L’Église, une communauté en attente active du retour du Christ

 

Trente-troisième dimanche ordinaire; 19 novembre 1978; Lectures : Proverbes 31,10-13.19-20.31-39; Thessaloniciens 5,1-6; Matthieu 25,14-30.

 

Aujourd’hui, la théologie découvre toujours davantage que Dieu sauve dans l’Histoire.

 

Le Salut est un fait historique qui n’appartient pas au passé, mais bien à l’histoire présente de chaque peuple, de chaque être humain et de chaque communauté. Il est crucial que nous ayons cela à l’esprit parce que si nous mettons l’emphase sur les événements de l’actualité, ce n’est pas par soif de nous évader de l’Évangile et de l’Église. Bien au contraire, c’est pour que ce Salut que Dieu réalise à l’intérieur des Salvadoriens incarnés dans leur propre histoire, nous le recherchions là où il se trouve, dans les événements historiques. C’est la vie de l’Église de l’archidiocèse, de chaque paroisse, de chaque canton, de chaque communauté et c’est aussi l’histoire civile qui nous circonscrit et où tout n’est pas selon le Règne de Dieu, où une grande part de nos valeurs de foi et de notre espérance en Jésus-Christ heurtent des attitudes athées, matérialistes et égoïstes. Il est naturel alors que nous comprenions que le Règne de Dieu, à l’œuvre dans l’histoire, doit être confronté à ces réalités. Cela, ce n’est pas se mêler de politique, c’est simplement rechercher le Salut de Dieu dans notre histoire.

 

C’est pourquoi j’ai choisi d’intituler l’homĂ©lie d’aujourd’hui : « L’Église, une CommunautĂ© en attente active du retour du Christ. Â» C’est cela, l’Église, une communautĂ© active qui travaille et qui se heurte, qui vit sa foi. Elle demeure active dans l’attente. Dans l’attente du retour du Christ comme le proclame notre credo : « â€¦ d’oĂą Il viendra nous juger… Â» Le Seigneur doit revenir. Nous avons ici les trois concepts que je veux dĂ©velopper ce matin :

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Une Communauté en attente

2) Cette attente ne lui enlève pas son activité, au contraire, il s’agit d’une attente active, sinon elle ne serait pas chrétienne

Mais qu’est-ce que l’attente?

3) Le Retour est ce retour du Christ que nous attendons?

 

Qu’est-ce qu’une communautĂ©, disais-je? C’est ce que je rĂ©pète dimanche après dimanche, parce que c’est lĂ  un des messages les plus importants de l’Église d’aujourd’hui : il faut que les chrĂ©tiens sortent de cette mentalitĂ© individualiste. Ne parlons plus de mon Salut, ma religion, sinon qu’il faut que nous vivions cela comme Dieu le veut, c’est Ă  dire Ă  la manière d’un peuple. Notre Salut, notre pèlerinage Ă  travers l’histoire, rĂ©alisons-le comme un peuple, comme le peuple israĂ©lite au dĂ©sert. Ils allaient ensemble, communautairement. C’est pour cela qu’une des joies les plus grandes de la pastorale c’est qu’ils surgissent de toute part des communautĂ©s. Mais afin qu’elles ne perdent pas leur orientation, ces rĂ©flexions de la Parole de Dieu viennent nous dire quel est le tĂ©moin. C’est ainsi que procĂ©dèrent les communautĂ©s de tous les temps.

Les trois lectures d’aujourd’hui (Pv 31,10-13.19-20.31-39; Ts 5,1-6; Mt 25,14-30) sont des réflexions de communautés. Le livre des Proverbes qui nous a présenté la femme modèle est une réflexion de la sagesse du peuple d’Israël qui vivait cette philosophie en tant que peuple. Il s’agissait d’une sagesse populaire, d’une croyance, où ce n’était pas la vanité de la femme qui importait, mais sa crainte de Dieu, son intériorité. 19/11/78, p.304-305, V.

