Le Peuple de la Nouvelle Alliance

 

Vigile Pascale; 14 avril 1979; Lectures : Genèse 1,1-31.2,1-2; Genèse 22,1-18; Exode 14,15-31,15,1; IsaĂŻe 54,5-14; IsaĂŻe 55,1-11; Baruc 3,9-15.4,1-32; ÉzĂ©quiel 36,16-28; Romains 6,3-15; Marc 16,1-18.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) La Résurrection, clé de toute la révélation divine

2) L’Église dépositaire et témoin de la Résurrection

3) Les baptisés, participent au même Esprit qui ressuscita Jésus

 

 

1) La Résurrection, clé de toute la révélation divine

 

En premier lieu, je vous invite, chers frères et sĹ“urs, Ă  adorer cette RĂ©surrection en tant que clĂ© de toute la RĂ©vĂ©lation du Seigneur. (Jn 20,8-9) « Il vit et il crut. En effet, jusqu’alors il n’avait pas compris l’Écriture qui disait qu’Il devait mourir et ressusciter d’entre les morts… Â» […]

 

 

A) Il leur manquait la clé qui devait rendre cohérente leur expérience de disciples

 

Tant que le Christ n’était pas ressuscitĂ©, il manquait aux disciples une clĂ© d’interprĂ©tation. On ne pouvait pas expliquer la conduite, la doctrine, les miracles et toutes les merveilles du RĂ©dempteur, si la RĂ©surrection ne s’était pas produite. Tout est mystère dans le Christ, tant que ne s’était pas produit ce qu’Il ne cessait d’annoncer : « Mon heure arrive! Â» Pourquoi disait-Il cela?

 

« Le Fils de l’homme sera livrĂ©, Il sera outragĂ©, Il va ĂŞtre crucifiĂ© et le troisième jour Il ressuscitera. Â» Ce n’était que des paroles, ils ne comprenaient pas comment un Fils de Dieu fait homme, devait ĂŞtre autant humiliĂ©. Il se produisit des crises nombreuses dans la foi des disciples tant qu’ils n’eurent pas vĂ©cu cette grande manifestation.

Tout le mystère du Christ possède une clĂ© : la glorification… après l’humiliation

 

Dans la seconde lecture d’aujourd’hui, nous retrouvons tout le rĂ©cit de la vie de JĂ©sus. (Ac 10,38) : « Pierre, s’adressant au centurion (Corneille) et Ă  un groupe de paĂŻens, leur raconte comment eux, les disciples, virent JĂ©sus, oint par Dieu dans la force de L’Esprit, qu’Il passa en faisant le bien et en soignant les opprimĂ©s parce que Dieu Ă©tait avec Lui. Nous sommes tĂ©moins. Â» C’est une vie merveilleuse qu’ils vĂ©curent avec le Seigneur, mais il y avait une absence.

 

 

Toute l’Écriture…

 

Quel est le dĂ©nouement de tout cela? « Toute l’Écriture, nous dit le Concile Vatican II, que c’est dans le Christ que se retrouve la clĂ© de tout l’Ancien Testament et de tout ce qui s’est Ă©crit et s’est dit sur le Christ. C’est seulement une fois que le Christ est ressuscitĂ© que l’Écriture s’illumine et que nous pouvons apercevoir le grand mystère de Dieu, de toute son Ĺ“uvre depuis la crĂ©ation, qui culmine dans la rĂ©surrection de son Fils. Â»

 

La Création… l’être humain… Dieu… Le Judaïsme, la loi… la récapitulation de l’œuvre de Dieu

 

Pourquoi Dieu forma-t-Il un peuple dans l’Ancien Testament? Pourquoi Dieu vit-Il que tout cela était bon? Pourquoi d’un ancien comme Abraham, fait-Il surgir un peuple aussi nombreux que les étoiles du ciel et les grains de sable de la mer? Pourquoi Dieu se préoccupe-t-Il d’un peuple esclave en Égypte et le libère-t-Il des fouets des chefs de corvée, pour le conduire au travers du désert, par de grands miracles, jusqu’à la Terre promise? Quel sens a le langage des prophètes? Que signifie le Serviteur de Yahvé, qui est un Fils de Dieu qui vient non seulement dans la gloire et la majesté, sinon qu’Il sera humilié, qu’Il offrira son corps aux coups de fouet, et auquel on crachera au visage? Que peut bien vouloir dire tout cela?

