Le Christ, la Parole toujours nouvelle de l’Église

 

Septième dimanche du temps ordinaire; 18 fĂ©vrier 1979; Lectures : IsaĂŻe 43,13-19.21-22.24b-25; II Corinthiens 1,18-22; Marc 2 et 3,6

 

 

« Il y a ceux, dit le Christ, qui ont des oreilles et n’entendent pas Â», mais je me rĂ©jouis qu’un peuple ait compris et captĂ© ce qu’ici nous voulons dire. « Je ne veux pas prĂŞcher autre chose, dirai-je comme saint Paul, que le Christ et le Christ crucifiĂ©. Â» C’est le message de l’Église que la première lecture (Is 43,13-19; 21-22; 24b-25) sept siècles avant le Christ, IsaĂŻe disait (43,18-19) : « Ne vous souvenez plus des Ă©vĂ©nements anciens, ne pensez plus aux choses passĂ©es, voici que je vais faire une chose nouvelle, dĂ©jĂ  elle pointe, ne la reconnaissez-vous pas. Â» Il allait annoncer la RĂ©demption des pĂ©chĂ©s qui seraient faits au cours des prochains siècles, dans la plĂ©nitude des temps : en JĂ©sus-Christ. C’est le Christ qui apparaĂ®t aujourd’hui dans l’Évangile (Mc 2,1-13) avec le pouvoir de pardonner les pĂ©chĂ©s et d’orienter les hommes vers les chemins de la vĂ©ritable libĂ©ration.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) C’est une Parole qui s’incarne dans l’Histoire (Message de Puebla)

2) C’est une Parole qui illumine l’Histoire (la théologie de l’histoire)

3) Le Christ, une Parole qui est garantie d’espérance dans notre Histoire

 

1) C’est une Parole qui s’incarne dans l’Histoire (Message de Puebla)

A) Les faits, Dieu ne les dĂ©prĂ©cie pas. Vouloir prĂŞcher sans faire rĂ©fĂ©rence Ă  l’histoire oĂą nous sommes situĂ©s, ce n’est pas prĂŞcher l’Évangile. Plusieurs voudraient entendre une prĂ©dication si spiritualiste qu’elle les laisserait tranquilles avec leurs pĂ©chĂ©s. Ceux qui sont agenouillĂ©s devant l’argent et devant le pouvoir aimeraient que nous ne leur disions pas qu’ils sont idolâtres. Une prĂ©dication qui ne dĂ©nonce pas les rĂ©alitĂ©s pĂ©cheresse dans lesquelles a lieu la rĂ©flexion Ă©vangĂ©lique, ce n’est pas l’Évangile. Il y a tant d’adultères, de faux prophètes, il y en a trop, dans une Ă©poque conflictuelle comme la nĂ´tre, trop de gens qui vendent leur plume et leur parole, mais cela n’est pas la vĂ©ritĂ©. Hier, alors que je passais Ă  la douane avec ma valise, on me fit ce commentaire : « Ici va la vĂ©ritĂ©. Â» Une phrase brève, mais remplie d’optimisme parce que dans ma valise, je n’apporte ni contrebandes, ni mensonges. Je rapporte la vĂ©ritĂ© que j’ai Ă©tĂ© parfaire Ă  Puebla. Et quand un journaliste me demande : « On dit qu’après Puebla votre prĂ©dication va changer? Â» Je rĂ©ponds : « Qu’en pensez-vous? La vĂ©ritĂ© n’a pas de raison de changer, la vĂ©ritĂ© demeure la mĂŞme, nous la dirons peut-ĂŞtre avec davantage de raffinement, mais toujours en tenant compte de nos limites. Â» C’est la parole concrète d’un homme qui a son style et sa manière d’être, mais qui n’est pas plus que l’instrument de Dieu dans l’histoire concrète et les lectures d’aujourd’hui nous donnent cet exemple, chers frères. […]

 

L’espĂ©rance : la conscience que les prophètes alimentent. Il semblait, aux IsraĂ©liens Ă  Babylone que tout s’était effondrĂ©, plusieurs perdirent l’espĂ©rance, mais il existait une conscience dans le reste d’IsraĂ«l. Il existait toujours cette conscience, c’était comme « le reste de l’espĂ©rance Â». C’est cela la conscience que les prophètes alimentent.

 

Les temps historiques sont diffĂ©rents, mais Dieu est toujours le Dieu vivant. C’est pour cela frères, que l’histoire d’IsraĂ«l, qui rappelle avec nostalgie les temps oĂą Dieu les a fait sortir d’Égypte et les a conduits au travers du dĂ©sert, guidĂ©s par MoĂŻse, Ă©tait une histoire de grandes illusions. Ils se disaient : « Ces prodiges du passĂ©, oubliez-les, parce que viendra des choses plus grandes encore. Â» Le Dieu de l’Histoire de Babylone, ce n’est pas le Dieu de l’histoire de l’Égypte. C’est dĂ©jĂ  un autre chapitre, mais cela demeure toujours le Dieu vivant. C’est une rĂ©flexion communautaire. C’est merveilleux de voir un peuple, comme je vois ici en cathĂ©drale et que je sens prĂ©sent au travers de la radio, rĂ©flĂ©chissant dans son espĂ©rance. C’est ce Dieu d’Égypte, c’est ce Dieu de Babylone, c’est ce Dieu des premiers chrĂ©tiens, c’est ce Dieu qui lorsqu’Il arrive Ă  sa plĂ©nitude dans la personne du Christ, est pressenti par ce peuple.