 

 

1) Une Communauté en attente

 

Mais cette communautĂ© vit dans l’attente. Qu’est-ce que cela veut dire? C’est la caractĂ©ristique du chrĂ©tien. C’est pour cela qu’elle se nomme communautĂ© eschatologique, qui signifie science de l’ultime, c’est une communautĂ© qui vit dans l’attente du dĂ©veloppement jusqu’à ses consĂ©quences ultimes. Vers oĂą va l’histoire? Vers oĂą va ma vie? Vers oĂą va cette Église? Vers cette eschatologie. Cela avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© annoncĂ© dans l’Ancien Testament et nous l’avons commentĂ© ici : le Jour du Seigneur. Les prophètes parlaient du Jour du Seigneur comme d’un jour oĂą Dieu nous espère avec les bras ouverts pour nous rĂ©compenser de nos mĂ©rites, ou bien avec sa colère pour nous punir de nos mauvaises actions.

 

Ce Jour du Seigneur, dans le passĂ©, comme le Christ n’était pas encore venu, demeurait très nĂ©buleux. Les prophètes n’eurent pas la chance que nous avons, chrĂ©tiens, de connaĂ®tre le Christ qui est venu il y a de cela vingt siècles. C’est lĂ  qu’Il est venu initier le Jour du Seigneur. Nous vivons dĂ©jĂ  Ă  l’intĂ©rieur de la dernière phase de l’Histoire, le Christ est, comme nous allons le voir plus avant, la clĂ©, le dĂ©nouement, le but, le Jour du Seigneur. Et parce que le Christ et les apĂ´tres annoncèrent ce Jour du Seigneur comme Ă©tant proche, surgirent alors ces idĂ©es comme il en existe aujourd’hui, au sein de certaines sectes protestantes, Ă  savoir que, tel jour de telle annĂ©e, le Seigneur viendra, et ils l’attendent pour bientĂ´t. C’est que le Christ voulut laisser une mystique aux chrĂ©tiens, comme une incertitude. Comme saint Paul l’écrit aujourd’hui dans sa première Ă©pĂ®tre aux Thessaloniciens (5,2.4-5a) : « Quand aux temps et moments, vous n’avez pas besoin, frères, qu’on vous en Ă©crive. Vous savez vous-mĂŞmes parfaitement que le Jour du Seigneur arrive comme un voleur en pleine nuit. […] Mais vous, frères, vous n’êtes pas dans les tĂ©nèbres de telle sorte que ce jour vous surprenne comme un voleur : tous vous ĂŞtes des fils de la lumière, des fils du jour. Â»

 

Certains Thessaloniciens se rĂ©fugiaient dans cette proximitĂ© du jugement final et ne travaillaient plus, ils Ă©taient devenus fainĂ©ants. En ce sens, nous pouvons dire que la religion est un opium du peuple. Saint Paul leur rappelle : « Il faut travailler, que celui qui ne veut pas travailler ne mange pas non plus, nous ignorons quand viendra le Jour du Seigneur. Â» Ă€ Thessalonique, Ă©galement, surgit un doute : depuis que saint Paul leur avait annoncĂ© la proximitĂ© du Jour du Seigneur, quelques-uns Ă©taient dĂ©cĂ©dĂ©s et on continuait Ă  mourir. Quel serait donc le sort de ceux qui Ă©taient morts et de ceux qui demeuraient vivants lorsque viendra le Jour du Seigneur? Et saint Paul leur rĂ©pond : Vous avez lu dans l’épĂ®tre au sujet des dĂ©funts, nous ne voulons pas que vous demeuriez dans l’ignorance, ceux-ci vont ressusciter Ă©galement et nous si nous sommes encore vivants nous allons ĂŞtre transformĂ©s. MĂŞme si nous ne passons pas par la mort, Il nous transformera, parce que pour participer dans cette phase eschatologique, ultime, dĂ©finitive du Règne de Dieu, la vie Ă©ternelle qui est dĂ©jĂ  initiĂ©e sur cette Terre, Dieu a besoin de transformer l’être humain. C’est pour cela que les morts doivent ressusciter. Ceux qui firent le bien ressusciteront pour la vie Ă©ternelle et ceux qui firent le mal ressusciteront pour l’ignominie et le châtiment. Ceux qui sont vivants vont aussi ĂŞtre transformĂ©s pour ĂŞtre Ă©levĂ©s avec le Seigneur dans sa gloire, ceux qui firent le bien, ceux qui travaillent selon la volontĂ© de Dieu, et les autres, mĂŞme s’ils sont vivants, ils n’échapperont pas Ă  la colère du Seigneur, Il les transformera d’une vie mortelle qui se termine avec la mort, en une vie Ă©ternelle oĂą ils souffriront Ă©ternellement. Il leur donnera une Ă©ternitĂ© de douleur, la seconde mort, comme l’appelle la Bible, ĂŞtre en train de mourir sans pouvoir mourir. C’est une chose terrible, il est vrai, que ce Jour du Seigneur. […]

