Par son Alliance, Dieu nous adopte dans sa Famille

 

FĂŞte de la Sainte TrinitĂ©; 10 juin 1979; Lectures : DeutĂ©ronome 4,32-34.39-40; Romains 8,14-17; Matthieu 28,16-20.

 

La Très Sainte Trinité, Fête de Dieu, Couronnement du Mystère du Christ et de l’année liturgique.

 

 

Aujourd’hui, c’est la fĂŞte de la Très Sainte TrinitĂ©. Il ne s’agit pas d’autre chose, de rien de moins que d’une fĂŞte en l’honneur de Dieu. La TrinitĂ© est l’expression chrĂ©tienne pour dĂ©signer le Dieu vĂ©ritable qui, Ă©tant un seul, possède trois personnes distinctes qui se nomment : le Père, le Fils et l’Esprit saint. Il est très logique qu’après avoir cĂ©lĂ©brĂ© le mystère du Christ qui sauve le monde, nous remontions avec Lui vers les hauteurs d’oĂą provient cette RĂ©demption, qu’après avoir reçu l’Esprit qui provient d’en haut pour s’infuser comme vie chrĂ©tienne Ă  cette Église que nous sommes, nous recherchions la provenance de cette source. Ă€ travers l’Esprit nous parvenons jusqu’à la source du divin, c’est ce que veut ĂŞtre la fĂŞte d’aujourd’hui : une remontĂ©e Ă  l’origine et Ă  la finalitĂ© de tout le mystère du Christ que nous continuons de vivre en Église.

 

Cette fête est comme le couronnement du Temps Pascal, de la célébration de notre Rédemption qui, comme nous l’avons répété plusieurs fois, eut son origine dans le Père qui nous aima et nous envoya son Fils pour nous sauver et opérer cette Rédemption. Puis, le Fils est retourné vers son Père après avoir accompli sa mission, d’où les deux nous envoient l’Esprit saint.

 

 

Seule la foi en Dieu déchiffre le problème de l’être humain et du monde.

 

Ainsi, cette fĂŞte n’est pas seulement celle de Dieu, sinon une fĂŞte de tout le peuple croyant en Dieu. C’est la fĂŞte de tous ceux qui croient et qui ont cette foi bĂ©nie en Notre Seigneur. Je fĂ©licite de tout cĹ“ur ceux qui gardent cette foi. Je me rĂ©jouis que pour vous le fait de venir Ă  la messe le dimanche signifie que cette foi nous rassemble, qu’elle nous unit comme une seule famille : la famille de Dieu. Parce que s’il n’y a pas de foi en Dieu, tout le mystère du monde et de l’homme devient un mystère insoluble, une absurditĂ©!, quelque chose qui n’a pas de sens! Surtout lorsque le monde se renverse comme est en train de le faire notre Patrie, notre peuple, notre situation; comme le Nicaragua est renversĂ© aujourd’hui, comme tant d’autres choses qui ne s’expliquent pas et que seule la foi profonde en Dieu, remontant jusqu’à ces hauteurs, jusqu’à ce mirador d’oĂą nous pouvons avoir une perspective qui nous permet de voir le pourquoi de ce qui nous apparaĂ®t absurde sur cette Terre.

 

C’est cela, le message de la Parole divine de la fête de la Très Sainte Trinité. Nous avons déjà fait le parcours du carême, de la Semaine sainte, de Pâques, à l’aide d’une idée qui donne unité à tous ces dimanches, l’idée de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Aujourd’hui, nous allons également regarder la fête de la Très Sainte Trinité sous l’angle de l’Alliance.

 

 

Par son Alliance Dieu nous adopte dans sa famille.

 

C’est ce titre qui reflète ainsi, par ces paroles très imparfaites, la grande rĂ©alitĂ© que nous voulons porter ce matin dans notre esprit : par l’Alliance que Dieu voulut faire avec les hommes, Il les adopta dans sa famille. Nous sommes les enfants adoptifs de la famille de Dieu si nous acceptons de participer Ă  cette Alliance que Dieu nous offre ce matin.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) Le « Dieu de nos pères Â». MonothĂ©isme d’IsraĂ«l. (Dans la première lecture, nous allons dĂ©couvrir cette rĂ©alitĂ©.)