 

Il Ă©tait nĂ©cessaire que la nature elle-mĂŞme soit ahurie le Vendredi saint et encore plus dans la nuit du sabbat pour qu’Il ressuscite afin que tout cela : le sens du peuple Ă©lu de Dieu, le sens d’une nature si belle, crĂ©Ă©e pour les ĂŞtres humains, et resplendissante dans la splendeur de la grâce. Si aujourd’hui nous gĂ©missons sous le poids des injustices, des abus des pĂ©cheurs, ce n’est pas cela la destinĂ©e que Dieu a donnĂ©e Ă  toutes choses. Nous, les humains, nous ne faisons rien d’autre que de crĂ©er des Ă©nigmes. Et nous rendons la crĂ©ation davantage Ă©nigmatique lorsque nous la soumettons au pĂ©chĂ© de l’égoĂŻsme, de l’avarice et de l’injustice. Il est nĂ©cessaire d’apercevoir la RĂ©demption uniquement Ă  la lumière du Christ qui meurt et mĂŞme alors, le mystère devient encore plus obscur quand le Christ demeure mort sur la Croix. C’est ainsi que terminent les justes! Cela vaut-il la peine d’être bon pour terminer sur une croix?

 

Est-ce nĂ©cessaire d’être si passif, de ne pas employer la force de la violence pour renverser toutes les injustices du monde par la force des armes? Dieu ne pouvait-Il pas envoyer une armĂ©e d’anges et en finir une fois pour toutes avec tous les persĂ©cuteurs du Christ et de son Église? Ça, c’est la pensĂ©e mesquine des hommes. Ceux qui veulent arranger la situation du monde par la force de la violence devraient rĂ©flĂ©chir comme Jean au tombeau du Christ ressuscitĂ© et comprendre : maintenant qu’Il est ressuscitĂ©, maintenant que tous ses ennemis fuient Ă©pouvanter, maintenant qu’ils veulent faire taire la voix du RessuscitĂ© en disant : « Nous allons dire que pendant que vous dormiez, ses disciples sont venus et ont dĂ©robĂ© son corps. Â» Mais qui peut cacher le soleil avec un doigt? La RĂ©surrection est un soleil qui resplendit et nul ne peut cacher l’humiliante situation des ennemis du Seigneur.

 

 

B) Le Christ RessuscitĂ© :

 

C’est le début d’une création nouvelle.

 

Seulement Ă  la lumière de la RĂ©surrection et du triomphe de l’HumiliĂ©, du TorturĂ©, de l’OpprimĂ© qu’est le Christ qui se fit obĂ©issant jusqu’à la croix et qui a maintenant reçu de Dieu « un nom qui est au-dessus de tout autre, pour qu’au nom de JĂ©sus, s’agenouillent toutes les crĂ©atures du Ciel, de la terre et des abĂ®mes. Â» Il a reçu cette glorification qui explique le mystère de la douleur. C’est cette gloire qui donne son sens Ă  toutes les douleurs de l’humanitĂ©. C’est le sens de Pâques : le Christ ressuscitĂ© est le Prince d’une nouvelle crĂ©ation. Nous comprenons maintenant que mettre dans le Christ ressuscitĂ© toute notre espĂ©rance, mĂŞme lorsqu’il s’agit d’une situation dĂ©sespĂ©rĂ©e, c’est s’accrocher Ă  Celui qui me sauvera de toute situation.

 

Sens eschatologique des valeurs de la vie (« les biens d’en haut Â»â€¦ en contexte plus gĂ©nĂ©ral : « ce qui nous fait agir pour des motifs suprĂŞmes Â»â€¦).

