Le ProphÚte, Présence de Dieu dans la société

 

QuatorziĂšme dimanche du temps ordinaire; 8 juillet 1979; Lectures : ÉzĂ©quiel 2,2-5; II Corinthiens 12,7-10; Marc 6,1-3.

 

L’avantage d’assister Ă  la messe tous les dimanches, dans l’ambiance oĂč nous vivons, a augmentĂ©. Cela constitue non seulement dans l’ordre naturel une vĂ©ritable thĂ©rapie – c’est comme laisser l’air polluĂ© pour grimper jusqu’à un sommet et s’approcher de Dieu – sinon, et surtout, c’est qu’inspirĂ©s par la foi nous venons vivre de nouveau l’Alliance que Dieu a faite avec le peuple. En tant que membres d’un peuple qui est alliĂ© Ă  Dieu, notre messe dominicale suppose une rĂ©vision autant des droits que nous avons face Ă  ce Dieu qui nous a promis d’ĂȘtre notre Dieu, de nous traiter comme des amis lorsque nous nous adressons Ă  Lui, ainsi comme, et surtout, de rĂ©viser nos devoirs envers Dieu. Afin que le Seigneur n’ait pas Ă  nous rejeter comme un peuple qui n’a pas Ă©tĂ© fidĂšle Ă  son Alliance. [
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Nous sommes le peuple consacré à Dieu

 

En rĂ©visant les lectures bibliques qui illuminent notre rĂ©flexion et notre rĂ©alitĂ©, nous avons rencontrĂ© exactement aujourd’hui, un thĂšme qui nous concerne tous, parce que je vais le rĂ©pĂ©ter : nous sommes le peuple consacrĂ© Ă  Dieu. Distinguons toujours ceci : quand nous disons le Peuple de Dieu, nous ne faisons pas rĂ©fĂ©rence au peuple en gĂ©nĂ©ral. C’est une prĂ©tention des groupes humains que de vouloir se constituer en interprĂštes du peuple. Le peuple est trĂšs autonome, trĂšs variĂ©, trĂšs polymorphe. Nul ne peut s’arroger le droit de dire : « Je suis la voix du peuple. Â» C’est pourquoi le peuple de Dieu est le groupe des disciples de Dieu, c’est le groupe des hommes et des femmes qui, inspirĂ©s par la foi, viennent le dimanche inspirer leur conduite de la Parole divine pour ĂȘtre plus agrĂ©able Ă  Dieu et, Ă  partir de cette union avec Dieu, ĂȘtre un peuple lumineux pour le peuple en gĂ©nĂ©ral. C’est cela, l’Église.

 

Je voudrais que nous ayons clairement Ă  l’esprit que ma prĂ©dication et notre rĂ©flexion mutuelle se fait en tant que Peuple de Dieu, en tant que groupe bien distinct du peuple en gĂ©nĂ©ral. Nous respectons les idĂ©ologies, les façons de penser de ceux qui ne veulent pas ĂȘtre Peuple de Dieu, mais depuis notre identitĂ© de Peuple de Dieu, nous croyons en quelque chose et nous exigeons que l’on respecte cette maniĂšre de croire, ainsi que la libertĂ© avec laquelle Dieu nous a commandĂ© d’aimer le monde et de proclamer son message de toute part. La Parole de Dieu ne peut ĂȘtre enchaĂźnĂ©e. [
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Plan de l’homĂ©lie :

1) L’Initiative de Dieu (C’est Lui qui veut des prophùtes)

2) Le prophùte est un Instrument de Dieu (Il s’avance parce que Dieu lui ordonne)

3) La Société reçoit ou rejette Dieu dans la personne du prophÚte

 

 

1) L’Initiative de Dieu (C’est Lui qui veut des prophùtes)

 

Comme dans l’Alliance il y a toujours trois protagonistes : Dieu, le prophĂšte et le peuple.

 

A) Dans la premiĂšre lecture, nous retrouvons ÉzĂ©quiel (2,2-5), un des grands prophĂštes de l’Ancien Testament, confessant cette grande vĂ©ritĂ© : « L’Esprit entra en moi et Il me dit : “Fils d’homme, Je t’envoie.” Â» Quelle belle dĂ©finition du prophĂšte! L’Esprit entra en moi, je ne suis rien de plus qu’un fils d’homme, un fils d’Adam, comme nous pouvons aussi le traduire. Nous ne sommes pas Dieu, nous n’avons pas la vĂ©ritĂ© absolue, nous sommes les fils de la Terre. Notre seule grandeur c’est l’ouverture Ă  Dieu pour lui dire comme les prophĂštes : « Je suis ici, Seigneur, envoie-moi. Â»

 

 

Dans chaque cas il y a une vocation, une consécration et une mission

 

Mais l’initiative de t’envoyer n’est pas la tienne. Personne ne peut se constituer prophĂšte d’aucun peuple tant que Dieu ne l’a pas appelĂ© et tant que Dieu ne l’a pas consacrĂ© et envoyĂ©. Ces trois choses unissent le prophĂšte Ă  Dieu. Mais l’initiative de l’appeler, de le consacrer et de l’envoyer n’appartient qu’à Dieu.

