L’Église, Vigne du Seigneur
Vingt-septième dimanche du temps
ordinaire; 8 octobre 1978; Lectures : IsaĂŻe 5,1-7; Philippiens
1,20c-24,27a; Matthieu 20,1-16.
J’ai intitulé l’homélie
d’aujourd’hui : «L’Église, Vigne du Seigneur », et je vais vous la
présenter comme d’habitude en trois points
Plan de l’homélie :
1) La Seigneur planta l’Église dans
le monde comme une vigne
2) Dans cette vigne, qui est
l’Église, se reflètent les crises du Règne de Dieu
3) La Victoire sera du Christ Ă
travers son Église
1) La Seigneur planta l’Église dans
le monde comme une vigne
À la lumière de ces pensées, nous
allons voir si notre Église, dans l’archidiocèse, est l’authentique vigne que
planta le Seigneur. Et Ă partir de cette vigne, qui est une crise continuelle
en ce monde, nous éclairerons également la réalité historique qui nous entoure
parce qu’en cela aussi se reconnaît l’authenticité du message du Christ, au
moyen de cette Église sarment.
En premier lieu, le Seigneur planta
l’Église comme une vigne. Il est sûr qu’au temps d’Isaïe (5,1-7) l’Église du
Christ n’existait pas encore, mais nous venons de dire dans le psaume de
réponse, que la vigne est le peuple d’Israël, peuple favori dans lequel Dieu va
présager, annoncer, et perfectionner sa pédagogie jusqu’à parvenir au jour où
le Christ fonda une Église, notre Église, cette multitude de la cathédrale,
tous ces baptisés qui se réunissent aujourd’hui autour de ces autels, c’est
l’Israël de Dieu, c’est le nouveau peuple que le Seigneur planta. Dans cet
Israël qui se traduit au Nouveau Testament, l’Église du Christ, il y a deux
éléments qui sont d’une grande importance et dont nous devons tenir compte.
L’élément humain, la terre où s’enracine cette vigne et deuxièmement, comme en
toute vigne, le sarment chrétien. Le sol où est plantée cette vigne c’est
l’être humain, c’est nous, ce furent nos ancêtres, ce fut Israël et la
descendance d’Abraham, ce sont tous les peuples. Dieu a créé le monde et dans
le monde, il a créé le genre humain, avec une capacité merveilleuse pour qu’en
lui soit semé ce sarment chrétien.
Mais avant d’être chrétien, la
société doit être humaine. Et ici, il est merveilleux de lire la seconde
lecture de saint Paul (Ph 4,6-9) qui nous parle précisément des valeurs
humaines. Frères, tout ce qui est vrai, noble, juste, pur, aimable, louable,
prenez tout cela en compte. Ce n’est plus le temps de vivre cette dichotomie
entre le créé et le racheté. Le même Verbe de Dieu qui s’est fait chair pour
racheter le monde et pour christianiser le monde, est le Verbe qui avant de
s’incarner, était la Parole de Dieu par qui ont été créé toutes les choses.
C’est-à -dire qu’avant de planter ce sarment du Christ, Dieu a créé une humanité
ayant la capacité de recevoir toute la sagesse divine que suppose ce sarment
planté dans l’humanité.
Il est certain qu’on peut distinguer
théologiquement la nature et la grâce, que ce n’est pas toutes vérités, toutes
bontés, qui sont spirituelles, mais il est certain que ce qui est surnaturel,
tout ce qui doit être récompensé pour l’éternité, tout le noble, le saint des
humains possède d’abord et avant tout une base naturelle, de sorte que nous
disons en théologie, que la grâce ne détruit pas la nature, qu’au contraire, la
grâce suppose la nature. C’est
pourquoi un criminel, un menteur, un traître, qui n’est pas humain, ne peut pas
entrer dans le Royaume des cieux, il doit d’abord se convertir et être avant
tout un homme. L’hypocrisie n’entre pas dans le christianisme.
