Le Baptême, Épiphanie de la réalité messianique

 

BaptĂŞme du Seigneur; 14 janvier 1979; Lectures : IsaĂŻe 42,3; Actes 10,34-38; Marc 1,8-9.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Le baptĂŞme est un signe sacramentel

2) Dans le Christ, je découvre la réalité messianique que possède le baptême

3) Chez les chrétiens, ce signe sacramentel est un signe de la participation à la réalité messianique du Christ

 

Tentons de développer cela et lorsque nous terminerons sur ce baptême du Christ qui participe à son peuple, nous verrons la responsabilité de ce peuple de baptisés, ici au Salvador comme en n’importe quelle partie du monde, d’être protagoniste du Salut de son peuple, précisément pour être un peuple qui participe à la réalité messianique et salvatrice que le Christ apporta en ce monde. 14/01/79, p.112, VI.

 

 

1) Le baptĂŞme est un signe sacramentel

 

D’abord, j’aimerais aborder cette idĂ©e en apparence si Ă©vidente que tous les chrĂ©tiens devraient connaĂ®tre, Ă  savoir : qu'est-ce que le baptĂŞme?

 

A) Pris au pied de la lettre de la phrase de Jean le Baptiste dans l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 1,8) : « Je vous baptise avec de l’eau, mais Lui vous baptisera avec l’Esprit saint. Â»

 

B) (Mc 1,9) : « Et il advint qu’en ces jours-lĂ  JĂ©sus vint de Nazareth de GalilĂ©e, et il fut baptisĂ© dans le Jourdain par Jean. Â» Nous avons ici des gestes sacramentaux, mais en mĂŞme temps nous voyons la diffĂ©rence entre ces deux baptĂŞmes.

 

C) Le Baptême du centurion Corneille. Dans la seconde lecture d’aujourd’hui (Ac 10,34-38) apparaît un troisième baptême. Pierre qui est appelé à la maison d’un centurion romain, un gentil, pour lui administrer le baptême. Nous avons ici le baptême d’un homme qui n’est pas le Christ, ni chrétien, qui appartient à un monde à part de celui de Juifs. Que signifie alors ce baptême?

 

Deux éléments qui se retrouvent dans tout sacrement.

Un élément visible qui est comme la matière du sacrement, un homme qui s’approche d’un autre et lui verse de l’eau sur la tête et prononçant certaines paroles. C’est la partie matérielle, le signe.

Le contenu du signe attire l’attention sur celui qui est le propriétaire de celui-ci.

 

Tout signe doit signifier quelque chose. Le sacrement s’il n’est reçu que pour sa rĂ©alitĂ© visible devient une chose insipide, une chose ennuyante et c’est pourquoi, plus plusieurs, les sacrements ont perdu leur saveur. Nous voulons rĂ©cupĂ©rer le principal du sacrement : la signification de ce signe. Ă€ quoi cela sert-il d’apporter un enfant aux fonds baptismaux d’une Ă©glise, de se vĂŞtir Ă©lĂ©gamment pour après pouvoir cĂ©lĂ©brer une fĂŞte oĂą le baptĂŞme compte moins que l’acte social? Cela, c’est demeurer avec l’enveloppe, avec la coquille, comme si aujourd’hui nous ne dĂ©couvrions pas dans les lectures bibliques ce que signifie cet homme qui s’approche d’un autre dans le Jourdain.

 

Qu’est-ce que tout cela signifie alors? Observez comment ces trois baptêmes d’aujourd’hui sont différents dans leur contenu même s’il s’agit du même signe extérieur.