 

B) L’Évangile reflète un moment historique du Christ. Ces chapitres de saint Marc, les chapitres 2 et 3, dĂ©crivent une lutte idĂ©ologique entre le Christ qui annonce le Salut Ă©ternel, prĂ©figurĂ© dĂ©jĂ  dans les temps d’IsaĂŻe et dont la confirmation arrive par la guĂ©rison d’un paralytique comme signe, comme sacrement du vĂ©ritable Salut du pĂ©chĂ©, et d’autre part les pratiques religieuses de son temps. (Mc 2,9-10) : « Quel est le plus facile, de dire au paralytique “Tes pĂ©chĂ©s sont remis”, ou de dire “Lève-toi, prends ton grabat et va chez toi.” Â» Comme nous ne pouvons pas voir le pardon des pĂ©chĂ©s, Dieu a voulu laisser le signe de la guĂ©rison du paralytique : « Lève-toi Â». Pour Dieu, qui pouvait aussi facilement guĂ©rir que pardonner, demeurait un argument sur pied : le pardon. C’est le Salut que Dieu apporte et ce paralytique se sent plus heureux de sa conscience nettoyĂ©e que de ses membres guĂ©ris.

 

C) La rĂ©daction de Marc reflète un moment historique de l’Église. Cet Évangile fut Ă©crit comme une biographie du Christ, comme une rĂ©flexion de l’Église que saint Pierre prĂŞcha Ă  Rome et, que Marc, en tant que secrĂ©taire de Pierre, Ă©crivait. C’est pour cela que le Pape actuel, Jean-Paul II, lorsqu’il prit possession de la cathĂ©drale de Latran dit : « Je suis l’ÉvĂŞque de Rome, le successeur de Pierre qui est venu de GalilĂ©e. Â» Et qui veut commenter l’Évangile de Pierre, Ă©crit par saint Marc, dĂ©couvre qu’il n’y a pas de relation quasi ordonnĂ©e, sinon qu’au contraire, il s’agit plutĂ´t d’une application de la vie et de la doctrine du Sauveur, aux Ă©vĂ©nements concrets de cette communautĂ©, de telle sorte que la figure du Christ qui ne nous a Ă©tĂ© dĂ©crite par aucun biographe, a Ă©tĂ© mĂ©ditĂ©e par l’Église primitive pour ĂŞtre ensuite transmise Ă  l’Église universelle.

 

Si nous lisons aujourd’hui les quatre Évangiles, n’oublions pas que nous ne faisons que répéter l’expérience des premières communautés chrétiennes qui réfléchissaient sur la vie et la présence du Christ dans le monde. C’est ce que faisaient les communautés primitives, c’est ce que font les communautés ecclésiales de base, c’est ce que fait l’homélie lorsqu’elle connaît le bonheur comme celle-ci en cathédrale, d’être attendue et accueillie avec une attention dont je suis le premier à m’émouvoir.

 

Nous mĂ©ditons sur la vie d’une prĂ©sence divine parmi nous et c’est pourquoi les Évangiles reflètent non seulement l’évĂ©nement qu’ils racontent. Ici par exemple, il ne rĂ©flĂ©chit pas seulement la guĂ©rison d’un paralytique, sinon qu’il pense dĂ©jĂ  sur le sens et la signification de la guĂ©rison de ce paralytique pour cette communautĂ© chrĂ©tienne. De lĂ , que certaines phrases sont postĂ©rieures Ă  l’évĂ©nement. Quand saint Marc dit (2,10) : « Pour que vous sachiez que le Fils de l’Homme a le pouvoir de remettre les pĂ©chĂ©s sur la Terre. Â» Cette phrase, sans doute, le Christ ne l’a pas dite Ă  ses ennemis, les pharisiens, mais il s’agit probablement d’une rĂ©flexion ecclĂ©siastique faite en communautĂ© après coup sur le sens de cette guĂ©rison miraculeuse qui serait peut-ĂŞtre le signe d’une prĂ©sence divine parmi nous, prĂ©sence qui pardonne les pĂ©chĂ©s.