 

2) Le « Dieu de JĂ©sus-Christ Â» (est une Famille : Père, Fils, Esprit saint). Dans l’Évangile (Mt 28,16-20), oĂą le Christ ressuscitĂ© se prĂ©sente rempli de toute la puissance de Dieu pour envoyer ses apĂ´tres prĂŞcher son message au monde entier, nous rencontrons un avancement notable dans la rĂ©vĂ©lation du Dieu de nos pères et comme l’appelle saint Paul, nous l’appellerons : Le Dieu et le Père de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ.

 

3) Les humains forment la famille de Dieu par l’Esprit saint. Cette idée provient de la seconde lecture (Rm 8,14-17), dans laquelle saint Paul déduit les conséquences de ce Dieu famille. Il nous envoya une Alliance au moyen du baptême pour que nous devenions les membres adoptifs de cette famille divine. Le grand mystère de cette adoption est l’œuvre de l’Esprit saint envoyé par le Père et par le Fils, pour faire de tous les hommes, la Famille de Dieu, le Peuple de Dieu.

 

Ainsi, nous apparaĂ®trons comme une lumière très brillante pour constituer, spĂ©cifiquement, la Famille de Dieu. Il ne faut pas confondre le Peuple de Dieu, la Famille de Dieu, formĂ©s uniquement de ceux qui veulent accepter cette Alliance avec Dieu, avec tout le peuple en gĂ©nĂ©ral. Il ne faut pas confondre le peuple avec le Peuple de Dieu. Au Salvador, tous sont membres du peuple, mais le Peuple de Dieu n’est formĂ© que de ceux qui croient en ce mystère de Dieu et qui s’incorporent Ă  cette Alliance. L’Église veut ĂŞtre une Famille de Dieu parce qu’elle croit dans le Père et dans la RĂ©demption du Fils, dans la sanctification de l’Esprit saint, elle tente de s’alimenter de la Parole de Dieu et des sacrements, de vivre une vie d’Église qui ne saurait ĂŞtre confondue avec aucune autre organisation humaine. Elle est la lumière de tous les regroupements humains. C’est d’elle que proviennent tous les croyants qui cherchent Ă  ĂŞtre le ferment de tous les secteurs de la sociĂ©tĂ© : de la politique, du social et de l’économique, mais elle ne se confond en aucune manière avec ces mĂŞmes institutions.

 

Il est nĂ©cessaire d’avoir cette idĂ©e bien claire Ă  l’esprit, et aujourd’hui la fĂŞte de la très Sainte TrinitĂ© va nous donner l’opportunitĂ© d’éclaircir encore davantage l’identitĂ© de ce Peuple de Dieu formĂ© de ceux qui veulent suivre Dieu et qui s’alimentent de son Esprit. Et, dans la mesure oĂą nous formerons intĂ©gralement la Famille de Dieu, le Peuple de Dieu, nous serons Ă©galement un groupe lumineux et utile qui sera un ferment d’espĂ©rance, un germe d’unitĂ©, une clartĂ© dans le monde. Je vous invite pour que nous soyons des chrĂ©tiens vĂ©ritables, une Église vĂ©ritable, ce qui ne signifie pas que nous nous dĂ©sintĂ©ressons des luttes du monde. En aucune manière! Je sens que certains cherchent Ă  tergiverser quant Ă  mes prĂ©dications, aussi claires qu’elles puissent ĂŞtre. J’ai toujours dit que l’Église ne s’identifie pas avec la politique, ni avec les luttes temporelles, mais j’ai dit que cette Église donne lumière et effervescence Ă  toutes les luttes temporelles. Elle n’est pas dans le monde comme un vestige qui doit ĂŞtre gardĂ© dans une niche, sinon que l’Église se prĂ©serve nettement comme Famille de Dieu afin de pouvoir ĂŞtre le ferment de Dieu au milieu de toutes les luttes, de tous les combats et des diffĂ©rents aspects de l’humanitĂ©. L’Église est la servante de l’humanitĂ©. C’est ce que vient de dire le Pape lorsqu’il a fait ses adieux Ă  la Pologne, en chantant avec les jeunes : « Ouvrons les frontières, dans l’Église il n’y a pas d’impĂ©rialisme, l’Église est service, elle est au service du monde. Â» 10/06/79, 385-387, VI.

