Le Don le plus grand de Pâques :
le Dynamisme de l’Amour
20 mai 1979; Lectures : Actes
10,25-26,34-35,44-48; I Jean 4,7-10; Jean 15,9-17.
Ce que je vais prĂŞcher ce matin,
plusieurs ne lui accordent pas d’importance, ne veulent pas entendre parler
d’amour, ceux qui veulent seulement parler de violence, de haine, de justes
revendications, de droits. Tout cela n’est pas le langage de Jésus-Christ et de
son Église. L’Église accompagne les revendications et les luttes sociales avec
amour, et elle dit à tous les protagonistes de l’Histoire que, sans la force de
l’Amour, rien de solide ne peut être construit.
Plusieurs pensent, dit Puebla, que
l’amour « est une expression sans l’énergie nécessaire pour affronter les
graves problèmes de notre époque. » Cependant, nous vous assurons qu’il
n’existe pas de paroles plus fortes que celle-là dans le dictionnaire chrétien.
Elle se confond avec la propre force du Christ. Si nous ne croyons pas dans
l’Amour, nous ne croirons pas non plus en Celui qui dit (Jn 15,12) :
« Un commandement nouveau je vous donne : aimez-vous les uns les autres. »
Je voudrais ce matin, à la lumière de
nos réflexions sur la Parole de Dieu qui nous inculque l’Amour comme l’énergie
du chrétien, que nous confirmions de nouveau notre foi en l’Amour. L’Amour
n’est pas lâche, l’Amour n’est pas passif; l’Amour est force, si fort que c’est
l’unique qui a sauvé le monde. Il n’existe pas d’autre Salut que celui de
l’Amour du Christ qui nous a apporté l’Amour rédempteur de Dieu!
Plan de l’homélie :
1) Dieu est Amour et source de
l’Amour
2) Le Christ est la révélation de
l’Amour de Dieu entre les hommes
3) Les chrétiens sont les
responsables du dynamisme de l’Amour
Si le monde ne se sauve pas malgré le
fait qu’il y ait tant de chrĂ©tiens, c’est parce que nous n’avons pas rĂ©pondu Ă
cette terrible responsabilité : nous sommes les dépositaires de l’énergie
salvatrice de l’Amour. Et l’appel de ce matin est : faire usage, mettre en
pratique l’énergie de l’Amour qui est déposé en notre cœur.
1) Dieu est Amour et source de
l’Amour
Invitation des lectures Ă une haute
contemplation (Ac 10,25-26,34-35,44-48; I Jn 4,7-10; Jn 15,9-17)
Aujourd’hui, les lectures nous ont
amenés à la plus haute contemplation. Nous sommes montés comme l’aigle
jusqu’aux cieux les plus élevés : là où naît l’Amour.
A) Dieu est la source de l’Amour.
Jésus-Christ nous a dit aujourd’hui
même dans l’Évangile que nous avons lu (Jn 15,9) : « Comme le Père
m’a aimé, ainsi je vous ai aimés. » « L’amour est de Dieu. Dieu est
amour » (I Jn 4,7-8).
Origine des relations divines
Lorsque la Parole de Dieu nous offre
ces révélations si hautes, nous pouvons dire que l’origine des relations
divines, comment le Père engendra le Fils dans l’Esprit saint pour toute
l’éternité, est son activité de pensée, d’Amour, de charité pour les siècles
des siècles. Nous dirons qu’Il nous a révélé le Christ : « Ainsi
comme mon Père m’a aimé… » signifie que la relation qui existe entre le
Père et le Verbe qui est Moi fait chair, est une relation d’Amour. La force qui
unit les trois personnes de la Sainte Trinité dans l’intimité grandiose de Dieu,
c’est l’Amour.
