Le Christ, Épiphanie de l’Amour Sauveur de Dieu

 

Épiphanie; 7 janvier 1979; Lectures : IsaĂŻe 60,1-6; ÉphĂ©siens 3,2-3a.5-6; Matthieu 2,1-12.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) L’Épiphanie révèle un Salut transcendant. C’est-à-dire, un Salut qui ne provient pas des entrailles de l’humanité, mais d’au-dehors, il transcende notre capacité, il vient.

2) L’Épiphanie offre un Salut universel. Personne n’est exclu du Salut, il s’offre et se manifeste à tous. C’est un don qui vient du Christ. L’Amour sauveur de Dieu s’offre à tous; ici dans la cathédrale remplie maintenant et au travers de la radio, aux milliers qui m’écoutent actuellement, grâce à Dieu. Nous sommes tous conviés à ce festin, à ces noces royales. Personne n’est exclu de cette allégresse, de ce Salut, de cette espérance.

3) Par la foi, nous ferons notre Salut qui se rĂ©vèle et qui s’offre dans l’Épiphanie. La foi est la condition de l’offre de l’Épiphanie : le Salut universel.

 

 

1) L’Épiphanie révèle un Salut transcendant

 

 

A) Dans le retour d’Exil, le prophète encourage le peuple avec l’espérance que Dieu reconstruira et glorifiera Jérusalem.

 

Dans la première lecture d’aujourd’hui, IsaĂŻe (60,1-6) nous dit : « Debout! Resplendis!, car voici ta lumière et sur toi se lève la gloire de YahvĂ©. Tandis que les tĂ©nèbres s’étendent sur la Terre et l’obscuritĂ© sur les peuples, sur toi se lève YahvĂ© et sa gloire sur toi paraĂ®t. Â» C’est un prophète qui est Ă  la fois poète, qui anime les IsraĂ©lites qui reviennent de l’exil Ă  Babylone et qui retrouvent une JĂ©rusalem dĂ©truite. Ils sont pessimistes et il est nĂ©cessaire d’élever leur esprit. JĂ©rusalem telle qu’elle a Ă©tĂ© laissĂ©e par nos ennemis est une espĂ©rance pour notre peuple. « Sur JĂ©rusalem brillera la gloire de Dieu! Â» Toutes les promesses de l’Ancien Testament Ă©mergent pour que de lĂ  surgisse une gloire qui ne peut ĂŞtre sienne. S’il ne s’y trouve que ruines, pessimisme et un terrible sentiment de frustration, de ses propres entrailles ne peut provenir rien de bon.

 

Le Salut est comme un lever de soleil dont la lumière est Dieu lui-même… dans la cité. On sent alors le besoin de quelque chose de transcendant, de quelque chose qui vient se faire sentir du dehors. Et cette Jérusalem détruite brillera comme l’aurore qui sera Dieu lui-même. Dieu s’incarnera dans les entrailles de Jérusalem.

Frères, quand nous voyons que nos forces humaines s’épuisent, quand nous voyons notre patrie qui est dans un chemin sans issue, quand nous disons : la politique, la diplomatie ne peuvent plus rien, ici c’est un dĂ©sastre et le nier serait ĂŞtre fou; un Salut transcendant est nĂ©cessaire! Sur ces ruines brillera la gloire du Seigneur. C’est lĂ  que les chrĂ©tiens possèdent une grande mission en cette heure de la patrie : maintenir cette espĂ©rance. Ne pas attendre une utopie comme quelque chose d’illusoire, comme si nous cherchions Ă  nous endormir pour ne pas voir la rĂ©alitĂ©, mais au contraire, qu’en scrutant cette rĂ©alitĂ© qui en elle-mĂŞme ne peut rien donner, reconnaĂ®tre qu’elle peut beaucoup donner si nous faisons appel Ă  cette RĂ©demption transcendante.