 

D) L’ÉpĂ®tre de saint Paul aux Corinthiens incarne aussi l’Évangile en ce moment historique. Cette ÉpĂ®tre aux Corinthiens nous dĂ©crit une autre situation (1,18-22). Paul ne pouvait pas aller une deuxième fois Ă  Corinthe et il leur Ă©crit cette deuxième Ă©pĂ®tre qui est celle qui possède le plus les traits caractĂ©ristiques d’une lettre : familière, simple, un peu dĂ©sordonnĂ©e, dans laquelle il parle de ses sentiments et oĂą il se dĂ©fend contre certaines rumeurs qui avaient cours Ă  Corinthe. (II Cor 1, 18-19) : « Notre langage avec vous n’est pas oui et non. Car le Fils de Dieu, le Christ JĂ©sus, que nous avons prĂŞchĂ© parmi vous n’a pas Ă©tĂ© oui et non; il n’y a eu que oui en Lui. Â»

 

E) Suivons l’exemple. Ou encore, que sur cette ligne qui provient du Dieu d’Égypte, de Babylone, des temps du Christ, du temps des apĂ´tres, et qui arrive jusqu’à nous : communautĂ© d’aujourd’hui. Nous pouvons recevoir un message qui, depuis Puebla – Ă©vĂ©nement de notre histoire latino-amĂ©ricaine oĂą nous venons de nous rĂ©unir avec les pasteurs de toute l’AmĂ©rique –, les Ă©vĂŞques peuvent dire Ă  l’AmĂ©rique : « Sur notre continent, marquĂ© par l’espĂ©rance chrĂ©tienne et surchargĂ© de problèmes, Dieu dĂ©versa une immense Lumière qui resplendit dans le visage rajeuni de son Église. Â» Ils citent ces paroles de MedellĂ­n pour dire ensuite que Puebla est Ă©galement un autre acte de l’Église et que ceux qui cherchent Ă  rencontrer des contradictions entre MedellĂ­n et Puebla, oublient que c’est le mĂŞme Dieu de l’histoire qui inspira il y a dix ans le Message de MedellĂ­n, c’est Lui qui maintenant Ă  Puebla inspire le Message de 1979.

 

Solidarité des évêques à Puebla.

C’est le mĂŞme Dieu de notre histoire qui en ce prĂ©cieux message, davantage concret de mes chers frères, voulurent se faire plus solidaire du diocèse de San Salvador et qui me demandèrent de vous rĂ©pĂ©ter leur message. « Au travers de toi, nous voulons nous adresser Ă  tout le Peuple de Dieu qui est dans ton archidiocèse et Ă  tous les pauvres de ton pays auxquels tu annonces la Bonne Nouvelle de JĂ©sus-Christ dans leur situation concrète. Â» Ils sont, comme tu les dĂ©cris dans ta seconde lettre pastorale (aoĂ»t 1977) le Corps du Christ dans l’histoire. Ils ont Ă©tĂ© prĂ©sents ici Ă  Puebla au travers de ta voix. Nous savons qu’il s’agit d’un peuple digne et ennobli par l’honneur du travail pĂ©nible qu’ils doivent accomplir pour gagner leur vie. Il s’agit d’un peuple qui dit Ă  l’oppression et Ă  la rĂ©pression : « Basta ya! Cela ne peut plus continuer ainsi! Â» Il s’agit d’un peuple qui, le sachant ou non, est le Serviteur de YahvĂ©, vivant et souffrant aujourd’hui. Avec sa douleur, avec le don de sa vie pour sa dignitĂ©, rĂ©alise une communion qui porte en elle les semences d’une vie nouvelle pour aujourd’hui et pour demain. 18/02/78, p.147-149, VI.

 

 

Message de Puebla aux Peuples latino-américains.

 

 

La Réalité de l’Amérique Latine.

 

C’est pourquoi, en vous communiquant dans la rĂ©alitĂ© de notre archidiocèse le message de la Parole sacrĂ©e d’aujourd’hui, je veux vous rappeler ces mots avec lesquels les Ă©vĂŞques depuis Puebla, ont observĂ© la rĂ©alitĂ© de l’AmĂ©rique latine. « Si nous dirigeons notre regard sur notre monde latino-amĂ©ricain, quel spectacle contemplons-nous? Il n’est pas nĂ©cessaire de faire un examen approfondi. La vĂ©ritĂ©, c’est qu’augmente toujours la distance entre le grand nombre qui possède très peu et le petit nombre qui possède beaucoup. Â»

 

Ce sont des paroles entre guillemets que Puebla cite de documents pontificaux qui dĂ©finissent parfaitement notre rĂ©alitĂ© salvadorienne et les Ă©vĂŞques dirent : « c’est la rĂ©alitĂ© de l’AmĂ©rique latine, oĂą croĂ®t l’écart entre tous ceux qui ont peu Â», et au Salvador nous pourrions dire : « qui ne possède rien, et le petit nombre qui possède tout Â». Cela n’est pas du communisme, ce sont les paroles de Puebla, ce sont les mots des Papes, c’est la phrase qu’a employĂ©e Jean-Paul II Ă  Saint-Domingue, Ă  Oaxaca, Ă  Monterrey et Ă  Guadalajara : « Qu’un des devoirs actuels de l’Église est de servir l’être humain dans ses droits. Et nous entendons par droits, dit-il Ă  Saint-Domingue, les droits des paysans qui doivent possĂ©der une terre, des ouvriers dont on doit respecter leur droit d’organisation et auxquels l’on doit payer un juste salaire. Â»

 

Lorsque nous avons entendu du Pape des paroles qui n’ont pas Ă©tĂ© publiĂ©es ici, nous avons pensĂ© : le Pape court les mĂŞmes risques que l’archevĂŞque de San Salvador, on va chercher Ă  le faire taire, Ă  le marginaliser parce qu’Il parle de ce devoir de l’Église. Mais les Ă©vĂŞques Ă  Puebla nous ont donnĂ© un soutien extraordinaire en disant qu’il s’agit de la pure rĂ©alitĂ© qu’ils dĂ©noncent, Ă  savoir que notre christianisme a encore bien du progrès Ă  faire. « Les valeurs de notre culture sont menacĂ©es. On viole les droits fondamentaux de la personne humaine. Â» Ce sont lĂ  les paroles du message de Puebla.