Lorsque le Concile Vatican II,
parlant du peuple de Dieu et se rĂ©fĂ©rant aux non chrĂ©tiens, aux non baptisĂ©s, Ă
ce monde immense que nous appelons les terres de missions, les terres paĂŻennes,
le Concile dit une phrase très respectueuse dans Lumen Gentium 16 : « En effet, tout ce que l’on trouve
chez eux de bon et de vrai, l’Église le considère comme un terrain propice Ă
l’Évangile et un don de Celui qui éclaire tout homme, pour qu’il obtienne
finalement la vie. » Voyez quelle belle aurore du christianisme éclaire
déjà ces peuples où le missionnaire va avec le sarment chrétien et là il
rencontre un terrain propice à la réception de l’Évangile. Rappelez-vous cet
événement, lorsque saint Paul reçoit l’appel d’un peuple païen qui lui demande
de venir et de les aider. Et Paul y reconnaît la voix de l’Esprit qui clame
depuis le paganisme, depuis les gentils.
Frères, combien de bonté, combien de
vérité, combien de bien y a-t-il au-delà des frontières chrétiennes? Respectons
cela, parce que souvent nous croyons, parce que nous sommes de l’Église, que
nous sommes les meilleurs au monde. Qui sait? Qui sait si ici à l’intérieur de
l’Église nous ne sommes pas moins bons, moins nobles, moins humains que ceux
qui sont au-dehors de l’Église où ils espèrent avec la préparation de
l’Évangile, avec une noblesse véritablement digne, que leur parvienne le
christianisme. Et c’est alors qu’arrive à cette terre déjà imbibée, à cette
terre dont saint Paul nous a décrit toute la bonté, toute la noblesse, le pure,
l’aimable, le juste. Frères, tout cela n’est pas perdu, tout cela est une
préparation à la réception de l’Évangile et c’est pourquoi nous ne devons pas
être fanatiques. Le fanatisme parmi les chrétiens a fait beaucoup de mal, c’est
l’orgueil du fils aîné qui dénonce l’enfant prodige : celui-ci est mal, je
suis bon. Mais c’est le fils prodigue qui était le meilleur des deux parce
qu’il venait avec un cĹ“ur repenti apporter davantage d’amour que de repentir Ă
son père, alors que le fils aîné, aigri par sa fausse fidélité, était
hypocrite.
Le sarment chrétien a été décrit par
les récents documents de l’Église avec des traits émouvants. Je me souviens
lorsque Paul VI, cet homme merveilleux, celui dont on a dit que l’histoire
l’aimera davantage que ces propres contemporains. Nous ne connaissons pas
encore tout le trésor de l’ecclésiologie que nous a laissé Paul VI, qui dans sa
première encyclique disait : « Qu’est-ce que fait le baptême? Le
baptême est le moment où le sarment chrétien est semé comme une vigne
surnaturelle de Dieu dans l’âme naturellement chrétienne (comme disait
Tertullien). Tout homme est naturellement chrétien. Il existe un germe de noblesse,
mais le chrétien ne provient pas de lui, c’est pour cela qu’on le nomme
surnaturel, parce qu’il vient sur la nature, il se situe au-delà de mes
exigences. » Alors le baptême, respectons ce moment précieux où un fils de
la chair, peut-être né d’un couple noble, loyal et bon, mais qui n’est rien
d’autre que le fils de la chair, qui par le baptême va être incorporé au
sarment de Dieu. Dieu va planter sa main dans le cœur de ce petit enfant que va
baptiser le christianisme, le sarment, le Christ. DĂ©finissant ce moment du
baptême, Paul VI disait : « Il s’agit d’une vigne nouvelle qui ne
perd rien de son humanité, sauf l’héritage déplorable du péché originel et qui
est capable de rendre compte des meilleures expressions humaines et
d’expérimenter les fruits les plus riches et les plus purs. »
