La Pentecôte, Venue de l’Esprit qui
vivifie la Nouvelle
Alliance
3 juin 1979; Lectures : Actes
2,1-11; I Corinthiens 12,3b-7.12-13; Jean 20,19-23.
Le carĂŞme : les Alliance
anciennes : présage et préparation.
Nous avons profité des dimanches du
carême, à travers les lectures bibliques qui nous ont été proposées, pour
esquisser ces préparations qui présagèrent et annoncèrent la Rédemption des
hommes. L’arc-en-ciel par lequel Dieu indique à Noé sa première alliance avec
l’humanité, seigneur de la nature qui ne sera plus détruite dorénavant par un
dĂ©luge, mais que les hommes doivent s’engager Ă conserver et Ă protĂ©ger, Ă
répartir ses biens avec équité, à considérer les dons de Dieu dans la nature au
lieu de les gaspiller.
Nous fîmes une application de
l’urgence de la conservation des biens qui nous engagent envers Dieu. Il est
terrifiant d’entendre de toutes parts que les ressources pétrolières
s’épuisent, que l’air est pollué, qu’il n’y a plus d’eau, qu’il existe des
régions entières de notre capitale où l’eau parvient à peine quelques minutes
par jour, et parfois pas du tout, que les nappes d’eau s’assèchent et que dĂ©jĂ
ces rivières si pittoresques de nos montagnes ont disparu. L’Alliance de
l’homme avec Dieu n’est pas respectée parce que l’humanité n’est pas le
seigneur de la nature, elle s’est convertie en un exploiteur de celle-ci. […]
Nous sommes rendus au dimanche de
l’Ascension du Seigneur qui nous élève dans une invitation à la transcendance
afin que nous donnions un sens aux choses de l’histoire et de la vie. Lorsque nous
perdons cette perspective du Rédempteur qui nous invite à consommer l’Alliance
avec le Père absolu de toutes choses, nous rompons l’Alliance avec Dieu et nous
voulons résoudre nos problèmes nous-mêmes, dans l’histoire, inefficacement.
Nous arrivons finalement Ă la clĂ´ture
de toute cette période si précieuse : l’Esprit saint.
Plan de l’homélie :
1) Les signes visibles de la
PentecĂ´te
2) La présence invisible de l’Esprit
vivifiant
3) L’Église, Alliance vivifiée par
l’Esprit
1) Les signes visibles de la PentecĂ´te
A) Sens des signes
Les signes nous les avons entendus
aujourd’hui, mais auparavant je voudrais que nous réfléchissions à la façon
dont l’Église poursuit la pédagogie de Dieu en parlant par signes. Le signe est
comme un langage, c’est comme celui qui n’entend pas une langue et qui n’en
perçoit que les signes, sans savoir ce qu’ils veulent dire, c’est ce qui se
produit avec celui qui reçoit les signes, les sacrements, sans une catéchèse
comme celle qui a préparé cette confirmation d’aujourd’hui.
Les sacrements et l’Église :
Signes de la grâce et de l’Alliance Nouvelle, aujourd’hui dans la confirmation.
Les signes sont un langage inconnu et
c’est pourquoi nous ne leur avons pas donné le sens de notre baptême, de notre
confirmation, de tous les sacrements. L’amour d’un couple marié n’est pas
simplement l’amour de cet homme et de cette femme, il existe un signe dans cet
amour et celui qui ne le découvre pas ne vit pas la profondeur de son mariage.
La confirmation est un signe et celui qui ne le découvre pas se retrouve comme
devant une langue inconnue. Que peut bien vouloir dire le geste d’un évêque qui
oint d’huile le front d’un garçon? Si ce dernier ne connaît pas le sens de ce
geste, de ce sacrement, il vaudrait mieux pour lui qu’il ne le reçoive pas. À
quoi bon venir accomplir un rite sans signification?
Les signes de la PentecĂ´te
Il en serait de mĂŞme si la PentecĂ´te
ne possédait pas sa catéchèse, un approfondissement. Les signes qui aujourd’hui
apparaissent dans les lectures (Ac 2,1-11) : un bruit dans le ciel, un
vent d’ouragan, des langues de feu qui se posent sur la tête des apôtres et de la Vierge. L’Évangile (Jn
20,19-23) nous donne un autre signe : un Christ ressuscité qui souffle son
haleine sur les apôtres. Ce sont là des signes! Mais que signifie qu’un homme
souffle sur d’autres hommes, un ouragan et des langues de feu? Ce sont les
signes de la PentecĂ´te. 03/06/79, p.375-376, VI.
2) La présence invisible de l’Esprit
vivifiant
A) Nécessité de découvrir la
signification des signes
Quel est le contenu invisible de ces
signes? Il est nécessaire de découvrir la signification des signes de la
PentecĂ´te pour comprendre ce matin ce que signifie cette foule dans la
Cathédrale et les communautés qui se réunissent pour la messe dominicale et le
sens chrétien de la vie.