 

 

1) Le « Dieu de nos Pères Â». MonothĂ©isme d’IsraĂ«l.

 

C’est la première lecture (Dt 4,32-34.39-40) qui nous prĂ©sente deux manières de parvenir Ă  la connaissance de Dieu. La première lecture dĂ©bute ainsi (Dt 4,32-33) : « Interroge donc les anciens âges, qui t’ont prĂ©cĂ©dĂ© depuis le jour oĂą Dieu crĂ©a l’homme sur la Terre : d’un bout du Ciel Ă  l’autre y eut-il jamais si auguste parole? En entendit-on de semblable? Est-il un peuple qui ait entendu la voix du Dieu vivant parlant au milieu du feu, comme tu l’as entendue, et soit demeurĂ© en vie? Â» Cela veut dire que depuis la crĂ©ation du monde, Dieu se rĂ©vèle dans la crĂ©ation Ă  tous les peuples, Ă  tous les hommes; mais qu’il existe une voix spĂ©cifique qui se nomme rĂ©vĂ©lation, par laquelle Dieu ne se laisse pas dĂ©couvrir dans la nature, sinon qu’Il s’adresse directement Ă  un peuple. Il parle, Il se rĂ©vèle.

 

 

Il est possible de connaître Dieu par la voie intellectuelle.

 

C’est la première connaissance de Dieu que reconnaissait dĂ©jĂ  l’épĂ®tre aux Romains (1,20-21) : « Ce qu’il a d’invisible depuis la crĂ©ation du monde se laisse voir Ă  l’intelligence Ă  travers ses Ĺ“uvres, son Ă©ternelle puissance et sa divinitĂ©, en sorte qu’ils sont inexcusables; puisqu’ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme Ă  un Dieu, gloire ou Action de grâce… Â» Prenons en considĂ©ration cette pensĂ©e que le Concile Vatican I, au siècle dernier, dĂ©finit comme un dogme de foi : « La possibilitĂ© de l’intelligence humaine, sans qu’elle ait besoin pour cela de la religion, par sa propre lumière naturelle, dĂ©couvre Dieu dans la crĂ©ation. Â»

 

Mais il s’agit d’un chemin intellectuel, d’une rĂ©flexion qui depuis les crĂ©atures remonte jusqu’au CrĂ©ateur, et c’est pourquoi saint Paul dit : « Qu’ils sont inexcusables parce qu’ils ont, ouvert devant leurs yeux, le livre de la crĂ©ation. Â» C’est pour cela, selon notre foi chrĂ©tienne, que la mĂ©connaissance de Dieu, la nĂ©gation de Dieu, implique toujours un pĂ©chĂ© moral. Celui qui nie Dieu ne le nie pas seulement parce qu’il n’a pas pu le dĂ©couvrir, il le nie parce qu’il porte en lui quelque chose qu’il ne veut pas laisser voir (Ă  Dieu) et c’est pour cette raison qu’il est inexcusable. Les athĂ©es ont ce pĂ©chĂ© : ceux qui se glorifient de ne pas croire en Dieu, ce n’est pas une fanfaronnade, ce n’est pas un orgueil, c’est tristement une vĂ©ritĂ©, mais c’est une vĂ©ritĂ© qui ne leur enlève pas l’impossibilitĂ© de Le connaĂ®tre, c’est une triste vĂ©ritĂ© qui provient d’un pĂ©chĂ© que l’on porte dans l’âme.