C’est pourquoi le Concile Vatican II,
en tenant compte de ces très hautes perspectives du Christ et de son Évangile
lors de la
dernière Cène, dit : « Le Seigneur… ouvrant des
perspectives fermées à la raison humaine, suggère une certaine ressemblance
entre l’union des Personnes divines et l’union des fils de Dieu dans la vérité
et dans la
charité. Cette ressemblance démontre que l’homme… ne peut
rencontrer sa propre plénitude qu’en s’offrant lui-même aux autres. »
« Comme mon Père m’a aimé, ainsi
Je vous aime et c’est ainsi que vous devez vous aimer. » Comment le Père
aime-t-il le Fils? En lui donnant toute sa Nature divine, en se livrant Ă Lui
entièrement. Ce ne sont pas trois dieux, dit le catéchisme, mais un seul Dieu,
une seule Nature qui se livre par Amour aux trois personnes divines.
Que le monde serait merveilleux si
tous les humains mettaient la plénitude de leur développement, toute la
grandeur de leurs idéaux, à se donner aux autres. Ce qui diminue les humains
est comme un désir impossible à Dieu, car il Le détruirait, c’est l’égoïsme. Le
jour où le Père dirait : « Toute la nature est à moi, rien pour les
autres », Dieu n’existerait plus alors. Dieu est Amour, Dieu c’est se
donner, tout est commun aux trois personnes divines. Comme mon Père m’aime, Il
me donne tout, ainsi, moi je vous aime en vous donnant tout.
B) Dieu prit l’initiative de cette
alliance de l’Amour
« L’Amour est de Dieu, nous dit
la seconde lecture, Dieu est amour », mais maintenant, redescendons de
cette source très haute avec la Parole de Dieu qui nous autorise à dire que
toute l’initiative de venir racheter les humains, provient de l’Amour de Dieu.
Et Saint Jean nous a dit dans la seconde lecture d’aujourd’hui (I Jn
4,10) : « En cela consiste l’Amour, non pas en ce que nous avons aimé
Dieu, mais en ce que Lui nous aima et nous a envoyé son Fils… » L’Amour
est initiative, l’Amour n’attend pas de la gratitude ou de l’admiration, sinon
qu’il aime comme les mères aiment, sans attendre du fils qui ne rend pas compte
de ses peines, de ses sacrifices. C’est ainsi que Dieu nous aime, s’offrant Ă
nous mĂŞme lorsque nous ne pensons pas Ă Lui, mĂŞme lorsque nous Ă©tions ses
ennemis par le péché. Il regarda notre disgrâce et envoya son Fils pour sauver
le monde.
Observez comment nous apprenons Ă
cette même école de Dieu, la générosité qui fait tant défaut aujourd’hui en ce
monde. Il n’est pas nécessaire que le malheureux lève la main pour me demander.
Je devrais avoir, comme Dieu, l’initiative de secourir même lorsqu’il ne se
souvient pas de moi. C’est pour cela que Dieu est la source de l’Amour. Et
lorsque le Christ concrétise cette initiative de Dieu dans sa relation avec les
apôtres, Il leur dit cette belle phrase que nous répétons le jour de notre
ordination sacerdotale : « Vous ne m’avez pas élu vous-mêmes, c’est
Moi qui vous ai choisis. » Nous sommes des amis non pas parce que vous
m’avez cherché. Je vous ai cherché. Vous avez su me répondre, mais J’ai eu
l’initiative de vous appeler.
Qu’il est bon de penser que, ce
matin, tous ceux qui sont ici c’est par initiative de leur foi parce que nous
sommes venus adorer notre Dieu en ce dimanche, parce que nous recherchons Dieu.
Ce n’est pas nous qui avons pris l’initiative de venir à la messe, c’est Dieu
qui nous a donné la santé, qui nous a donné la bonne volonté, qui nous a donné
l’initiative afin que nous croyions que c’est nous qui cherchons Dieu. Mais le
Christ nous révèle : ce n’est pas vous qui m’avez cherché, Je vous ai
appelés, Je vous ai donné la capacité de venir. Vous avez su répondre, mais Je
suis le principe de cette relation d’Amour qui existe entre vous et Moi.