Cela n’a aucun sens si nous ne découvrons pas ce qui s’est
produit ce dimanche quand sous ces signes du souffle du Christ et du vent
d’ouragan et des langues de feu, se cache quelque chose d’invisible et de très
grand.
B) Le contenu des signes de la
PentecĂ´te
Je vais me restreindre Ă quatre
points qui sont comme le message de la PentecĂ´te.
1. Le don de l’Esprit;
2. Le Pardon des péchés et la grâce
de l’Adoption divine;
3. La foi;
4. La capacité d’aller par le monde
prĂŞcher dans toutes les langues le message unique qui sauve.
Le contenu du don de l’Esprit saint
Dans quelques instants, je vais dire
Ă chaque jeune homme et Ă chaque jeune femme, en leur mettant le saint chrĂŞme
sur le front : « Par ce signe, reçois le don de l’Esprit saint. »
Qu’est-ce que ce don? La première
lecture (Ac 2,1-11) nous dit : « Recevez l’Esprit saint. » Ce
sont des gestes semblables à ceux de la Genèse quand sur le chaos, Dieu souffla
son Verbe tout-puissant : « Que la lumière soit, que les choses
soient et Dieu vit que cela était bon. » La Pentecôte est une nouvelle
Genèse. Aujourd’hui naît le monde nouveau, aujourd’hui l’Esprit de Dieu se
donne. Bienheureux celui qui le comprend parce que dans son cœur est déjà née
l’éternité; parce que dans son cœur est déjà née l’espérance d’un monde
meilleur; parce qu’il ne se laissera pas accabler par les problèmes
historiques, politiques et sociaux; parce qu’il sait qu’au-dessus de tout, le
souffle de l’Esprit accouche d’une vie que nul ne peut empêcher et elle viendra.
C’est pourquoi le Concile en commentant ce don de l’Esprit dit (L.G.4) :
« L’Esprit saint fut envoyé le jour de la Pentecôte, afin de sanctifier
l’Église en permanence et qu’ainsi les croyants aient par le Christ, en un seul
Esprit, accès au Père. » Quelle profonde réflexion, l’Esprit vient!
Qui est cet Esprit? Celui qui unit
dans l’éternité par des relations mystérieuses le Père et le Fils :
« Tout ce qui est au Père est à moi et tout ce qui est à moi est au
Père. » Qui est-ce qui réalise cette communion absolue entre les personnes
de la
Très Sainte Trinité? La force qui les unit c’est l’Esprit
saint. C’est pourquoi ce même Esprit qui unit le Père et le Fils, nous est
communiqué – et bienheureux ceux qui entrent dans ce courant qui amène la
personne humaine à s’unir avec le Père et le Fils! L’expression du Concile est
incomparable : « Pour que les fidèles aient accès au Père au moyen du
Christ dans l’Esprit saint. » L’Esprit nous unit au Christ et le Christ
est le Fils qui est uni avec le Père. Unis par l’Esprit dans le Fils, nous
sommes une famille avec le Père. C’est cela le Peuple de Dieu.
Ne confondons pas le peuple ordinaire
avec le Peuple de Dieu. Ainsi comme les organisations politiques populaires ne
doivent pas dire : « Nous sommes le peuple, sinon une partie du
peuple. » L’Église ne peut pas non plus se confondre avec le peuple parce
qu’il y a de nombreux incroyants qui ne croient pas en cette communion de
l’Esprit. Mais grâce à Dieu, il existe beaucoup de ces fidèles dont le Concile
dit : « Qu’ils se laissent conduire par la force de l’Esprit pour
s’unir au Christ et unis au Christ, ils ont accès au Père. »
Dès cette vie, nous vivons dans
l’éternité, nous n’attendons pas la mort pour posséder la vie éternelle. Le
chrétien qui se laisse envahir par l’Esprit de Dieu et s’unit au Christ, vit
déjà dans la communion avec le Père. La mort ne sera pas autre chose que la
brisure de ce vase (notre corps) qui occulte cette réalité. Comme la vie
chrétienne est magnifique, sous l’effusion du don de l’Esprit. Chers jeunes qui
allez être confirmés, c’est ce qui va se produire aujourd’hui avec vous. Vous
allez être envahis par cet Esprit de Dieu qui est l’Esprit du Christ, vous
allez vous unir au Christ qui maintient une relation intime avec le Père. Vous
appartiendrez Ă cette force de la vie divine qui vous rendra robustes.
Le pardon des péchés et la grâce de
l’Adoption.
