L’Espérance chrétienne, clé et force
de notre véritable Libération
Trente-troisième dimanche du temps
ordinaire; 18 novembre 1979; Lectures : Daniel 12,1-3; HĂ©breux
10,11-14.18; Marc 13,24-32.
Plan de l’homélie :
1) Le But de notre Espérance :
le Règne de Dieu
2) La Force de notre Espérance :
la Libération en Jésus-Christ
3) Attitudes des personnes qui ont
l’Espérance. À ce but et à cette force dynamique correspondent chez le chrétien
de conviction des attitudes qui lui permettent d’être un agent valeureux de la
libération des peuples.
1) Le But de notre Espérance :
le Règne de Dieu
A) Description de la tension des
chrétiens : espérance, vertu théologale qui place sa confiance en Dieu
L’Évangile recueille une
préoccupation qu’avaient les chrétiens alors que le Christ était déjà mort et
ressuscité, et que l’annonce du Règne leur paraissait si proche. Pour
plusieurs, cela constituait une tentation : croire que le Règne était sur
le point d’arriver. Mais le Christ leur avait dit que même le Fils ignorait le
jour et l’heure de son avènement. Ce fut un travail contant des pasteurs des
premiers temps du christianisme de dire que cette proximité était pour
maintenir une tension chez les chrétiens. C’est cela la foi chrétienne. Une
tension qui se nomme Espérance. Espérer (attendre) le Christ qui a promis son
retour. Dans notre messe nous répétons : « Viens Seigneur
Jésus. » Le peuple chrétien marche, animé d’une espérance vers le Règne de
Dieu.
Saint Marc (13,24-32) : Discours
eschatologique : le temple et Jérusalem – Signes du Règne de Dieu qui sont
détruits pour faire place au définitif. Le cadre de ce passage de l’Évangile
que nous avons lu aujourd’hui situe l’Évangile de saint Marc aux derniers jours
de la vie du Christ. Alors qu’Il allait du temple vers Béthanie où on Lui avait
offert une chaleureuse hospitalité. Ils admiraient l’édifice du temple. Le
coucher du soleil faisait briller cette montagne de marbre qu’était le temple,
c’est à cette heure qu’il semblait éternel, indestructible, symbole d’une
alliance entre Dieu et le peuple juif. C’est alors que le Christ dit aux
apôtres admiratifs devant cette merveille d’architecture et du génie humain (Mc
13,2-3) : « Je vous dis que de ce temple il ne restera pas pierre sur
pierre. » Et ils lui demandèrent : « Quand cela arrivera-t-il
Seigneur? » Et c’est en réponse à cela que commence le fameux discours
eschatologique. C’est ainsi que se nomme ce passage, un des discours les plus
longs du Christ que l’Évangile ait conservés. Le discours eschatologique, celui
des derniers temps, de la fin, c’est ce que signifie eschatologie :
l’ultime, le définitif.
Le Christ regarde le temple, figure
et symbole de l’histoire d’Israël, un peuple auquel Dieu a promis une éternité
inaltérable. Et maintenant le Christ affirme que de ce temple il ne demeurera
pas pierre sur pierre. C’est que la prophétie ne se réfère pas au symbole. Le
Christ se réfère au temple qui ne va pas mériter cette immortalité, précisément
parce qu’il s’agit là également du symbole de la trahison du peuple envers
Dieu. Trente années après que le Christ eût prononcé ces paroles, les armées de
l’Empire romain détruisirent le temple afin de soumettre une rébellion des
Juifs et ils le mirent à terre afin qu’il ne reste pas pierre sur pierre.