 

 

B) L’Étoile… évoque la prophétie de Balaam devant Balac

 

J’aimerais Ă©galement observer Ă  la lumière de cette rĂ©flexion, l’étoile qui guida les mages. Elle Ă©voque une prophĂ©tie. C’était Ă  l’époque lointaine de Balaam, quand Balac lui demanda de prophĂ©tiser en faveur de son armĂ©e et Balaam inspirĂ© par l’Esprit de Dieu regarde vers le dĂ©sert et voit la gloire d’IsraĂ«l. Parmi ses belles pensĂ©es, il dit ceci : « Je l’aperçois, mais non de près. De Jacob s’avance une Ă©toile, un sceptre surgit d’IsraĂ«l. Â»

 

Sans doute que l’Évangile de saint Matthieu qui recueille toutes ces prophĂ©ties de l’Ancien Testament pour voir comment cela s’accomplit dans le Christ, quand il nous parle de cette Ă©toile mystĂ©rieuse il fait rĂ©fĂ©rence Ă  la prophĂ©tie de Balaam : « De Jacob surgit une Ă©toile qui s’approche, mais qui est encore loin, des siècles passeront, mais elle viendra comme une Ă©toile qui vient de loin. Â» L’étoile des Mages est la prĂ©sence d’une transcendance qui vient pour nous sauver. Le sceptre qui est prophĂ©tisĂ© dans Balaam est sans doute le sceptre de David dont le règne n’aura pas de fin. Non pas comme homme, mais parce que de sa descendance royale, naĂ®tra un rejeton qui sera fils de David selon la chair, mais qui sera en mĂŞme temps Fils de Dieu dans l’éternitĂ©. Son règne ne connaĂ®tra pas de fin. C’est l’étoile dans son sens mystique.

 

En ce jour de l’Épiphanie, c’est un signe de Salut transcendant, de quelque chose qui vient du monde des Ă©toiles, de Dieu, de son immensitĂ©, de sa puissance qui ne nous a pas crĂ©Ă©s pour ĂŞtre malheureux, sinon qu’Il nous indiquera, au milieu de ces tĂ©nèbres oĂą nous sommes actuellement, la sortie lumineuse vers le Salut. « Je la vois au loin, Â» pourrions-nous dire avec Balaam. Nous ne savons pas quand sera cette RĂ©demption, mais elle viendra, je la vois comme une Ă©toile et surgira alors du pouvoir du Seigneur, ce sceptre qui nous sauvera. 07/01/79, p.97-98, VI.

 

 

C) Révélation d’un mystère…

 

Dans la seconde lecture d’aujourd’hui (Eph 3,2-6), saint Paul nous parle de la révélation d’un mystère caché depuis le début des temps, que le Salut est pour tous. C’est merveilleux de penser que nous sommes les héritiers de cette Révélation et que nous espérons ce mystère caché dans les entrailles de Dieu et qu’Il nous donnera pour notre Salut. Le Salut vient de Dieu, n’en doutons pas. De là, je vais répéter maintenant, dans cette homélie, des concepts qui sont transcendantaux.

 

 

Le Salut vient de Dieu… Prémisse de cette Révélation.

 

Dans la lettre pastorale sur l’Église et les Organisations Populaires, j’avertis – et je voudrais que l’on n’oublie pas cela –, que le grand service que l’Église prĂŞte aujourd’hui, ici au Salvador, est celui que me disait dĂ©jĂ  avec des paroles faibles d’un ancien, Paul VI, lorsque j’ai eu la chance d’étreindre ses mains : « Accompagne ce peuple dans ses justes revendications; jamais dans la haine ou dans la violence, mais oui dans la justice. Â» C’est inspirĂ© par ces paroles que nous avons Ă©crit, nous inspirant aussi de son message Evangelii Nuntiandi, l’Exhortation pour l’ÉvangĂ©lisation du Monde Actuel, comment doit ĂŞtre cette RĂ©vĂ©lation, cette Épiphanie de l’Église de 1979 ici au Salvador.

 

Ce service que l’Église prĂŞte Ă  cet effort de revendication de la patrie veut ĂŞtre insĂ©rĂ©e dans le dessein global de la libĂ©ration que l’Église proclame. Et j’ai Ă©crit dans ma Lettre pastorale : « Le dessein global de la libĂ©ration que l’Église proclame :

 

1) Embrasse l’être humain en entier, dans toutes ses dimensions, incluant son ouverture Ă  l’absolu qu’est Dieu. Elle est unie Ă  une certaine conception de l’humain, conception que l’on ne peut sacrifier aux exigences d’aucune stratĂ©gie, d’une praxis ou d’une fin Ă  court terme. Â» Cela veut dire que la libĂ©ration que l’Église propose ne peut se limiter aux pratiques temporelles.