 

 

Nécessité et objectif

 

Le Concile Vatican II explique comment est cette initiative de Dieu dans son document sur la RĂ©vĂ©lation divine qui dit (D.V. 2,1-6) : « Il a plu Ă  Dieu dans sa bontĂ© et sa sagesse, de se rĂ©vĂ©ler lui-mĂȘme et de faire connaĂźtre le mystĂšre de sa volontĂ© : par le Christ, Verbe fait chair, les hommes ont, dans le Saint-Esprit, accĂšs auprĂšs du PĂšre, et deviennent participants de la nature divine. Ainsi, par cette rĂ©vĂ©lation, provenant de l’immensitĂ© de sa charitĂ©, Dieu qui est invisible, s’adresse aux hommes comme Ă  des amis, et converse avec eux pour les inviter Ă  entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion. Â» C’est cela, l’initiative de Dieu, de Lui provient toute idĂ©e de se communiquer aux ĂȘtres humains, de nous rĂ©vĂ©ler son mystĂšre infini. Ses projets de Salut nous ne les connaĂźtrions pas s’il ne nous les avait pas rĂ©vĂ©lĂ©s. « Je veux que vous connaissiez – non plus comme des serviteurs, mais comme des amis – mes projets de Salut et d’amour. Â»

 

 

B) L’Évangile d’aujourd’hui (Mc 6,1-6) nous prĂ©sente le Christ comme source de prophĂ©tie. Il arrive Ă  Nazareth accompagnĂ© de ses apĂŽtres. C’est la seconde fois, et cette fois il va se produire un dĂ©nouement dĂ©sillusionnant, pour ne pas dire fracassant. Mais ce qui nous intĂ©resse c’est cette phrase de saint Marc : « Il commença Ă  enseigner dans la synagogue. Â» C’est cela ĂȘtre prophĂšte : enseigner, ĂȘtre un maĂźtre.

 

 

Le Christ est cette mĂȘme Parole Ă©ternelle

 

Être prophĂšte ne signifie pas uniquement deviner le futur – comme l’idĂ©e populaire que nous en avons –, le prophĂšte, au sens propre, c’est celui qui parle au nom d’un Autre et le Christ est venu non seulement au nom d’un Autre, sinon qu’Il Ă©tait Dieu. Il est la Parole Éternelle, oint de l’Esprit qui unit son Verbe Éternel Ă  une nature humaine avec laquelle Il parla un langage que nous pouvons comprendre. Son origine, sa source, est l’initiative mĂȘme de Dieu. Si nous regardons le Christ dans la rĂ©flexion de ce dimanche, non pas comme un prophĂšte, mais comme un Dieu qui a acceptĂ© de venir porter au monde la plĂ©nitude de l’initiative de Dieu.

 

 

C) Paul lui-mĂȘme a reçu du Christ la vocation, la consĂ©cration et la mission pour ĂȘtre prophĂšte des peuples paĂŻens. Quand les chrĂ©tiens du temps de Paul suspectĂšrent : « Si celui-ci est un persĂ©cuteur, comment peut-il dire qu’il veut ĂȘtre apĂŽtres? Â» Le Christ dit : « Ne l’appelez pas persĂ©cuteur, Je l’ai converti, J’en ai fait un apĂŽtre pour qu’il apporte mon nom aux nations paĂŻennes. Â» Ce fut lĂ  la grande mission de Paul, apporter l’Évangile non pas aux Juifs pour qui existait le groupe des apĂŽtres, mais aux gentils. Il est le dernier, le persĂ©cuteur, il a Ă©tĂ© choisi pour accomplir une mission plus ardue, selon l’initiative du Christ. « Va vers les peuples gentils et annonce-leur le Salut. Â» Et Paul dira : « Je ne suis pas digne de m’appeler apĂŽtre, mais Lui m’a choisi et Il m’a fait aussi apĂŽtre. Â» C’est lĂ  l’origine du sens du mot prophĂ©tique : Dieu dĂ©tient l’initiative. Â» 08/07/79, p.57-58, VII.

 

 

2) Le prophùte est un Instrument de Dieu (Il s’avance parce que Dieu lui ordonne)

 

Je crois que c’est ici oĂč s’expliquent davantage les Écritures divines qui ont Ă©tĂ© lues aujourd’hui (Ez 2,2-5; II Cor. 12,7-10; Mc 6,1).

 

 

A) Explication brĂšve du « prophĂ©tisme Â» : annonce de la pensĂ©e de l’autre

 

Le prophĂ©tisme a toujours existĂ©, c’était une nĂ©cessitĂ© que toute religion ressentait, d’avoir des hommes qui soient les interprĂštes de la volontĂ© de leurs dieux, mĂȘme s’il s’agissait de fausses religions. Il y eut aussi des prophĂštes, peut-ĂȘtre faux mĂȘme si nous l’avons souvent rĂ©pĂ©tĂ© ici. Le Salut n’appartient pas exclusivement Ă  la Bible, ni Ă  l’Église. Dieu possĂšde mille autres chemins, Il se prĂ©vaut mĂȘme des religions naturelles, pour apporter, au moyen des hommes inspirĂ©s, le message qui fut le Salut de plusieurs qui ne furent pas baptisĂ©s et qui savourent sans doute aujourd’hui le Ciel, peut ĂȘtre plus haut que de nombreux baptisĂ©s, parce qu’ils furent fidĂšles Ă  ce que la voix de l’Esprit disait au travers de ces hommes. Mais nous nous rĂ©fĂ©rons ici de maniĂšre spĂ©ciale aux prophĂštes classiques, ceux que Dieu appela et que la Sainte Bible nous raconte, ceux qui furent d’authentique instrument de Dieu.