Le Ciel et la Terre passeront, mais
ma Parole ne passera pas
Et Ă partir de cette allusion Ă la
destruction du temple de Jérusalem, Jésus fait référence à la destruction de
l’univers. Lui non plus n’est pas définitif, ni le soleil, ni la lune, ni les
étoiles, eux aussi s’éteindront. Tout passera également, le Ciel et la Terre
passeront, il y a seulement une chose qui ne passera pas (Mc 13,31) :
« Mes paroles ne passeront point. »
Le Christ parle ici d’une destruction
universelle. L’Évangile recueille en langage apocalyptique, un style que les
auteurs de la Bible affectionnaient particulièrement. Ce style, aux accents
parfois fantastiques, avec ses chiffres qui Ă©taient compris de ceux de ce
temps. C’est pourquoi nous ne comprenons pas entièrement l’Apocalypse et toutes
ces littératures d’origine orientale, mais nous comprenons le contenu que le
Christ a voulu leur donner.
La venue du Christ : Le Centre
de cette lecture est le but de notre Espérance
Dans le symbole du temple qui est
détruit et dans la prophétie des astres qui s’effondrent, le Christ nous
signifie les préparatifs transitoires de l’éternel. C’est ce qui est dans
l’Évangile d’aujourd’hui est la Parole du Christ (Mc 13,26-27) :
« Alors on verra le Fils de l’Homme venant dans des nuées avec grande
puissance et gloire. Il enverra alors les anges pour rassembler ses Ă©lus, des
quatre vents, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel. » C’est
cela le principal, en cette fin d’année liturgique, cette pensée selon laquelle
en nous unissant au Christ nous sommes les Ă©lus. Nous devenons les Ă©lus lorsque
volontairement nous nous attachons au Seigneur qui ne passe pas. Nous ne sommes
pas des élus lorsque, au lieu de nous affairer au Christ, l’Éternel, nous nous
affairons aux idoles qui passeront comme le Ciel et la Terre.
C’est de là que provient l’insistance
de l’Église à prêcher le Règne de Dieu, le Règne du Christ. Cela crée
naturellement dans le cœur humain une vertu qui se nomme l’Espérance. Vertu
théologique qui unit l’homme à Dieu parce que l’être humain aspire à des choses
que par sa propre nature il ne pourrait pas acquérir, mais uniquement en se
fondant en Dieu.
C’est le fondement de l’Espérance,
sinon ce serait une folie. Ceux qui ne possèdent pas la foi ne peuvent pas
comprendre ce fondement des promesses divines faites à l’humanité. Ils croient
que nous attendons en vain et ils veulent construire uniquement un royaume sur
cette Terre. Mais lorsque quelqu’un sait que le principal c’est le Règne de
Dieu que le Christ est venu établir en notre temps, nous pouvons dire qu’il y a
déjà des semences d’éternité dans le cœur humain qui espère et croit dans Notre
Seigneur, Jésus-Christ, l’Éternel.
B) Première Révélation de la
RĂ©surrection
C’est pourquoi la seconde lecture (He
10,11-18) nous propose aussi cette dualité entre le temporel et l’éternel
lorsque le Christ nous dit qu’après son sacrifice Il s’assoira à la droite de
Dieu. Image biblique pour dire qu’Il participe au pouvoir de Dieu et qu’Il
espère. Il dit (He 10,13) : « Attendant désormais que ses ennemis
soient placés comme un escabeau sous ses pieds. »
Cela veut dire qu’il existe une
situation Ă©ternelle, immuable du Christ, Ă laquelle nous ne pouvons faire aucun
dommage tandis que sur la Terre sévissent les vagues de l’Histoire, le temps
dont Dieu a besoin pour soumettre les péchés des humains au pouvoir du Règne de
Dieu. Qu’ils se convertissent ou qu’ils ne se convertissent pas, Dieu vaincra;
la victoire de son Règne est assurée et bienheureux ceux qui espèrent que ce
temps se termine. Ce qui importe, c’est de placer au pied de Dieu les péchés du
monde. Celui qui vit dans le péché ou celui qui désire s’installer dans cette
condition de péché, d’injustice, de désordre, passera avec la Terre et le Ciel
qui passeront.