 

La mĂ©connaissance de Dieu implique une faute morale : vide de la pensĂ©e, obscurcissement de la raison, endurcissement du cĹ“ur, aveuglement qui va jusqu’à la folie. Seuls les fous ou les pĂ©cheurs sont athĂ©es. Personne ne se glorifie, par amour Ă  Dieu, de dire : « Je ne crois pas en Dieu. Â» Malheureusement, il existe de nombreuses personnes qui se glorifient d’être scientifiques et qui au nom de cette science, affirment qu’ils ne croient pas en Dieu. Avant-hier j’ai rencontrĂ© une vieille dame malade Ă  l’hĂ´pital. Quelle foi en Dieu avait cette femme! Elle m’a dit : « J’ai tentĂ© d’inculquer la foi en Dieu Ă  mes enfants, après ils s’en sont allĂ©s et j’ignore s’ils sont croyants aujourd’hui. Â» C’est la vĂ©ritĂ©, ce qui leur a Ă©tĂ© inculquĂ© avec la tendresse et la saintetĂ© d’une mère se perd. Il est perdu au collège, Ă  l’universitĂ©, dans les livres, dans les groupes oĂą on se passe de Dieu et oĂą se produit cet endurcissement, cet obscurantisme ou ces vices, parce qu’il n’y a pas de pire couteau pour un pĂ©cheur que sa foi en Dieu qui lui rĂ©clame des comptes. C’est pourquoi il vaut mieux rejeter l’idĂ©e de Dieu pour pouvoir pĂ©cher librement. Il n’y a aucune gloire Ă  ĂŞtre athĂ©e, c’est le fruit d’un pĂ©chĂ©, d’une situation qui n’est pas digne de l’homme.

 

 

A) Le « Dieu des philosophes. Â»

 

Le Concile Vatican II a dit que la plus haute vocation de l’être humain est de parvenir Ă  atteindre la communion avec son Dieu auquel il croit par amour. Lorsqu’un homme dĂ©couvre dans sa vie qu’il ne s’est pas fait lui-mĂŞme, ni ses parents, que ceux-ci n’ont Ă©tĂ© que les instruments de Dieu, que sa vie vient de Dieu. Cette personne en arrive par cette rĂ©flexion et si possible dans la contemplation qui est le plus haut degrĂ© de la prière, Ă  s’entretenir avec Dieu comme d’ami Ă  ami, c’est alors la promotion la plus haute qu’un humain puisse atteindre, entrer en communion avec son Dieu. Mais cela demeure le Dieu des philosophes, le Dieu des rĂ©flexions, ou comme disait Tertullien, vers le quatrième siècle de notre ère : « Le Dieu d’Athènes n’est pas le mĂŞme Dieu que celui de JĂ©rusalem. Â» Le Dieu de JĂ©rusalem, celui qui se rĂ©vèle dans la Bible, ne demande pas autant d’élucubrations, autant de mĂ©taphysique. 10/06/79, p.387-388, VI.

 

 

B) Dieu se révèle à son peuple par le biais de l’histoire, établissant une Alliance avec un peuple élu.

 

Il est magnifique dans la lecture d’aujourd’hui de voir comment MoĂŻse – l’homme qui traita si intimement avec Dieu - dit Ă  son peuple (Dt 4,32-33) : « Eut-il jamais si auguste parole? En entendit-on de semblable? Est-il un peuple qui ait entendu la voix du Dieu vivant parlant au milieu du feu? Â» Et il poursuit la narration des prodiges bibliques (Dt 4,34) : « Est-il un Dieu qui soit venu se chercher une nation au milieu d’une autre, par des Ă©preuves, des signes, des prodiges et des combats Ă  main forte et Ă  bras Ă©tendus, et par de grandes terreurs – toutes choses que pour vous, sous vos yeux, YahvĂ© votre Dieu a faites en Égypte? Â»

 

Quelle belle rĂ©vĂ©lation! La rĂ©vĂ©lation n’a pas besoin de passer par les crĂ©atures, de ramper sur le sol pour parvenir Ă  former une religion au goĂ»t des hommes qui l’inventèrent. C’est cela la diffĂ©rence entre les religions humaines, inventĂ©es par des hommes et par les peuples, avec la grande religion que Dieu nous a rĂ©vĂ©lĂ©e. Dieu vit, Il parle, Il se prĂ©sente Ă  son peuple Ă©lu en cherchant une nation comme un jeune homme se cherche une fiancĂ©e pour l’épouser. Dieu cherche parmi les peuples, une nation pour faire un pacte avec Lui et le pacte de Dieu avec ce peuple se manifeste par une sorte d’exclusivisme. Comme le fiancĂ© aime exclusivement sa fiancĂ©e entre toutes les autres jeunes femmes. Dieu aima pendant tout l’Ancien Testament, avec une prĂ©fĂ©rence merveilleuse, ce que MoĂŻse reconnaĂ®t lui-mĂŞme : « OĂą se trouve une autre nation qui peut se glorifier d’être la fiancĂ©e de Dieu? Â»

 

 

C) Le « Dieu des pères Â», c’est le Dieu de l’Alliance, de l’histoire de chaque peuple.