C’est merveilleux de penser que Dieu
prend l’initiative dans cette Alliance d’Amour et qu’il ne nous appartient que
de répondre. L’Amour n’a pas été créé par nous, c’est Dieu qui l’a créé; et si
la mère est capable d’aimer son fils, c’est parce que Dieu a placé dans le cœur
de la femme, un amour de mère. S’il y a des couples qui s’aiment jusqu’à la
mort avec une fidélité exemplaire, cet amour vient de Dieu. S’il y a de l’amour
dans notre patrie et s’il y a de l’amour dans notre sacerdoce au service du
peuple, en toute sincérité nous aimerions et voudrions en cela être semblables
à Dieu, c’est parce que de Dieu provient l’Amour.
C’est un matin pour rendre grâce Ă
Dieu pour la grande quantité d’Amour que nous avons dans notre cœur. Quel est
celui qui ne peut pas aimer, pardonner, comprendre? Quelle richesse! Combien
sont pleines d’amour les urnes de cette réflexion! Penser que toutes ces
amphores, Dieu les a remplies et que notre capacité d’avoir différentes façons
d’aimer, c’est parce que Dieu nous les a données. L’amour est de Dieu, dit
saint Jean, c’est de Dieu, respectons-le, ne le profanons pas, ne le
prostituons pas en le convertissant en un faux amour. Convertissons-le,
faisons-le croître, il est de Dieu! Dieu est Amour! 20/05/79, p.345-347, VI.
2) Le Christ est la révélation de
l’Amour de Dieu entre les hommes
A) Sa relation avec nous est
l’exemple de sa relation avec le Père
La lecture de l’Évangile débute en
nous disant (Jn 15,9) : « Comme mon Père m’a aimé, ainsi Je vous ai
aimé. » Vous désirez connaître l’amour qu’il y a en mon Père? Regardez
comme Je vous aime. C’est la Révélation. Et lorsque cet amour amène le
Rédempteur des hommes jusqu’à se laisser crucifier, défait pour l’amour qu’Il
nous porte, nous comprenons que c’est ainsi que le Père L’aime, comme Dieu nous
aime, de façon désintéressée.
B) Le Père L’envoya
Le Christ nous révèle l’Amour du Père
parce que c’est le Père qui L’envoya, le seconde lecture d’aujourd’hui nous le
révèle (I Jn 4,9) : « En cela se manifeste l’Amour que Dieu nous
porte : Dieu nous a envoyé son Fils unique afin que nous vivions par
Lui. » Nous dirions que c’est de la folie qu’un père livre son fils pour
sauver des étrangers. C’est la folie de Dieu : Il nous donna son propre
Fils pour nous sauver alors que nous étions ses ennemis. Il prit l’initiative
et le Christ nous a révélé qu’Il est venu, non pas par sa propre volonté, mais
envoyé par le Père. Il se présente toujours ainsi, envoyé par le Père : la
doctrine qu’Il leur enseigne, c’est le Père qui m’a envoyé vous la dire. Toute origine de
Dieu.
Dans le Christ, Dieu nous révèle son
Amour
Quelle préoccupation que celle du
Christ à nous enseigner, à nous convaincre que Dieu nous aime : « Mon
Père vous aime. » Quel beau message! Si le Christ n’était venu que pour
nous dire cela : « Je viens vous révéler que le Dieu qui vous a créés
vous aime. » Et dans les moments difficiles de leur histoire – comme c’est
le cas actuellement dans notre pays – et dans les moments amers de notre foyer
désolé, de notre maladie, de notre tristesse; lorsqu’il semble que l’homme
pourrait dire comme le Christ sur la Croix (Jn 15,9) : « Mon Dieu,
pourquoi m’as-tu abandonné? » Il ne nous a pas abandonnés, c’est alors
qu’Il se trouve le plus près de nous. Il est en train d’éprouver tes mérites.
Il te met à l’épreuve. À l’heure de l’amertume, Il ne t’abandonnera pas et te
fera assumer après, dans la gloire de tes mérites, ces moments amers
qu’aujourd’hui nous ne comprenons pas, comme l’or ne peut comprendre lorsqu’il
est dans le creuset, tout le feu qui le fait mûrir.
