Le carĂȘme, transfiguration du Peuple
de Dieu
DeuxiĂšme dimanche du carĂȘme; 11 mars
1979; Lectures : GenĂšse 22,1-2,9a.15-18; Romains 8,31b-34; Marc 9,1-9.
Je tiens à dire aux communautés
dâAguilares et Ă toutes les communautĂ©s qui accompagnent en ce moment cette
pĂ©rĂ©grination de foi, dâespĂ©rance et dâamour : Nâayez pas peur! La
persĂ©cution est un trait caractĂ©ristique de lâauthenticitĂ© de lâĂglise. Une
Ăglise qui ne souffre pas de persĂ©cution, mais qui au contraire savoure les
privilĂšges et lâappui des biens de ce monde, a beaucoup Ă craindre, parce
quâelle nâest pas la vĂ©ritable Ăglise de JĂ©sus-Christ. Cela ne veut pas dire
que cette vie de martyre et de souffrance, de peur et de persécution, soit
normale, sinon quâelle reprĂ©sente lâesprit du chrĂ©tien. Celui-ci ne demeure pas
avec lâĂglise uniquement quand les choses vont bien; il suit JĂ©sus-Christ avec
lâenthousiasme de cet apĂŽtre qui disait : « Si cela est nĂ©cessaire,
nous mourrons avec Lui. » [âŠ]
Le mal ce serait quâil se produise
avec le document de Puebla la mĂȘme chose qui sâest produite avec MedellĂn, Ă
savoir que plusieurs, par prĂ©jugĂ©s ou par ignorance, ne lâont pas mis en
pratique. Si notre archidiocĂšse est devenu conflictuel, cela ne fait aucun
doute, câest Ă cause de son dĂ©sir de fidĂ©litĂ© envers cette Ă©vangĂ©lisation
nouvelle qui depuis le Concile Vatican II jusquâici, en passant par les
rĂ©unions des Ă©vĂȘques latino-amĂ©ricains, exige dâĂȘtre une Ă©vangĂ©lisation trĂšs
engagĂ©e, sans peur. Câest pourquoi nous avons demandĂ© Ă la Vierge de la Paix
que cette cĂ©rĂ©monie dâhier Ă San Miguel, ne soit pas seulement un moment
romantique et superficiel, sinon lâengagement sĂ©rieux des Ă©vĂȘques, des prĂȘtres,
des communautĂ©s religieuses, des communautĂ©s paroissiales, dâincarner dans
notre vie pastorale cette évangélisation exigeante qui signale les dangers, qui
renonce aux privilĂšges et qui ne craint pas les conflits lorsque ceux-ci ne
sont provoquĂ©s par rien de moins que la fidĂ©litĂ© au Seigneur. Câest pourquoi,
dans ces circonstances dâune Patrie, dâune Ăglise qui sent Ă lâintĂ©rieur
dâelle-mĂȘme et autour dâelle combien il y a de choses qui ont besoin dâĂȘtre transfigurĂ©es,
combien merveilleuse apparaßt alors la figure du Christ transfigurée!
Plan de lâhomĂ©lie :
1) LâAlliance qui donna origine au
Peuple de Dieu : Abraham
2) Le Christ transfiguré, modÚle et
cause de la transfiguration
3) Le Peuple de Dieu qui doit se
transfigurer, aujourdâhui et ici
1) LâAlliance qui donna origine au
Peuple de Dieu : Abraham
A) Le lien création-alliance de Noé
avec lâalliance dâAbraham
La premiĂšre lecture (Gn 22,1-2,9a.
15-18) nous parle dâAbraham lors dâune des Ă©preuves les plus terribles de la foi. Comme je voudrais
que cette catĂ©chĂšse de notre carĂȘme soit selon ce que nous conseille le
Concile : une rĂ©vision de lâHistoire de notre Salut. Dimanche dernier nous
avons lu lâhistoire de NoĂ© aprĂšs le dĂ©luge. Face Ă lâarc-en-ciel que Dieu prit
comme signal dâune alliance de caractĂšre naturelle, Dieu promit quâil nây aura
plus de déluge qui détruira la
nature. Cette alliance de lâarc-en-ciel, cette alliance oĂč
Dieu confie Ă lâhomme une nature purifiĂ©e du pĂ©chĂ© par le chĂątiment du dĂ©luge,
est une alliance qui exige de lâhumanitĂ© le respect de la nature. Vous savez
que lâair et lâeau sont contaminĂ©s, tout ce que nous touchons pendant notre vie
devient pollué. Et malgré le fait que nous corrompions toujours davantage cette
nature dont nous avons besoin, nous ne nous apercevons pas quâil existe un
engagement envers Dieu, que cette nature doit ĂȘtre protĂ©gĂ©e par lâĂȘtre humain.