 

L’Ancien Testament nous mentionne ces prodiges que nous devons garder à l’Esprit en cette heure où nos peuples luttent pour leur libération, pour leur liberté, pour leur dignité. Il est merveilleux de remonter jusqu’à ce Dieu qui est le même Dieu de notre peuple, le Dieu de nos pères, qui usa de signes et de sa puissance. Prodiges et guerres! Dieu employa également la guerre comme signe de sa prédilection pour sauver la liberté de son peuple, par sa main forte et ses bras puissants.

 

Le Dieu auquel nous croyons, de ceux qui ne sont pas athées, n’est pas un Dieu faible. Qui sait si l’athée n’est pas plus faible? Il n’y a pas de gens plus craintifs ou qui ressentent autant la peur à l’heure de l’épreuve, que ceux qui disent qu’ils ne croient pas en Dieu. L’homme qui sait que Dieu existe, qui sait que Dieu est le Dieu de notre peuple, Celui qui va avec nos signes, Celui qui va avec nos guerres et nos luttes, Celui qui marche avec le peuple dans ses justes revendications, ce Dieu merveilleux, est le Dieu que les chrétiens doivent continuer d’adopter. C’est le Dieu de la révélation, Il n’a pas besoin de grandes abstractions métaphysiques ou philosophiques pour le connaître.

 

Ce n’est pas le Dieu des philosophes, c’est le Dieu dont le Christ disait (Lc 10,21) : « Je te bĂ©nis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir cachĂ© cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir rĂ©vĂ©lĂ© aux tout-petits. Â» Le Dieu des humbles! Rendons grâce Ă  Dieu en cette fĂŞte de la Très Sainte TrinitĂ©, qu’en Ă©tant si grand, si Ă©levĂ©, si haut, Il ait voulu que nous le dĂ©couvrions non pas Ă  travers les prodiges de la nature et de ces merveilles, sinon avec la simplicitĂ© d’un enfant qui apprend de sa mère : Sois bon parce que Dieu te voit! Dieu te veut, Dieu veut avoir de bons enfants. Ce que nous avons appris des lèvres de notre mère, c’est la Bible, c’est MoĂŻse sur les lèvres de nos catĂ©chistes, qui nous enseigne le Dieu de nos Pères, le Dieu de la RĂ©vĂ©lation chrĂ©tienne, celui que le Christ est venu parfaire, en se faisant lui-mĂŞme notre frère pour nous enseigner le chemin qui mène Ă  Dieu.

 

 

Comment sentons-nous Dieu présent dans notre histoire de cette semaine?

 

Mais avant de vous parler du Dieu de JĂ©sus-Christ et du Dieu qui vient nous apporter l’Esprit saint, je voudrais m’attarder ici pour introduire cette dimension historique que je garde habituellement pour la fin de l’homĂ©lie, je veux la situer ici comme un trait du Dieu de nos pères. Il ne s’agit pas de simplement rappeler l’histoire de l’Égypte, de l’Exode, de la Terre promise oĂą le Dieu d’IsraĂ«l s’est montrĂ© comme un Dieu qui est prĂ©sent. Prenons cela en considĂ©ration : C’est le Dieu qui est maintenant en 1979 au Nicaragua, qui est au Salvador et qui est en Pologne oĂą le Pape a dĂ©masquĂ© le dĂ©sordre. C’est le Dieu qui parle avec justice et force et, qui emploie parfois la guerre lorsque cela est nĂ©cessaire, mais surtout sa Parole qui dĂ©masque.