 

Ce Message mentionne Ă©galement parmi ces rĂ©alitĂ©s : « L’être humain exige, par les arguments les plus Ă©vidents, que les violences physiques et morales, les abus de pouvoir, les manipulations de l’argent, l’abus du sexe, le viol des prĂ©ceptes du Seigneur, ne soient pas pratiquĂ©s parce que tout ce qui affecte la dignitĂ© humaine, blesse, en quelque sorte, celle de Dieu. Â»

 

 

Préférence pour les pauvres

 

Les Ă©vĂŞques d’AmĂ©rique latine rappelèrent Ă©galement dans leur message : « Nos prĂ©occupations pastorales envers les membres les plus humbles du corps social, quelques-uns d’entre eux imprĂ©gnĂ©s d’un humanisme rĂ©el. Nous n’avons aucunement l’intention d’exclure de notre pensĂ©e et de notre cĹ“ur les autres reprĂ©sentants du corps social oĂą nous vivons – les riches. Au contraire, ce sont lĂ  des avertissements sĂ©rieux et opportuns pour que ces Ă©carts, qui ne cessent de s’agrandir, ne s’approfondissent pas davantage, pour que les pĂ©chĂ©s ne se multiplient pas et que l’Esprit de Dieu ne s’éloigne pas de la famille latino-amĂ©ricaine. Â»

 

Parce que nous croyons que la rĂ©vision du comportement religieux et moral des hommes et des femmes doit se reflĂ©ter dans l’ambiance du processus politique et Ă©conomique de nos pays – regardez comme l’Église Ă  Puebla oblige Ă  l’évangĂ©lisation de l’AmĂ©rique latine en rĂ©flĂ©chissant sur le processus politique et Ă©conomique –, nous vous invitons tous, sans distinction de classe, Ă  accepter et Ă  assumer la cause des pauvres, comme s’il s’agissait de votre propre cause, de la cause mĂŞme du Christ : « Tout ce que vous avez fait Ă  l’un de mes frères, c’est Ă  moi que vous l’avez fait. Â»

 

Ici, nous avons la meilleure rĂ©ponse donnĂ©e par un document associĂ© Ă  Puebla, Ă  tous ceux qui, lorsque nous parlons de l’option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres, se sentent exclus. Cette option ne signifie pas l’exclusion des riches, mais plutĂ´t un appel aux riches pour qu’ils se sentent concernĂ©s par les problèmes des pauvres, pour rechercher des solutions, dans un dialogue avec le gouvernement, avec les techniciens, avec ceux qui peuvent rĂ©soudre cette voie sans issue sur laquelle nous nous sommes engagĂ©s. Les plus favorisĂ©s ont l’obligation d’étudier et d’employer tous les moyens Ă  leur portĂ©e comme s’il s’agissait de rĂ©soudre leurs propres problèmes. Le problème ne peut pas ĂŞtre rĂ©solu en plaçant son argent Ă  l’étranger, il est nĂ©cessaire que ces sommes se mettent Ă  fonctionner dans un vĂ©ritable sens social, comme le Pape dit dans une phrase si belle : « N’oubliez pas que la propriĂ©tĂ© privĂ©e est grevĂ©e d’une terrible hypothèque sociale. Â» C’est ainsi que le Message de Puebla est l’histoire de nos peuples. 18/02/79, p.152-153, VI.

 

 

2) C’est une Parole qui illumine l’Histoire (la théologie de l’histoire)

 

Cette histoire a besoin d’une théologie. C’est la théologie de l’histoire qui jusque dans les faits banals et concrets – jusque dans les actes criminels – rencontre quelque chose de Dieu.

 

La seconde pensĂ©e, après cet Ă©clairage de la rĂ©alitĂ© que les lectures bibliques d’aujourd’hui et le Message Ă©piscopal de Puebla nous ont apportĂ© ce matin, c’est une rĂ©flexion thĂ©ologique. La thĂ©ologie de l’histoire est une science qui ouvre sans cesse de nouveaux champs d’exploration, depuis que Jean-Paul II a dit : « Il nous faut regarder les signes des temps Ă  la lumière de l’Évangile. Â» Dieu parle depuis l’histoire, Dieu rĂ©clame depuis le bon et le beau qu’il y a Ă  l’intĂ©rieur de nous, comme Il rĂ©clame Ă©galement devant le laid et le mal qu’il y a dans les sociĂ©tĂ©s et dans le cĹ“ur de chacun.