 

DiffĂ©rence des deux baptĂŞmes : Celui de Jean et celui du Christ. Quand Jean le Baptiste dit : « Je vous baptise avec de l’eau Â», il s’agit d’un baptĂŞme de pĂ©nitence, c’est un appel Ă  la conversion. « Je ne peux baptiser dans l’Esprit saint parce que je ne possède pas les dons messianiques. Je prĂ©pare les chemins du Messie. Â» Et ceux qui s’approchaient de Jean n’étaient pas comme les premiers chrĂ©tiens. Sur ce point, nos frères protestants sont dans l’erreur lorsqu’ils affirment que nous devons ĂŞtre baptisĂ©s comme le Christ Ă  l’âge de trente ans. Ils oublient que le baptĂŞme de Jean est très diffĂ©rent de celui du Christ qui va Lui donner un sens plus Ă©levĂ©.

 

Le baptême de Jean était une préparation au second baptême qui allait venir. Maintenant vient le Christ. Il n’était pas un pécheur, Il n’avait pas besoin de se faire baptiser. C’est pourquoi, vouloir se comparer avec le Christ et attendre cet âge pour être baptisé, c’est un acte de vanité. Se croire immaculé comme le Christ, comme si nous n’avions pas besoin de la Rédemption depuis que nous sommes nés, c’est de la vanité.

 

Différence entre ces deux baptêmes; celui du Christ et celui des chrétiens.

C’est ainsi qu’est nĂ© le baptĂŞme chrĂ©tien. Le baptĂŞme que reçut le Christ n’est pas le mĂŞme que celui que reçoivent nos enfants. Quand le Christ confia aux apĂ´tres de rĂ©pandre sous le signe de l’eau, des prières, du rite baptismal, la richesse messianique qu’Il va donner. […] du baptĂŞme parce qu’Il ne portait pas en Lui le pĂ©chĂ© originel. Il n’avait pas commis de pĂ©chĂ© et Il n’avait pas besoin d’aller se frapper la poitrine avec tous les autres pĂ©cheurs que Jean absolvait avec son baptĂŞme de pĂ©nitence. Il Ă©tait le Saint qui apportait la saintetĂ© Ă  cette Terre et son baptĂŞme Ă©tait pour enrichir ce signe qui demeurait encore vide, qui n’était alors qu’une prĂ©paration, mais qui sera dorĂ©navant le baptĂŞme que Jean avait annoncĂ© : « Il vous baptisera dans l’Esprit saint. Â» 14/01/79, p. 112-114, VI.

 

 

2) Dans le Christ, je découvre la réalité messianique que possède le baptême

 

[…] MĂŞme si un homme est dĂ©jĂ  brisĂ©, mĂŞme si un peuple se sent comme une chandelle qui est sur le point de s’éteindre, mĂŞme lorsque nous ressentons un sentiment profond de frustration pour nos pĂ©chĂ©s, pour les pĂ©chĂ©s des classes sociales; pour les abus de la politique; un peuple qui s’est rendu indigne de son nom, un peuple qui ne mĂ©rite plus la misĂ©ricorde de Dieu, dit aujourd’hui la prophĂ©tie (IsaĂŻe 42,3) qui nous remplit d’espĂ©rance : « Il ne brisera pas le roseau froissĂ©, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit… Â»

 

Au Salvador, il est encore possible de nous reconstruire. Nous pouvons encore rallumer la lampe de notre foi et de notre espĂ©rance. C’est ici que rĂ©side notre espĂ©rance : le Serviteur de YahvĂ©, le Christ, le Divin Cyrus qui vient nous libĂ©rer de tous les esclavages, Il est notre espĂ©rance. 14/01/79, p.115, VI.

 

 

L’Ancien Testament fait évoluer le concept de Messie

 

David va donner également son nom au Messie, Fils de David, parce que ce roi caractérise le Roi Sauveur, le grand roi qui donne unité au peuple, le roi qui amène le peuple à chanter des louanges à Dieu. De ce roi messie descend le Messie Roi qu’est le Christ dont le Règne n’aura pas de fin. […]

 