 

2) Le dessein global de la libĂ©ration « est centrĂ© dans le Règne de Dieu; sa mission ne se limite pas au seul terrain religieux, mais rĂ©affirme la primautĂ© de la vocation spirituelle de l’être humain et annonce le Salut en JĂ©sus-Christ. Â» La primautĂ© du spirituel chez l’être humain, n’oublions pas cela pour que ceux qui disent que l’Église prĂŞche une rĂ©volution, la lutte des classes. Mensonge! Je l’ai dit clairement : L’Église rĂ©affirme la primautĂ© de la vocation de l’homme dans le religieux, dans le spirituel et annonce le Salut en JĂ©sus-Christ.

 

3) Cette libĂ©ration de l’Église « procède d’une vision Ă©vangĂ©lique de l’homme, elle s’appuie sur des motivations profondes de justices dans la charitĂ©, elle embrasse une dimension vĂ©ritablement spirituelle et son objectif final est le Salut et le bonheur en Dieu. Â» Cela, nous le disons Ă  tous, Ă  ceux aussi qui s’organisent dans des organisations politiques et populaires, que le Salut que l’homme doit rechercher n’est pas seulement d’avoir des meilleurs salaires, d’avoir un meilleur gouvernement, d’avoir des conditions meilleures sur la Terre, mais l’on doit rechercher l’objectif final qu’est le Salut. Le Salut est le bonheur en Dieu que possède dĂ©jĂ  l’humain qui vit dans cette primautĂ© du spirituel mĂŞme si c’est dans la pauvretĂ© sur cette Terre.

 

4) C’est pourquoi cette libĂ©ration de l’Église « exige une conversion du cĹ“ur et de l’esprit et ne se satisfait pas uniquement des changements de structures. Â» Ă€ quoi servirait de changer les structures, de changer nos façons de gouverner, de changer les manières des organisations politiques si les hommes qui vont manĹ“uvrer ces structures portent toujours la pourriture dans leur cĹ“ur? Ă€ quoi servirait un changement de situation sociale si ceux qui vont vivre dans ces structures, nous ne nous rĂ©novons pas de l’intĂ©rieur Ă  ĂŞtre plus justes, plus frères, Ă  ĂŞtre des hommes nouveaux?

 

5) Et pour terminer, cette libĂ©ration – figurez-vous bien cela – « exclut la violence, la considère non chrĂ©tienne, ni Ă©vangĂ©lique, inefficace et non conforme avec la dignitĂ© du peuple. Â» La violence n’est pas digne. Ici, ce sont les paroles du pape Paul VI (Evangelii Nuntiandi) lorsqu’il dit que si l’Église, pour appuyer les efforts de libĂ©ration de la Terre, perdait cette perspective globale du Salut chrĂ©tien, alors elle « perdrait sa signification la plus profonde. Son message de libĂ©ration n’aurait aucune originalitĂ© et se prĂŞterait Ă  l’accaparement et Ă  la manipulation… Â» Elle n’aurait pas d’autoritĂ© pour annoncer, de la part de Dieu, la libĂ©ration. 07/01/79, p.98-99, VI.

 

En d’autres mots, l’Épiphanie nous oriente vers l’étoile des mages, avec la perspective d’une clarté qui vient de Dieu pour sauver les peuples que nous ne pouvons circonscrire aux limites terrestres et temporelles, c’est cela la libération que nous recherchons. La véritable liberté que l’Église proclame et avec laquelle elle accompagne les efforts libérateurs des hommes, englobe tous ces efforts et les oriente vers ce Salut.

 

Chers frères, ce qui intĂ©resse l’Église c’est d’orienter tous ces efforts et, pour cela, ne vous surprenez pas que l’Église appuie tout ce qui est juste, ce qui est bon mĂŞme si cela se passe au sein des organisations qu’on nomme clandestines parce que si ce qu’on recherche est juste, c’est le Règne de Dieu. Mais je vous dis : ces intentions temporelles ne suffisent pas, il est nĂ©cessaire que cette justice que vous recherchez soit englobĂ©e dans le Salut universel, dans le bonheur de Dieu, dans la RĂ©demption transcendantale. C’est cela le grand mĂ©rite de l’Église et c’est pourquoi on cherche Ă  la perdre et on veut la diffamer dans la prĂ©dication de sa force libĂ©ratrice, parce que c’est une libĂ©ration irrĂ©ductible.

 

Lorsque l’Église prĂŞche la dĂ©fense des droits humains, elle ne se situe pas dans une perspective politique. Les convenances politiques qui aujourd’hui dĂ©fendent les droits humains pourraient changer demain parce que la politique change, mais l’Église de son Ă©toile, de sa perspective transcendantale ne change pas. Et mĂŞme si on la laisse seule, elle sait qu’elle est avec Dieu, et que la transcendance de Dieu l’illumine comme la clartĂ© (de Dieu) illuminait JĂ©rusalem pour annoncer Ă  tous : « La grande libĂ©ration approche. Levez-vous! Brille JĂ©rusalem parce que ta lumière arrive. Â» 07/01/79, p.99-100, VI.