Dans le Christ, Dieu nous pardonne
C’est la seconde lecture
d’aujourd’hui qui nous l’enseigne (I Jn 4,10) : « Dieu envoya son
Fils comme victime d’expiation pour nos péchés. » Frères, ne nous fions
pas à ce que Dieu va nous pardonner pour nos mérites. Si j’ai confiance que
Dieu va me pardonner et me donner son Ciel malgré mes nombreux péchés, c’est
parce que le Christ notre Seigneur a payé pour moi. Rappelons-nous de la petite
histoire que je vous ai racontée un jour, celle de l’artiste qui avait investi
toutes ses énergies à gagner des applaudissements. Dans sa vanité, à l’heure de
mourir, elle pleurait devant le prêtre : « Père, je me sens vide, mes
mains sont vides pour me présenter à Dieu. » Le prêtre eut alors
l’heureuse inspiration de lui placer son crucifix entre les mains :
« Regarde, elles ne sont plus vides, présente-toi avec le Christ. »
Le Christ est le mérite de toutes les
mains vides!
Faisons nôtres les mérites du Christ
crucifié. Dieu l’envoya pour qu’Il soit la victime expiatoire de nos péchés. Si
Dieu ne nous pardonne pas à cause de notre humilité, de notre petitesse, de
notre prière, Il nous pardonne grâce au Christ qui porta sur ses épaules mes
péchés et les paya sur la
Croix. Lorsque je fais mienne, par une solidarité de foi et
d’amour, la mort du Christ sur la Croix, Dieu me pardonne; non pas pour moi,
mais pour le Christ qui se laissa crucifier pour mes péchés. Il est la rançon
de nos péchés. Dans le Christ, Dieu me révèle son amour, son pardon; il me
pardonne, aussi graves soient mes fautes.
Dans le Christ, Dieu Ă©tablit une
relation d’amitié
Quelle autre relation Dieu Ă©tablit-Il
avec les ĂŞtres humains en son Fils JĂ©sus-Christ? La plus merveilleuse, mes
frères, une relation d’amitié. Le Christ nous l’a révélé dans l’Évangile
d’aujourd’hui (Jn 15,15) : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car
le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous appelle mes amis,
parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait
connaître. » Parce que cette catégorie de relation entre le maître et
l’esclave n’établit pas la confiance. Le Fils entre dans la confidentialité
de la famille et vous ĂŞtes les fils et vous ĂŞtes mes amis.
J’ai eu la chance de visiter la tombe
dont la tradition enseigne qu’il s’agit de la tombe d’Abraham. Un seul nom dit
tout : El Kalil, l’Ami. C’est
ainsi que la Bible définit Abraham : « l’Ami de Dieu. » Celui
qui parlait avec Dieu comme un ami ou comme nous dit la Bible de MoĂŻse :
il parlait face à face avec Dieu, comme un ami parle avec un autre ami. C’est
la relation que Dieu a établie avec les chrétiens. Dans le Christ Jésus, Il
nous a appelés pour nous dire : je ne veux plus vous appeler serviteurs,
je vais vous appeler amis. Quelle belle libération! Nous sommes libres parce
que Dieu nous a fait presque ses égaux, ses amis. Il n’y a déjà plus de secrets
entre Dieu et moi. Parlons d’ami à ami. Vous tous, chers frères, vous pouvez
aujourd’hui même entreprendre avec Dieu une conversation d’amis. C’est cela que
le Christ nous révèle, l’Amour que le Père nous porte.
Il veut ĂŞtre notre ami.
Si le Pape Jean-Paul II a tant Ă©mu
les gens lors de son voyage au Mexique, c’est parce qu’avant tout, il voulut
apparaître comme l’ami des Mexicains. Il porta le sombrero des Mexicains, il
embrassa les enfants des femmes mexicaines, il conversa avec les ouvriers et
les mendiants; un ami au milieu de ses amis : le Pape. Mais davantage que
le Pape, c’est Dieu qui, dans le Christ, a voulu se faire l’ami de tous les
êtres humains, jusqu’au plus grand pécheur s’il se repent.