 

Que rencontrons-nous dans les lectures d’aujourd’hui? La première lecture (Is 43,13-19; 21-22; 24b-25), dans laquelle Dieu nous invite non seulement à nous glorifier des joies du passé, mais aussi à avoir confiance dans sa capacité de faire des choses nouvelles. Il nous dit que Dieu ne se répète pas. N’est-ce pas merveilleux de savoir que Dieu peut susciter des événements nouveaux dans notre histoire du Salvador? Croyons! Parce que Dieu l’a dit, croyons comme ils crurent le prophète quand il annonça aux prisonniers de Babylone une liberté qui ne semblait jamais arriver et qui se produisit cependant parce que Dieu n’est pas un menteur.

 

Dieu juge son peuple qui est exilĂ© Ă  Babylone. Dans la première lecture d’aujourd’hui, Dieu dĂ©nonce Ă©galement un pĂ©chĂ©. Il est terrible le dialogue de cette lecture oĂą Dieu dit, au moyen du prophète IsaĂŻe, le peuple d’IsraĂ«l (Is 43,24b) : « Mais par tes pĂ©chĂ©s tu as fait de moi un esclave, tu m’as lassĂ© par tes fautes. (Je fais votre volontĂ©, mais vous ne faites pas la mienne. C’est pourquoi Je vous appelle en jugement). Â»

 

Mais l’amour de Dieu est plus fort que l’ingratitude de son peuple. C’est un jugement, un tribunal qui s’élève aujourd’hui dans cette première lecture, oĂą Dieu juge son peuple pour lui dire (Is 43,25) : « C’est moi qui efface tes crimes par Ă©gard pour moi, et je ne me souviendrai plus de tes fautes. Â» C’est pour nous ouvrir Ă  la confiance. Aujourd’hui, ici au Salvador, Dieu continue d’être rejetĂ© par les hommes, mais Il continue de nous dĂ©clarer son amour.

Seigneur, notre sociĂ©tĂ© salvadorienne a commis nombre de pĂ©chĂ©s, elle a voulu faire de Toi son serviteur, elle a cherchĂ© Ă  mĂ©priser ton Église. Quand je suis revenu de Puebla, je me suis rendu compte de tous les outrages. Si j’étais davantage sensible Ă  ces choses, je dirais au nom de Dieu : Ils me mĂ©prisent, mais sachez que Je leur pardonne par amour pour moi-mĂŞme. Ma cause est si noble, mon Salut que J’annonce et que Je prĂŞche, qu’il ne vaut pas la peine de me prĂ©occuper des poubelles qui demeurent dans la rue, il y a toute une histoire par devant…

 

 

B) Foi et conversion

 

Le Message de Puebla est un appel Ă  la foi et Ă  la conversion. Nous pourrions ici Ă©galement rĂ©sumer le message des Ă©vĂŞques latino-amĂ©ricains en deux mots : foi et conversion. Dieu a besoin que les ĂŞtres humains se convertissent et c’est pourquoi, quand nous avons prĂŞchĂ© aux pauvres et riches, ce n’est pas pour camoufler les pĂ©chĂ©s des pauvres, pour passer sous silence les vertus des riches. Les uns et les autres ont besoin de conversion, mais le pauvre, dans sa situation d’indigence, est davantage portĂ© Ă  la conversion, il ressent plus le besoin de Dieu et, pour cela, tous, si en vĂ©ritĂ© nous voulons apprendre le sens de la conversion et de la foi, de la confiance dans l’autre, il est nĂ©cessaire de se faire pauvre ou, tout au moins, d’adopter comme Ă©tant notre propre cause, celle des pauvres. C’est alors quand, l’être humain commence Ă  ressentir la foi et la conversion. Quand il a une âme de pauvre, quand il sait que ne servent Ă  rien les capitaux, la politique et le pouvoir, sans Dieu nous ne sommes rien. Et le fait de ressentir ce besoin de Dieu c’est la foi et la conversion.

 

De cette conversion on a parlĂ© d’une très belle façon, depuis Puebla pour l’AmĂ©rique Latine, comme quelque chose dont les pasteurs eux-mĂŞmes s’accusent. Le Message dit : « Nous voulons non seulement convertir les autres, mais nous dĂ©sirons nous convertir Ă©galement aux autres, de telle sorte que notre diocèse, nos paroisses, institutions, communautĂ©s, congrĂ©gations religieuses, ne soient pas des obstacles, sinon au contraire, une stimulation pour vivre l’Évangile. Pour toutes nos fautes et nos limitations, nous demandons pardon Ă  Dieu et Ă  nos frères dans la foi et dans l’humanitĂ©. Â»

Je crois que je le dis en toute sincĂ©ritĂ© : frères, celui qui dĂ©nonce doit s’attendre Ă  ĂŞtre dĂ©noncĂ©! Et depuis le dĂ©but j’ai dit que j’accepte volontiers les critiques lorsqu’elles sont constructives et je m’efforce de devenir aussi bon que possible. Et, en vĂ©ritĂ©, je demande pardon Ă  tous ceux auxquels le message n’a pas su ĂŞtre traduit clairement, mais sachez que je n’agis pas lĂ  dans un esprit d’orgueil, par mauvaise volontĂ© ou pour tergiverser. Je dis ce que l’Évangile m’envoie prĂŞcher Ă  cet archidiocèse qui m’a Ă©tĂ© confiĂ©. […]

 

 

C) La Civilisation de l’Amour

 

C’est une conversion Ă  laquelle appelle notre histoire dans des faits qui sont dĂ©crits dans des mots qui peuvent paraĂ®tre violents, mais qui sont le langage de l’Église quand elle appelle les pĂ©cheurs au pardon. Quand, par exemple, les Ă©vĂŞques disent depuis Puebla : « La civilisation que nous voulons, c’est la Civilisation de l’Amour. Â» Et suit un long commentaire qui est comme le centre de notre message aux hommes d’AmĂ©rique latine : « Soyons tous bâtisseurs d’une civilisation de l’Amour Â». Il s’agit d’une des phrases si gĂ©niales de Paul VI.