Couper un arbre, gaspiller lâeau
alors quâelle se fait rare, ne pas se prĂ©occuper de la pollution des pots dâĂ©chappement
des autobus qui enveniment notre environnement avec ces fumées méphitiques, ne
pas prendre garde Ă lâendroit oĂč lâon brĂ»le les dĂ©chets, tout cela fait
pourtant partie de lâAlliance avec Dieu. Les consĂ©quences sont primordiales
surtout lorsque nous habitons un pays oĂč la densitĂ© de la population est trĂšs
Ă©levĂ©e. Prenons garde, trĂšs chers compatriotes, quâĂ cause dâune mauvaise
interprĂ©tation religieuse, nous continuions dâappauvrir et de dĂ©truire notre
environnement. Cet engagement de Dieu exige notre collaboration. Câest pour
cela que nous demeurons dans le registre de la crĂ©ation dâAdam Ă NoĂ© jusquâĂ
Abraham. Ce sont deux Ă©tapes dâun monde naturel, dâun Dieu qui a crĂ©Ă© une
nature pour la livrer Ă lâhumanitĂ©.
B) La vocation dâAbraham. Maintenant dĂ©bute
un troisiĂšme chapitre, lâAlliance avec Abraham est de caractĂšre trĂšs spĂ©cial
parce que câest de celle-ci que va naĂźtre le Peuple de Dieu.
C) Trois preuves de sa foi. La preuve
de la foi dâAbraham qui nous est prĂ©sentĂ©e aujourdâhui dans la Bible (Gn
22,1-2,9a.15-18) est la troisiĂšme Ă©preuve pour voir comment cet homme que Dieu
va constituer comme pĂšre des croyants, a confiance en Lui. Sa race sera celle
des hommes qui ont la foi.
Quand saint Paul parlait de la
RĂ©demption en JĂ©sus-Christ (Rm 8,31b-34), en la comparant avec la loi de MoĂŻse,
il dit que dans le Christ resurgit la foi que Dieu exigea dâAbraham et que
lâhomme ne peut se sauver par la loi seule, sinon par la foi. Cela vaut
énormément lorsque nous voulons donner à nos relations humaines une base de
lĂ©galisme, comme si la loi câĂ©tait tout. Nous avons rĂ©pĂ©tĂ© mille fois et nous
ne nous lasserons pas de la faire : « Non pas lâhomme pour la loi,
mais la loi pour lâhomme. » La loi dit saint Paul, ne fait que nous
indiquer le péché, mais elle ne nous donne pas la force pour éviter le péché.
Par contre, la foi et la RĂ©demption sont la grande Ćuvre du Christ qui nous
demande de croire en Lui, câest ce qui sauve.
« Quitte ta terre⊠» Dieu
alliĂ© Ă cet homme qui va ĂȘtre le modĂšle de la foi de tous les hommes, fait
appel Ă Abraham alors quâil est dĂ©jĂ trĂšs ĂągĂ©, celui-ci nâa pas encore dâenfant
et lui et sa femme sont stériles. Dans ce contexte de désert et de mort, Dieu
se présente pour lui dire : « Quitte ta parenté et dirige-toi vers la
terre que Je te montrerai et que Je vais te donner. Cette terre sera peuplée
dâun peuple qui sera ta descendance. » Un peu comme si Dieu voulait se
moquer de lui. Cependant, Abraham a la foi et il se dit que rien nâest
impossible pour Dieu et sans savoir oĂč il va, il prend la route avec sa femme
stĂ©rile, avec lâespĂ©rance de former un peuple.
Regarde au ciel⊠Ta descendanceâŠ
Câest pourquoi, alors quâAbraham est
en train dâaccomplir cette Ă©preuve de la foi, il Ă©lĂšve cette priĂšre au Seigneur
afin que ce dernier lui montre un signe de cette promesse qui semble
impossible. Dieu lâinvite Ă regarder les Ă©toiles : « Aussi nombreuse
que ces Ă©toiles sera ta descendance et toutes les nations de la Terre seront
bénites en ce peuple qui va naßtre de tes entrailles. » Alors se réalise une
alliance de la maniÚre que nous avons exposé dimanche dernier : des
animaux coupĂ©s en deux, Abraham qui passe au milieu dâeux et aussitĂŽt lâEsprit
de Dieu y passe Ă©galement, câest ainsi que lâalliance est signĂ©e. Lâanimal, tuĂ©
et coupé en deux, était comme un avertissement : ceux qui vont faire cette
alliance doivent lâaccomplir, sinon quâils soient maudits et terminent comme
cet animal.