 

 

2) L’Épiphanie offre un Salut universel

 

 

A) Les Mages (prêtres de Perse et d’Irak), astrologues… évoquent dans leurs offrandes la prophétie d’Isaïe

 

Nous rencontrons dans les lectures de l’Épiphanie une grande pensĂ©e missionnaire : le Salut que l’Épiphanie nous offre aujourd’hui est un Salut Universel. Je m’imagine ce matin avec ceux qui sont venus Ă  la messe oĂą qui sont rĂ©unis autour d’un poste de radio en rĂ©flĂ©chissant sur cette parole, nous sommes une procession qui dĂ©buta il y a vingt siècles. Les premiers qui arrivèrent furent les Mages de l’Orient et après eux, d’autres et d’autres encore. Ils accomplirent ce que nous dit actuellement le prophète (60,6) : « Des multitudes de chameaux te couvriront, des jeunes bĂŞtes de Madiân et d’Épha; tous viendront du Saba, apportant l’or et l’encens et proclamant les louanges de YahvĂ©. Â» Comme est poĂ©tique notre venue Ă  la messe. N’abandonnons pas notre messe des dimanches! C’est une procession de mages qui viennent adorer JĂ©sus. C’est la procession des peuples qui ont rencontrĂ© le Salut Universel que Dieu offre Ă  tous.

 

L’Évangile en nous parlant des Mages, Ă©voque ces noms : Madriân, Épha, Saba… C’est la Perse, aujourd’hui l’Iran, l’Orient fut les prĂ©mices que Dieu appela, c’est de lĂ  qu’est venu Ă©galement Abraham, de MĂ©sopotamie, le premier croyant. Sans doute que saint Matthieu en parlant de ces Mages d’Orient, un Orient mystĂ©rieux, voulait remonter aux origines de la foi. Par la foi, Abraham est le père de tous les croyants. De cette terre proviennent aujourd’hui encore les prĂ©mices des gentils, ceux qui n’appartiennent pas au peuple juif. Peu importe d’être des fils d’Abraham, ce qui importe c’est d’apporter la foi que les Mages d’Orient apportèrent.

 

 

B) La Grande Révélation dont Paul est le ministre

 

Nous faisons surtout ici rĂ©fĂ©rence Ă  la seconde lecture (Eph 3,2-3a.5-6) oĂą saint Paul nous dit (3,5-6) : « Ce mystère n’avait pas Ă©tĂ© communiquĂ© aux hommes des temps passĂ©s comme il vient d’être rĂ©vĂ©lĂ© maintenant Ă  ses saints apĂ´tres et prophètes, dans l’Esprit : les paĂŻens sont admis au mĂŞme hĂ©ritage, membres du mĂŞme Corps, bĂ©nĂ©ficiaires de la mĂŞme Promesse, dans le Christ JĂ©sus, par le moyen de l’Évangile. Â» Il fait allusion Ă  nous. Il y a quatre siècles, ces terres, oĂą s’élève maintenant cette cathĂ©drale, Ă©taient une jungle habitĂ©e par des indigènes. Quand vint la croix et que les aborigènes commencèrent Ă  l’adorer, s’accomplit pour l’AmĂ©rique latine cette vocation Ă  tous les peuples. Fraternellement, aujourd’hui, les Ă©vĂŞques mexicains ont publiĂ© une Pastorale d’ensemble Ă  l’occasion de la grande rĂ©union Ă©piscopale latino-amĂ©ricaine qui aura lieu Ă  Puebla et ce message dit ceci : « Ce qui va se dĂ©rouler au Mexique cette annĂ©e dĂ©buta quand la Vierge de la Guadalupe apparut sur le mont Tepeyac comme catĂ©chiste, orientant les peuples indigènes vers cette croix, vers le christianisme. Â»

 

Marie ne pouvait ĂŞtre absente de cette Ă©vangĂ©lisation du continent actuel et du futur, parce que l’Évangile, qui a Ă©tĂ© alors annoncĂ© Ă  nos peuples d’AmĂ©rique, Ă©tait l’accomplissement de ce mandat dont nous parle saint Paul : c’était un mystère cachĂ© depuis des siècles Ă©ternels et qui m’a maintenant Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© : Les gentils, les peuples non juifs, les indigènes d’AmĂ©rique, tous les pays de ces montagnes vierges, tous ceux qui connaissent le Christ, sont appelĂ©s Ă  participer Ă  sa promesse, Ă  son Salut. Personne n’est exclu!