 

 

La Civilisation de l’Amour, qu’est-ce que c’est?

 

Cela signifie prendre au sĂ©rieux le mandat du Christ : « En cela on reconnaĂ®tra que vous ĂŞtes mes disciples, en vous aimant comme je vous ai aimĂ©. Â» « La Civilisation de l’Amour rejette la sujĂ©tion et la dĂ©pendance qui est prĂ©judiciable Ă  la dignitĂ© de l’AmĂ©rique latine. Â» Voyez comment l’Église, sainte dans son dĂ©sir de se convertir, nous dirions jusqu’au point d’apparaĂ®tre fière lorsqu’elle proclame la dignitĂ© humaine parce qu’elle sait qu’il s’agit lĂ  d’un trĂ©sor qui n’est pas le sien, mais qui est l’image de Dieu qu’elle se doit de dĂ©fendre. « Nous n’acceptons pas, dirent les Ă©vĂŞques Ă  Puebla, les conditions de satellite pour aucun pays du monde, ni non plus, celle de satellite idĂ©ologique. Nous voulons vivre fraternellement avec tous, parce que nous rejetons les nationalismes Ă©troits et irrĂ©ductibles. Il est grand temps que l’AmĂ©rique latine avertisse les pays dĂ©veloppĂ©s de ne pas immobiliser ou empĂŞcher notre progrès, qu’ils cessent de nous exploiter, mais qu’ils nous aident plutĂ´t avec magnanimitĂ© Ă  vaincre les barrières de notre sous-dĂ©veloppement, en respectant notre culture, nos principes, notre souverainetĂ©, notre identitĂ© et nos ressources naturelles. Â»

 

C’est cela l’esprit de l’Église. Quand certains affirment que nous diffamons Ă  l’étranger l’image de notre patrie, ils oublient que nous ne faisons que reflĂ©ter la rĂ©alitĂ© de notre patrie, prĂ©cisĂ©ment pour que soient respectĂ©es les valeurs de nos gens et de notre peuple. C’est dans cet esprit que nous grandirons ensemble comme des frères, membres de la mĂŞme famille universelle. Lorsque nous disons la Civilisation de l’amour, nous voulons dire Ă©galement que l’amour : « rĂ©pudie la violence, l’égoĂŻsme, le gaspillage, l’exploitation et les troubles moraux. Â»

 

Et pour ceux qui ne croient pas en l’amour et qui mettent leur confiance dans la violence, dans le terrorisme, l’Église ne peut les accompagner par ces chemins, les Ă©vĂŞques rĂ©unis Ă  Puebla ont fait un appel : Ă  première vue, la Civilisation de l’Amour semble une expression qui ne possède pas l’énergie nĂ©cessaire pour affronter les graves problèmes de notre Ă©poque. Cependant, nous vous assurons qu’il n’existe pas de force plus grande que celle-lĂ  dans le dictionnaire chrĂ©tien. Elle se confond avec la propre force du Christ. Si nous ne croyons pas en l’amour, nous ne croyons pas non plus Ă  Celui qui a dit : « Je vous donne un commandement nouveau, que vous vous aimiez les uns les autres comme Je vous ai aimĂ©s. Â»

 

La Civilisation de l’Amour propose Ă  tous la richesse Ă©vangĂ©lique de la rĂ©conciliation nationale et internationale. Il n’existe pas de gestes plus sublimes que le pardon. Qui ne sait pas pardonner ne sera pas pardonnĂ©! C’est l’appel que l’Église fait depuis Puebla : « de construire avec l’aide de tous une Civilisation de l’Amour, Ă  faire de notre Histoire, vue dans un sens Ă©vangĂ©lique, une impulsion pour que rien n’éteigne, ni n’enlève le lustre de notre optimisme. Â»

 

Frères, comme les prophètes annonçaient aux captifs de Babylone, des heures d’allégresse et de liberté, la parole de l’Église peut sembler une farce lorsqu’elle appelle à l’amour, à la réconciliation, au pardon, tandis que d’autres croient davantage dans la violence, dans les séquestrations, dans le terrorisme. L’Église ne marchera jamais par ces chemins et tout ce qui se dit en ce sens est faux, est de la calomnie qui vient ennoblir encore plus l’auréole de persécution de cette Église. 18/02/79, p.153-156, VI.