Quelle chose plus belle! Le
christianisme ne vient pas pour enlever nos qualités humaines. Ceux qui croient
que l’Église vient avec des idées subversives, avec des rivalités politiques ou
de société, ceux qui croient appuyer l’Église uniquement dans les valeurs
humaines, oublient ce chant, lorsque les mages viennent demander Ă HĂ©rode oĂą
est né le Christ, où Dieu a planté le sarment qui va donner naissance à la vie
éternelle de l’humanité. Hérode fut jaloux de ce nouveau Roi et l’Église
chante : Hérode, n’aie pas peur, Il ne vient par pour enlever les pouvoirs
temporels Celui qui vient pour nous offrir des règnes éternels. C’est cela le
christianisme, il n’entre pas en rivalité avec les pouvoirs de la terre, Il
vient pour donner des germes d’éternité aux pouvoirs et à tous ceux qui veulent
semer ce sarment dans leur cœur. Le christianisme est le germe d’une vie
nouvelle, les hommes nouveaux, les sociétés nouvelles ne changeront pas leur
système, cela continuera d’être un système démocratique, mais si des chrétiens
sont véritablement ceux qui vivent ce système démocratique, ils ne feront pas
de celle-ci une farce, ils en feront plutôt le canal pour animer la société de
la vie de Dieu, ouvrant des causes, des expressions de liberté, de dignité,
valorisant le noble et le bon qu’il y a dans le genre humain et dans la société
salvadorienne.
Réprimer l’Église pour l’empêcher de
planter son sarment chrétien, c’est être très ingénu ou très pervers. Quand,
déjà au crépuscule de sa vie, avec plus de maturité, Paul VI écrit sur la
mission de l’Église en ce monde et de l’évangélisation. Dans Evangelii
Nuntiandi numéro 19, il dit : « La fin de l’évangélisation est de
transformer les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points
d’intérêts, les lignes de pensée qui sont en contradiction avec la Parole de
Dieu et avec le dessein du Salut. » C’est pour cela qu’il dit :
« Nous ne devons pas évangéliser d’une manière décorative, comme celui qui
donne une couche de peinture au-dessus d’un morceau pourri qu’il cherche Ă
dissimuler. » C’est malheureusement cela l’évangélisation de plusieurs qui
veulent être bien avec le Christ et avec le démon de ce monde. Nous ne pouvons
évangéliser ce qui demeure pervers, nous ne pouvons pas appeler au baptême
celui qui vit dans l’égoïsme. Évangéliser c’est s’engager, c’est mettre au
service de Dieu toutes ces qualités humaines que par héritage naturel nous
avons reçues de nos parents. Toute cette culture qui par héritage est la
figure, l’âme, le sens de la
patrie. Le christianisme est la manière la plus patriotique
qu’il puisse y avoir.
C’est ici, dans l’atmosphère
chrétienne de nos temples, dans nos réflexions de la Parole, dans les groupes
des communautés de base, c’est là où est prêché le patriotisme authentique. Le
persécuter, c’est détruire la patrie. Persécuter le christianisme, c’est se
suicider.
Quel est le fruit alors, à la lumière
de la Parole d’aujourd’hui, de cette vigne que planta la main du Seigneur sur
notre terre? Faisons-Lui honneur, mes frères, quelle coïncidence heureuse, nous
allons célébrer bientôt, le jour de la race. Célébrons-le
dans un sens d’Action de grâce, parce que les missionnaires apportèrent le
sarment chrétien à notre Amérique. La noblesse était déjà présente chez nos Amérindiens.
Était déjà présent ici ce qu’il y a de bon chez l’être humain, mais ils
n’étaient que les fils de la chair, ils ne possédaient que l’héritage naturel.