Le sacrifice de son fils
Et Dieu, condescendant envers les
hommes, fait cette alliance du sang avec Abraham. Et quand lâimpossible
sâaccomplit et que la femme stĂ©rile a un fils, Abraham est heureux parce quâil
ne mourra pas sans descendance, Isaac est une rĂ©alitĂ©. Alors, Dieu dit Ă
Abraham : « Prend ton fils et va Ă la montagne pour me lâoffrir en
sacrifice. » Pensez-y, que ressentiriez-vous si Dieu vous demandait
cela : « Offre-moi ton fils en holocauste »? Il sâagissait lĂ de
lâexpression la plus complĂšte du sacrifice : brĂ»ler la victime afin quâil
nâen demeure pas une cendre. Abraham, Ă©prouvĂ© dans sa foi, se soumet Ă cette
terrible Ă©preuve. Isaac, marchant avec le bois sur ses Ă©paules en direction de
la montagne, est lâimage du Christ avec sa croix sur le dos.
Jâai eu la chance de connaĂźtre le
Calvaire, lâendroit oĂč est mort Notre Seigneur. Dans lâune des peintures, il y
a ce tableau : Isaac marchant avec son fagot de bois pour le sacrifice,
tandis que le Christ marche Ă©galement avec sa croix. Lâunique diffĂ©rence, câest
quâau Christ, Dieu nâĂ©pargna pas la vie, par contre, Ă Isaac, la voix de Dieu
se fit entendre : « Jâai Ă©prouvĂ© ta foi, il nâest pas nĂ©cessaire que
tu tues ton fils. »
Abraham lui offre un agneau, pour
quâil soit offert en holocauste en son nom. Isaac est le Patriarche qui va ĂȘtre
mentionné dans les invocations à Dieu : « Le Dieu de nos pÚres, le
Dieu dâAbraham, dâIsaac et de Jacob⊠» parce que câest ainsi que les
patriarches sentaient la présence de Dieu.
D) Il naĂźt un peuple
Un peuple est nĂ©. Dieu lâa promis et
ce fils unique, Ă©prouvĂ© jusquâĂ lâholocauste, sera exactement le ruisseau dâoĂč
va commencer Ă croĂźtre cette race immense Ă laquelle Dieu a fait cette terrible
promesse : vous Ă©migrerez vers une terre Ă©trangĂšre, vous y passerez quatre
siĂšcles sous le joug des Ăgyptiens, mais viendra alors â ce que nous verrons
dimanche prochain, lâalliance avec MoĂŻse.
Quatre siĂšcles plus tard, ce peuple
qui avait Ă©tĂ© cherchĂ© de quoi manger en Ăgypte est devenu esclave. Câest alors
que dĂ©bute le livre de lâExode : la prĂ©cieuse Ă©migration vers la terre
promise. Imaginez-vous que câest quatre siĂšcles plus tard, que va sâaccomplir
ce que Dieu avait promis à Abraham : « Je te donnerai une terre et
celle-ci sera tienne. » Abraham crut, mĂȘme sâil mourut sans voir
sâaccomplir la plupart des choses que Dieu lui avait promises. Câest pour cela
que lorsque le Christ réfutait ses ennemis, Il disait : « Abraham a
désiré voir ce jour, mais il ne le vit pas. » Abraham crut en Jésus-Christ
sans lâavoir connu. Abraham crut que de ce peuple allait naĂźtre le RĂ©dempteur
des hommes. Câest pourquoi ce peuple est merveilleux. Lorsque le Concile nous
parle du Peuple de Dieu, il nous fait remonter jusquâĂ cette source que nous
sommes actuellement en train de méditer. Le chapitre II dit ceci au sujet du
peuple de Dieu (L.G. 9) : « Dieu nâa pas voulu sanctifier et sauver
les hommes individuellement et sans quâaucun rapport nâintervienne entre eux,
mais plutĂŽt faire dâeux un peuple qui le reconnaisse vraiment et le serve dans
la sainteté. »
Câest pour cela que Dieu se fit un
peuple, pour quâil le confesse et le serve. (L.G. 9) : « Il se choisit
donc comme peuple, le peuple israélite, conclut avec lui une alliance et
lâinstruisit graduellement en se manifestant lui-mĂȘme, en faisant connaĂźtre le
dessein de sa volontĂ© dans lâhistoire de ce peuple et en se le
consacrant. »
Je voudrais que nous sachions bien
faire la distinction entre peuple et Peuple de Dieu. Cette distinction est
essentielle de nos jours. Ce nâest pas tout peuple qui est Peuple de Dieu et le
Concile établit une différence entre le RÚgne de Dieu et le progrÚs humain.
Parce que si nous confondons ces deux concepts, nous pouvons tomber dans le
danger que le Pape Jean-Paul II souligna aux Ă©vĂȘques rĂ©unis Ă Puebla : ne
confondez pas le sens du mot peuple en termes démocratiques, avec le Peuple qui
naĂźt de la prĂ©dilection de Dieu Ă partir dâun peuple prĂ©existant, parce que le
Pape dit Ă©galement : « LâĂglise naĂźt de la rĂ©ponse des hommes Ă Dieu
par la foi. » Mais ce ne sont pas tous les hommes qui répondent par la
foi.