Dans le Christ, le Père nous a révélé
une relation de consolation et d’allégresse, en ces heures de pessimisme pour la patrie. Lorsque
plusieurs croient qu’il n’existe pas de solution, qu’il est bon d’entendre le
Christ qui nous dit dans l’Évangile d’aujourd’hui : « Pour que par
ces paroles vous ayez ma joie et la plénitude de l’allégresse. » Nous
n’avons pas le droit d’être tristes. Un chrétien ne peut être pessimiste. Un
chrétien doit toujours nourrir dans son cœur la plénitude de l’allégresse.
Faites l’expérience, mes frères, j’ai tenté de la faire plusieurs fois et dans
les heures les plus amères, lorsque me harcelaient la calomnie et la
répression, de m’unir intimement au Christ, l’Ami, et de sentir une douceur
plus grande que celles que procurent toutes les joies de la Terre. L’allégresse de se
sentir intime avec Dieu, même lorsque les autres ne le comprennent pas. C’est
la joie la plus profonde qu’il peut y avoir dans le cœur.
Le Christ qui était précisément dans
la nuit tragique de sa vie alors que le jour suivant jusqu’à ses propres
disciples l’abandonneraient, prononça cette parole de joie. Et sans doute qu’en
montant au Calvaire au milieu des amertumes de la Passion, dans le fond de son
âme, il y avait une plénitude d’allégresse parce qu’Il faisait la volonté de
son Père, et qu’Il sentait que Dieu ne l’avait pas abandonné même lorsque cela
s’apparentait à un abandon de Dieu. Il dit : « Pour que ma joie soit
en vous et que votre joie parvienne à la plénitude. »
Finalement, dans l’Évangile
d’aujourd’hui se révèle une autre merveille que le Christ fait au nom du
Père : personnifier notre prière.
Aujourd’hui nous l’avons dit :
« Tout ce que vous avez demandé au Père en mon nom, on vous
l’accordera. » Que pouvons-nous vouloir de plus! Celui qui nous a donné
son propre Fils, comment pourrait-Il nous refuser ce qui vaut bien moins que
son Fils? Ne faisons pas consister notre vie en des biens transitoires,
demandons au Père les grands biens pascals. Demandons pour notre Terre, pour
notre patrie, la paix, la justice, l’amour. Si nous ne l’atteignons pas, c’est
parce que nous n’avons pas mis en pratique ces promesses de Dieu. Mais le jour
oĂą tout le peuple salvadorien, convaincu que le Christ, le divin Patron de la
Patrie, le Divin Sauveur du Monde, a Ă©tabli avec Dieu et les Salvadoriens des
relations si profondes d’amour, nous nous convertirons alors au Seigneur dans
l’Amour, au lieu d’idolâtrer les fausses idoles de la richesse, du pouvoir, de
la chair, de l’argent et des biens de ce monde.
Lamentablement, c’est ce qui se
produit, nous avons rompu l’Alliance d’Amour et nous n’aimons plus Dieu
par-dessus toutes les choses, sinon qu’au-dessus de Lui, nous aimons comme cet
avare qui dit : mon dieu, c’est mon argent ou comme ce luxurieux :
mon dieu, c’est le plaisir de la chair; ou comme l’homme politique : mon
dieu, c’est le pouvoir. Parce qu’en ces dieux, nous plaçons notre confiance,
notre prière, et non dans le Christ. C’est pourquoi le Salvador est si mal en
point! Convertissons-nous au Seigneur dans l’Amour et croyons dans l’Amour.
Croyons dans le Christ qui nous a révélé l’Amour. Ne doutons pas de Lui, ayons
pleine confiance et, tout ce que nous demanderons dans l’Amour, nous
l’obtiendrons. 20/05/79, p.247-250, VI.