 

 

3) Le Christ, une Parole qui est garantie d’espérance dans notre Histoire

 

Je termine avec cette pensĂ©e qui est celle de la Parole de Dieu aujourd’hui : le Christ et l’Esprit de Dieu, inculquĂ© dans son peuple chrĂ©tien, est la garantie de notre espĂ©rance. Nous disions que nous allions mettre une couronne sur nos rĂ©flexions de ce matin avec l’épĂ®tre de saint Paul (2 Co 1,18-22). Ce dernier souffrit de quelque chose que subirent Ă©galement les apĂ´tres et le Christ lui-mĂŞme : des critiques. Ce chapitre qui nous raconte la guĂ©rison du paralytique, fait partie des chapitres 2 et 3 de saint Marc qui est une exposition de la lutte idĂ©ologique qui eut lieu entre le Christ et les pharisiens et qui se termine au chapitre 3, verset 6, qui annonce dĂ©jĂ  le dĂ©nouement final : « Ă‰tant sortis, les pharisiens tenaient aussitĂ´t conseil avec les HĂ©rodiens contre lui, en vue de le perdre. Â» Si quelqu’un courut un risque d’un attentat, ce fut le Christ et, cependant, Il fut fidèle jusqu’à pouvoir dire clouĂ© sur la croix : « Tout est accompli. Â» Contre le Christ Ă©galement se produisit des attentats, il y eut des tentatives de l’éliminer et il ne s’agit pas lĂ  de tentations, sinon que ces menaces ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©es.

 

 

Le Christ : l’acquiescement des promesses de Dieu

 

Pour saint Paul aussi cela devait Ă©galement ĂŞtre une heure difficile lorsqu’on se moquait de lui Ă  Corinthe, lorsqu’on disait de lui que son langage Ă©tait informel, aujourd’hui oui, demain non. Et saint Paul se sert de cette calomnie pour dire : « Nous avons annoncĂ© non pas un “oui” et un “non”, nous avons annoncĂ© le Christ qui est le “oui” Ă©ternel de Dieu. Quel nom merveilleux pour le Christ : le Oui des promesses de Dieu. Le “oui” en qui Dieu a promis des choses si incroyables comme un Salut nouveau, un pardon des pĂ©chĂ©s, un appel Ă  tous les peuples pour qu’ils forment un seul peuple, un seul amour, Il ne se repent pas de ses promesses, mais en JĂ©sus-Christ Il les accomplit mĂŞme lorsque ce Fils Bien-aimĂ© est amenĂ© pour ĂŞtre clouĂ© sur une croix. Â» Si c’est lĂ  une condition nĂ©cessaire Ă  l’accomplissement des promesses de Dieu, le Christ meurt crucifiĂ©.

 

 

Le oui de l’homme à Dieu

 

Le sacrifice est la rubrique des grandes promesses de Dieu et c’est pour cela que saint Paul dit : « Ainsi, comme par ailleurs, les hommes qui s’efforcent de demeurer fidèles Ă  Dieu lui disent amen. Â» Il est rĂ©vĂ©lateur ce matin d’entendre cette parole qui est si utilisĂ©e qu’elle finit par perdre son sens pour nous, mais quand dans une liturgie nous disons « amen Â», nous posons un acte de foi, le plus beau qui est de dire oui. C’est le oui de l’homme Ă  Dieu au travers du Christ.

 

 

Le Christ est l’amen de l’humanité à Dieu

 

En JĂ©sus-Christ est dit « amen Â» aux espĂ©rances de tous les peuples, de tous les hommes, parce qu’en JĂ©sus-Christ a Ă©tĂ© dit oui aux promesses de Dieu. Le Christ est la zone oĂą l’homme qui a besoin, les peuples pĂ©cheurs, les sociĂ©tĂ©s qui sont noircies, sans espĂ©rance, regardent l’espĂ©rance d’un Dieu qui nous aime encore parce que cette dĂ©finition de saint Paul continue d’être le « oui Â» (dans une construction grammaticale grecque, c’est un temps qui en français n’existe pas), oĂą ce qui s’est produit continue d’être vrai pour tous les siècles, le Christ vit et Il vit dans son Église et Il vit en AmĂ©rique latine.

 

 

Contribution des évêques à l’Amérique latine

 

C’est pour cela que le Message des Ă©vĂŞques, prenant Ă©galement cette attitude de saint Paul aujourd’hui : avec toute leur confiance qui est dans le Christ, ils veulent Ă©veiller chez les hommes et les femmes cette mĂŞme espĂ©rance.

 

« Notre contribution, disent-ils, qu’avons-nous Ă  offrir au milieu des questions graves et complexes de notre Ă©poque? Â» On me l’a souvent demandĂ© ici au Salvador : « Que pouvons-nous faire? N’existe-t-il pas une solution pour la situation oĂą nous sommes? Â» Et moi, rempli d’espĂ©rance et de foi, non seulement une foi divine, sinon une foi humaine, qui croit aux humains, je dis : oui, il existe une solution, mais ne lui fermez pas les portes. Les Ă©vĂŞques rĂ©unis Ă  Puebla dirent : « De quelle manière pouvons-nous collaborer au bien-ĂŞtre de nos peuples latino-amĂ©ricains alors que certains persistent Ă  maintenir leurs privilèges Ă  n’importe quel prix tandis que d’autres se sentent abattus ou d’autres encore font la promotion d’une gestion favorable Ă  leur survie et Ă  la claire affirmation de leurs droits? Â» C’est cela qui est grave, comme si les cĹ“urs s’endurcissaient Ă  dĂ©fendre uniquement leurs positions Ă©goĂŻstes.