Qui a-t-il d’autre dans les signes de
la Pentecôte? Le Christ a dit : « Ceux à qui vous pardonnerez leurs
péchés, ils leur seront pardonnés. » C’est une expression pour dire que
toute la force de la Rédemption arrache l’homme du péché et en fait un fils de
Dieu par la grâce. C’est
ce que donne l’Esprit saint. Il existe une relation avec la véritable promotion
humaine.
La promotion humaine n’est pas
seulement de sortir l’homme et la femme de la pauvreté pour qu’il ait de
l’argent. Si ce dernier n’est pas entré dans cette promotion de se faire enfant
de Dieu, il ne sert à rien d’avoir de l’argent et sa pauvreté ne l’empêche en
rien de participer à cette promotion. La véritable promotion est celle qui
élève l’homme jusqu’à le rendre saint. C’est cela la véritable promotion :
la sainteté. L’esprit
de sainteté nous est donné précisément pour arracher les hommes à leurs
passions, à leurs idolâtries, à leurs péchés, à leurs désordres, à leurs
égoïsmes, à leurs injustices. Rendez grâce à Dieu parce que l’Église accomplit
ce devoir, et ne vous dégoûtez pas lorsqu’elle dénonce le péché qui est présent
dans le monde et qu’elle cherche à arracher ses fils et ses filles à ce péché.
Quand l’Église dit aux pouvoirs politiques, n’abusez pas, quand elle dit au
pouvoir économique : n’abusez pas; l’Église ne fait qu’accomplir son
devoir de déraciner le péché du monde et conduire les hommes et les femmes vers
le véritable chemin de la promotion et de la sainteté.
La foi
Qu’est-ce que contient encore ce don
de l’Esprit? La foi. La
seconde lecture d’aujourd’hui (I Co 12,3b-7.12-13) dit que, si nous ne le
comprenons pas bien, cela pourrait mĂŞme nous sembler ridicule :
« Personne ne peut dire que Jésus est Seigneur si ce n’est sous l’action
de l’Esprit. » C’est sûr que matériellement n’importe qui peut dire :
« Jésus est Seigneur », mais nous l’avons entendu comme une
profession de conviction, comme une profession qui me conduit logiquement Ă
adorer Jésus seul et à ne pas vouloir commettre l’adultère dans mon cœur,
reconnaissant Jésus comme Seigneur, mais vivant avec d’autres idoles :
l’argent, les forces sociales, les matérialismes de la Terre. Comme il
vaudrait mieux pour plusieurs ne pas dire qu’ils sont chrétiens parce qu’ils
n’ont pas la foi, ils ont davantage confiance dans leur argent et dans leurs
choses qu’en Dieu qui est la source des biens et de l’argent.
C’est pourquoi « Jésus est
Seigneur » ne peut être dit que par celui qui a la foi, et c’est ce que
nous donne l’Esprit saint pour pouvoir dire avec une conviction de foi :
« Jésus est le seul Dieu. », « Jésus est le Seigneur »,
plus que celui qui a été enveloppé dans les vêtements de la foi et oint par
cette connaissance que Dieu seul détient. Quand Pierre dit au Christ qui lui
demandait : « Qui les hommes disent-ils que Je suis? » Et
écoutant les opinions diverses des hommes : les uns que tu es un prophète,
que tu es un grand maître, un grand homme. « Et vous qui demandez qui je
suis. » Et Pierre élevant la voix dit : « Tu es le Christ, le
Fils du Dieu vivant. » Le Seigneur Jésus dit à Pierre : « Béni
sois-tu, Simon, parce que ce qui t’a été révélé ne l’a pas été par la chair ou
par le sang, mais par l’Esprit de Dieu, mon Père qui t’a inspiré cette foi en
ma personne divine. »
Seul celui qui a une foi animée par
l’Esprit peut croire dans le Christ. C’est pourquoi, je déplore d’avoir à dire
cela, mais je parle par expérience, plusieurs qui se disent chrétiens et qui
prient le Christ, ne le connaissent pas comme Seigneur parce qu’ils sont des
chrétiens sans foi, parce que nous avons parmi nous de nombreux païens baptisés
et confirmés qui ont reçu les signes, mais qui ne se sont pas laissés envahir
par l’Esprit, au contraire, ils l’ont rejeté. Si quelque chose me rend triste
dans mon ministère c’est le rejet de ce que je donne, comme si je voulais faire
le mal et non le bien. Ce qui me console c’est que le Christ qui voulut
également communiquer cette grande vérité fut incompris. Ils Le traitèrent de
révolté et ils le condamnèrent à mort comme on m’a menacé moi-même ces
jours-ci.
La capacité de prêcher à tous, dans
toutes les langues et Ă tous les peuples.
Quoi d’autre nous donne l’Esprit?