 

 

B) Dieu continue d’ĂȘtre le principal

 

 

Effets de l’Esprit : Il met sur ses pieds le Fils de l’Homme

 

Regardons comment ÉzĂ©quiel se prĂ©sente aujourd’hui : « L’Esprit entra en moi et Il me mit sur pied. Â» C’est cela le premier effet. L’homme n’est pas plus que le fils d’Adam, poussiĂšre, crĂ©ature, mĂ©langĂ© aux mensonges de la Terre. Si Dieu appelle un fils de la Terre pour qu’il ouvre cette capacitĂ© de recevoir l’Esprit de Dieu, la premiĂšre chose qu’il fait c’est qu’il se met sur pied, il s’élĂšve, il existe une dimension verticale qui l’unit Ă  Dieu et au nom duquel il doit parler.

 

 

Autre effet : Il peut dire : « Ainsi parle le Seigneur. Â» PrĂ©sence de Dieu

 

Le prophĂšte, rempli de l’Esprit de Dieu, va vers le monde et rĂ©alise ce que nous avons dit comme thĂšme de cette homĂ©lie : la PrĂ©sence de Dieu dans la sociĂ©tĂ©, dans l’histoire et dans le monde. (Ez 2,4-6) : « Ils ne pourront plus dire que Dieu ne leur a pas parlĂ© : “Ainsi parle le Seigneur YahvĂ©.” Qu’ils t’entendent ou qu’ils ne t’entendent pas, tu es la prĂ©sence de Dieu au milieu de la sociĂ©tĂ© – Dieu, souvent, dĂ©rage. Â» N’aie pas peur. Mais le peuple dira : « Il y eut un prophĂšte qui nous annonça la prĂ©sence de Dieu. Â»

 

 

Capacité pour accomplir sa mission

 

Le prophĂšte, boue de la terre qui regarde la mission que Dieu lui a confiĂ©e, par exemple, quand Dieu dit Ă  MoĂŻse : « Va vers le pharaon et dis-lui de laisser sortir mon peuple d’Égypte. Â» Comme MoĂŻse s’est senti petit! « Seigneur, qui suis-je pour me prĂ©senter au gouvernant et faire sortir mon peuple? Â» Ce sont des missions impossibles qui excĂšdent exagĂ©rĂ©ment, infiniment, quelque chose que Dieu seul peut faire. Quand le YahvĂ© dit Ă  Jonas : « Va prĂȘcher Ă  Ninive, Â» le prophĂšte prĂ©fĂšre s’enfuir. La mission est si grande que Dieu doit l’amener de force pour qu’il accomplisse la mission de prĂȘcher Ă  Ninive. La premiĂšre impression que le prophĂšte sent c’est sa petitesse, son inadĂ©quate petitesse devant la grandeur de la mission. Cependant, Dieu lui dit : « Ne dis pas que tu ne peux pas. J’irai avec toi. Â» Nul ne peut s’opposer Ă  cette prĂ©sence qui va avec le prophĂšte.

Danger de vanitĂ© qu’encourt le prophĂšte. La seconde lecture (II Cor 12,7-10) nous dit comment le prophĂšte conjure le danger de la vanitĂ©. Sa mission est si identique au message de Dieu que souvent, comme pour Jean Baptiste, on croit que c’est lui le RĂ©dempteur. Ils voulurent adorer Paul et Ă  Pierre ils voulurent lui offrir des victimes si bien qu’ils durent dirent : « Non, prenez garde, nous sommes simplement des hommes. Adorez Dieu, obĂ©issez Ă  Dieu. C’est par nous, ses instruments imparfaits, qu’Il parle. Que ne se terminent pas en nous, personnes humaines, l’hommage, le respect et l’obĂ©issance, dirigez-les vers Dieu. Â»

 

 

« Une Ă©pine dans ma chair. Â»

 

Saint Paul, dĂ©fendant sa cause prophĂ©tique, dans la deuxiĂšme Ă©pĂźtre aux Corinthiens, nous dit qu’il eut des visions merveilleuses qui le firent se sentir trĂšs supĂ©rieur Ă  tous les hommes. Il a vu de si prĂšs la majestĂ© de Dieu, le dĂ©nouement de l’Histoire, la fin terrible des mauvais et le Salut des bons. Il connaĂźt tout cela mieux que quiconque et il pourrait se sentir presque un Dieu, et cependant, il dit (II Cor 12,7) : « Et pour que l’excellence mĂȘme de ces rĂ©vĂ©lations ne m’enorgueillisse pas, il m’a Ă©tĂ© mis une Ă©charde en la chair, un ange de Satan chargĂ© de me souffleter pour que je ne m’enorgueillisse pas! Â»

 

Il s’agit d’un des passages les plus difficiles de la Bible. Qu’est-ce que cette Ă©pine dans la chair? Selon les exĂ©gĂštes modernes, il s’agirait d’une maladie chronique. Qui sait si c’était une douleur de la vue, des crampes que lui donnait un mal d’estomac, quelque chose qui le faisait se sentir si inutile qu’il pouvait dire : « Une Ă©charde m’a Ă©tĂ© mise
 Â» Voyez comment sont perçues la maladie, la douleur, l’humiliation lorsqu’on a la foi : comme une Ă©pine de Satan, parce qu’il est le seul Ă  poser des obstacles au RĂšgne de Dieu.