 

C’est cela, la vie tranquille du chrĂ©tien, ĂŞtre lĂ  oĂą Dieu voudrait me rencontrer Ă  l’heure de ma mort. C’est pourquoi j’aimerais vous demander frères, ainsi qu’à moi-mĂŞme : sommes-nous en ce moment mĂŞme oĂą Dieu veux nous rencontrer, si ce jour Ă©tait celui, oĂą surprenant comme un voleur, Il viendrait pour reprendre notre vie? Combien de disgrâces et de morts dĂ©plorons-nous semaine après semaine? Le Seigneur les aura-t-il rencontrĂ©s en train de vivre leur eschatologie, dans l’attente du dĂ©nouement de leur vie? Est-ce que tous les Salvadoriens se trouvent lĂ  oĂą ils devraient ĂŞtre? 19/11/78, p.305-307, V.

 

 

2) Cette attente ne lui enlève pas son activité, au contraire, il s’agit d’une attente active, sinon elle ne serait pas chrétienne.

 

Quand dans la première lecture d’aujourd’hui (Pv 31,10-13.19-20.31-39) on nous parle de la femme qui se caractĂ©rise par sa force, qui ne met pas sa gloire dans sa beautĂ© ou dans sa vanitĂ© sinon dans la crainte de Dieu, c’est celle-ci qu’il faut louanger, dit la Sainte Bible. Quel merveilleux message pour la femme : vain est le charme, fragile la beautĂ©, les prophètes la comparaient avec l’herbe qui le matin est fraĂ®che et qui Ă  la nuit tombĂ©e n’est rien d’autre que de la paille sĂ©chĂ©e qu’on arrache d’une seule main. La femme qui craint le Seigneur, celle qui est la gloire de son mari, celle qui n’a pas peur des hivers ou du mauvais temps parce qu’elle est toujours prĂ©venue, la femme qui a le sens de l’eschatologie, c’est celle-lĂ  qui mĂ©rite toutes les louanges.

 

Il est difficile pour une femme, dont la nature est la vanité, de comprendre que sa véritable grandeur ne se situe pas dans ses choses extérieures, d’être admiré, mais dans sa louange à Dieu à l’intérieur de son esprit. C’est cela qui constitue la véritable gloire de son mari et de sa famille, non pas les splendeurs externes, mais sa vertu, son christianisme. C’est ici que l’Évangile se situe aujourd’hui également.

 

La belle parabole que nous avons commentĂ©e dimanche dernier, Ă©galement dans le sermon eschatologique du Christ, nous parle des dix jeunes filles qui veillaient pour accompagner l’époux, cinq d’entre elles Ă©taient prudentes et elles furent reçues au festin, alors que les cinq autres ne surent pas attendre et elles s’endormirent dans l’imprĂ©vision. Lorsqu’elles allèrent s’acheter de l’huile, les portes du festin se fermèrent et elles arrivèrent en retard. Le Seigneur leur dit : « Je ne vous connais pas. Â» Comme sera triste cette heure de ceux qui n’auront pas vĂ©cu leur sens eschatologique en demeurant Ă©veillĂ©s, comme ceux qui sont surpris en pleine nuit par le voleur!