Dans la persécution, Daniel annonce
la venue du Règne universel de Dieu, le Règne des saints, comme quelque chose
d’éminent. Surtout, dans la première lecture (Dn 12,1-3), ce passage de Daniel
est pittoresque et très beau parce que c’est la première fois dans l’Ancien
Testament où l’on se réfère à ce grand mystère qu’est la résurrection de la chair. Il est bon qu’en
ce matin nous remontions à cette réflexion de Dieu qui a inspiré le prophète
Daniel alors qu’il écrivait cette page qu’aujourd’hui nous avons lue lors de la
première lecture (Dn 12,2-3) : « Un grand nombre de ceux qui dorment
au pays de la poussière s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les
autres pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle. Les doctes resplendiront comme
la splendeur du firmament, et ceux qui ont enseigné la justice à un grand
nombre, comme les étoiles, pour toute l’éternité. »
Cette révélation de la Résurrection
surgit chez le peuple d’Israël qui n’avait pas une idée claire de ce que
pouvait être l’au-delà de l’être humain après la mort. Ils croyaient en
une survie, mais une survie minimale sous la Terre, jusqu’à ce que, au temps de
la persécution des Macabées, ils dirent : « Il n’est pas juste que ce
peuple ne vive qu’en tant que nation. Tous ceux qui luttent pour sa libération
doivent avoir également une participation personnelle en ce Règne des
cieux. »
Vous vous souvenez que nous avons
déjà fait mention ici de ce passage d’un athée qui disait : « Une
révolution où certains meurent et d’autres survivent pour en profiter, une
révolution comprise dans le sens communautaire, ne me satisfait pas. Qu’est-ce
que ces morts qui n’existent plus vont gagner sur ces piédestaux de
douleur? » Il doit y avoir une récompense pour chacun qui lutte.
Le christianisme respecte beaucoup la
conscience de chacun et il sait que tous les humains auront leur juste
récompense, tel qu’elle nous a été enseignée dans la révélation primitive.
C’est ce que le Christ nous annonce dans le Nouveau Testament avec une clarté
méridienne qui nous dit qu’après notre mort, existe une immortalité. C’est en
ces moments de persécution que se définissent ces deux postures dont nous parle
la première lecture (Dn.12,2) : « Certains s’éveilleront de la
poussière pour la vie éternelle et d’autres pour l’ignominie
perpétuelle. » Les opprimés et les oppresseurs ne connaîtront pas le même
sort dans l’immortalité, ceux qui ont commis l’injustice et leurs victimes. Les
martyrs et les héros des grandes batailles de la Terre, s’ils ont placé leur
confiance en Dieu, vaincront même si apparemment il n’y a plus là qu’un mort
silencieux dans la douleur et dans l’ignominie.
PĂ©dagogie de Dieu
Comment le Père éternel signale-t-il
des objectifs immédiats pour animer l’enfant sur son long chemin? Une pédagogie
de Dieu qui, à travers les prophètes, nous a également animés. Selon cette
lecture de Daniel, la persécution passera en ce qui se réfère au temps et
adviendra un Règne de Dieu. C’est comme si on attendait des humains qu’ils
soient le plus parfaits possible, mais cent ans passeront encore avant que le
Christ ne vienne promettre cette autre RĂ©demption et cette autre RĂ©surrection.
Nous pourrions nous dire : « Dieu s’est trompé. » Non, il s’agit
là de la pédagogie du père envers son fils qui doit faire un très long voyage.
Pour que ce dernier ne se décourage pas, le père lui raconte les beautés de
cette ville où ils vont. Mais le fils se fatigue, alors le père commence à lui
dire : « Regarde, nous allons marcher jusqu’à ce sommet, derrière ce
sommet se trouve ce royaume si beau que je t’ai décrit. »
À chaque pas apparaît la splendeur du
but comme quelque chose qui se gagne, mais le but définitif demeure toujours
au-delà . Et lorsque le fils arrive au sommet, le père lui dit encore :
« C’est un peu plus loin, encore un peu. » Ainsi font les prophètes
en conduisant l’humanité, et l’Église poursuit la pédagogie des prophètes.