3) Les chrétiens sont les
responsables du dynamisme de l’Amour
L’Amour de Dieu dans le Christ a fait
naître l’Église. C’est cela, l’Église : vous et moi. Pourquoi? Parce que,
dit le Concile Vatican II, qui prend conscience de ce que c’est qu’être
Église : « L’Église est le sacrement, c’est-à -dire le signe et
l’instrument de l’union intime des hommes avec Dieu et des humains entre
eux. » Il n’y a pas de définitions plus belles de l’Église que celle-ci
qui définit l’Amour qui doit nous unir avec Dieu et de l’Amour qui se doit de
nous unir entre nous. C’est cela, l’Église.
A) Nous sommes engagés par une
Alliance qui est un commandement d’Amour. Lorsque dans le cœur d’un chrétien
croît l’Amour envers Dieu et que grandisse son Amour envers son prochain, alors
ce chrétien se fait Église. Je voudrais souligner profondément cette pensée
parce que plusieurs, même s’ils appartiennent encore à l’Église avec ces
perspectives d’unité et de communion avec Dieu et avec les hommes, mettent
davantage leur confiance dans leur option politique. Ils croient plus dans le
Bloc Populaire RĂ©volutionnaire, ils croient davantage dans le FAPU, dans ORDEN,
ils croient plus dans leur organisation terrestre et ils oublient que la force
de ces mouvements est passagère, encore plus lorsqu’ils se fondent sur la
violence et qu’ils croient en la force de la haine. Au contraire,
lorsqu’on place sa confiance en unissant par Amour les humains entre eux et en
les unissant avec Dieu, on fait Église, on réalise la communion.
Je voudrais chers frères prêtres,
chères communautés religieuses et chères communautés ecclésiales de base,
chères communautés paroissiales, que vous teniez compte que c’est cela faire
Église. Et je mesurerai l’efficacité d’un prêtre et d’une communauté dans la
mesure où l’on sait faire communion. La communion, c’est l’Amour qui unit les
humains entre eux et qui les unit avec Dieu. Aussi brillante que soit l’œuvre
d’un prêtre et d’une communauté, tant qu’il ne laisse pas comme une empreinte
la communion dans l’Amour, il n’a pas fait l’Église, lamentablement il n’a rien
construit d’autre qu’une coquille qui se rompt facilement. Il ne laisse pas
d’empreinte, celui qui ne sème pas dans l’Amour.
Je voudrais, chers chrétiens,
aujourd’hui alors qu’il y a tant de fanatisme au sein des forces politiques et
dans les forces de violence qui ne cessent de nous faire halluciner par leurs
feux de Bengale, je voudrais que dans la sérénité tranquille de notre foi, nous
sachions discerner la consistance que possède la communion que le Christ nous a
laissée. C’est pourquoi le troisième point nous dit que nous sommes les
responsables de cette communion que le Christ nous a laissée en héritage comme
un grand don pascal. Nous sommes engagés par une Alliance qui, au même moment,
est un mandat. Cela apparaît deux fois dans l’Évangile d’aujourd’hui cette
parole finale du Christ : « Cela est mon commandement » et à la
fin, Il dit : « Je vous ordonne. » Ainsi termine Celui qui peut
nous commander parce qu’Il nous a rachetés, parce qu’Il nous a achetés avec son
sang et que nous sommes siens, Il nous a dit : « Aimez-vous les uns
les autres. »
Aimer, critère pour discerner si nous
sommes de Dieu…
La seconde lecture d’aujourd’hui est
profonde. Je voudrais que vous la méditiez dans vos maisons. (I Jn 4,10) :
« Celui qui aime, est né de Dieu, celui qui n’aime pas, n’a pas connu
Dieu. » C’est pourquoi saint Jean de la Croix écrivit dans un de ses versets :
« Au soir de ta vie, on t’examinera sur ton amour. » Si tu aimes, tu
es de Dieu, tu as connu Dieu et tu vivras avec Dieu pour toujours. Si tu
n’aimes pas, tu n’es pas de Dieu, tu n’as pas connu Dieu. Qu’il est triste de
dire : plusieurs de nos frères n’ont pas connu Dieu parce que, dans leur
cœur, l’amour n’a jamais souri, parce que dans leur cœur il y eut toujours de
l’amertume, de la violence, de la vengeance et de la haine.