C’est pourquoi l’Évangile d’aujourd’hui nous invite Ă  une espĂ©rance active. Un Seigneur confia aux employĂ©s de sa vigne ses avoirs et il partit en voyage. Après un certain temps, il revint. C’est en cela que se situe l’espĂ©rance, après beaucoup de temps, nous ne savons pas quand, mais le Christ voulut laisser par cette expression que ce temps que les chrĂ©tiens doivent passer entre leur attente et la rĂ©alisation de celle-ci, peut ĂŞtre très long. Il y a des gens très âgĂ©s parmi nous et bienheureux ceux qui comme le vieux SimĂ©on vivent dans l’attente et qui comme celui-ci lorsqu’il tient dans ses bras l’enfant JĂ©sus, le RĂ©dempteur, peuvent chanter avant de mourir : « Tu peux renvoyer ton serviteur en paix maintenant parce que j’ai toujours vĂ©cu dans l’attente de cette espĂ©rance. Â»

 

L’enseignement de la parabole des talents se retrouve sous une forme moderne dans le Concile, dans la constitution de l’Église dans le monde de ce temps, quand elle nous parle que ce monde avec ses progrès prépare la matière du Règne de Dieu, et c’est pourquoi nous ne devons pas négliger notre travail en ce monde. Elle inculque au chrétien qu’il ne nous faut pas vivre conformément aux pensées de ce monde, sinon vivre de l’espérance eschatologique.

 

C’est le danger des Thessaloniciens modernes qui croient que si les choses de la Terre ne valent rien, il faut nous préoccuper que des choses célestes. Ils vivent une piété désincarnée, ils se scandalisent quand l’archevêque prêche les devoirs de la Terre, ils qualifient sa prédication de communiste parce que celui-ci exige la justice sociale aux chrétiens qui œuvrent en politique, aux gouvernants, à la police nationale, aux corps de sécurité. S’ils sont chrétiens, ils ne doivent pas oublier qu’il existe une sanction éternelle. Les juges qui se laissent subordonner et à tous ceux qui veulent juger selon les lois de l’État de la Terre, ne doivent pas oublier le sens eschatologique de notre religion qui leur rappelle que viendra le Juge. Prêcher cela, mes frères, c’est se mettre dans la situation du Christ qui veut en vérité un christianisme authentique, intégral. Il est très joli de vivre une piété de chants et de prières, de méditations spirituelles et de contemplation, tout cela arrivera à l’heure du Ciel où il n’y aura plus d’injustice, où le péché ne sera plus une réalité que les chrétiens doivent détrôner. Maintenant, dit le Christ, aux apôtres qui voulaient demeurer pour toujours en contemplation sur le mont Tabor, descendons, il nous faut travailler.

 

C’est pour cela que le Concile dans Gaudium et Spes au numĂ©ro 39,2 dit : « L’attente de la nouvelle Terre, loin d’affaiblir en nous le souci de cultiver cette Terre, doit plutĂ´t le rĂ©veiller : le corps de la nouvelle famille humaine y grandit, qui offre dĂ©jĂ  quelque Ă©bauche du siècle Ă  venir. Â» C’est ce Ă  quoi nous sommes appelĂ©s comme chrĂ©tiens, Ă  reflĂ©ter dĂ©jĂ  pendant notre pèlerinage sur la Terre, Ă  travers notre senti et notre vĂ©cu eschatologique, comme l’aurore qui n’est pas encore le soleil, mais qui nous permet de discerner sa venue. La vie chrĂ©tienne devrait ĂŞtre comme l’aurore du siècle nouveau. La vie chrĂ©tienne remplie d’espĂ©rance, de foi, de saintetĂ© devrait reflĂ©ter aux hommes de l’histoire que tout ne se termine pas sur cette Terre, qu’il y a un Règne de Dieu vers lequel nous marchons et oĂą nous serons heureux, oĂą existeront la justice et l’amour consommĂ©s, sans danger ni profanation, mais en attendant nous ne sommes rien d’autre qu’une lueur, une aurore, une annonce.