C’est pourquoi elle ne peut pas dire : « Oui, ce système politique
qui a été conquis au prix de tant de sang, est définitif. » Non, l’Église ne
peut pas s’engager à définir ici sur Terre ce Règne de Dieu. Elle continue
d’animer les libérateurs, elle continue d’animer l’amélioration constante des
gouvernements, elle continue d’animer l’amélioration des systèmes politiques,
mais elle n’est pas politique. Elle est animatrice, elle est le père qui
encourage son fils à aller plus loin, à maintenir l’utopie et cette soif de
perfectionner sans cesse davantage les systèmes.
C’est pourquoi un système athée est
aveugle lorsqu’il veut offrir aux humains un paradis sur Terre. Cela n’existe
pas. Au-delĂ de nos efforts se trouve Dieu et la seule perfection sera la
Libération définitive, l’immortalité, par delà la mort. Cela ne signifie
pas que nous devons être aliénés, ne plus travailler, nous satisfaire de la
situation actuelle et attendre la mort passivement. Cela fut déjà condamné par
les premiers chrétiens. Pour attendre un Ciel qui allait bientôt venir, ils
cessèrent de travailler. Saint Paul, en toute crudité, leur dit :
« Celui qui ne travaille pas, qu’il ne mange pas. » C'est-à -dire que
l’Espérance du Ciel n’est pas pour encourager la paresse; il faut travailler,
et celui qui a une vocation doit la développer.
Nous devons tous faire un effort pour
améliorer sur cette Terre notre situation politique, sociale, économique, mais
toujours avec la perspective orientée vers l’éternité. L’Espérance nous anime
pour que nous reflétions sur Terre la beauté, la justice et l’amour de ce
Règne. Un reflet, rien de plus, parce que le véritable et le définitif
appartient à l’Espérance, celle qui anime nos labeurs. L’Espérance doit être la
vertu des politiciens, des hommes et des femmes qui luttent.
L’Espérance chrétienne!
Sans l’Espérance de Dieu, les
libérations de la Terre demeurent mutilées. Sans l’Espérance de l’éternité, les
libérations se convertissent seulement en changements des maîtres de la situation. Nous
n’avons pas confiance en un athée, en un homme sans foi, sans Dieu, qui prétend
au pouvoir seulement par le sort de cette Terre. On ne peut pas offrir un
paradis sur Terre parce que cela n’existe pas. Mais l’Espérance exige de
travailler pour s’améliorer toujours davantage.
C’est pourquoi, mes frères, mes
sœurs, l’Église alimente l’Espérance et ce n’est pas sa tâche de faire
l’analyse politique du système, de faire des stratégies. Elle n’est que
l’impulsion de tous les systèmes et de toutes les stratégies pour qu’ils ne
dévient pas et pour qu’ils s’orientent toujours vers ce chemin de la véritable
libération qui ne se vivra seulement qu’en cet horizon indiqué par la révélation
d’aujourd’hui. 18/11/79, p.447-451, VII.
2) La Force de notre Espérance :
la Libération en Jésus-Christ
Une libĂ©ration complète n’est pas Ă
notre portée parce que la véritable Libération, nous l’avons répétée mille
fois, ne consiste pas seulement à améliorer les salaires, à baisser le prix des
choses, à changer de gouvernement; ce sont là des libérations temporelles qui
font partie de la libération totale parce que l’Église ne se désintéresse pas
non plus de cela, mais cela demeure très partiel. L’Église signale les causes
de ces injustices. Pourquoi existe-t-il tant de violence au Salvador? Pourquoi
y a-t-il tant de mécontentements? Pourquoi les revendications du peuple
sont-elles justes? Et, pourquoi est-il égoïste de tout posséder pour soi sans
penser aux autres? Certainement, tout cela ce sont les fondements de la
libération, mais cela n’est pas toute la libération.