 

Saint Paul nous a écrit aujourd’hui, en commentant la Résurrection du Seigneur, que si nous sommes ressuscités avec le Christ nous devons rechercher les choses d’en haut. Cela ne signifie pas que nous devons être étrangers aux choses de ce monde, cela signifie de regarder les occupations de la Terre à partir de la perspective d’en haut, cela veut dire de travailler à ces mêmes libérations et à ces mêmes revendications de la Terre. Nous n’allons pas y parvenir par la violence ni par les armes, nous allons y parvenir avec les perspectives du triomphe du Christ.

 

C’est pour cela que j’ai Ă©crit dans ma lettre pastorale sur les relations entre l’Église et les organisations politiques populaires : « L’Église ne peut pas s’identifier avec aucune lutte armĂ©e. L’Église ne provoque aucune violence. L’Église n’est pas la guĂ©rilla, ni un groupe qui recherche des libĂ©rations immĂ©diates de type Ă©conomique, sociale ou politique. L’Église comprend tout cela et elle encourage les hommes et les femmes qui possèdent une vocation politique, Ă  s’organiser et Ă  travailler pour une libĂ©ration juste sur la Terre. Mais elle ne demeurera pas avec les libĂ©rations de la Terre. Â» Elle dira toujours : « Plus loin Â», c’est au-delĂ  que se situe la vĂ©ritable LibĂ©ration. La LibĂ©ration que le Christ apporta est celle qui se voit au travers des biens d’en haut. Et depuis les biens d’en haut, depuis l’éternitĂ©, depuis la libĂ©ration profonde du pĂ©chĂ© que le Christ rĂ©alisa sur la Croix, c’est de lĂ  que se rĂ©aliseront les vĂ©ritables libertĂ©s du monde.

 

C) Les libérations sans le Christ ne sont pas complètes et elles peuvent même parfois être dommageables

Vous ne pouvez pas construire la libertĂ© tant que vous avez le pĂ©chĂ© dans votre cĹ“ur. Ă€ quoi servent les changements de structures? Ă€ quoi servent les violences et la force armĂ©e, si cela se fait avec la haine, si cela se fait uniquement pour maintenir le pouvoir ou pour s’en emparer pour se convertir aussitĂ´t en tyran par de nouvelles formes de tyrannies? Ce que nous recherchons dans le Christ c’est la vĂ©ritable libertĂ©, celle qui transforme le cĹ“ur, celle qui nous dit aujourd’hui : avec le Christ ressuscitĂ©, recherchez les critères d’en haut. Voyez la libertĂ© de la Terre, les oppressions de cette situation injuste au Salvador, non pas seulement Ă  partir d’ici-bas, mais Ă  partir d’en haut. Non pas pour devenir conformistes, parce que le chrĂ©tien sait lutter, mais il sait que sa lutte est encore plus forte, encore plus courageuse quand il s’inspire de ce Christ qui sut donner plus que l’autre joue et qui se laissa clouer sur une croix. Mais depuis cette crucifixion du Christ obĂ©issant, Il a rachetĂ© le monde et Il chante la victoire dĂ©finitive, celle que ne peut pas ĂŞtre employĂ©e Ă  d’autres fins, ceux qui ne recherchent pas, comme Lui, la vĂ©ritable libĂ©ration du genre humain.

 

C’est cela, la libération qui ne peut pas être comprise sans le Christ ressuscité. Très chers frères, surtout vous qui avez tant de sensibilités sociales, vous qui ne tolérez pas cette situation injuste et qui avez une vocation politique, béni soit Dieu! Cultivez-la, mais surtout, ne perdez pas cette vocation, cette sensibilité politique et sociale par la haine, les vengeances et les violences de la Terre.

 

Élevez-vous, haut les cœurs! Regardez les choses d’en haut.