 

Le chrĂ©tien qui n’annonce pas ce soleil qui vient n’est pas un chrĂ©tien authentique. Le chrĂ©tien qui offre une rĂ©demption, une libĂ©ration politique, Ă©conomique, purement terrestre et qui oublie d’annoncer ces grandes valeurs de l’éternitĂ©, n’apporte pas aux hommes et aux femmes la vĂ©ritable libĂ©ration. C’est pourquoi j’ai dit dans ma lettre pastorale (aoĂ»t 1978) que l’Église appuie l’effort libĂ©rateur de toutes les organisations, pour autant que ces efforts soient justes. Mais elle ne s’identifie pas Ă  ces organisations, sinon qu’elle donne Ă  celles-ci et aux hommes qui la composent et qui travaillent pour le bien, un espace plus vaste : la vĂ©ritable libĂ©ration, le but de la vĂ©ritable libertĂ©.

Paul VI qui illumine ma pensée continuellement sur ces aspects, cet homme qui sut comprendre son époque, sans jamais trahir son éternité, nous dit qu’un chrétien, un prêtre ou un évêque qui s’incorporerait par exemple, dans une organisation politique populaire, trahirait cette libération éternelle s’il n’annonçait pas la libération du péché et l’authentique libération que le Christ a apportée au monde; que s’il circonscrivait ses efforts libérateurs qu’aux choses politiques, sociales ou économiques de la Terre, il les mutilerait en ne leur donnant pas la véritable force que la libération chrétienne annonce aux hommes. Comprenez bien mes frères, surtout ceux qui appartiennent à ces organisations politiques, que vous ne devez pas vendre votre foi et votre espérance pour des intérêts immédiats. Que cela soit bien entendu de mes détracteurs, que je ne prêche pas une libération de révolution, que je n’ai jamais prêché la violence, au contraire, ce que j’ai écrit dans ma Lettre pastorale, c’est que je déteste la violence, surtout quand elle devient une mystique, comme s’il s’agissait là de l’unique moyen pour arranger les choses.

 

Je plaide pour l’idĂ©al chrĂ©tien de la paix et je dis Ă  tous ceux qui travaillent pour la libĂ©ration de la Terre, ceux qui recherchent en cette pĂ©riode de la cueillette du cafĂ©, de la canne Ă  sucre et du coton, de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail pour les travailleurs : tout cela est très bien, mais que votre effort ne se limite pas Ă  cela, incorporez-y aussi cette affliction de notre peuple qui quitte maintenant leur chaumière, leur canton, pour entreprendre cette migration douloureuse vers les plantations pour chercher ce qui sera l’unique salaire de leur annĂ©e. Plusieurs ne rencontrent pas de travail, mais les outrages, les manigances de ceux qui les volent et les trompent. Comment pourrait-il y avoir un sens de justice Ă©ternelle dans ces relations? Aux uns et aux autres, je leur dis, souvenez-vous de l’Éternel.

 

Alors, le Concile dit (G.S. 39,1) : « C’est pourquoi, s’il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la croissance du Règne du Christ, ce progrès a cependant beaucoup d’importance pour le Royaume de Dieu. Â» Nous les chrĂ©tiens, nous ne sommes pas rĂ©trogrades, nous savons comme l’a dit Ă©galement le PrĂ©sident de la RĂ©publique que les pays doivent progresser. Mais nous voudrions leur dire que le progrès du pays ne suffit pas, qu’il est nĂ©cessaire que celui-ci se fonde sur des ciments de justices, parce qu’autrement, la SĂ©curitĂ© nationale sera uniquement la sĂ©curitĂ© de ceux qui s’enrichissent et le progrès ne profite toujours qu’à une minoritĂ©. Le progrès doit profiter Ă  tous et c’est pour cela qu’il est nĂ©cessaire – comme monsieur le PrĂ©sident l’a dit devant ces rĂ©actionnaires qui ne veulent pas de rĂ©formes sociales – que les lois, le pouvoir moral de l’État ne se contente pas de rĂ©primer comme si tout devait ĂŞtre objet de rĂ©pression et ne pas confondre le terrorisme avec les justes revendications des paysans et des nĂ©cessiteux. Il faut Ă©galement rĂ©primer Ă©nergiquement, ces forces rĂ©actionnaires qui n’admettent pas les changements sociaux, les transformations nĂ©cessaires Ă  notre sociĂ©tĂ©.