L’événement de la Pentecôte est merveilleux! (Ac 2,7-8) : « Ces
hommes qui parlent, ne sont-ils pas tous Galiléens? Comment se fait-il alors
que chacun de nous les entend dans son propre idiome maternel? » Le don de
prêcher dans tout l’univers. Ce miracle se réalise aujourd’hui parce que ce que
je vous dis ici, dans la cathédrale de San Salvador, dans mon pauvre espagnol,
est en train de le dire en Amérique du Nord, en anglais, celui qui y prêche ce
dimanche, de mĂŞme que le missionnaire qui prĂŞche dans leur dialecte aux
indigènes dans les jungles du Guatemala, de la Colombie ou de quelque autre
contrée tropicale, où l’Évangile est prêché en français au Canada et en France
par les prêtres de ces régions, ou en italien, ou dans la plupart des dialectes
africains. C’est la même Église qui prêche dans plusieurs langues, ce matin et
toujours, le message de Dieu. Et c’est un message que nous ne pouvons pas
altérer. 03/06/79, p.376-379, VI.
3) L’Église, Alliance vivifiée par
l’Esprit
La PentecĂ´te inaugure les temps
messianiques, annoncés par les prophètes comme le temps de l’Esprit. La
Pentecôte d’il y a vingt siècles ne fit qu’inaugurer une époque nouvelle. Les
prophètes avaient annoncé cette ère messianique, comme une ère nouvelle
inspirée par l’Esprit. Les temps que nous vivons après le Christ se nomment les
temps de l’Esprit.
L’Église et les sacrements sont des
signes de l’Alliance Nouvelle
C’est le temps où l’Église continue
d’être comme le signe, le germe, et la force qui unit les hommes dans la
puissance de Dieu. Le Concile dit : « Ne vous surprenez pas si
l’Église n’est qu’un petit groupe en comparaison de l’immense majorité de
l’humanité. » « Ne craignez point, petit troupeau, dit le Christ,
parce que le Règne de Dieu est à vous. »
Nous devrions sentir ce saint orgueil
de posséder dans notre Église le germe d’un monde nouveau, la force d’une
espérance, la lumière qui clarifie toutes les choses obscures et nébuleuses.
L’Église est le signe de la Présence de Dieu qui a commencé à rendre la
création nouvelle depuis ce souffle du Christ ressuscité : « Recevez
l’Esprit nouveau. »
L’Esprit vivifie l’unité dans la
diversité : diversité des charismes et des vocations.
C’est pourquoi dans la seconde
lecture (I Co 12,3b-7.12-13) saint Paul nous parle de ce prodige de l’Église
qui est l’unité dans la diversité. Parce que l’Esprit est unique, aux uns
Il donne certains charismes, aux autres Il donne des vocations diverses. Il y a
des jeunes qui sont appelés à la vie consacrée et il y en a d’autres qui n’y
sont pas appelés, mais ils doivent être chrétiens dans leur métier ou leur
profession. Peu importe le poste qu’ils occupent dans la société, ce qui
importe c’est, comme le dit la lecture d’aujourd’hui, « que nous devons
tous nous abreuver d’un même Esprit. » C’est l’Esprit qui donne l’unité.
Saint Paul compare cette unité dans
la diversité à un corps. Ainsi, comme le corps possède des organes qui ont des
fonctions diverses, ceux-ci contribuent tous au bien-être de l’organisme, ainsi
l’Esprit saint nous a attribué des dons, des charismes et des vocations
diverses afin que tous conspirent à l’unité. Vers l’unité! Ne nous divisons
pas. Si je ne comprends pas l’autre chrétien, je le respecte, parce que s’il
aime véritablement l’Église, il sert à l’unité que moi aussi je m’efforce de
servir à partir de ma perspective sincère d’amour à cette Église. Il ne s’agit
pas de le critiquer parce qu’il ne correspond pas à mes attentes. Je dois
m’accorder à la volonté de l’Esprit saint qui est l’unité et la vie de cette
Église.
Très chers jeunes qui recevez
aujourd’hui le sacrement de la confirmation et très chers jeunes séminaristes,
je suis optimiste lorsque je pense Ă vous comme renouvellement, comme vague de
renouvellement de l’Église. Qui pourrait décrire la richesse de chacun d’entre
vous si ce n’est en se laissant inspirer par l’Esprit de Dieu? Ne tuez pas vos
idéaux que Dieu a pour la vie de chacun de vous! Le séminariste pour qu’il
parvienne à être un prêtre selon le cœur de Dieu et le laïc, qui terminera
brillamment ses Ă©tudes techniques ou universitaires, ou celui qui sera ouvrier
ou paysan, peu importe ce que vous serez, mais soyez l’instrument de l’Esprit
saint là où il vous sera donné de développer votre vie. 03/06/79, p.379-380,
VI.