Celui qui illumine et qui inspire toutes les libĂ©rations de la Terre ne doit pas ĂŞtre un homme, ni une idĂ©ologie, encore moins athĂ©e, sans Dieu, sans le Christ. Le grand inspirateur de la libĂ©ration de notre patrie, des hommes, est l’Unique LibĂ©rateur : Le Christ ressuscitĂ©, Celui qui ce matin chante la vĂ©ritable victoire sur toutes les oppressions de la Terre. Le Christ qui est maintenant dans la gloire du Père, peut dĂ©fier les pouvoirs de Ponce Pilate et de l’Empire Romain, de mĂŞme que le fanatisme des dirigeants spirituels d’IsraĂ«l, de ses prĂŞtres et de cette religion dont le sens avait Ă©tĂ© perverti. Le Christ, Ă  partir de sa rĂ©surrection, dĂ©fie tous les libĂ©rateurs de la Terre et leur dit : « Vous n’allez pas libĂ©rer! Seul demeure la libĂ©ration qui persiste, celle qui libère des chaĂ®nes du cĹ“ur de l’homme : le pĂ©chĂ©, l’égoĂŻsme. Celui qui a brisĂ© les verrous de la mort et de l’enfer, celui qui a laissĂ© le sĂ©pulcre vide et qui invite tous les hommes Ă  mourir contents pour qu’à l’heure de la RĂ©surrection universelle, eux aussi puissent dĂ©fier les tombes de nos cimetières. Â»

 

 

« Mort oĂą est ta victoire? Â»

 

Tout le reste meurt, tout le reste est pĂ©chĂ©, tout le reste est haine et violence, tout le reste est sang, sĂ©questrations et assassinats. Tout cela n’est pas la libĂ©ration, tout ceci est enterrĂ© avec les vieilles choses que le Christ laissa pour nous donner la nouveautĂ© de la vie vĂ©ritable que seulement le vĂ©ritable chrĂ©tien pourra vivre. Puisse Dieu, les fanatiques de la violence et du terrorisme, puisse Dieu ceux qui croient qu’avec la rĂ©pression et la force ils peuvent arranger les choses, apprennent que ce ne sont pas lĂ  les voies du Seigneur, sinon celles-ci : les humbles chemins du Christ par l’obĂ©issance Ă  la loi du Seigneur, par le respect et l’amour, et celui qui livre maintenant aux hommes la vĂ©ritable libĂ©ration pour celui qui dĂ©sire en profiter : Le Christ est la clĂ© de la RĂ©vĂ©lation de Dieu. 14/04/79, p.290-294, VI.

 

 

2) L’Église dépositaire et témoin de la Résurrection

 

 

A) Nous sommes témoins… Le Kérygme des premières communautés

 

Saint Pierre, qui s’adresse pour la première fois Ă  un groupe de gentils, va ĂŞtre le tĂ©moin que Dieu ne fait pas acception des personnes, que la religion n’appartient plus uniquement Ă  l’Alliance d’Abraham et au peuple d’IsraĂ«l, que le Christ ressuscitĂ© a brisĂ© les barrières qui sĂ©paraient les hommes et que le baptĂŞme qui apporte la RĂ©demption chrĂ©tienne peut ĂŞtre reçu de tous, des Romains et des paĂŻens. Il leur dit dans ce prĂ©cieux sermon que nous avons entendu aujourd’hui (Ac 10,38 et 42-43) : « Nous sommes tĂ©moins de tout ce que JĂ©sus a fait… Il nous a enjoint de proclamer au Peuple et d’attester qu’il est, lui, le juge Ă©tabli par Dieu pour les vivants et les morts. C’est de lui que tous les prophètes rendent ce tĂ©moignage que quiconque croit en Lui recevra par son Nom, la rĂ©mission de ses pĂ©chĂ©s. Â»

 

