. Tous ceux qui ressentent intiment ce moment de crise politique dans le pays, se voient dans le miroir des Mages. Et il se peut que, même sans penser à la fête de l’Épiphanie, même sans qu’ils soient chrétiens, il se peut, que par le simple fait de vouloir sortir le pays de ce marasme, ils rencontrent dans cet exemple chrétien des Mages, l’exemple politique, l’exemple qui rendra notre patrie heureuse, le seul qui puisse la racheter.

 

A) DĂ©tachement

 

Les Mages voient l’étoile, ils se sentent appelĂ©s par Dieu et entreprennent ce voyage. C’est ce qui est important. Je crois que plusieurs parlent de changements au Salvador mais ne veulent rien changer. Les plus coupables sont surtout ceux qui dĂ©tiennent le pouvoir Ă©conomique, qui ne veulent pas se sĂ©parer de leurs biens pour rechercher le bonheur du pays. Ainsi, nous n’arriverons Ă  rien. De mĂŞme, ceux qui sont idolâtres du pouvoir, qui veulent s’y maintenir sans vouloir le partager avec des civils qui, peut-ĂŞtre, sont davantage appelĂ©s Ă  travailler pour le bien du peuple. De mĂŞme pour ceux qui se disent en marche : les partis politiques, les organisations populaires… Qu’est-ce qu’ils recherchent dans leurs tactiques? Se sont-ils dĂ©faits de leur propre manière de penser pour pouvoir dialoguer et rechercher avec tous, le bien dont la patrie a besoin? S’adorent-ils eux-mĂŞmes ou adorent-ils le peuple?

 

Ce détachement est nécessaire. Les Mages n’auraient jamais rencontré le bonheur d’avoir connu le Roi de l’univers s’ils n’avaient pas abandonné leurs commodités, leurs palais et leurs trônes. Si, tout en étant vraiment des rois, ils n’avaient pas entrepris ce long voyage, incommode, surtout en ces temps.

 

B) La Recherche

 

S’ils n’avaient pas rempli également cette seconde condition, non seulement de détachement, mais de recherche. Humble quête parce que nul ne peut prétendre tout savoir. Les Mages parvinrent à Jérusalem et là ils sentirent le besoin d’aller demander leur chemin à nul autre qu’à Hérode. Mais lui aussi ignorait ce fait et il dut consulter les interprètes de la Bible. La vérité, personne ne la possède, sinon Dieu. Et celui qui désire marcher dans la vérité doit être humble et se joindre à d’autres. Dans un dialogue, on ne peut pas imposer à l’autre sa manière de penser. Le dialogue s’établit dans le respect de l’autre; c’est ce qui nous manque, cet esprit de recherche. Où est ce Roi qui doit naître? Cela vaut la peine, surtout lorsque la quête est si grande comme l’est le bien du pays ou comme l’était pour les Mages qui voulaient connaître le Roi de l’univers. Cela vaut la peine de tuer son amour propre et de faire prévaloir le bien du Seigneur, le bien du peuple.

 

C) L’Adoration

 

Et finalement un troisième exemple des Mages qui en plus de se dĂ©sinstaller et de chercher, viennent adorer. Quand ils rencontrèrent le Christ, ils s’inclinèrent comme de simples hommes devant la majestĂ© de Dieu, ils dĂ©posèrent Ă  ses pieds leur couronne et leurs dons pour s’agenouiller. C’est Lui seul qu’il faut adorer, seul le Christ est Seigneur. Bienheureux celui qui est Ă  genoux face au Seul devant qui nous devons nous agenouiller. Comme cela est vrai devant les idoles de la sociĂ©tĂ© actuelle. Je les ai souvent dĂ©noncĂ©es et il suffit de rappeler qu’il existe de nombreux idolâtres de la richesse et de l’argent qui ne seront pas capables d’adorer Dieu parce qu’ils adorent leur argent. Idolâtres du pouvoir qui sont capables de manipuler jusqu’aux consciences des autres pour satisfaire leurs ambitions de pouvoir. Idolâtres de leur manière de penser : seul mon parti, seule mon organisation possède la vĂ©ritĂ©. Ces idolâtries empĂŞchent le Dieu unique de nous sauver. Le seul qui puisse nous sauver. 06/01/80, p.124-125, VIII.