Quand nous appuyons les moyens de
pressions politiques des organisations populaires et lorsque nous appuyons la
justice que celles-ci demandent, au mĂŞme moment nous critiquons leurs abus de
pouvoir. Lorsqu’on prend les revendications uniquement comme des bannières
démagogiques et non comme de véritables objectifs de libération du peuple,
l’Église le dénonce.
Quand nous signalons ces déficiences
et que nous appuyons ces avancements, c’est parce que nous savons que ces
libérations de la Terre ont une racine que seule la foi découvre. Ces
libérations possèdent un but que seule l’Espérance peut découvrir. La racine
est le péché et le but est le Règne de Dieu. La racine est le péché parce que
du péché proviennent les égoïsmes, les injustices sociales, les violences. Tout
cela est le fruit du péché.
Le but est au-delà de l’Histoire,
parce que passant par toutes ces libérations temporelles, l’être humain ne se
contentera pas du bonheur terrestre, sinon qu’il aspire à une liberté
définitive, à une vie qui ne meurt pas, à une dignité qui ne peut avoir d’égal
que d’être fils ou fille de Dieu. Qui peut bien nous amener jusqu’à ces racines
et nous élever jusqu’à ces hauteurs? Seulement le Christ, sans Lui il n’y a pas
de véritable libération.
Nous espérons parce que Dieu l’a
promis… et qu’Il nous aide
C’est magnifique de voir la manière
dont nous découvrons dans les lectures d’aujourd’hui l’initiative de Dieu
derrière les conflits de Daniel et après la destruction de l’univers annoncée
par le Christ. Notre Espérance s’appuie en ce que Dieu a promis. Nous ne
faisons pas pression sur Dieu pour qu’il en soit ainsi. Dieu est libre et
librement Il nous offre la libération de nos péchés. Il nous a promis également
la promotion jusqu’à la dignité des Enfants de Dieu.
A) Personne ne le sait, seul le Père
Dans les lectures d’aujourd'hui, nous
avons entendu que seule la puissance de Dieu peut faire cela. (Mc 13,32) :
« Quant à la date de ce jour ou à l’heure, personne ne les connaît, ni les
anges dans le ciel, ni le Fils, seul le Père les connaît. »
B) Saint Michel : la Force de
Dieu dans la lutte : « Ton peuple se sauvera. » Lorsque la
première lecture nous dit qu’auprès de ce peuple de Dieu qui lutte pour ces
libérations inspirées par leur foi et par leur confiance en Dieu, va celui qui
dans l’Ancien Testament était comme la présence du pouvoir de Dieu auprès de
son peuple : l’Archange saint Michel, Puissance de Dieu avec nous. C’est
seulement dans cette Puissance que pourra marcher ce peuple.
C) Description de la Libération en
JĂ©sus-Christ
Mais surtout, je voudrais illustrer
ce second point : en Dieu seul nous possédons, uniquement en Jésus-Christ
libérateur en qui les hommes peuvent espérer leur libération.
Seul le sacrifice annule le péché
La seconde lecture, l’Épître aux
Hébreux, présente le Christ comme la cause de toute notre Espérance libératrice
(He 10,11-13) : « Tandis que tout prêtre se tient debout chaque jour,
officiant et offrant maintes fois les mĂŞmes sacrifices qui sont absolument
impuissants à enlever des péchés, lui au contraire ayant offert pour les péchés
un unique sacrifice, il est assis pour toujours Ă la droite de Dieu, attendant
désormais que ses ennemis soient placés comme un escabeau sous ses
pieds. »
Par son sacrifice, Il perfectionne
ceux qui s’y sont consacrés. (He 10,14) : « Par une oblation unique,
il a rendu parfaits pour toujours ceux qu’Il sanctifie. » Le Christ a
fondé la cause de la Rédemption, de la libération et bienheureux tous ceux qui
en profitent. C’est Lui qui, par son sacrifice, paya pour nos péchés et acheta
les hauteurs du Ciel, l’amitié de Dieu pour toujours. Alors, en cette Force, se
perfectionnent tous ceux qui croient en Lui. Quelle espérance pour nous de
savoir que nous ne nous appuyons pas sur notre bâton fragile et que notre cri
de libération n’est pas de la démagogie qui s’appuie uniquement sur les armes
et la violence ou dans les choses de la Terre sinon qu’il s’appuie sur une
Espérance plus forte que toutes les violences.