 

 

C) L’Épiphanie proclame un Salut intĂ©gral : c’est tout l’homme qu’il faut sauver.

 

Dans cette ambiance de Salut universel, qu’il est merveilleux de rappeler que la ligne pastorale et Ă©vangĂ©lique du Concile Vatican II, qui, il y a dix ans, devint aussi la pastorale de l’AmĂ©rique Latine, proclama un Salut intĂ©gral qui continue de nous questionner aujourd’hui Ă  la veille d’un nouveau MedellĂ­n Ă  Puebla. Cette orientation pastorale proclamait que la libĂ©ration que le Christ a apportĂ©e est celle de l’homme intĂ©gral. C’est tout l’homme qu’il est urgent de sauver : âme et corps, individu et sociĂ©tĂ©. C’est le Règne de Dieu qu’il nous faut dĂ©jĂ  Ă©tablir sur cette Terre. C’est ce Règne de Dieu qui est entravĂ©, enchaĂ®nĂ© par autant d’abus de l’idolâtrie de l’argent et du pouvoir. Il est nĂ©cessaire de dĂ©trĂ´ner ces fausses idoles comme lorsque les premiers Ă©vangĂ©lisateurs de l’AmĂ©rique renversèrent les faux dieux qu’adoraient nos indigènes. Aujourd’hui ce sont d’autres idoles : ils se nomment argent, intĂ©rĂŞt politique, SĂ©curitĂ© nationale. Idolâtries qui veulent enlever l’autel de Dieu. L’Église proclame que l’être humain ne pourra ĂŞtre heureux que lorsqu’il adorera comme les Mages, l’unique Dieu vĂ©ritable : quand se libĂ©rant de toutes ses fausses idĂ©ologies de l’Orient, il viendra avec la foi limpide du christianisme adorer ce Christ que nous devons adorer avec toujours plus d’intĂ©gritĂ©.

 

 

D) Depuis l’Incarnation, rien d’humain n’est étranger au Christ et à son Église

 

Je veux vous rappeler ici comment Paul VI, quand il recueillit l’écho des mages modernes, les Ă©vĂŞques qui venaient du monde entier, au Synode de 1974, et au travers desquels, le pape sentit les attentes de millions d’hommes et de femmes en Ă©crivant cette page combien tragique, mais Ă©loquente : « Il est bien connu – commentait Paul VI – en quels termes s’exprimèrent de nombreux Ă©vĂŞques de tous les continents…, avec un accent pastoral dans lequel vibraient les voix de millions de fils de l’Église qui forment tous ces peuples. Peuples que nous savons, engagĂ©s de toutes leurs Ă©nergies dans l’effort et dans la lutte pour surmonter tout ce qui les condamne Ă  demeurer en marge de la vie : la faim, les maladies chroniques, l’analphabĂ©tisme, l’appauvrissement, l’injustice dans les relations internationales et spĂ©cialement dans les Ă©changes commerciaux, les situations de nĂ©ocolonialisme Ă©conomique et culturel, parfois aussi cruel que le politique, etc. L’Église, rĂ©pĂ©tèrent les Ă©vĂŞques, a le devoir d’annoncer la libĂ©ration de millions d’êtres humains, parmi lesquels se retrouvent nombre de ses enfants; le devoir d’aider Ă  ce que naisse cette libĂ©ration, de donner tĂ©moignage de celle-ci, de faire en sorte qu’elle soit totale. Tout cela n’est pas Ă©tranger Ă  l’évangĂ©lisation. Â»

 

Ce sont des mots du Pape qui n’ont rien de communisme. C’est l’exigence de l’Évangile. C’est l’annonce d’IsaĂŻe : « La lumière de la justice brillera sur les tĂ©nèbres de tant d’injustices en ce monde. Â» C’est le cri de Paul, que tous les hommes et les femmes, que tous les peuples gentils sont appelĂ©s Ă  participer Ă  cette libĂ©ration du Christ. C’est les prĂ©mices des mages qui sont maintenant devenus ce fleuve imposant de l’humanitĂ© croyante. Les cathĂ©drales remplies comme celle-ci, adorant le Seigneur, recherchant son espĂ©rance, sa foi dans le Christ qui nous apporta comme une Épiphanie, l’amour salvateur du Seigneur! Â» 07/01/79, p. 100-102, VI.