 

Nous aimons le progrès, mais non pas simplement parce qu’il est le progrès, sinon lorsqu’il est un progrès en vérité et qu’il n’est pas simplement cette Sécurité nationale pour quelques-uns et la misère croissante pour la majorité. Que ce soit un progrès authentique qui au travers de lois justes, parvienne à se réaliser au bénéfice des nécessiteux, où tous les Salvadoriens rendront au Seigneur les richesses de notre terre.

 

C’est pourquoi le Concile nous dit afin que nous ne nous fatiguions jamais de faire le bien, puisque mĂŞme si nous sommes dans l’attente, nous ne devons pas ĂŞtre fainĂ©ants. (G.S. 39,2) : « Car ces valeurs de dignitĂ©, de communion fraternelle et de libertĂ©, tous ces fruits excellents de notre nature et de notre industrie, que nous aurons propagĂ©s sur Terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiĂ©s de toutes souillures, illuminĂ©s, transfigurĂ©s, lorsque le Christ remettra Ă  son Père « un Royaume Ă©ternel et universel : Royaume de vĂ©ritĂ© et de vie, Royaume de saintetĂ© et de grâce, Royaume de justice, d’amour et de paix. Â»

 

Quelle belle espérance! De sorte que même lorsque nous avons l’impression de ramer à contre-courant, nous savons que nous sommes en train de produire de nombreux fruits de conversion et de sainteté. J’espère, avec la véritable allégresse du chrétien, avec vous tous qui partagez et vous solidarisez avec cette doctrine de l’Église qui n’est pas la mienne, mais celle de l’Église actuelle. Continuez de travailler pour la véritable dignité humaine, continuez d’être vaillants à annoncer la doctrine du Christ. N’ayez pas peur des dénonciations, du péché dans le monde, incarnez la religion dans les réalités de notre histoire parce qu’après l’avoir incarnée et travaillée en ce monde, c’est là la promesse du Christ, nous la rencontrerons pour l’éternité.

 

Je m’imagine, comme lorsqu’on sort d’une mine les pépites d’or, elles sont remplies de terre, mais par un procédé chimique on parvient à extraire les scories et il ne demeure plus que le métal précieux. Bienheureux celui qui a fait de sa vie une mine de travail, peu importe qu’aujourd’hui il soit mélangé aux méchancetés de ce monde. Et le Concile nous rappelle que le péché est au travail également. Le Règne de Satan est aussi dans l’attente parce que les émissaires du diable vont ressusciter également et ils sont nombreux parmi nous. Ils attendent le règne définitif, ils ressusciteront pour l’ignominie, parce que le progrès du monde, dit le Concile, est affecté par le péché des hommes. C’est de là que le progrès du monde ne s’identifie pas avec le Règne de Dieu, parce que le progrès peut être égoïste comme je viens de la dire. Le progrès, la Sécurité nationale, peut être que le bénéfice de quelques-uns et cela c’est un péché. Alors, le progrès véritable ne s’identifie pas avec le Règne de Dieu. Le progrès est ambivalent, il faut faire très attention. Lorsque vous obtenez un poste de travail, une charge mieux rétribuée, rendez grâce à Dieu, mais ayez crainte. Quand vous progressez socialement, politiquement, économiquement, rendez grâce à Dieu, mais faites bien attention parce que ce progrès est ambivalent, c’est-à-dire qu’il vaut pour le bien et pour le mal.

 

Le destin de l’homme est d’être placé sur la terre comme le Seigneur l’a voulu, l’un avec cinq talents, l’autre avec deux, il n’y a pas deux personnes semblables. L’Église ne prêche pas une égalité absolue, ce qu’elle enseigne c’est une justice parmi les inégalités, un amour fraternel. Il n’existe pas deux frères égaux, mais lorsqu’ils s’aiment, comme ils partagent fraternellement les préoccupations, les avoirs et aussi les afflictions. Ainsi, dit le Concile en rappelant une phrase de l’épître de saint Paul aux Romains, vous qui vivez dans le monde, poussant le monde dans le sens du progrès, ne vous conformez pas à la figure de ce monde, c’est-à-dire à la vanité, à la malice qui transforme en instrument de péché l’activité humaine que Dieu a voulu ordonner à son service et à l’amour des hommes. C’est pour cela que nous travaillons. Parmi nous il y a de nombreux efforts, béni soit Dieu, pour ce travail de promotion qui vise le progrès humain. […] L’Église veut mettre dans votre cœur la véritable sagesse, un esprit, une mystique pour vous dire que le progrès ne doit pas être confondu avec le Règne de Dieu, mais il aide ce Règne lorsqu’il est orienté vers le bien de tous. 19/11/78, p. 307-311, V.