En d’autres mots, ce Christ qui par sa RĂ©surrection a reçu du Père l’hĂ©ritage promis dans tant d’alliances de l’Ancien Testament, jusqu’à devenir rĂ©alitĂ© dans le Christ qui nous apporta la vie Ă©ternelle, fonda une Église sur les bases du tĂ©moignage de ces quelques hommes qui ont Ă©tĂ© tĂ©moins de la RĂ©surrection. Pierre et Jean ont couru au sĂ©pulcre et ils l’ont vu vide. Mais davantage que le sĂ©pulcre vide, qui ne dit rien non plus Ă  Marie-Madeleine, inspirĂ©s par l’Esprit saint, qui les assure dans leur foi : le Christ est vivant! Le Christ n’est plus mort! Le Christ est le juge vivant des vivants et des morts! Le Christ est celui qui possède le pouvoir de pardonner tous les pĂ©chĂ©s des hommes! La RĂ©surrection a ratifiĂ©, a mis la signature finale de Dieu au pouvoir du Christ pour pardonner toutes ses fautes Ă  celui qui se repent. Nous sommes tĂ©moins de tout cela. […]

 

Jamais comme maintenant, très chers frères et sœurs, catholiques de 1979, l’Église n’a eu une conscience aussi claire de sa mission d’évangéliser. Jamais elle n’avait compris une évangélisation aussi pleine qui inclut la prédication de la Parole de Dieu, l’annonce de la Bonne Nouvelle que le Christ a apporté le Règne de Dieu sur la Terre. Et avait-elle associé cela aux réponses des personnes qui se confessent, qui se marient dans l’Église, qui se font baptiser et qui se font confirmer.

 

Les sacrements sont indispensables pour manifester au Christ que nous acceptons son Alliance. Les sacrements comme la Parole, est le courant qui s’établit entre l’Alliance de Dieu et les hommes. Nous ne pouvons pas être des catholiques véritables si nous ne recevons pas les sacrements. Nous ne pouvons pas non plus bien recevoir ces sacrements si nous ne comprenons pas la Parole de Dieu. C’est pourquoi nous ne donnons plus de sacrements sans évangélisation, sans préparation sacramentelle des parents ou de celui qui va être baptisé, qui va être confirmé, qui va recevoir la première communion, le sacrement du pardon ou qui va se marier. […]

 

 

B) Non pas exclusivement, parce qu’il existe de nombreux éléments de vérité et de grâce en dehors de l’Église, mais ils proviennent du Christ…

 

Cette Église qui a reçu la charge des dons de la RĂ©surrection pour les rĂ©partir, ne possède pas l’exclusivitĂ© de ce pouvoir. Ayons le cĹ“ur très large pour dire comme le Concile Vatican II : « En dehors de l’Église, il y a de nombreux Ă©lĂ©ments de vĂ©ritĂ© et de grâce qui appartiennent au Christ RĂ©dempteur. Les hommes qui vivent en dehors de l’Église et qui sont de bonne volontĂ©, mĂŞme s’ils n’ont pas connu la vĂ©ritĂ© de notre Église, seront sauvĂ©s. Et qui sait, chers catholiques, qui sait s’il ne se sauvera pas avec davantage de mĂ©rite que nous qui possĂ©dons les plĂ©nitudes des moyens. ĂŠtre catholique, ce n’est pas notre mĂ©rite, c’est par la grâce de notre Seigneur que nous le sommes. Avoir la foi est un don de Dieu. Â»

 

Nous pourrions dire comme le Christ : combien dĂ©sirèrent voir le Jour du Seigneur et ne le virent pas. Combien de paĂŻens aimèrent bien plus le Christ et rĂ©pandirent bien plus l’Église? Combien obĂ©iraient davantage Ă  leurs pasteurs s’ils Ă©taient catholiques que la plupart de nos catholiques qui croient qu’ils ont reçu un droit de propriĂ©tĂ©, comme on en possède sur une terre, sur l’Église. Celle-ci n’est pas la propriĂ©tĂ© de personne. Elle est de Dieu et Il l’a donne Ă  qui Il veut. Il peut Ă©galement l’enlever Ă  ceux qui la dĂ©prĂ©cient. Combien y en a-t-il au sein de notre Église qui ne sont dĂ©jĂ  plus catholiques? « Ceux qui appartiennent au corps de l’Église, dit le Concile, mais non plus Ă  son cĹ“ur. Â» Par contre, combien de gens n’appartiennent pas au corps de l’Église mais Ă  son cĹ“ur?