Le Nouveau Testament le prĂ©cise : le Christ rejette un messianisme terrestre. C’est pour cela que le Christ fait bien attention de souligner dans ses prĂ©dications, comment est son messianisme. Parce qu’il avait beaucoup d’équivoques et ce moment oĂą le Christ rĂ©alise son Épiphanie au milieu de son peuple est très semblable Ă  celle que nous vivons en 1979 au Salvador. C’est ainsi qu’il y avait alors des mouvements populaires qui recherchaient en ce Messie un salut temporel, politique, et qui croyaient que ce Christ annoncĂ© Ă©tait celui qui allait secouer le joug du pouvoir romain; il y avait Ă©galement ceux qui avaient le concept vĂ©ritable du Messie. Et le Christ cultivait ce concept vĂ©ritable. C’est pourquoi on dit que lorsque le peuple voulut le couronner roi avec ces idĂ©aux d’un messianisme politique, Il s’enfuit Ă  la montagne parce que ce n’était pas cela le Salut qu’Il apportait.

 

L’Église, aujourd’hui Ă©galement, prend bien soin de signaler aux mouvements de libĂ©ration actuels, de mĂŞme qu’aux zĂ©lĂ©s qui calomnient leur Église en disant qu’elle prĂ©tend au pouvoir, qu’elle suscite des mouvements de guĂ©rilla. Mensonge! L’Église prĂŞche le mĂŞme messianisme que le Christ, mais de ce Christ qui veut dire aux mouvements populaires de notre temps : ne me recherchez pas comme un roi temporel, ne me recherchez pas comme un rival de Ponce Pilate ou d’HĂ©rode. Plus tard, ils devront rendre compte de leurs gestes au Roi divin, en tant que gouverneurs civils de leur peuple. Et le Seigneur sera dur en demandant des comptes Ă  ces Ă©lus, qui ont le devoir Ă©galement de respecter la volontĂ© de Dieu pour le bien du peuple et non pour l’oppression et l’outrage des hommes et des femmes.

 

Le Christ dit que son Royaume n’est pas de ce monde. Et cela ne veut pas dire, expliqua le pape Pie XI, lorsqu’il proclama la fête du Christ Roi - que le Christ est absent du pouvoir et des richesses de la Terre. Ce qu’Il veut dire, c’est qu’Il jugera, à partir d’une autre dimension, religieuse, les consciences des politiciens, des riches et des pauvres également, à partir d’une perspective eschatologique, de Règne des cieux, de transcendance. Mais tout ce pouvoir – Christ l’a dit – sera jugé par Lui, parce qu’Il est le Messie et le Roi Universel des nations.

 

Il veut définir, ce messianisme authentique, pour qu’en Lui nous rencontrions toujours la critique de tous les systèmes politiques. C’est pourquoi cela nous fait sourire lorsqu’on dit que l’Église promeut un système socialiste. L’Église ne s’inféode à aucun système social. Et supposons que notre démocratie se transforme demain en socialisme, l’Église sera toujours le juge qui critiquera les attitudes injustes de ce socialisme, ainsi comme elle anime aujourd’hui la démocratie, le bon que possède la démocratie. L’Église demeure toujours comme une lumière qui éclaire de l’extérieur cette réalité. Le Christ veut être ce Messie qui illumine le chemin de l’Histoire. Les peuples sont libres de se donner le régime qu’ils veulent avoir mais ils ne sont pas libres de faire tous leurs caprices. Ils devront être jugés avec le système politique et social qu’ils auront choisi pour servir la justice de Dieu. Et Dieu est le juge de tous les systèmes sociaux.

 

L’Évangile comme l’Église, ne peut être accaparé par aucun mouvement social ou politique. Aucune organisation sociale ou politique ne peut prétendre être l’Église et nous dire que c’est par-là que nous devons aller. Le chrétien est libre des ses options concrètes. Et s’il vous plaît! Aucune organisation politique officielle ou populaire ne peut s’arroger le pouvoir de vouloir amener avec elle une communauté de base ou un groupe chrétien, seulement pour son option politique. Dans votre travail d’évangélisation, dans votre réflexion de groupe chrétien, respecter la liberté de chaque chrétien. Si quelqu’un veut appartenir à un autre groupe, respectez son option; s’il ne veut pas appartenir à aucun, respectez son option. Que grandisse la foi, qu’elle se prépare pour rendre compte à Dieu comment elle travailla en ce monde, pour convertir ce monde en un monde meilleur. C’est de cela que Dieu nous demandera des comptes!