 

Lève-toi et marche. Mais l’Église apporte sa contribution : « Qu’avons-nous Ă  offrir? Comme Pierre, devant la supplique qui lui est adressĂ©e aux portes du Temple, nous disons en considĂ©rant l’amplitude des dĂ©fis structuraux de notre rĂ©alitĂ©. Il y avait Ă©galement un paralytique aux portes du Temple de JĂ©rusalem qui demandait l’aumĂ´ne et quand Pierre passa avec Jean pour aller prier, le pauvre mendiant les aperçut et s’attendait Ă  recevoir une pièce. Mais alors, Pierre prononça ces mots : “Nous n’avons ni or, ni argent Ă  t’offrir”, c’est ce que disent Ă©galement les Ă©vĂŞques : Nous n’avons ni or ni argent, mais ce que nous avons nous te l’offrons : au nom de JĂ©sus de Nazareth, lève-toi et marche. Â»

 

Le Christ est notre richesse. « Ici, dit le Message, la pauvretĂ© de Pierre se fait richesse et la richesse de Pierre s’appellent JĂ©sus de Nazareth, mort et ressuscitĂ©, toujours prĂ©sent, par son Esprit Divin dans le Collège Apostolique et dans les communautĂ©s qui ont Ă©tĂ© formĂ©es sous sa direction. Â»

 

Et nous rappelons ici une phrase de Jean-Paul II dans sa messe inaugurale comme Souverain Pontife, quand sur la Place Saint-Pierre il s’exclama : « Ne craignez pas, ouvrez de part en part les portes Ă  JĂ©sus-Christ. Ouvrez Ă  son pouvoir sauveur les portes des États, des systèmes Ă©conomiques et politiques, les vastes champs de la culture, de la civilisation et du dĂ©veloppement. Â» C’est ce que nous pouvons apporter.

 

Nous rappelons une fois encore dans ce message qu’il n’appartient pas Ă  l’Église d’apporter des solutions techniques. C’est pour cela que l’Église ne peut non plus s’identifier avec aucune solution politique. Les politiciens, qui Ă©tudient les solutions politiques, les sociologues qui Ă©tudient les solutions sociologiques, les Ă©conomistes ont matière Ă  Ă©tude au Salvador. L’Église n’apporte qu’une seule valeur : l’espoir dans l’être humain. Dites aux politiciens, aux techniciens, aux sociologues, Ă  tous les riches et Ă  tous ceux qui possèdent entre leurs mains les clĂ©s de la solution : ne vous dĂ©couragez pas, ouvrez tous les domaines Ă  la doctrine du Christ. L’Église ne recherche aucune hĂ©gĂ©monie, l’Église cherche uniquement Ă  servir, Ă  inspirer! Tenez compte de cela!

Nous demandons aussi pardon pour cela, si par hasard on ne tient pas compte de notre avis parce que notre mĂ©diation humaine a Ă©tĂ© dĂ©fectueuse. Mais ne vous limitez pas Ă  nous, cherchez le Christ en qui, vous et nous, devons rechercher notre espĂ©rance dans sa doctrine. C’est pourquoi saint Paul termine la lecture d’aujourd’hui en disant : « Dans l’Esprit que Dieu nous a donnĂ©, Il nous a oint, nous a marquĂ©, nous a rendu dignes et capables de connaĂ®tre les pensĂ©es de Dieu, Il nous a donnĂ© la grande dignitĂ© de l’appeler Père. Â» Et un Père ne se complaĂ®t pas de voir pĂ©rir son fils. […]

 

Vous, les chrĂ©tiens politiciens, vous qui possĂ©dez les capitaux et ĂŞtes chrĂ©tiens, les sociologues, les techniciens, les professionnels, vous possĂ©dez la clĂ© de la solution, mais l’Église vous donne ce que vous ne pouvez donner vous-mĂŞmes : l’espĂ©rance, l’optimisme pour lutter, l’allĂ©gresse de savoir qu’il y a une solution, que Dieu est notre Père et qu’Il nous donne l’impulsion nĂ©cessaire. Parce qu’ainsi comme pour guĂ©rir le paralytique, Il a besoin d’hommes pour faire passer le malade par le toit et le dĂ©poser devant le Christ. Dieu et le Christ pourraient très bien faire Ă  eux seuls le Salut de notre peuple, mais Ils veulent avoir des brancardiers, des hommes qui les aident Ă  porter ce paralytique qui se nomme ici la rĂ©publique, la sociĂ©tĂ©, pour que nous le dĂ©posions avec nos mains d’hommes et de femmes, avec nos solutions, avec nos pensĂ©es, devant le Christ qui est le seul Ă  pouvoir dire : « J’ai vu ta foi, lève-toi et marche. Â» Et je crois que notre peuple se lèvera et marchera! 18/02/79, p.156-159, VI.