 

Comprenons bien cette grande vĂ©ritĂ© de la RĂ©demption du Christ ressuscitĂ© qui dĂ©borde les limites de l’Église, pour que nous ne croyions pas, nous les catholiques, que nous ayons le monopole sur JĂ©sus-Christ et sur l’Esprit saint. Le Christ et l’Esprit saint ne se laissent pas monopoliser, ils ne se laissent pas emprisonner, ils transcendent et recherchent les cĹ“urs gĂ©nĂ©reux, comme dit la première prière de la Messe : « Il tend la main Ă  tous ceux qui le cherchent d’un cĹ“ur sincère. Â» Quelle consolation! C’est une question de cĹ“ur. Qui se sauvera? Celui qui Le cherche avec un cĹ“ur sincère. Il ne suffit pas de venir Ă  l’Église et de Lui appartenir. Il ne suffit pas d’être baptisĂ©, sans savoir ce que cela signifie. Ne vous glorifiez pas d’appartenir Ă  une Église et d’être l’ami de tel Ă©vĂŞque ou de tel prĂŞtre, cela ne sauve pas. Se sauve celui qui cherche le Christ avec un cĹ“ur sincère. C’est cela l’Église, dĂ©positaire et tĂ©moin!

 

C’est pourquoi je veux vous dire frères, que vous et moi qui avons connu le bonheur de connaĂ®tre la vĂ©ritable Église de JĂ©sus-Christ, soyons responsables de cette grâce que le Seigneur nous a faite. Soyons tĂ©moins de la RĂ©surrection comme les apĂ´tres. Ceux-ci, oĂą qu’ils allassent, ne pouvaient taire cette grande nouvelle : Le Christ est ressuscitĂ© pour le pardon des pĂ©chĂ©s, convertissez-vous! Comme sera merveilleux le jour oĂą nous donnerons tous tĂ©moignage, comme le faisaient les premiers chrĂ©tiens, de cette foi dans le Christ RĂ©dempteur.14/04/79, p.294-297, VI.

 

 

3) Les baptisés, participent au même Esprit qui ressuscita Jésus

 

Quel honneur! L’Esprit saint qui conduisit le Christ et qui donna cette valeur divine Ă  sa mort sur la croix, qui fut la puissance de Dieu qui le ressuscita d’entre les morts, est l’Esprit qui est donnĂ© par le baptĂŞme Ă  tous ceux qui forment son Corps Mystique, ceux qui forment son peuple. Cet Esprit.  dit saint Paul, mĂŞme s’Il nous semble maintenant invisible alors que nous continuons de vieillir et de tomber malade, pour mourir et ĂŞtre enterrĂ©, « cependant, dit saint Paul, vous portez en vous le germe de la RĂ©surrection et la dernière Ă©nigme Ă  ĂŞtre vaincue sera la mort. Â» Et un jour s’ouvriront les tombes des cimetières et la mort demeurera stupĂ©faite, comme nous le montre ce cadre gĂ©nial de Michel Ange sur le jugement final, qui Ă  une tĂŞte de mort est parvenu Ă  donner une expression abasourdie, lorsqu’elle voit les morts lui Ă©chapper. C’est le cri de l’Évangile qui dit : « Oh, mort! OĂą est ta victoire? Â»

 

Le Christ ressuscitĂ© est le premier-nĂ©, le premier Vivant qui ne mourra plus. Mais comme Lui, nous aussi possĂ©dons son Esprit, mĂŞme si nous mourons, mĂŞme si nous souffrons, nous portons en nous le germe de la vie Ă©ternelle. « Celui qui croit en moi vivra pour toujours! Â» Il porte l’Esprit qui ressuscita JĂ©sus, mais cet Esprit est dĂ©jĂ  force et saintetĂ© sur la Terre.