 

 

C’est pourquoi nous disions dans notre lettre pastorale : « que pour un chrĂ©tien au sein d’une organisation politique populaire, doivent prĂ©valoir, avant tout, les critères de foi. Et si Ă  un moment donnĂ© des conflits apparaissent entre sa foi chrĂ©tienne et l’organisation, qu’il se dĂ©cide : Ou seulement politique avec l’organisation ou toujours chrĂ©tiens, avec ou sans organisation. 14/01/79, p.115-117, VI.

 

 

3) Chez les chrétiens, ce signe sacramentel est un signe de la participation à la réalité messianique du Christ

 

[…] C’est pourquoi nous sommes Fils de Dieu, Peuple de Dieu, Peuple sacerdotal, prophĂ©tique et religieux. Quel est le rĂ©sultat? Le rĂ©sultat c’est cette cathĂ©drale remplie de chrĂ©tiens. Le rĂ©sultat c’est un diocèse, plusieurs communautĂ©s m’écoutent prĂ©sentement. Je pense Ă  vous, chers chrĂ©tiens, jusqu’au coin le plus reculĂ© du diocèse, le rĂ©sultat du baptĂŞme c’est vous, communautĂ©s chrĂ©tiennes qui peuvent dire en toute vĂ©ritĂ© : nous sommes oints, nous participons au Christ, prophète, prĂŞtre et roi. C’est pourquoi l’Église, avec ses Ă©vĂŞques, ses prĂŞtres, ses religieuses, ses collèges catholiques, ses organisations, ses institutions, ses familles, est l’Église sacerdotale, prophĂ©tique et royale. Nous sommes une famille de rois, nous sommes des descendants d’oints, nous prenons part au sacerdoce. Notre mission comme peuple est d’enraciner ces choses dans nos familles, dans le travail, dans le bureau, dans la politique, dans la sociologie, dans la profession, dans le marchĂ©. Partout oĂą va un baptisĂ©, la rĂ©alitĂ© messianique que le Christ a apportĂ©e en ce monde doit se faire prĂ©sente, et comme le Christ, porter l’engagement de rendre prĂ©sent cette dignitĂ© salvatrice qu’Il emporta en ce monde. 14/01/79, p.120, VI.

 

Il est bon de souligner ici que, parmi les documents si nombreux qui arrivent aux Ă©vĂŞques qui vont se rĂ©unir Ă  Puebla, est arrivĂ©e une lettre des Guaranis qui louangent une religion chrĂ©tienne qu’ils apprennent Ă  connaĂ®tre, non pas comme un conformisme qu’avant on leur enseignait, ni non plus comme une rĂ©volution; mais comme l’éveil d’une conscience critique, qui Ă  partir de l’Évangile, sait que ces terribles inĂ©galitĂ©s sociales ne peuvent ĂŞtre la volontĂ© de Dieu : entre ces quelques-uns qui possèdent tout et les autres qui doivent se contenter de ne rien avoir. Alors, nous disons qu’autant le communisme que le capitalisme cherchent Ă  endormir le peuple, ils veulent une religion qui soit l’opium du peuple. Et lorsque le Pape dit : « Une religion qui ne soit pas l’opium du peuple Â», il dĂ©nonce autant le communisme qui veut s’éloigner du sens religieux de la vie, que le capitalisme qui veut manipuler l’Église pour sa cause et ses intĂ©rĂŞts.

Mes frères, cette Église qui est en train de naître, pour vivre non pas de manière lâche, anonyme et ambiguë, un baptême dont on ne sait plus pourquoi il fut, mais prenant conscience que ce baptême vit en nous et nous réclame des attitudes plus engagées avec ce peuple où nous sommes enracinés. 14/01/79, p.124-125, VI.