B) Universalisme de l’amour :
« Dieu ne fait pas de distinction, Il accepte celui qui le craint et
pratique la justice, qu’il soit de la nation qu’il soit. »
Risques :
Lorsque l’humain peut nous diviniser
La première lecture nous relate que
saint Pierre fut invité par un païen, le centurion Corneille et que Dieu
l’envoya au moyen d’une vision. On nous raconte que lorsque l’apĂ´tre arriva Ă
cette demeure, le centurion Corneille s’agenouilla à ses pieds comme
reconnaissant en lui quelque chose de divin, et Pierre lui dit :
« Non, ne fais pas cela, je suis un homme comme toi. »
Lorsqu’un peuple ou un groupe
d’humains se croit supérieur et discrimine, les juifs s’aperçurent que l’Esprit
saint avait été donné à ces païens, selon les juifs, Dieu avait seulement des
relations avec le peuple juif et les païens étaient traités comme des chiens
jusque dans le temple de JĂ©rusalem, il y avait un vestibule qui divisait les
paĂŻens : le vestibule des paĂŻens. De lĂ , un paĂŻen ne pouvait pas passer Ă
la section réservée aux juifs, parce qu’il existait une sentence de mort si
cela arrivait. Ils Ă©taient exclusifs, ils croyaient que Dieu aimait seulement
les juifs. Il y a plusieurs leçons à commenter de ce moment que nous
approfondissons sur l’Amour. Si Pierre n’avait pas été humble et s’était laissé
adorer comme un Dieu, il n’aurait pas réalisé le prodige qu’il réalisa :
celui de baptiser les païens. Dieu n’aurait pas ouvert cette écluse entre le
peuple juif et le peuple païen. Dieu n’aurait pas accompli sa promesse faite
aux prophètes : faire un seul peuple dans la foi de Notre Seigneur
JĂ©sus-Christ.
Le Don de l’Esprit est pour tous
Quel est le don qui rendit l’Église
capable d’embrasser toutes les races sans avoir de discrimination pour
personne? L’Amour que le Christ lui enseigna à avoir. « L’Esprit saint,
nous dit la première lecture d’aujourd’hui, ne fait pas exception de
personne » (Ac 10,34). Alors, Pierre prit la parole et dit :
« Je constate en vérité que Dieu ne fait pas exception de personne, mais
qu’en toute nation, celui qui le craint et pratique la justice, Lui est
agréable. » Et lorsqu’il voit ces prodiges, saint Pierre se demande :
« Peut-on refuser l’eau du baptĂŞme Ă ceux qui ont reçu l’Esprit saint Ă
l’égal de nous? » (Ac 10,47) Il les baptisa et c’est ainsi que commença
l’Église universelle.
Frères, ce qui peut nous entraver
dans notre amour, ce sont ces sentiments de petitesse, de mesquinerie,
d’égoïsme, de discrimination. Celui-là oui, celui-ci non, ce sont les humains
qui discriminèrent les races les unes des autres. Ce sont les hommes qui ont
tracé les frontières chez les peuples de la Terre. Dieu ne
discrimine personne. Puisse Dieu que nous ayons un cœur aussi grand que celui
de Dieu pour ne pas discriminer et un cœur si humble comme celui de Pierre,
pour ne pas nous laisser idolâtrer. Cela dérange, cela fait mal. Lorsque la
politique idolâtre, lorsque l’argent idolâtre et les hommes qui sont au-dessus
du pouvoir politique ou économique se croient des dieux pour déprécier les
autres, alors les racines du mal s’installent comme elles le sont dans notre
pauvre société. Il est nécessaire de reprendre la simplicité de Pierre pour
aussi riche qu’on le croyait, propriétaire de rien de moins que de Dieu (Ac
10,26). « Non, je suis comme les autres et le don que Dieu m’a donné est
pour être partagé avec tous. » Nous allons le partager et le vivre,
l’Esprit de Dieu se donne à vous également.