 

Chaque fois que je vous ai parlĂ© de l’eschatologie, je vous ai dit qu’il s’agissait de ce qui est ultime, comme la perspective ultime de l’histoire. Mais il ne faut pas attendre que l’histoire se termine pour avoir cette perspective eschatologique. C’est comme celui qui regarde la moitiĂ© du chemin parcouru vers le but qu’il s’est fixĂ©, il l’a dĂ©jĂ  en tĂŞte et, grâce Ă  ce but eschatologique, ultime, il marche avec espoir et avec confiance parce qu’il sait oĂą le conduit ce chemin. C’est ce qu’a fait le Christ ressuscitĂ© : Il a mis en Lui les va-et-vient de l’histoire, dans les choses transitoires qui vont et qui viennent, l’éternel de sa vie. Sa vie de ressuscitĂ©, qui ne mourra plus, appartient Ă  ce monde et bienheureux les hommes qui savent donner Ă  leur vie un sens eschatologique. C’est-Ă -dire, qu’ils savent reconnaĂ®tre dans le Christ ressuscitĂ©, le but vers lequel ils se dirigent, avec leurs pauvretĂ©s, avec leurs tribulations, avec leurs angoisses de libĂ©ration. AffairĂ©s Ă  ce Christ, ils ne peuvent dĂ©faillir. Le Christ leur donne la force, Il donne son Esprit Ă  cette lutte pour un monde meilleur.

 

C’est pour cela que je vous rĂ©pète encore une fois : N’enlevons pas l’énergie du christianisme aux chrĂ©tiens, quand vous les incorporez dans un mouvement libĂ©rateur qui ne croit ni au Christ, ni en Dieu. ChrĂ©tiens, ne vous laissez pas tromper. ChrĂ©tiens, vous possĂ©dez une force beaucoup plus vigoureuse que n’importe quel autre groupe politique, que n’importe quelle organisation qui n’admire que les choses de la Terre. Si Ă©galement vous regardez le Christ et que de Lui vous tirez votre force, alors, la politique, la sociologie, l’économie, recouvreront aussi leur force chrĂ©tienne. Mais l’Église qui ne s’identifie Ă  aucune de ces forces, les inspire et dit aux hommes : Luttez, mais sans perdre la perspective que je vous ai indiquĂ©e.

 

C’est pourquoi je ne m’identifie à aucun d’entre vous, parce que je veux demeurer libre pour indiquer cette eschatologie qui trouvera toujours beaucoup à critiquer dans les projets humains. Parce que le grand projet du Christ ne se réalisera pas sur cette Terre, c’est le Règne de Dieu qui illumine déjà les règnes de la Terre grâce aux chrétiens qui portent l’Esprit du Christ et qui travaillent comme des chrétiens.

 

C’est pourquoi je vous dirais, permettez-moi cette suggestion : ces chrĂ©tiens qui appartiennent Ă  des communautĂ©s ecclĂ©siales de base, s’il leur arrive de croire que cela ne donne plus rien de lire la Bible, ni d’appartenir Ă  un groupe de la communautĂ©, et qu’ils prĂ©fèrent s’engager dans une organisation populaire et travailler pour le bien de la patrie, ils se trompent. Ou mieux dit, ils se confondent. Ne vous confondez pas, l’Église vous indiquera toujours un but louable dans n’importe quelle organisation dans ce qu’elle poursuit de juste, de mĂŞme qu’elle rejettera Ă©galement tout ce qu’il y a d’injuste, de criminel et de mauvais.