 

 

La force de la faiblesse : « Ma grĂące te suffit. Â»

 

Alors, Paul raconte, dans le passage d’aujourd’hui, qu’à la vue de cette faiblesse et de cette gĂȘne, par trois fois il avait demandĂ© au Seigneur de lui retirer cette Ă©pine de Satan et le Seigneur ne lui enleva point sinon qu’Il lui dit (II Cor 12,8) : « Ma grĂące te suffit : car la puissance se dĂ©ploie dans la faiblesse. Â» Quelle rĂ©vĂ©lation plus belle pour un prophĂšte! La santĂ© n’est pas nĂ©cessaire. Ainsi, tout perclus, tu es l’instrument que Je veux parce que tu parais si faible et inutile, davantage luira la majestĂ© et la puissance du Seigneur.

Joie de souffrir pour le Christ

 

(II Cor 12,10) : « C’est pourquoi, conclut saint Paul humblement, je me complais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les dĂ©tresses, dans les persĂ©cutions et les angoisses endurĂ©es pour le Christ
 Â» FrĂšres, quelle belle expĂ©rience que de s’efforcer de suivre un peu le Christ et en Ă©change de cela, recevoir en ce monde, quantitĂ© d’insultes, de mĂ©fiances, de calomnies en plus de perdre des amitiĂ©s parce qu’on nous considĂšre suspect! Tout cela s’est prophĂ©tisĂ© et Paul jouissait de cela comme tous ceux qui savent se rĂ©jouir dans leur faiblesse. Comme je suis inutile pour les hommes, comme la persĂ©cution me rend mĂ©prisable, comme j’apparais inutile pour ceux qui peut-ĂȘtre me crurent grand et qui maintenant me voient comme un objet, comme un dĂ©chet, aujourd’hui je suis rempli de joie, dit saint Paul, parce qu’ainsi rĂ©sidera en moi la force du Christ. « Parce que lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. Â» Quel paradoxe que celui des prophĂštes! « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort! Â» Â» 08/07/79, p.58-60, VII.

 

 

L’Église, une mission prophĂ©tique

 

C’est l’Ɠuvre de Dieu et c’est pour cela que nous n’avons pas peur de la mission prophĂ©tique que le Seigneur nous a confiĂ©e. Je m’imagine dĂ©jĂ  quelqu’un en train de se dire : « Il se prend pour un prophĂšte! Â» Ce n’est pas que je me prenne pour un prophĂšte, c’est que vous et moi, nous sommes un peuple prophĂ©tique, c’est que tout baptisĂ© a reçu une part dans la mission prophĂ©tique du Christ.

Le Christ a confié cette mission aux apÎtres et à leurs successeurs

Christ, le grand prophĂšte qui est venu nous apporter la consommation de la mission prophĂ©tique, devient le message et le messager, Il est celui qui envoie ses messagers, les apĂŽtres et leurs successeurs, afin que la mission du Christ parvienne jusqu’aux confins de la Terre. Mais cette derniĂšre n’est pas seulement le fait de la hiĂ©rarchie, mais, comme le dit le Concile (L.G. 12) : « Le Peuple saint de Dieu prend part Ă©galement Ă  la fonction prophĂ©tique du Christ, en rendant un vivant tĂ©moignage Ă  son endroit, avant tout par une vie de foi et de charitĂ© et en offrant Ă  Dieu un sacrifice de louange, c’est-Ă -dire le fruit des lĂšvres qui confesse son nom.

 

L’ensemble des fidĂšles qui ont reçu l’onction du Saint ne peut pas errer dans la foi et il manifeste cette prĂ©rogative au moyen du sens surnaturel de la foi commune Ă  tout le peuple, lorsque, “depuis les Ă©vĂȘques jusqu’aux derniers des fidĂšles laĂŻcs”, il fait entendre son accord universel dans les domaines de la foi et de la morale. Â» Cela veut dire qu’en vous, Peuple de Dieu, vous tous, ainsi que mes prĂȘtres, les collaborateurs du Peuple de Dieu, tous ceux qui sont Ă©vĂȘques, prĂȘtres, religieuses, institutions catholiques, fidĂšles, familles chrĂ©tiennes, nous formons le Peuple de Dieu et le Christ, prophĂšte, nous a rendu participant de sa mission prophĂ©tique. L’Esprit du Christ nous a oints depuis le jour de notre baptĂȘme et nous formons donc un peuple qui ne peut se tromper dans la foi. Quelle consolation cela me donne! Vous ne vous trompez pas lorsque vous Ă©coutez votre Ă©vĂȘque et lorsque vous venez, avec une constance qui m’émeut, Ă  la messe Ă  la cathĂ©drale, pour entendre mes pauvres paroles. Il n’y a pas un rejet, sinon qu’au contraire, je sens qu’augmente dans le cƓur du peuple la crĂ©dibilitĂ© de la parole de l’évĂȘque. Je sens que le peuple est mon prophĂšte et qu’il m’enseigne avec l’onction que l’Esprit saint a rĂ©alisĂ©e lors de son baptĂȘme et qui le rend incapable d’accepter une doctrine Ă©quivoque ou erronĂ©e. En tant que peuple vous rejetteriez cette doctrine comme l’organisme rejette les corps Ă©trangers.