Câest pourquoi, au Salvador, il y a
de nombreuses personnes qui ne sont pas membres du Peuple de Dieu, mĂȘme si
elles sont Salvadoriennes. Le Peuple de Dieu, vient de nous dire le Concile,
est une possession de Dieu, une marque que Dieu imprime pour quâon lâadore,
quâon le confesse, quâon le prie et quâon lui rende grĂące. Ce peuple de Dieu
possĂšde une longue histoire : tout lâAncien Testament. LĂ , nous
distinguons trĂšs bien comment le peuple dâIsraĂ«l, instruit par les patriarches,
par les prophÚtes, par les événements merveilleux de Dieu, était comme le
peuple privilĂ©giĂ© au milieu de tous les autres peuples, et Dieu lui-mĂȘme a dit
à Abraham : « En ton peuple, seront bénies toutes les nations. »
Parce que le Christ naĂźtra de ce peuple, les autres peuples qui ne sont pas
dâIsraĂ«l seront formĂ©s par la foi qui est le principal : le peuple que
Dieu constitua dans ses origines lorsquâIl fit alliance avec Abraham.
E) MoĂŻse et Ălie. SynthĂšse de
lâhistoire de lâAncien Testament. Câest pourquoi nous retrouvons dans
lâĂvangile dâaujourdâhui (Mc 9,1-9), sur le mont Tabor, que la tradition situe
comme Ă©tant le lieu oĂč se produisirent ces choses : oĂč MoĂŻse et Ălie
apparaissent comme les deux sommets les plus élevés du Peuple de Dieu.
Moïse, qui rédigea la loi, sera le
libérateur de ce peuple, le prophÚte que Dieu annonça et auquel il fallait obéir
â Dieu dit en parlant de MoĂŻse dans lâAncien Testament. Quel bel Ă©cho
entendons-nous aujourdâhui, quand le PĂšre dit du Christ transfigurĂ© :
« Ăcoutez-le » â la mĂȘme chose quâIl dit de MoĂŻse dans lâAncien
Testament â, le Nouveau MoĂŻse transfigurĂ© est le Fils en qui Je me complais,
Ă©coutez-le. MoĂŻse donc, est un sommet de lâAncien Testament. Câest pourquoi il
se devait dâĂȘtre lĂ oĂč dĂ©bouchaient toutes les promesses que Dieu fit Ă
Abraham. Les prophĂštes et des rois lâannoncĂšrent, pendant des siĂšcles et des
siĂšcles : « Viendra le Sauveur des nations, le Dieu de nos pĂšres lâa
promis. » Câest de cette espĂ©rance que vĂ©cut tout lâAncien Testament.
Ălie apparaĂźt aussi comme sommet du
prophĂ©tisme. Celui-ci dans une situation, peut-ĂȘtre similaire Ă la nĂŽtre :
pleine de crimes, de distorsions de la vérité, de machinations politiques
indignes, de subordination de la justice, dâabus de la richesse et de lâargent.
Ălie sâenfuit au dĂ©sert. « Cela suffit Seigneur! » Comme le thĂšme de
la procession des prĂȘtres : « Basta
ya! » Mais Ălie, sur un ton presque pessimiste, sâassit auprĂšs dâun
buisson qui offrait Ă peine un peu dâombre dans le dĂ©sert, pour attendre la mort. Il voulait mourir
quand Dieu lâĂ©veilla : « LĂšve-toi, il te reste encore un grand chemin
Ă parcourir. » Et sâalimentant dâun pain mystĂ©rieux, il marcha 40 jours et
40 nuits, jusquâĂ ce quâil parvienne lĂ oĂč il devait aller, au mont Horeb.
Câest lâendroit oĂč Ălie fut tĂ©moin dâune nouvelle thĂ©ophanie. Dieu se manifesta
Ă lui, le remplit de courage et de rĂ©confort, comme Il lâavait fait pour MoĂŻse
aprĂšs quarante ans au dĂ©sert. En MoĂŻse et en Ălie, nous retrouvons les carĂȘmes
classiques avec le grand protagoniste du carĂȘme chrĂ©tien : le Christ Notre
Seigneur. Il y a quelque chose de grandiose dans le carĂȘme. Câest pourquoi jâai
dit que le carĂȘme est la rĂ©novation du Peuple.
Quand Ălie parvient Ă lâHoreb,
pessimiste Ă cause de ce qui se passe dans sa patrie, pour confronter cette loi
que Dieu a donnĂ©e sur le SinaĂŻ, avec les trahisons que le peuple rĂ©alise Ă
lâencontre de celle-ci, Dieu lâencourage : tu ne dois pas mourir, tu dois
continuer Ă travailler.