 

 

3) Le Retour est ce retour du Christ que nous attendons?

 

Je termine notre homĂ©lie pour nous approcher de l’autel avec cette merveilleuse pensĂ©e des lectures d’aujourd’hui que nous avons intitulĂ© : « Une CommunautĂ© dans l’attente active du retour du Christ. Â» Nous allons dire bientĂ´t lors de la consĂ©cration de l’hostie : « Viens, Seigneur JĂ©sus! Â» N’oubliez pas mes frères que nous vivons en vĂ©ritĂ© dans l’attente de Quelqu’un qui vit et qui vient. Ne nous trompons pas. Cette attente a pris dans l’Église des noms très prĂ©cieux, la dernière fois je vous ai dĂ©crit la « Parousie Â», un nom d’origine grecque qui signifie la prĂ©sence, l’avènement d’un gouverneur, d’un empereur qui arrive.

 

 

Nous espérons le grand Empereur, Le Christ Notre Seigneur.

 

On la nomme Ă©galement l’Épiphanie, nom grec Ă©galement qui reprĂ©sente la manifestation du divin. Dieu va se rĂ©vĂ©ler publiquement, son empire va ĂŞtre manifestĂ© au monde. Bienheureux ceux qui L’espĂ©rèrent et qui vĂ©curent activement cette attente. Nous l’appelons aussi l’Apocalypse, nom que prit le dernier livre de la Bible. L’Apocalypse est la manifestation, la rĂ©vĂ©lation, c’est pourquoi elle est dĂ©crite dans ces termes apocalyptiques. Ne nous laissons pas confondre par ces figures un peu imaginatives de la Bible. Comme lorsque saint Jean dit que le Christ viendra sur les nuĂ©es et que nous sortirons Ă  sa rencontre. Ce sont lĂ  des termes apocalyptiques, ce qui nous intĂ©resse en rĂ©alitĂ©, c’est qu’Il va apparaĂ®tre et que tous ceux qui l’attendent par leur activitĂ© chrĂ©tienne, rencontreront leur rĂ©compense comme l’a dit l’Évangile d’aujourd’hui (Mt 25) : « Bons serviteurs, entrez dans la joie du Seigneur. Â» Quel bonheur sera ces fĂ©licitations du Seigneur!

 

Mais frères, cette eschatologie de l’Épiphanie, de la Parousie, de l’Apocalypse, doit être vécue dès maintenant. Je vous ai déjà expliqué que l’eschatologie ce n’est pas uniquement attendre le futur, il y a une eschatologie du présent et si vous voulez avoir une idée très claire de cela, lisez l’Évangile de saint Jean et les épîtres de Jean. C’est l’homme qui vécut le mieux l’eschatologie du futur dans le présent. […] Si je suis déjà dans l’espérance du Seigneur, dit le Concile, je vis dès à présent le Règne de Dieu qui est déjà présent mystérieusement dans l’histoire.

 

Le Règne de Dieu est dĂ©jĂ  en nous dit le Christ : le Règne de Dieu est dans votre cĹ“ur. Entrons dans notre cĹ“ur et vivons-le dès Ă  prĂ©sent. Convertissons-nous, vivons l’allĂ©gresse de l’Eschatologie. Le Christ initia l’Eschatologie depuis qu’Il est ressuscitĂ© d’entre les morts. Il a dĂ©jĂ  posĂ© l’espĂ©rance qu’Il dit Ă  Marthe devant la mort de Lazare : « Celui qui croit en Moi, mĂŞme s’il meurt, il vivra. Â» Le Christ est vivant et c’est cela, le plus beau de notre dimanche : venir Ă  la messe, c’est venir Ă  la rencontre du Seigneur. 18/11/78, p.316, V.