 

 

Participation du Peuple de Dieu à la mission prophétique

 

Il est fantastique de penser qu’autant les fidĂšles que j’essaie de conduire vers l’Évangile par ma prĂ©dication, tout comme la fidĂ©litĂ© avec laquelle vous voulez ĂȘtre fidĂšle au Christ, non pas Ă  moi, coĂŻncident dans la sĂ©curitĂ© de l’existence de l’infaillibilitĂ© que le Concile a proclamĂ©e. Celle-ci n’est due Ă  aucune force humaine, ni au fanatisme ou Ă  un esprit partisan, mais Ă  l’Esprit saint qui oint le peuple et ses hiĂ©rarques pour qu’ils vivent toujours la vĂ©ritĂ© que le Christ apporta. En ce sens, vous et moi, nous sommes prophĂštes, nous sommes le peuple prophĂ©tique et nous avons donc l’obligation de rĂ©aliser notre mission prophĂ©tique. Tous : le pĂšre de famille est prophĂšte dans son foyer, la mĂšre de famille est prophĂšte pour son Ă©poux et pour ses enfants, les jeunes sont prophĂštes dans leur collĂšge. Nous le sommes tous si nous voulons vraiment vivre cette mission de la vĂ©ritĂ© apportĂ©e par le Christ pour Ă©clairer les mensonges du monde, nous devons rĂ©aliser cette mission si difficile.

 

Mais nous constatons que ce n’est pas nous, nous sommes menteurs, nous sommes enclins au pĂ©chĂ© et Ă  suivre nos mauvaises passions. Comme l’Église serait en mauvais Ă©tat si elle ne reposait que sur les forces humaines! Comme ÉzĂ©quiel, nous sommes de la boue de la terre, mais depuis le jour oĂč le Seigneur nous a Ă©levĂ©s, oĂč Il nous a mis sur pied par le baptĂȘme, oĂč Il nous a faits fils de Dieu, Il nous a oints d’un charisme, d’une vocation et Il nous envoie dans l’ensemble du Peuple de Dieu, certains en tant qu’évĂȘque, d’autres comme curĂ©, aumĂŽnier, religieuse, pĂšre de famille, journalier ou professionnel. Si nous vivons vĂ©ritablement la beautĂ© de cette foi, nous formons tous le peuple prophĂ©tique de Dieu. 08/07/79, p.60-61, VII.

 

Le Concile dit : « Dans le monde, les chrĂ©tiens et les non chrĂ©tiens vivent de maniĂšre confondue, rien ne les distingue, cependant, dans le cƓur du chrĂ©tien, est prĂ©sente une onction qui le rend responsable de ce monde, les autres, peut ĂȘtre, ne peuvent voir cette responsabilitĂ©. Â»

 

Je voudrais ce matin faire appel Ă  cette vocation prophĂ©tique que vous avez tous. Et je voudrais vous dire, comme je l’ai dit dĂ©jĂ  : si on nous enlĂšve la radio, si on nous enlĂšve le journal, qu’on ne nous laisse plus parler, qu’on tue les prĂȘtres et l’évĂȘque, et qu’il n’y a plus que vous, un peuple sans prĂȘtre, vous devez ĂȘtre un microphone de Dieu. Chacun d’entre vous doit devenir un messager, un prophĂšte. L’Église existera toujours tant qu’il y aura un baptisĂ©, et cet unique baptisĂ© qui demeurerait en ce monde, aurait la responsabilitĂ© devant le monde, de maintenir bien haut la banniĂšre de la vĂ©ritĂ© du Seigneur et de sa justice divine.

 

C’est pourquoi cela me dĂ©sole de penser Ă  la lĂąchetĂ© d’autant de chrĂ©tiens et Ă  la trahison de nombreux baptisĂ©s. Mais qu’ĂȘtes-vous en train de faire, vous, les baptisĂ©s qui appartenez aux hautes sphĂšres politiques? OĂč est votre baptĂȘme? BaptisĂ©s dans les professions, dans les chantiers, au marchĂ©, peu importe oĂč nous allions, il y a un baptisĂ©, une Église, un prophĂšte et lĂ  doit ĂȘtre dit une parole au nom de la vĂ©ritĂ© qui Ă©claire les mensonges de la Terre. Ne soyons pas lĂąches, ne cachons pas le talent que Dieu nous a donnĂ© depuis le jour de notre baptĂȘme et vivons en vĂ©ritĂ© la beautĂ© et la responsabilitĂ© d’ĂȘtre un peuple prophĂ©tique.