TrĂšs chers frĂšres, câest cela le
Peuple de Dieu. Peuple qui croit, comme nous dit la Bible en faisant référence
Ă Abraham : « Il crut contre toute espĂ©rance. » Câest ce dont
nous avons besoin ici actuellement : croire contre toute espĂ©rance! MĂȘme
lorsque toutes les lumiĂšres semblent Ă©teintes, que tous les chemins semblent
fermĂ©s. Si la foi dâAbraham, traduite dans son peuple, comme un peuple croyant,
parvient jusquâĂ nous : imitons-les! Si le courage de MoĂŻse mĂȘme lorsquâil
subit la persĂ©cution de son propre peuple, le fit demeurer fidĂšle jusquâĂ sa
mort aux desseins que Dieu avait sur sa vie, si la fidĂ©litĂ© dâĂlie lâamena,
mĂȘme quand il Ă©tait pessimiste au point de songer au suicide, Ă se lever et Ă
continuer Ă travailler, quâest-ce qui nous en empĂȘche, frĂšres salvadoriens,
Peuple de Dieu de 1979? Notre dĂ©sert, notre carĂȘme, notre sang, tout cela peut
ĂȘtre converti en libĂ©ration, en lumiĂšre, en consolation et en espĂ©rance.
11/03/79, p.191-195, VI.
2) Le Christ transfiguré, modÚle et
cause de la transfiguration
« Le mystĂšre de lâhomme ne peut
sâexpliquer quâĂ lâintĂ©rieur du mystĂšre du Christ. »
A) En Jésus-Christ débouche le Vieux
Peuple de Dieu, en Lui naĂźt le Nouveau Peuple de Dieu.
B) Pierre, Jacques et Jean, auprĂšs de
MoĂŻse et dâĂlie, personnages de lâAncien Testament, sont trois hommes qui
appartiennent déjà à notre christianisme.
Le premier Pape, les premiers
Ă©vĂȘques, les premiers chrĂ©tiens. Ils jouissent eux aussi de cette Ă©piphanie,
jusquâĂ cette jubilation de Pierre qui dit (Mc 9,5) : « Rabbi, il est
heureux que nous soyons ici; faisons donc trois tentes, une pour toi, une pour
MoĂŻse et une pour Ălie. » Mais le Christ, qui comprit que cet enthousiasme
nâĂ©tait pas opportun parce quâil fallait continuer Ă travailler, lui ordonna de
se taire (Mc 9,9) : « Comme ils descendaient de la montagne, il leur
ordonna de ne raconter Ă personne ce quâils avaient vu, si ce nâest quand le
fils de lâhomme serait ressuscitĂ© dâentre les morts. »
C) Le « MystÚre Pascal »
La seconde lecture dâaujourdâhui (Rm
8,31b-34) nous décrit précisément ce Christ que le PÚre a nommé le Fils en qui
Il se complaĂźt et que le Christ lui-mĂȘme a nommĂ© Fils de lâhomme. Saint Paul,
lui donne le titre quâaujourdâhui en langage moderne nous appellerions le
MystĂšre Pascal. Celui-ci est la mort et la rĂ©surrection du Christ. Je tiens Ă
souligner cela : le carĂȘme renouvelle le peuple parce quâil le prĂ©pare Ă
la célébration du MystÚre Pascal.
TrĂšs chers frĂšres, il est grand temps
de faire mĂ»rir cette Semaine sainte parmi nous. Ce nâest plus le temps de vivre
des semaines saintes qui ne consistent quâen des processions qui laissent le
cĆur si incrĂ©dule, si incroyant, si matĂ©rialiste et si Ă©goĂŻste. Il est temps de
penser quâune Semaine sainte doit ĂȘtre une conversion du peuple vers les
Pùques, vers la mort du Seigneur pour ressusciter avec une nouvelle maturité,
avec un nouvel Ă©clat, Ă la maniĂšre dâĂlie, aprĂšs son carĂȘme, comme MoĂŻse, aprĂšs
la traversée du désert. Il nous faut sentir que Dieu marche avec le peuple et,
au lieu de rechercher des solutions de haines et de violences, des chemins qui
ne font que retarder le progrĂšs de notre peuple, cherchons-les ici, dans ce que
Puebla vient de nous dire avec les mots de Jean-Paul II : « Ouvrez
les portes au Christ, les portes de la politique, les portes du commerce, les
portes de la sociologie, toutes les portes que les hommes utilisent, tous les
champs que les hommes et les femmes cultivent; le Christ y a droit, parce quâil
est le Fils de lâHomme. Et comme disaient les pĂšres du Concile Vatican II aux
gouvernants : âNe le tuez point, parce que cela serait un âdĂ©icideâ, Il
est le Fils de Dieu. Ne le tuez pas parce que cela serait un âhomicideâ, Il est
le Fils de lâHomme.â »
Sacrifice qui prĂ©sage celui dâIsaacâŠ
Ouvrons les portes Ă Notre Seigneur
JĂ©sus-Christ. La seconde lecture dâaujourdâhui nous dit que le PĂšre (Rm 8,32)
« nâa pas Ă©pargnĂ© son propre Fils, mais lâa livrĂ© pour nous tous. »
Et de lĂ surgit cette question : ce PĂšre, Ă lâĂ©gal dâAbraham qui marche
avec son fils Isaac au Calvaire, porte sa Croix et ne lâĂ©pargne pas, sinon Il
Le livre à la mort douloureuse. « Ne nous accordera-t-il pas toute
faveur? », demande saint Paul (Rm 8,32).