Quand des journalistes me demandent
mon opinion sur les changements à opérer au Salvador, ils me disent que
l’Histoire a souvent démontré que ceux-ci ne s’obtiennent que par la violence,
que les revendications ne s’obtiennent qu’avec des coups et de la violence, je
leur ai répondu ce que je désire vous dire à présent : L’Histoire est
souvent ainsi parce que les hommes ont cru davantage en la force brute qu’en
l’amour que le Seigneur nous a donné parce que les humains n’ont pas essayé
encore avec toute leur énergie et leurs capacités intellectuelles, leurs
capacités de dialogue et d’entendement. Mais en cette heure au Salvador, il est
bon de se souvenir que c’est du Christ seul, de son amour, que viendra
l’inspiration pour que les choses changent ici dans notre pays. Et si parfois
nous n’avons d’autre choix que d’arracher par la force ce que l’on ne veut pas
nous donner par amour, comprenons à temps cette grande pédagogie de l’Évangile,
cette confiance et cette foi que nous devons placer dans le Seul qui soit la
cause et l’artisan de notre Libération : le Christ Notre Seigneur.
C’est pourquoi le Pape Jean-Paul II
dit dans son premier discours comme chef suprême de l’Église :
« Vous, les politiciens, les gouvernants, les hommes d’affaires, les
riches et les puissants, ouvrez les portes au Christ. Seul Lui peut vous
apporter la Rédemption. » Vous qui luttez dans la misère du peuple, dans
la douleur des tortures et des outrages, ne vous fiez pas uniquement Ă la force
de vos bras et de votre intelligence,. Vous devez les mettre en Ĺ“uvre, mais le
principal est de s’appuyer dans le Christ Notre Seigneur et dans son amour
omnipotent, la liberté à laquelle nous aspirons. 18/11/79, p.451-454, VII.
3) Attitudes des personnes qui ont
l’Espérance
L’Espérance n’est pas une attitude
passive
Je l’ai déjà dit l’autre jour que
Puebla interpelle en ces circonstances les peuples latino-américains,
circonstances comme celles que vit actuellement le Salvador. Il existe deux
manières de réagir : les uns sont passifs, ils attendent que tout leur
arrive de Dieu, ils ne se mettent pas en route, ils se lamentent, ils pleurent
sur leur situation et ils ne font rien. D’autres par contre sont activistes,
« puisque Dieu est si loin arrangeons-nous tout seuls. » C’est de lĂ
que proviennent toutes les manifestations de violence, activités sans Dieu et
jusqu’à des crimes et du sang, cela ne peut être le prix de notre Rédemption.
Alors, le document de Puebla signale
la véritable doctrine de l’Évangile. Comme le Christ qui espérait de Dieu,
homme de la Providence qui croyait que si les oiseaux et les fleurs sont
nourris et vêtus par Dieu, il appartient à l’humain d’être également l’artisan
de l’Histoire. Le Christ collabore avec le Père et attend l’heure et la volonté
de son Père pour se livrer tout entier à sa prédestinée. Et lorsqu’arrive
l’heure à laquelle le Père demande à l’homme de faire ce sacrifice, il est
l’heure de dire : « En Toi, Seigneur, j’espère », et de se lancer
dans la lutte avec confiance dans le Seigneur.