 

Il devrait rĂ©flĂ©chir ceux qui se moquent de moi, comme si j’étais un fou qui se croit prophĂšte. Je ne me suis jamais pris pour un prophĂšte au sens d’ĂȘtre le seul prophĂšte dans le peuple parce que je sais que vous et moi, Peuple de Dieu, nous formons le peuple prophĂ©tique. Mon rĂŽle est uniquement de susciter chez ce peuple, son sens prophĂ©tique que je ne peux leur donner moi-mĂȘme, puisque c’est l’Esprit qui le donne Ă  chacun. Chacun de vous peut ainsi dire en toute vĂ©ritĂ© : « L’Esprit entra en moi dĂšs le jour de mon baptĂȘme et Il m’a envoyĂ© vers la sociĂ©tĂ© salvadorienne, au peuple du Salvador. Â»

 

Si aujourd’hui, les choses vont si mal, c’est parce que la mission prophĂ©tique est un Ă©chec chez de nombreux baptisĂ©s. Mais grĂące Ă  Dieu, je veux dire Ă©galement qu’il y a dans notre archidiocĂšse un Ă©veil prophĂ©tique au sein des communautĂ©s ecclĂ©siales de base, dans les groupes qui Ă©tudient la Parole de Dieu, dans cette conscience critique qui est en train de se former dans notre christianisme qui ne veut plus ĂȘtre un christianisme de masse, sinon un christianisme conscient qui, avant de recevoir le baptĂȘme, veut recevoir une catĂ©chĂšse; qui avant de se marier s’instruit pour savoir Ă  quoi il s’engage et pour ĂȘtre rĂ©ellement l’honneur de ce Peuple de Dieu. Je me rĂ©jouis et je veux fĂ©liciter l’Église de l’ArchidiocĂšse dans ces efforts pour Ă©veiller le sens prophĂ©tique de nos chrĂ©tiens. Ce charisme ne nous manquera jamais.

 

Lorsqu’est mort le pĂšre Rafael Palacios, assassinĂ© Ă  Santa Tecla, j’ai dit que son cadavre continuait de dĂ©noncer non seulement les crimes commis Ă  l’extĂ©rieur de l’Église, sinon Ă©galement les pĂ©chĂ©s commis Ă  l’intĂ©rieur de l’Église. Le prophĂšte dĂ©nonce aussi les pĂ©chĂ©s internes de l’Église et pourquoi pas? Si les Ă©vĂȘques, les papes, les prĂȘtres, les nonces, les religieuses, les collĂšges catholiques, si l’Église est formĂ©e d’hommes et que nous sommes pĂ©cheurs, nous avons besoin que quelqu’un nous appelle Ă  la conversion, que quelqu’un ne nous laisse pas nous installer dans une religion qui deviendrait quelque chose d’intouchable. La religion a besoin de prophĂštes et grĂące Ă  Dieu nous les avons parce qu’il serait trĂšs triste qu’une Église se sente tellement propriĂ©taire de la vĂ©ritĂ© qu’elle rejetterait tout le reste. Une Église qui ne fait que condamner, une Église qui ne fait que regarder le pĂ©chĂ© chez les autres et qui ne voit pas la poutre qu’elle a dans l’Ɠil, celle-ci n’est pas l’Église authentique du Christ. [
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C’est certain qu’il y a des façons de critiquer l’Église et lorsque les critiques deviennent des contestations insubordonnĂ©es, des caprices, c’est mal. Mais quand la critique se fait prophĂ©tisme, le prophĂšte dit aussi Ă  l’Église : « Voici ce que dit le Seigneur! Â» et il lit l’Évangile et peut ĂȘtre que l’évĂȘque ou le prĂȘtre ne procĂšde pas conformĂ©ment Ă  l’Évangile, qu’ils doivent se convertir Ă  l’amour avec lequel nous devons aimer et suivre Notre Seigneur JĂ©sus-Christ. 08/07/79, p.62-63, VII.

 

 

La société sent la Présence de Dieu dans ses prophÚtes

 

Et le Salvador sentirait la prĂ©sence de Dieu si le peuple des baptisĂ©s Ă©tait vĂ©ritablement saint et prophĂ©tique. Merci Ă  Dieu, s’il y a dans le foyer, un pĂšre saint qui est une dĂ©sapprobation des pĂ©chĂ©s de ses enfants. Merci Ă  Dieu Ă©galement si dans une fabrique existe un ouvrier, un patron saint, qui est un refus des injustices qui s’y commettent. Merci Ă  Dieu qu’il demeure ici et lĂ  des prophĂštes et que surgisse au sein du peuple ce sens critique. C’est pour cela que nous sentons la prĂ©sence de Dieu et le sort du prophĂšte ne peut ĂȘtre autre que celui rapportĂ© aujourd’hui dans les Saintes Écritures.

 

Le Christ dans sa patrie, pour une seconde fois, essuie un Ă©chec. Le Christ fut Ă  sa ville natale, c’est le dernier Ă©pisode de la premiĂšre partie de saint Marc. Il y avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© et les gens en avaient fait l’éloge, mais maintenant qu’Il revient, ceux-ci connaissent davantage le contenu de son message qu’Il prĂȘche et ce qu’Il exige, c’est pourquoi Il leur apparaĂźt dur.

 

ThĂ©ologie de saint Marc (premiĂšre partie : le MystĂšre du Messie). Dans cette thĂ©ologie, qui est l’Évangile de cette annĂ©e, la premiĂšre partie de son Évangile qui se termine aujourd’hui par ce triste dĂ©nouement veut ĂȘtre une prĂ©sentation du Christ comme Messie. Elle contient peu de prĂ©dications, mais de nombreux Ă©vĂ©nements. Le prophĂšte parle par ses Ɠuvres davantage que par ses paroles, sa prĂ©sence attire ou repousse, selon la sociĂ©tĂ© qui l’écoute.