Lâamour du PĂšre⊠et du Fils
Quâelle est la chose trop grande que
Dieu ne puisse tâaccorder? Lui qui sâest donnĂ© dans le plus grand quâIl puisse
ĂȘtre, le Christ, son Fils : « Celui-ci est mon Fils bien-aimĂ© »,
ne Lâa tâIl pas livrĂ© pour mourir sur la croix? Comment ne nous donnerait-Il
pas tout avec Lui? Comment ne nous donnerait-Il pas des solutions Ă nos
problĂšmes salvadoriens? Comment nây aurait-il pas dâissue si cela est beaucoup
moins, infiniment moins que JĂ©sus-Christ? Cela nâest pas lâimpuissance de Dieu
sâil nous a donnĂ© des preuves de son amour! « Qui accusera les Ă©lus de
Dieu? », demande saint Paul, si câest Dieu qui les justifie?
Ă ceux qui lui disaient quâil faut
respecter les lois que font les hommes, saint Paul leur répond par cette phrase
terrible (Rm 8,34) : « Qui donc nous condamnera? Si le Christ Jésus,
Celui qui est mort, que dis-je? Ressuscité, qui est à la droite de Dieu,
intercĂšde pour nous? » Câest comme si le Christ est toujours en priĂšre
pour nous.
Comme serait merveilleuse la foi de
notre cĆur si elle Ă©tait semblable Ă celle dâAbraham, et nous vivrions ces
questionnements de saint Paul comme une rĂ©action dâoptimisme que tout nâest pas
terminé! Nous avons à peine commencé et Dieu est éternel. Si mon PÚre peut
tout, si je me livre Ă mon grand FrĂšre qui mâa tant aimĂ©, sâIl mâa justifiĂ©,
sâIl ne mâa pas condamnĂ©, pourquoi est-ce que quelquâun dâautre me
condamnerait? Câest pourquoi Dieu nous recommande autant lâamour que le pardon,
parce que câest ainsi quâIl traite les hommes, mĂȘme les plus mauvais.
D) Le Nouveau Peuple de Dieu naĂźt
dâune Nouvelle Alliance
Câest pourquoi le Concile poursuit sa
réflexion sur le Peuple de Dieu. Il nous fait voir comment naquit cette
Nouvelle Alliance (L.G. 9) : « Tout cela cependant nâadvint quâĂ
titre de prĂ©paration et en figure, eu Ă©gard Ă lâalliance nouvelle et parfaite
qui devait se réaliser dans le Christ et de la révélation plus complÚte
quâallait apporter le Verbe mĂȘme de Dieu fait homme. [âŠ] Puis le Christ scella
ce nouveau pacte, câest-Ă -dire la nouvelle alliance, en son sang (cf. I
Cor.11,25) en appelant dâentre les Juifs et les gentils une multitude qui
sâunirait non pas selon la chair, mais en esprit, afin de constituer le nouveau
Peuple de Dieu. »
Quelles sont les caractéristiques de
ce peuple? Câest une Ăglise, comme lâAncien Testament appelait IsraĂ«l, lâĂglise
de Dieu, en pérégrination au désert, ainsi comme le nouvel Israël qui marche
dans le temps prĂ©sent, en quĂȘte de citĂ© Ă©ternelle Ă venir, câest lâĂglise du
Christ. 11/03/79, p.195-197, VI.
3) Le Peuple de Dieu qui doit se
transfigurer, aujourdâhui et ici
Je voudrais que vous portiez
attention Ă ceci, comme point du carĂȘme, de rĂ©novation de notre Ăglise, en
cette Semaine sainte qui nous renouvelle vĂ©ritablement, un carĂȘme qui nous
remplit de la joie dâavoir laissĂ© le vieil homme mourir, pour ressusciter Ă
nouveau avec le Christ Ă une vie nouvelle. Que lâĂ©poux, qui Ă©tait le tourment
de sa famille, soit dorĂ©navant lâhomme nouveau qui fait la joie de son foyer.