 

Je dis Ă©galement aux chrĂ©tiens : pourquoi faites-vous si peu preuve d’initiative chrĂ©tienne? Pourquoi, alors que vous possĂ©dez le projet du Règne des cieux, avec la foi dans le Christ Roi et RessuscitĂ©, vous faites-vous esclaves des idĂ©ologies de la Terre? Pourquoi croyez-vous que les chrĂ©tiens valent moins que les politiciens? Pourquoi n’avez-vous pas l’audace de donner aussi un sens chrĂ©tien Ă  l’organisation Ă  laquelle vous appartenez? Pourquoi devriez-vous ĂŞtre esclaves des autres? Pourquoi devriez-vous perdre le leadership que le Christ vous inspire? Pourquoi devriez-vous vous soumettre aux jougs? Ne vous humiliez pas! Vous dites que vous ĂŞtes des libĂ©rateurs alors que vous demeurez des esclaves! Vous dites que vous travaillez pour des revendications et vous vous laissez subjuguer! Le chrĂ©tien est le plus rebelle qui soit parce qu’il ne se soumet Ă  aucune idĂ©ologie de la Terre, parce qu’il possède la grande libertĂ© du libĂ©rateur JĂ©sus-Christ.

 

ChrĂ©tiens, en cette heure oĂą notre patrie a un grand besoin de libĂ©rateurs, mais des libĂ©rateurs de la vĂ©ritable libĂ©ration. Comme disait Paul VI : « Posez Ă  la base de votre action et de votre prudence la doctrine de l’Église, l’amour du Christ et la libertĂ© vĂ©ritable vis-Ă -vis du pĂ©chĂ© et de tout ce qui nous rend moins humain. Â» 14/04/79, p.297-298, VI.

 

 

Faits de la Semaine sainte

 

Cette Église, frères et sœurs, dépositaire du trésor de la Rédemption et témoin fidèle du Christ ressuscité, n’est pas une Église abstraite. J’aime bien penser au fait que l’Église de laquelle je vous parle toujours, c’est vous et moi, c’est la communauté qui vit maintenant avec ses aspirations et avec ses défauts. J’aime bien penser que l’Église que je prêche n’est pas une Église abstraite, dans les nuages, sinon une Église qui est en pérégrination avec les pieds sur la Terre. C’est elle qui en cette Semaine sainte vit des choses si belles! Par exemple, quand le Pape, au dimanche des Rameaux, a dit qu’il ne faut pas abuser du pouvoir. Le Pape qui, en prêchant le chemin de croix au Colisée de Rome, a invité l’Église à être solidaire des martyrs de notre temps. Nous avons des martyrs, ne les oublions pas. Ce sont nos prêtres, nos catéchistes, nos hommes de foi qui ont été tués et torturés sous des motifs politiques de subversions. Dieu seul connaît la foi pour laquelle ils ont donné leur vie. Respectons et solidarisons-nous comme le Pape nous l’indique, avec une Église qui s’efforce d’être fidèle jusqu’au martyr comme le Christ Notre Seigneur. […]

 

 

Pensée qui nous conduit à l’autel

 

Ceci demeure, très chers frères et sĹ“urs, que la RĂ©surrection du Christ est le sceau et la clĂ© de l’Alliance de Dieu avec l’humanitĂ©. Si le Christ est ressuscitĂ©, le Père qui m’aime tant en JĂ©sus-Christ, continuera de me protĂ©ger. Notre peuple, qui a mis son espĂ©rance dans le Christ, ne peut pas faillir. Que cette RĂ©surrection au milieu d’une ambiance de sang, de douleur, d’incomprĂ©hension, de haines et de violences, ne nous rende pas pessimistes, mais au contraire, soyons capables, si cela est nĂ©cessaire, de souffrir comme le Christ sur la croix et de ressentir sa solitude : « Mon Dieu! Pourquoi m’as-tu abandonnĂ©? Â»

 

Le Christ n’a jamais perdu son amour et sa confiance au Père. L’heure n’est pas encore arrivée, mais trois jours après sa mort, après cet abandon apparent de Dieu, Celui-ci a répondu bien mieux que s’Il L’avait libéré de la croix, ou que s’Il ne L’avait pas laissé conduire à la mort. Si nous savons assumer et incorporer toutes les épreuves et les souffrances de la vie à l’espérance de notre résurrection, celle-ci se produira non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour notre chère patrie qui en tant que nation connaîtra la résurrection. Alléluia! 14/04/79, p.299 et 303, VI, etc.