 

 

ÉvĂ©nements de la semaine :

 

Le Parti UDN a dĂ©noncĂ© l’apparition de 22 cadavres, dont plusieurs d’entre eux portaient des traces de torture qui n’ont pas permis l’identification de certaines victimes qui n’ont pu ĂŞtre reconnues par leur famille. Ce mĂŞme communiquĂ© attribue cette violence extrĂŞme que vit le pays, aux organes policiers liĂ©s au gouvernement et il dĂ©clare : « Nous attirons l’attention sur le fait que cette mĂ©thode mise en pratique tant de fois dans notre pays par les corps de sĂ©curitĂ©, comme en d’autres occasions, ne donne que les mĂŞmes rĂ©sultats de toujours lorsqu’a Ă©tĂ© dĂ©crĂ©tĂ© l’État de Siège.

 

Nous avons dĂ©jĂ  dit dès le dĂ©but : Puisse Dieu l’État de Siège ne pas coĂŻncider, comme il a su si souvent le faire au cours de notre histoire, avec l’outrage de la dignitĂ© et de la libertĂ© humaine, qu’il ne serve pas de prĂ©texte. Le Dieu de notre peuple ne peut bien voir une loi donnĂ©e, qui ne possède qu’un caractère rĂ©pressif. Le Dieu de notre peuple est aux cĂ´tĂ©s de ces cadavres qui clament vers le ciel. Il est aux cĂ´tĂ©s de ces familles orphelines et dĂ©semparĂ©es. […]

 

Je voudrais demander Ă  tous ceux qui ont foi en ce Dieu, d’intensifier leur prière, mais aussi notre engagement avec cette Église du saint ordre de Dieu pour que nous travaillions dans la mesure de nos influences et possibilitĂ©s : ceux qui ont la vocation politique doivent travailler depuis le domaine politique qui est un devoir de citoyen. Vous qui travaillez, surtout vous les laĂŻcs, souvenez-vous qu’une foi en Dieu qui ne se traduit pas par un labeur pour Ă©tablir un ordre plus juste en ce pays oĂą Dieu a placĂ© ce croyant, ce n’est pas une foi vĂ©ritable. Chacun de vous, tout comme moi Ă  partir de mon rĂ´le de pasteur, nous avons le devoir de rechercher Ă  partir de son lieu, de son poste de travail dans la sociĂ©tĂ©, de ses influences politiques, s’il en a, ou dans les domaines politique, social ou Ă©conomique, une manière de nous engager. Nous devons tous travailler pour que ce peuple, qui n’a pas seulement Ă©tĂ© choisi par Dieu, mais baptisĂ© de son saint nom « Salvador Â», pour que ce peuple soit vĂ©ritablement un peuple dans lequel Il agisse vĂ©ritablement avec une main forte et des bras puissants. Â» 10/06/79, p.388-392, VI.

 

 

2) Le Dieu de JĂ©sus-Christ se rĂ©vèle comme une Famille : Père, Fils et Esprit saint

 

Lorsque le Christ vint dans la plĂ©nitude des temps, Il se nomme le « Dieu de notre Seigneur JĂ©sus-Christ. Â» Cela ne contredit pas tout ce que nous avons dit, au contraire, ça le perfectionne parce que le Dieu de l’Ancienne Alliance Ă©tait un Dieu monothĂ©iste. Il n’existe qu’un seul Dieu, dit MoĂŻse après avoir racontĂ© ses merveilles. (Dt 4,39) : « Sache-le donc aujourd’hui et mĂ©dite-le dans ton cĹ“ur : c’est YahvĂ© qui est Dieu, lĂ -haut dans le ciel comme ici bas sur la terre, lui et nul autre. Â» Ce n’est pas un Dieu lointain, transcendant et infini, mais un Dieu près de la Terre. Il n’y en a pas d’autre, et ce Dieu unique que les IsraĂ©lites ne connurent que comme le Dieu puissant, le Dieu du peuple, le Dieu des Patriarches, le Christ vint le parfaire dans sa rĂ©vĂ©lation.

 

 

Le Christ rĂ©vèle sa mission et la plĂ©nitude de son pouvoir comme « l’EnvoyĂ© Â» du Père.