La femme, qui manquait dâamour pour donner de lâaffection Ă son mari et Ă ses
enfants, commence Ă sentir que son royaume câest le foyer oĂč lâamour rĂšgne. Le
jeune, la jeune qui mettait sa joie dans ces choses si banales de la terre,
pense maintenant au Christ, il trouve sa joie dorénavant dans cette rénovation
du Christ. La famille qui recommence Ă construire dans lâamour, toute
lâhumanitĂ©, la patrie, la politique des gouvernants, ceux qui ont lâargent,
ceux qui ne lâont pas, les Ă©vĂȘques, les prĂȘtres, les religieuses, tous,
lâĂglise et le monde.
Conditions de lâactuel Peuple de
Dieu. Je vous ai dĂ©jĂ dit que le monde nâest pas le Peuple de Dieu. Il y a tant
dâhommes et de femmes en ce monde qui vont par les chemins du pĂ©chĂ©, le Peuple
de Dieu veut se rendre présent à ce monde. Le Concile dit du Peuple de Dieu ce
qui le distingue, câest ce qui sera ici comme le programme de notre rĂ©novation.
(L.G. 9) : « Ce peuple messianique a pour chef le Christ qui a été
livré pour nos fautes et est ressuscité pour notre sanctification » (Rm
4,25) et qui, maintenant, aprĂšs sâĂȘtre acquis un nom qui est au-dessus de tout
nom, rĂšgne glorieusement dans les cieux. Voyez, câest une tĂȘte. LâĂglise est en
pĂšlerinage sur la Terre, elle a sa tĂȘte fondĂ©e dans le Ciel et Ă sa suite
sâĂ©lĂšve, membre par membre, tout le corps, jusquâĂ constituer lâĂglise
définitive de la gloire. Le
jeune qui est Ă©tendu mort, sâil est mort fidĂšle Ă cette Alliance du Peuple de
Dieu, il est dĂ©jĂ un membre vivant de lâĂglise triomphante.
Câest pourquoi, trĂšs chers frĂšres,
dans les luttes de revendications de notre peuple, chers ouvriers, chers
paysans, chĂšres organisations politiques populaires, lâĂglise ne peut
sâidentifier avec vous, mais elle vous comprend, parce que la justice et le
bien que vous rĂ©clamez, lâĂglise les rĂ©clame Ă©galement comme un reflet du RĂšgne
de Dieu qui sera recueilli dans toute lâĂ©ternitĂ©.
« Tout le bien que fait un
homme, mĂȘme si câest dans les domaines politiques et sociaux, il le retrouvera,
dit le Concile, purifiĂ© dans lâĂ©ternitĂ©. »
LâĂglise doit prĂȘcher cette
transcendance, parce que sa tĂȘte est le Christ qui pĂ©nĂ©tra dĂ©jĂ les cieux et
qui rĂ©clame de tout son corps Ă©galement, en attente de ce Ciel non pour ĂȘtre
paresseuse, mais pour travailler sur la Terre. Seulement,
ne regarder que vers le Ciel serait une fausse spiritualité, il faut nous
remplir de mĂ©rites sur la Terre, mais avec lâespĂ©rance de les possĂ©der pour
toute lâĂ©ternitĂ©. Nous ne travaillons donc pas uniquement pour amĂ©liorer les
conditions terrestres, mais pour améliorer ces choses avec la grande espérance
dâAbraham et du peuple de Dieu : le Christ est la tĂȘte!
Quelle autre condition y a-t-il? La
condition de ce peuple est celle de (L.G. 9) : « La dignité et de la
libertĂ© propre aux fils de Dieu, dont le cĆur est comme le temple de lâEsprit
saint. »
Câest pourquoi lâĂglise ne peut pas
ĂȘtre conformiste. LâĂglise doit Ă©veiller la conscience de la dignitĂ©. Câest
ce quâils nomment la
subversion. Cela nâen est pas. La conscience chrĂ©tienne que
nos communautĂ©s chrĂ©tiennes sâapproprient Ă la lumiĂšre de lâĂvangile, face Ă
lâidĂ©e quâun homme, mĂȘme sâil sâagit dâun simple journalier, est lâimage de
Dieu. Ce nâest pas du communisme ou de la subversion, câest la Parole de Dieu
qui Ă©claire lâĂȘtre humain et celui-ci doit travailler Ă sa promotion. Nous ne
voulons plus dâun peuple qui soit une masse. Câest pour cela que nous disions
ce qui distingue le peuple de ce qui ne lâest pas. MĂȘme au-dehors du Peuple de
Dieu il existe des peuples trÚs évolués qui ne sont pas encore Peuple de Dieu.