Vigilance : la récolte
Dieu et l’être humain font
l’Histoire. Dieu sauve l’humanité dans l’Histoire de son propre peuple.
L’Histoire du Salut est l’histoire du Salvador lorsque les Salvadoriens
recherchent dans leur histoire la Présence du Dieu Sauveur. C’est pourquoi
l’attitude du véritable chrétien et de la véritable espérance se termine dans
le discours eschatologique du Christ par une recommandation insistante :
« Vigilance! »
C’est le mot d’ordre : rester en
éveil. Le Christ utilise des comparaisons comme celles d’aujourd’hui :
« Observez lorsque viendra le printemps. » Ici, dans notre éternel
printemps salvadorien, nous remarquons moins ces différences, mais dans des
pays où les saisons sont davantage marquées, on voit que l’hiver est comme une
mort parce que les arbres se meurent, mais lorsqu’arrive le printemps
commencent à bourgeonner les branches d’où surgissent des feuilles, des fleurs
et des fruits. Le Christ dit : « Observez, le printemps est tout
près! » Il dit également : « On doit aussi observer les heures
de Dieu, il faut demeurer attentifs au passage du Seigneur pour collaborer avec
Lui. »
Dans la conclusion du discours que
nous avons lu aujourd’hui, Il dit (Mc 13,35) : « Veillez donc, car
vous ne savez pas quand le maître de la maison viendra, le soir à minuit, au
chant du coq ou le matin, de peur qu’en venant à l’improviste il ne vous trouve
endormi », ou encore comme l’homme qui a peur qu’on ne vienne le
voler : il est en éveil, en vigile, parce que s’il s’endort on pourrait le
surprendre.
C’est cela l’attitude du chrétien qui
est véritablement en attente. Il ne dort pas en espérant tout de Dieu qui
viendra à son heure. C’est que l’Espérance réveille l’envie de collaborer avec
Dieu, dans la certitude que si j’y mets du mien, Dieu nous aidera et nous
sauverons la patrie.
Les douleurs de l’enfantement
Lorsque le Christ et le prophète
Daniel, dans les lectures d’aujourd’hui, nous parlent de ces cadres
apocalyptiques de destruction, de souffrance, de douleur, ils n’expriment pas
que Dieu a abandonné son peuple. Nous avons tous ressenti une fois cette
tentation : « Dieu nous a abandonnés, Dieu nous a laissés
seuls. » Non! Il s’agit là des douleurs de l’enfantement et non de l’abandon
de Dieu.
Le prophète Daniel dit une phrase qui
pourrait bien s’appliquer aujourd’hui au Salvador : « Ce sont des
temps difficiles comme l’heure où la femme donne naissance. » Quelque
chose de nouveau naît et quelque chose meurt. C’est toujours ainsi dans
l’Histoire. Celui qui veut faire de l’Histoire quelque chose d’immuable,
quelque chose qu’il peut mesurer avec son cadre immuable ne possède pas une
vraie conception de l’Histoire.
« Ce sont des temps
difficiles. »
Ceux qui désirent interpréter selon
leurs modèles et leurs critères ce qui se passe actuellement dans notre pays et
qui sont incapables de s’adapter, d’évaluer leurs stratégies, leurs systèmes,
leurs façons de faire aux nouvelles manières d’être du pays ne comprennent pas
que l’Histoire est une femme qui donne constamment naissance; quelque chose de
vieux meurt et quelque chose de nouveau naît toujours. L’homme et la femme
d’espérance savent que toutes les douleurs du pays sont comme les douleurs de
la famille, la souffrance du foyer, ce sont des douleurs de la nouvelle
créature qui doit naître. Dans les douleurs, élevons notre cœur vers Dieu, qui
désire également prendre sa part de notre douleur et de nos souffrances pour
collaborer par son omnipotence au Salut de notre peuple. 18/11/79, p.451-455, VII.