Sans doute que, comme saint Paul, les missionnaires d’il y a cinq siècles
auraient pu dire aux indigènes d’Amérique : tout le noble, le juste, le
pure, l’aimable, le louable, tenons en compte. Il est dommage que
l’évangélisation n’ait pas eu une notion aussi claire que celle que l’Église
possède aujourd’hui. Il est regrettable également que cette œuvre fût
entreprise avec l’épée et les armes de sorte que la croix et le signe des
chrétiens leur furent imposés de force. Ce n’est pas ainsi qu’on convainc un
peuple. Ce n’est pas en imposant une civilisation étrangère, en anéantissant
toutes les bonnes valeurs de ceux qui étaient ici. Grâce à Dieu, la pastorale
moderne redécouvre tout ce qu’il y a de noble, de saint, de bon qu’il y avait
également chez nos indigènes et qui court encore dans leurs veines. Ces valeurs
constituent encore une exigence du sarment du Christ qui veut être planté dans
une terre authentique, dans une terre véritable.
C’est pourquoi l’Église réclame
l’autonomie pour annoncer ce que le Christ lui commande de prêcher sans être
conditionné par ce que les autres veulent entendre. C’est le sarment de Dieu
qui vient se greffer avec ses germes de vie Ă©ternelle sur cette terre naturelle
que les hommes lui ont préparée, dans la mesure où, même humainement, nous
tentons de nous ennoblir. N’oublions pas mes frères, ces deux éléments pour
être de bons chrétiens. L’élément naturel, cultivons-le.
Ces vertus d’honnêteté, de justice,
de loyauté, tout ce qui constitue l’amitié sincère, même sans être chrétiens
nous la ressentons même envers les païens, parce qu’il existe de nombreuses
qualités chez l’être humain. Mais comme chrétien, cultivons également ce second
élément. Ce que nous donna le baptême, ce que sema le Christ, les sacrements.
Vivons dans la grâce en fuyant le péché, vivons conformément à la loi du
Seigneur, et alors, comme disait IsaĂŻe, les fruits seront ceux-ci. Lorsque Dieu
déplore l’échec de sa vigne, avec quelle tristesse il annonce (la vigne du
Seigneur des Armées c’est la maison d’Israël, ce sont les hommes de Judas) (Is
5,7) : « Il attendait le droit et voici l’iniquité, la justice et
voici les cris. » L’humain et le chrétien, au Salvador, devraient avoir
produit la paix, le droit et la justice. Comme notre patrie serait différente si
elle avait produit ce que Dieu planta, mais Celui-ci se sent détruit devant
certaines sociétés, et je crois que les pages d’Isaïe (5,1-7) et de saint Paul
(Ph 4,6-9) de ce dimanche reflètent la triste réalité salvadorienne.
« J’attendais le droit et J’ai
l’assassinat, J’attendais la justice et J’ai les lamentations. » Il ne
s’agit pas de semer la discorde, mais de crier vers Dieu qui pleure, Dieu
ressent la lamentation du peuple parce qu’il se commet de nombreux outrages à la dignité. Dieu entend
les complaintes des paysans qui ne peuvent plus dormir dans leur maison parce
qu’ils fuient la nuit, Il entend les pleurs des enfants qui réclament leurs
pères qui ont disparu : où sont-ils? Ce n’est pas cela que Dieu attendait,
non pas une patrie salvadorienne comme celle que nous vivons, qui devrait ĂŞtre
le fruit d’une semence d’humanisme et de christianisme. 08/10/78, p.229-233, V.
Le sarment du Christ semble frustré,
si ce n’était que grâce à Dieu, il existe aussi, comme nous allons voir, bien
du bon au Salvador. Mais je voudrais me concentrer d’abord sur ce second point.