 

 

3) Par la foi, nous ferons nôtre le Salut qui se révèle dans l’Épiphanie

 

La dernière pensĂ©e de mon homĂ©lie est que toute cette vie humaine, toute cette histoire concrète du peuple, de la famille de la personne, du Salvadorien ou de n’importe quel pays, est appelĂ©e Ă  la RĂ©demption mais une simple condition s’avère nĂ©cessaire : la foi.

 

 

L’obéissance de la foi

 

Le Concile Vatican II nous dit : « Lorsque Dieu se rĂ©vèle, nous devons lui prĂŞter l’obĂ©issance de la foi, par celle que l’homme se confie entièrement et librement Ă  Dieu, prĂŞtant au Dieu rĂ©vĂ©lĂ© l’hommage de la comprĂ©hension et de sa volontĂ©, assistant volontairement Ă  la rĂ©vĂ©lation faite par Lui. Â» Cela veut dire que la foi, ce n’est pas seulement croire en des vĂ©ritĂ©s avec la raison, c’est Ă©galement un dĂ©vouement, des sentiments et de l’obĂ©issance. On parle de l’obĂ©issance de la foi quand Dieu parle comme lorsqu’Il dit Ă  Abraham : « Quitte ta parentĂ© et marche vers la terre que je te montrerai. Â» L’acte de foi fut de quitter sa famille et de marcher sans s’arrĂŞter vers oĂą Dieu lui enseignait d’aller.

 

Se lancer dans le vide, mais sachant qu’il y a une main de Dieu qui me soutient, c’est se mettre dans le danger en sachant qu’il y a une main puissante qui me dĂ©fend : c’est cela, la foi. La foi ne consiste pas seulement Ă  croire avec la tĂŞte, mais se livrer avec le cĹ“ur et avec la vie.

 

Nous rencontrons ici un mystère et croire ce n’est pas dire : deux et deux font quatre. C’est ainsi, cela ne peut ĂŞtre autrement. Si c’est Ă©vident, il n’est pas nĂ©cessaire de croire. Mais croire, c’est quand on dit Ă  ces mages : cet enfant pauvre de BethlĂ©em est le Fils de Dieu. C’est un mystère! Cela n’est pas si Ă©vident! C’est pour cela qu’existent ceux qui doutent. Ce sont les conflits de la foi. Ne vous surprenez pas, mes frères, de vivre des conflits dans cette foi. Par exemple, quand l’on regarde l’Église avec ses fautes et ses pĂ©chĂ©s, comment peut-elle ĂŞtre l’épouse du Christ? C’est cela le doute, l’épreuve de la foi, mais lorsque l’homme de foi se dĂ©voue parce qu’ainsi l’a demandĂ© Dieu, alors oui, je crois.

 

Nous ne sommes pas seuls dans cet acte de foi, dans cet abandon dans les mains de Dieu, Ă  l’intĂ©rieur de nous il y a la grâce et l’inspiration de l’Esprit saint. C’est pourquoi le Concile poursuit en disant une chose que nous ne devons pas perdre de vue : « Pour enseigner cette foi, la grâce de Dieu qui nous prĂ©vient et nous aide, est nĂ©cessaire, et l’aide interne de l’Esprit saint, lequel meut le cĹ“ur et le convertit Ă  Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne Ă  tous la souplesse d’accepter et de croire la vĂ©ritĂ©. Et pour que l’intelligence de la rĂ©vĂ©lation soit plus profonde, le mĂŞme Esprit saint perfectionne constamment la foi par ses dons. Â» La foi est un don. Remercions le Seigneur. Venir Ă  la messe adorer Dieu est un cadeau volontaire de la foi. Ce n’est pas Ă©vident comme deux et deux font quatre que l’on doit venir Ă  la messe, il doit avoir des doutes, des difficultĂ©s. Mais dans ces difficultĂ©s, il y a la grâce de Dieu qui nous aide Ă  surmonter les doutes, ce qui ne paraĂ®t pas ĂŞtre Ă©vident. La foi est un cadeau de l’intelligence et du cĹ“ur de Dieu qui se rĂ©vèle et Ă  ce Dieu qui m’aime et se rĂ©vèle, je ne peux rien refuser. 07/01/79, p.107-108, VI.