 

Quand Il nous apparaĂ®t dans les Évangiles d’aujourd’hui en disant (Mt 28,19) : « Allez baptiser au nom du Père, du Fils et de l’Esprit saint. Â» Le Dieu de JĂ©sus-Christ est un Dieu-famille, et non un Dieu solitaire, Il est un, mais en Lui il y a trois personnes : le Père engendre le Fils par un processus mystĂ©rieux de l’éternitĂ© et entre le Fils engendrĂ© et le Père gĂ©nĂ©rateur, un courant d’amour qui est aussi une personne, un esprit, l’Esprit saint, les identifie et les unit. C’est le processus trinitaire que le Christ vint nous rĂ©vĂ©ler quand Il vint nous parler continuellement du Père en disant « Mon Père vous aime Â» et aussi lorsqu’Il nous dit « Je vous enverrai l’Esprit. Â» Cette promesse du Dieu de JĂ©sus-Christ s’accomplit quand ce Dernier meurt en payant nos pĂ©chĂ©s et qu’Il ressuscite et retourne au Ciel pour dire Ă  son Père : « Mission accomplie, le courant trinitaire qui n’a pas Ă©tĂ© interrompu, s’est Ă©tendu. Envoyons-leur l’Esprit qui Nous unit dans l’Amour Ă©ternel pour que ce courant pĂ©nètre le cĹ“ur de tous les hommes. Â» Et l’Esprit saint est venu, envoyĂ© comme une force de vie de Dieu pour faire des hommes et des femmes une seule famille.

 

 

Le Christ est venu pour révéler le Père

 

Mais concentrons-nous sur ce Christ qui nous rĂ©vèle le Père. Ce que nous disions : Il ne vient pas pour nous rĂ©vĂ©ler un Dieu d’Athènes ni un Dieu des philosophes, Il vient pour nous rĂ©vĂ©ler un Dieu vivant, un Dieu d’amour et nous n’avons pas besoin pour cela de grandes leçons. JĂ©sus apparaĂ®t pour dire aux apĂ´tres : « Celui qui me voit, voit le Père. Â» Ou, comme disait saint Paul : « Toute la gloire du Père se rĂ©vèle dans le visage du Christ son Fils. Â» C’est cela le rĂ´le du Christ, c’est pourquoi le Concile l’appelle la PlĂ©nitude de la RĂ©vĂ©lation. Maintenant nous Le connaissons, parce que le Christ nous a dit que le Père a tant d’amour pour nous qu’Il envoya son Fils mourir pour nous. Et toutes ces belles paraboles du Christ sont des rĂ©vĂ©lations de Dieu : la brebis Ă©garĂ©e que le berger va chercher avec amour; le fils prodigue qui après avoir dilapidĂ© toute sa fortune, revient ruinĂ© et dĂ©shonorĂ© vers son père et celui-ci l’embrasse et l’introduit Ă  nouveau auprès de lui. C’est le Dieu que le Christ est venu nous rĂ©vĂ©ler. Le Dieu de JĂ©sus-Christ est le Dieu de la misĂ©ricorde.

 

C’est pourquoi les chrĂ©tiens, plus que les israĂ©lites de MoĂŻse, doivent rendre grâce parce que ce n’est pas dans un buisson ardent que nous avons connu Dieu. Le Christ est le buisson ardent du Nouveau Testament. Dans le Christ brĂ»le l’amour et la plĂ©nitude de Dieu. Qui connaĂ®t le Christ a rencontrĂ© Dieu. Personne ne connaĂ®t le Père sinon le Fils et celui Ă  qui le Fils veut bien Le rĂ©vĂ©ler. Qu’il serait merveilleux d’avoir une foi chrĂ©tienne, une foi en JĂ©sus-Christ, mais non pas une foi thĂ©orique, acadĂ©mique, une foi qui provient de la tĂŞte, mais une foi qui est ce qu’elle signifie, le don de soi et une confiance absolue. « En Toi, Seigneur, j’ai mis toute mon espĂ©rance et je ne serai pas confondu. Â» Croire dans le Christ, RĂ©vĂ©lateur du Père, c’est accepter cette foi qui nous rend vĂ©ritablement libres. 10/06/79, p.394-395, VI.