Dieu sema une vigne est c’est son Église. Et dans cette Église, comme dans une
zone de rencontre entre Dieu et les hommes – entre la terre que les hommes
préparent et la vigne que Dieu sema –, ici se reflètent les énormes crises du
Royaume de Dieu. Je voudrais vous rappeler, que pendant toute cette année, la
lecture de base des dimanches a été celle de l’Évangile de saint Matthieu
duquel je vous ai déjà expliqué le schéma (selon les exégètes, il s’agit de
l’Évangile le mieux organisé pour présenter la grande nouvelle que le Christ
apporta au monde : le Règne de Dieu est parvenu aux humains). Et nous nous
retrouvons déjà dans cette dernière section de l’Évangile (21,33-43) qui nous
relate l’entrée de Jésus à Jérusalem. Dans cette section, on nous décrit ce
moment de crise oĂą le Christ affronte les prĂŞtres, les pharisiens, les
dirigeants de Jérusalem qui vont trahir l’histoire. Le Règne de Dieu apparaît
en crise. Les paraboles du Christ reflètent cette crise. La Parole
d’aujourd’hui est terrible. Les mêmes dirigeants d’Israël, mentionnés dans l’Évangile :
les membres du sanhédrin, les sénateurs qui dans le langage d’aujourd’hui
seraient les évêques, les députés, les ministres, les gouvernants, les
dirigeants du peuple, la classe capitaliste, ceux qui détiennent la puissance
de l’argent – c’est à ceux-là que le Christ fait face et c’est à eux que fait
référence la parabole de la vigne.
2) Dans cette vigne, qui est
l’Église, se reflètent les crises du Règne de Dieu
Un seigneur fit planter une vigne et
la loua. À l’époque de la récolte, il envoya ses serviteurs pour en recevoir
les fruits, comme cela était courant à l’époque de Jésus, il se produit alors
un litige entre le propriétaire et les vignerons. Un conflit de travail,
dirions-nous, mais si terrible qu’ils tuèrent les envoyés du seigneur, ils
allèrent même jusqu’à tuer son propre fils qui est la représentation du Christ
(Cf. Mt 21,33-43). Et alors le Christ demande, en se faisant presque l’écho de
la prophétie d’Isaïe (5,3-4) : « Soyez juge entre moi et ma vigne.
Que pouvais-je encore faire pour ma vigne que je n’aie fait? Pourquoi
espérais-je avoir de beaux raisins, et a-t-elle donné des raisins
sauvages? » Ce sont de fruits vains qui ne peuvent être mangés, qui ne
servent à rien, tant de travail pour cela. Et si l’on produisit des fruits, cela
fut dans le conflit et l’on refusa de donner au seigneur les fruits de sa vigne
et ils tuèrent les envoyés, il s’agit des prophètes, des envoyés de Dieu, de
ceux qui dénoncent les injustices des hommes. C’est cela la crise. C’est la crise que
l’Évangile doit vivre tout au long de l’histoire. Un Dieu qui sème une vigne et
qui espère des fruits, mais qui au lieu d’y recueillir des fruits, ne reçoit
que des crimes, des assassinats, ce qu’Il n’a pas semé, et par ailleurs des
injustes qui outragent ses prophètes et ses envoyés.
Saint Paul, juif mais chrétien avant
tout, analyse dans son épître aux Romains, que nous avons étudiés il y a
quelques dimanches, cette crise en disant : « J’ai été envoyé aux
gentils parce que vous, les Juifs, l’Israël où Dieu a planté sa vigne vous êtes
rendus indignes, vous avez refusé d’obéir à Dieu, vous avez préféré les lois de
Moïse à la foi en Jésus-Christ et c’est pour cela que nous les chrétiens (qui
savons que Moïse et ses lois, l’Ancien Testament, sont dépassés, que seul demeure
ce qui a été confirmé par le Christ) nous tournons vers les peuples païens et
que je prêche à ceux-ci. (Rm 11,13-14) : « Or je vous le dis, les
païens, je suis bien l’apôtre des païens et j’honore mon ministère, mais c’est
avec l’espoir d’exciter la jalousie de ceux de mon sang et d’en sauver
quelques-uns. » Et l’épître aux Romains dit cette phrase si précieuse,
afin que personne ne s’enorgueillisse en croyant que la vigne chrétienne est le
résultat de ses propres efforts, saint Paul dit : « De sorte que la