Puebla : la Civilisation de
l’Amour. « Qu’est-ce que nous impose le commandement de l’Amour? »
Si nous en avions le temps, mes
frères, je voudrais reprendre avec vous le message de Puebla aux peuples
latino-américains, lorsqu’on y fait appel à tous – et donc à vous aussi qui
m’écoutez – à être constructeurs de la civilisation de l’Amour. Si vous le
voulez bien, nous allons reprendre quelques concepts pour résumer la Parole
d’aujourd’hui et observer comment l’Église, prêchant en Amérique latine, comme
elle est en train de prêcher maintenant à ce pupitre de l’Église du Rosaire de
San Salvador, est l’Église de l’Évangile, de l’Amour. Je crois que personne ne
serait capable, pour aussi vil et calomniateur qu’il soit, de dire que moi,
aujourd’hui, j’ai prêché la violence ou que j’aie été contre quelqu’un. J’ai
prêché l’amour à partir des mêmes pages que la Sainte Parole.
Ă€ partir de cette parole des Ă©vĂŞques
réunis à Puebla, je veux vous dire : qu'est-ce que nous impose le commandement
de l’Amour? « Le christianisme surpasse les catégories de tous les régimes
et de tous les systèmes. » Gravez bien cette parole dans votre
mémoire : L’Amour chrétien surpasse toutes les catégories de tous les
régimes et de tous les systèmes. Cela m’a fait rire lorsque cette semaine, on
m’a demandé s’il était certain que ma prédication a changé, que maintenant je
suis davantage avec certains qu’avec ceux d’avant, que je ne suis plus avec les
groupes. Mes chers frères, soyons sincères, jamais je n’ai été en faveur de
personne parce que mon engagement est envers Dieu seul. J’ai toujours prêché
mon autonomie pour pouvoir féliciter le bon qu’il y a dans chaque être humain,
comme pour pouvoir reprocher en toute liberté le mal et l’injuste qui existent
chez n’importe qui. C’est pour cela qu’il y a l’Église.
Les conjonctures politiques des
peuples changent et l’Église ne va pas être le jouet de ces va-et-vient des
conjonctures. L’Église devra toujours être l’horizon de l’amour de Dieu que
j’ai essayé d’éclaircir ce matin. C’est pourquoi l’amour chrétien surpasse les
catégories de tous les régimes et systèmes. Si aujourd’hui c’est la démocratie,
si demain c’est le socialisme, si après c’est autre chose, cela n’est pas de la
compétence de l’Église. Faites-le vous-mêmes, qui êtes le peuple, vous qui avez
le droit de vous organiser avec la liberté que possède tout peuple! Organisez
votre système social, l’Église demeurera toujours en marge, autonome, pour
pouvoir dans n’importe quel système, être la conscience, le juge des attitudes
des hommes qui manœuvrent ou qui vivent dans ces systèmes ou ces régimes,
« parce qu’elle apporte avec elle la force insurpassable du Mystère
Pascal, de la valeur de la souffrance de la Croix et les signes de Victoire et
de Résurrection. »
Recherchez toujours cela dans
l’Église, mes frères. Ne recherchez pas de quel côté politique est l’Église.
Recherchez cette virtualité de Croix et de Résurrection. Recherchez le Christ
dans l’Église. Recherchez autant le Seigneur humilié dans la crucifixion que
glorieux et victorieux dans Pâques. Recherchez toujours dans l’Église le don
pascal de l’Amour et vous le trouverez. Vous ne trouverez pas autre chose dans
votre Église. Et si quelqu’un veut manipuler l’Église pour ses intérêts
politiques, vous cherchez mal, lĂ vous ne trouverez rien.
L’Amour produit la félicité de la
communion et inspire les critères de la participation… La civilisation de
l’Amour répudie la violence, l’égoïsme, la débauche, l’exploitation et les
inepties morales. 20/05/79, p.350-353, VI.