 

 

Doutes, offenses, rejet

 

Alors, ils le rejetĂšrent avec des doutes comme nous avons entendu dans l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 6,2-3) : « D’oĂč cela lui vient-il? Et qu’est-ce que cette sagesse qui lui a Ă©tĂ© donnĂ©e et ces grands miracles qui se font par ses mains? Celui-lĂ  n’est pas le charpentier, le fils de Marie, le frĂšre de Jacques, de Joseph, de Jude et de Simon? Et ses sƓurs ne sont-elles pas ici chez nous? Et ils Ă©taient choquĂ©s Ă  son sujet. Â» Voyez, JĂ©sus lui-mĂȘme reçoit cette rĂ©action du peuple. Comme est terrible la rĂ©action de la sociĂ©tĂ© devant le prophĂšte! Il y a sous ses questions des insultes Ă  peine voilĂ©es. Chez les Juifs, personne n’est citĂ© par sa mĂšre, mais toujours par son pĂšre comme pour couronner la lĂ©gitimitĂ©. Fils d’un tel, c’étaient des noms d’hommes. Lorsqu’on disait : « Fils de
 Â», une femme seule, cela frĂŽlait l’insulte. [
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Comment s’explique ce phĂ©nomĂšne :

 

Le succĂšs d’un prophĂšte, ce n’est pas d’ĂȘtre accueilli, mais qu’on sache qu’il y eut un prophĂšte. La premiĂšre lecture d’aujourd’hui nous explique mieux ce phĂ©nomĂšne. Lorsque Dieu appelle ÉzĂ©quiel, Il lui dit (2,3-5) : « Fils d’homme, je t’envoie vers les IsraĂ©lites, vers les rebelles qui se sont rebellĂ©s contre moi. Eux et leurs pĂšres se sont rĂ©voltĂ©s contre moi jusqu’à ce jour. Les fils ont la tĂȘte dure et le cƓur obstinĂ©; je t’envoie vers eux pour leur dire : “Ainsi parle le Seigneur YahvĂ©.” Qu’ils Ă©coutent ou qu’ils n’écoutent pas, c’est une engeance de rebelles, ils sauront qu’il y a un prophĂšte parmi eux. Â» Le succĂšs du prophĂšte ce n’est pas que se convertissent ceux qui entendent la prĂ©dication, si cela se produit, bĂ©ni soit Dieu! Dieu est parvenu Ă  sa fin au moyen de son instrument, mais si le prophĂšte ne parvient pas Ă  ce que ces gens entĂȘtĂ©s se convertissent, peu importe. Son succĂšs consiste en cela : que ce peuple entĂȘtĂ©, pĂ©cheur et infidĂšle reconnaisse pour le moins qu’il y eut un prophĂšte qui leur parla au nom de Dieu. C’est ce qui est terrible de la sociĂ©tĂ© qui rejette la Parole de l’Évangile lorsqu’elle ne correspond pas avec son Ă©goĂŻsme, avec ses injustices, alors surgit une quantitĂ© de questions : « Mais d’oĂč lui provient une telle sagesse? Qui est-ce qui le manipule? Cela ne vient pas de lui. Â» Et toutes ces accusations stupides qui vraiment, au lieu d’aider Ă  comprendre – a-t-il raison ou tort? –, demeure un rejet. On dit qu’un bon conseiller doit ĂȘtre accueilli mĂȘme s’il s’agit du

 

 

Diable. Un bon conseiller ne doit pas ĂȘtre rejetĂ©.

 

Christ confirme : le riche Épulon avait les prophĂštes pour le prĂ©venir. Il y a une page terrible dans l’Évangile lorsqu’un riche est condamnĂ© et que de l’enfer il veut qu’on envoie dire Ă  ses frĂšres de se convertir avant qu’il ne soit trop tard. Il dit Ă  Abraham : « Donne la permission Ă  un mort d’aller dire Ă  mes frĂšres de ne pas ĂȘtre comme j’ai Ă©tĂ© pour qu’ils ne viennent pas en ce lieu. Â» Abraham lui rĂ©pondit : « Non, lĂ -bas ils ont les prophĂštes, s’ils n’entendent pas les prophĂštes, quand bien mĂȘme un mort irait leur dire, ils n’écouteraient pas. Â» Les gens sont si attachĂ©s aux idolĂątries de la Terre que celui qui adore l’or, l’argent, le pouvoir, l’outrage, l’injustice ou la passion l’a si collĂ© au cƓur que mĂȘme si un mort venait lui parler, il n’en ferait aucun cas, il prĂ©fĂšre ses dieux. Il entendrait encore bien moins la voix d’un pauvre prophĂšte qui au nom de Dieu vient lui dire : « Voici ce que dit le Seigneur : soyez juste, n’outragez pas tant. Â»

 