désobéissance des Juifs et la révolte des gentils qui refusèrent d’accepter le
Christ et qui maintenant l’acceptent, nous enferme tous, Juifs et gentils dans
le péché pour que Dieu soit le Rédempteur de tous les hommes. »
C’est le plan de Dieu, nous devons
nous sentir pécheurs, les Juifs qui furent les privilégiés. La terre où Dieu
planta sa vigne dédaigna cette vigne et c’est pour cela qu’elle s’étendit au
peuple gentil. Les gentils que nous sommes, avons accepté cette vigne. Béni
soit Dieu! Que nous dit cette cathédrale remplie de fidèles? Que cette vigne
possède des grappes remplies d’espérance. Et alors, le peuple juif quand il
songera Ă la grandeur qu’il mĂ©prisa, se convertira au Christ. Ainsi comme Ă
nous, gentils, nous ont été pardonnés nos péchés et a été semé en nous le
sarment chrétien, pour les Juifs également, leur sera pardonnés leurs péchés et
le sarment chrétien y sera semé également, car le projet de Dieu se sert de ces
crises de l’histoire de l’Église. […]
Il y a des crises dans le cœur de
chaque chrétien et je vous dis, très chers frères, si en ce moment un chrétien
au Salvador ne ressent pas cette crise, c’est qu’il n’a pas réfléchi sur la
signification du message de Dieu et de sa semence en ce monde. Plusieurs ont
déjà surmonté cette crise et se sont engagés pour le Règne de Dieu. Plusieurs
l’ont surmontée dans le sens contraire et se sont installés dans leurs
commodités. Il est plus facile de dire que l’Église est communiste, qui va la
suivre? Mais quelques-uns, s’ils sont en crise, ne savent pas quoi faire. La
faute n’est pas de Dieu ni de l’Église. La faute est de la liberté de chacun,
qui doit résoudre dans sa propre conscience, avec qui il est. Et Dieu Notre
Seigneur vous offre ses fruits merveilleux si vous laissez grandir en vous ce
sarment qui produira des grappes merveilleuses de Vie Éternelle. C’est cela le
plan de Dieu, c’est pourquoi l’Église est la vigne où le Règne de Dieu sera
toujours en crise. Bienheureux ceux qui sentent et vivent la crise et qui la
résolvent par un engagement avec Notre Seigneur.
Je me réjouis énormément qu’en cette
heure de crise, précisément, plusieurs qui étaient endormis se soient réveillés
ou tout au moins se demandent où est la vérité. Recherchez-la.
Saint Paul nous indique le chemin avec la prière, avec la
réflexion, apprenant à discerner le bon. Ce sont des critères merveilleux. Où
est le noble, le bon, le juste, c’est par là que se trouve Dieu. Qu’en plus de
ces biens naturels se trouvent la grâce, la sainteté, les sacrements,
l’allégresse de la conscience divinisée par Dieu. C’est là qu’est Dieu. Non pas
ailleurs, dans des accommodations qui produisent une paix très factice, des
victoires très fausses. C’est pourquoi je vous invite à ce que nous vivions
avec cette Église l’intensité de sa communauté, de sa foi, de son espérance.
08/10/78, p.233-235, V.
3) La Victoire sera du Christ Ă
travers son Église
« Je suis la Vérité et la Vie!,
dit le Seigneur, et tous ceux qui demeurent avec moi, porteront de nombreux
fruits. » C’est un appel à ce que nous secondions les désirs de Dieu qui
veut que sa vigne produise de nombreux fruits. Faisons en sorte qu’en notre
cœur ce sarment qui a été planté le jour de notre baptême, produise non
seulement ces vertus naturelles, si propres au peuple salvadorien. Celles-ci
sont une gloire, je les ai déjà mentionnées sous plusieurs aspects, mais cela
ne suffit pas. Semons en cette terre d’abondance, le sarment du Christ, la Vie
éternelle, la foi, la prière, notre messe dominicale, les sacrements, tout cela
qui nous élève à des perspectives transcendantes et qui nous fait espérer même
au milieu des crises et des difficultés des injustices et des outrages de cette
terre, la grande espérance que tout n’est pas perdu, parce que la vigne du
Seigneur est bien plantée en notre terre. 08/10/78, p.239, V.