Mais encore plus Ă la marge, il existe une multitude qui ne peut mĂȘme pas ĂȘtre
qualifiĂ©e de peuple, câest ce que nous appelons la masse.
Nous ne voulons pas une masse, nous
voulons une Ă©ducation qui personnifie, nous voulons un Ăvangile qui nous fait
sentir ce que disait Jean-Paul II : « LâĂȘtre humain est un prodige
inimitable de Dieu, il nâexiste pas deux hommes semblables. » Câest
pourquoi nous ne devons pas poursuivre lâillusion dâimiter les autres, mais de
chercher Ă ĂȘtre soi-mĂȘme, ce que Dieu veut que je sois. Je suis moi-mĂȘme, rien
de plus : tu es toi. La massification est quelque chose dâĂ©pouvantable,
câest lorsque lâon joue avec les peuples, quand on manipule les Ă©lections,
quand on se joue de la dignitĂ© humaine parce que les hommes et les femmes nâont
pas su prendre leur place. Et cela, ce nâest pas provoquer la subversion, câest
simplement dire Ă tous ceux qui mâĂ©coutent dâĂȘtre dignes, parce que la
condition du Peuple de Dieu est la dignité et la liberté des enfants de Dieu
dont le cĆur est habitĂ© par lâEsprit saint comme en un temple.
Comment cela doit-il ĂȘtre? Quelle est
la loi de ce Peuple de Dieu? Le Concile dit (L.G. 9) : « Il a pour
loi un commandement nouveau, celui dâaimer comme le Christ lui-mĂȘme nous a
aimés. » Plusieurs ont déjà perdu cette loi du Christ, mais le christianisme
ne saurait changer ce qui fait sa force par dâautres forces ambiguĂ«s ou qui Ă
la longue démontre une grande faiblesse, parce que la violence, la haine, en
fin de compte, ce sont des faiblesses. La vĂ©ritable force câest lâamour et
câest en cela que le Peuple de Dieu se distingue.
« Enfin (L.G. 9), il a son terme
dans le Royaume de Dieu, inaugurĂ© sur Terre par Dieu lui-mĂȘme, destinĂ© Ă
sâĂ©tendre dans la suite des Ăąges en attendant de recevoir en Lui son
perfectionnement final Ă la fin des siĂšcles, lorsque le Christ se
manifestera. » Ainsi, la rĂ©novation du carĂȘme doit ĂȘtre notre Ăglise au
Salvador, composĂ©e de tous les baptisĂ©s. Lamentablement, câest un baptĂȘme qui
est reçu inconsciemment. Celui-ci est devenu une coutume sociale, folklorique
et qui sait peut ĂȘtre aussi commerciale, pour que lâenfant reçoive des cadeaux
et lâappui de ses parrains. Ce sont lĂ des motifs trop frĂ©quents du baptĂȘme. Ce
dernier est en fait lâincorporation au RĂšgne de Dieu, câest pourquoi nous
exigeons maintenant dans toutes les paroisses, les cours de préparations au
baptĂȘme afin que le parent qui demande cela pour son enfant sache en quoi cela
engage son enfant. Sâil ne dĂ©sire pas sâengager lui-mĂȘme Ă ĂȘtre un chrĂ©tien
comme nous lâavons dĂ©fini aujourdâhui, membre du Peuple de Dieu, ce serait
mieux quâil nây ait pas de baptĂȘme. Peut-ĂȘtre lâenfant Ă©voluera-t-il mieux sans
ĂȘtre baptisĂ©.
Mais si le parent veut réellement
ĂȘtre Peuple de Dieu, nous avons ici le carĂȘme qui nous offre dâexcellentes
opportunités pour que nous, déjà baptisés, fassions la promotion de notre
baptĂȘme et de notre Peuple de Dieu. Celui des baptisĂ©s, incorporĂ©s au Christ
mort et ressuscitĂ© pour nous, dit le Concile : « Le Christ lui-mĂȘme
lâa instituĂ© afin de sâen prĂ©valoir et lâunir Ă lâhumanitĂ© pour la sauver. »
Tout ce que le Christ est venu faire, Il le rĂ©alise Ă travers son Peuple. Câest
pourquoi mon appel de ce matin : carĂȘme, rĂ©novation du Peuple de Dieu, est
un appel Ă chacun de vous et Ă moi-mĂȘme, qui sommes les membres du Peuple de
Dieu pour vivre non seulement notre christianisme, mais pour lâirradier, pour
sauver les autres, pour ĂȘtre unitĂ© de ceux qui marchent dispersĂ©s, pour ĂȘtre le
repentir de ceux qui vont sur les routes du pĂ©chĂ©, pour ĂȘtre une attraction
pour ceux qui se sont égarés. 11/03/79, p.197-199, VI.