 

 

3) Par l’Esprit saint, les hommes entrent dans la famille de Dieu

 

 

A) L’Esprit saint est envoyé aux humains par le Père et le Fils.

 

La seconde lecture (Rm 8,14-17) nous parle de cette humanité admise dans la famille de Dieu.

 

Effet : l’Adoption

Comme se sent bienheureux et rempli de gratitude le fils d’un pauvre qui a Ă©tĂ© adoptĂ© par une famille qui va lui permettre de faire des Ă©tudes. Il va faire tout ce qu’il peut pour dĂ©velopper ses talents. Qu’est-ce que cela sinon une pâle image de l’œuvre de l’Esprit de Dieu qui est venu pour adopter les hommes : vous voulez que cette vie du Père, du Fils et de l’Esprit saint, qui est unitĂ© de communion, qui est amour, qui est don de soi, qui est lumière, s’établisse ici Ă©galement et qu’elle nous apporte aussi ses qualitĂ©s. Saint Paul le dit aujourd’hui : « Bienheureux ceux qui acceptent cette invitation, ceux qui se laissent porter par l’Esprit de Dieu, ce sont des fils de Dieu. Â»

 

 

B) Qualités de l’effet de famille

 

Vous avez reçu cet Esprit, mais que produit-il en nous? Si par le baptême et pour vivre dans la grâce de Dieu nous appartenons à cette famille divine, les conséquences nous sont présentées ici dans la seconde lecture (Rm 8,14-17).

 

 

Sans peurs ni esclavages…

 

Vous n’avez pas reçu un esprit d’esclavage pour retomber dans la peur. Quand nous vivons dans une ambiance de crainte, de tension et de peur, nous devons nous rappeler ceci : vous n’avez pas reçu un esprit d’esclave, vous avez reçu la capacitĂ© d’être libres et c’est pourquoi, toute lutte pour la libertĂ© correspond Ă©galement aux desseins de Dieu non seulement en IsraĂ«l, mais aussi dans la saintetĂ© du Nouveau Testament.

 

 

L’Esprit de fils : « Abba! Père! Â»

 

Un esprit de fils adoptif qui nous fait crier : « Abba! Père! Â» C’était le mot aramĂ©en que le Christ utilisait lorsqu’Il priait son Père. Abba veut dire : « papa Â», « père Â». Et Il nous enseigna Ă©galement le Notre Père, mais lorsque nous sommes sous la grâce de Dieu, nous disons cela parce que l’Esprit rend tĂ©moignage Ă  l’intĂ©rieur de nous pour dire que nous sommes vraiment les enfants de Dieu. Il nous a adoptĂ©s, Il nous a envoyĂ© le courant de la filiation divine qui nous Ă©lève, non seulement dans l’éternitĂ© après notre mort, sinon ici, dès maintenant. Celui qui vit dans la grâce de Dieu et grâce Ă  Dieu nous avons de nombreux saints dans notre Église, tant d’hommes et de femmes vĂ©ritablement saints, parce que Dieu les a introduits dans sa vie trinitaire. Plusieurs d’entre eux travaillent Ă©galement et ils doivent tous travailler pour ces justes revendications de notre peuple, mais Ă  partir de ces perspectives de la vie de Dieu qui leur donne une fermetĂ© Ă  nos idĂ©aux et Ă  nos prĂ©tentions.

 

Pour conclure, j’aimerais citer une pensĂ©e de saint Cyprien que le Concile a recueillie quand, après avoir dĂ©crit l’œuvre du Père, du Fils et de l’Esprit saint dans l’Église, nous nous sentons comme enveloppĂ©s dans l’amour de la Très Sainte TrinitĂ©, comme invitĂ©s Ă  faire partie de cette famille, Ă  nous Ă©lever pour faire de la Terre une image de ce Ciel vers lequel nous aspirons et il termine en disant : « Ainsi, toute l’Église – c’est-Ă -dire nous tous – apparaĂ®t comme un peuple rĂ©uni dans la vertu de l’unitĂ© du Père, du Fils et de l’Esprit saint. Â» Ainsi soit-il. 10/06/79, p.395-396, VI.