Il y a une rĂ©clamation chez le prophĂšte ÉzĂ©quiel lui-mĂȘme dont je ne voudrais pas perdre l’opportunitĂ© de souligner. Vous la connaissez dĂ©jĂ . Lorsque Dieu, Ă  un autre endroit, dit au prophĂšte ÉzĂ©quiel : « LĂšve-toi, va-t-en au champ et lĂ  Je te parlerai. Je me suis levĂ© et je suis allĂ© Ă  la campagne oĂč Il me dit (Ez 3,17-19) : “Fils d’homme, je t’ai fait guetteur pour la maison d’IsraĂ«l. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part. Si Je dis au mĂ©chant : ‘Tu vas mourir’, et que tu ne l’avertis pas, si tu ne parles pas pour avertir le mĂ©chant d’abandonner sa conduite mauvaise afin qu’il vive, le mĂ©chant, lui, mourra de sa faute, mais c’est Ă  toi que je demanderai compte de son sang. Si au contraire tu as averti le mĂ©chant et qu’il ne s’est pas converti de sa mĂ©chancetĂ© et de sa mauvaise conduite, il mourra, lui, de sa faute, mais toi, tu auras sauvĂ© ta vie.” Comme est terrible la mission du prophĂšte, il doit parler mĂȘme s’il sait qu’ils ne vont pas en tenir compte. S’ils n’en font pas cas, ils se perdront par leur faute, mais la responsabilitĂ© du prophĂšte est sauve. Il y eut quelqu’un qui dit : “Voici ce que dit le Seigneur.” Â» Et si grĂące Ă  Dieu le mĂ©chant l’entend, il se sauvera et ce sera aussi la gloire du prophĂšte qui l’en avertit.

 

 

Dieu et sa rĂ©vĂ©lation dĂ©rangent : le pĂ©chĂ© cause le mal

 

Nous ne pouvons pas nous taire, en tant qu’Église prophĂ©tique, en un monde si corrompu, si injuste. Ce serait lĂ  la rĂ©alisation de cette terrible comparaison : « Elle serait semblable Ă  un chien muet. Â» À quoi sert un chien muet qui ne protĂšge pas la maison? Et si nous dĂ©sirons savoir ce qui se passe en AmĂ©rique latine, j’ai Ă  la main le document de Puebla pour vous en lire un passage : « Les angoisses et les frustrations qui se produisent dans notre peuple, sont dues au pĂ©chĂ© qui possĂšde des dimensions personnelles et sociales trĂšs vastes. Et s’il y a dans le peuple des espoirs et des attentes, ils naissent de son profond sens religieux et de sa richesse humaine. Â» Voyez comment Puebla fait l’éloge et louange la qualitĂ© de nos peuples latino-amĂ©ricains! Ils sont dignes d’un meilleur sort! Un peuple profondĂ©ment religieux, une richesse humaine qu’il serait trop long d’énumĂ©rer prĂ©sentement.

 

Si ce peuple, avec de si bonnes qualitĂ©s, souffre des dĂ©sillusions, des frustrations, des angoisses, des craintes, comme celles dont nous souffrons, Puebla demande : « Quelle en est la cause? Le pĂ©chĂ© qui a pris des dimensions personnelles et sociales trĂšs amples. Â» Alors, que doit faire l’Église d’AmĂ©rique latine? Puebla dit Ă©galement : « L’action positive de l’Église en dĂ©fense des droits humains et son engagement avec les pauvres a amenĂ© des groupes Ă©conomiquement puissants qui se croient les champions du catholicisme, Ă  se sentir abandonnĂ©s par l’Église qui selon eux, aurait dĂ©laissĂ© sa mission “spirituelle”. Â» Cela reflĂšte bien la rĂ©alitĂ© de l’AmĂ©rique latine, lorsque l’Église, dans sa soif de conversion Ă  l’Évangile, voit que son rĂŽle est d’ĂȘtre aux cĂŽtĂ©s des pauvres, de la victime, de l’exclu et qu’elle doit parler en son nom, qu’elle doit rĂ©clamer pour lui, plusieurs personnes qui appartiennent aux hautes classes et qui se sentent les propriĂ©taires de l’Église, sentent que l’Église les a abandonnĂ©s. Ils pensent que celle-ci a oubliĂ© sa mission spirituelle, qu’elle ne prĂȘche plus la spiritualitĂ©, mais uniquement la politique. Ce n’est pas cela, c’est qu’elle signale le pĂ©chĂ© et cette sociĂ©tĂ© doit Ă©couter ce signalement et se convertir pour ĂȘtre comme Dieu le veut.

 

« Il y en a plusieurs, dit Puebla, autres qui se disent catholiques, Ă  leur façon, et qui n’acceptent pas les postulats de base de l’Église. Â» C’est pourquoi notre prĂ©dication actuelle, qui a de l’écho chez ceux qui veulent que l’Église soit quelque chose dans le monde, ne peut parler d’une autre maniĂšre qu’en dĂ©nonçant autant d’injustices et en dĂ©fendant autant de droits outragĂ©s. Mais Puebla dit finalement cette chose dont nous devons tenir compte : « Plusieurs valorisent davantage leur propre idĂ©ologie que leur foi et leur appartenance Ă  l’Église. Â» Ici, on fait rĂ©fĂ©rence Ă  ceux qui, luttant pour de justes revendications, s’éloignent de l’Église et qui ne professent plus le christianisme sinon une autre idĂ©ologie qui est trĂšs Ă©loignĂ©e de lui.

 

Mais voyez comment l’Église prophĂ©tique, de la part de Dieu, se retrouve dans une position trĂšs difficile et il est fort comprĂ©hensible qu’elle soit critiquĂ©e, qu’elle soit marginalisĂ©e, puisque le Christ lui-mĂȘme fut marginalisĂ©, qu’on le mĂ©prisa et qu’on l’insulta. Les apĂŽtres et les prophĂštes ont couru le mĂȘme sort que tous ceux qui dĂ©sirent demeurer fidĂšles Ă  l’Évangile de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ. 08/07/79, p.63-66, VII.