L’Église de Jean-Paul I

 

Vingt-sixième dimanche du temps ordinaire; 1er octobre 1978; Lectures : ÉzĂ©quiel 18,25-28; Philippiens 2,1-11; Matthieu 21,28-32.

 

La justice de Dieu est impartiale, qu’il s’agisse de Papes, de rois ou de simples chrétiens. Le Peuple de Dieu se doit d’implorer la miséricorde du Seigneur, parce que personne ne se sauve par ses propres mérites – nous l’avons appris ici en lisant saint Paul (Ph 2,1-11) –, mais en s’appuyant sur la miséricorde infinie et dans les mérites infinis de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) La Responsabilité personnelle des hommes

2) L’Église de la communion

3) Le Christ Notre Seigneur

 

 

1) La Responsabilité personnelle des hommes

 

Dans la première lecture (Ez 18,25-28) d’aujourd’hui et dans la parabole des deux fils (Mt 21,28-32), apparaĂ®t une chose : la responsabilitĂ© personnelle des hommes et la volontĂ© de Dieu en ce qui les concerne. Il dit Ă  ses deux fils, c'est-Ă -dire Ă  l’humanitĂ© : « Aujourd’hui je veux que tu ailles travailler Ă  ma vigne, je veux te donner la Vie et une vocation. Â» Tous ceux qui se trouvent ici en train de faire cette rĂ©flexion nous avons une vocation – dès le dĂ©part la vocation de vivre, la vocation de l’intelligence, les talents, les professions – c’est ce que nous commande le Seigneur dont la volontĂ© s’inspire de sa Justice. Jean vint pour nous enseigner la Justice de Dieu et les commandements du Seigneur. Le Pape Jean-Paul I, qui Ă©tait un grand catĂ©chiste, parsemait d’enseignements catĂ©chistiques ses audiences les plus solennelles en leur parlant comme le fait tout bon catĂ©chiste de la loi de Dieu.

C’est la volontĂ© de Dieu. C’est la mission des hommes. Et face Ă  ce Dieu qui nous commande, l’être humain peut rĂ©pondre de deux manières comme la parabole nous l’indique : « Je ne veux pas y aller Â», c’est le cri de Lucifer : « Je ne servirai pas Â», c’est le cri des pĂ©cheurs, c’est le cri de la rĂ©bellion, c’est malheureusement la majoritĂ© des hommes qui croient que la libertĂ© leur a Ă©tĂ© donnĂ©e pour rejeter Dieu et non pour rechercher Dieu librement. Combien de fils mal Ă©levĂ©s disent Ă  Dieu : « Je ne veux pas! Â», comme l’enfant qui tape du pied devant sa mère, c’est souvent ainsi que nous sommes devant Dieu : « Je ne veux pas! Â»

 

L’autre fils, celui qui est bien Ă©levĂ© rĂ©pond Ă  Dieu : « Oui, avec grand plaisir je vais y aller Â», mais il n’y alla pas. Le premier se repentant, dit Ă  son père : « Je vais y aller Â», ou sans rien dire il s’en va faire la volontĂ© de son père. Le Christ demande : « Qui des deux fils fit la volontĂ© de son père? Â» Et nous tous pouvons Lui rĂ©pondre comme rĂ©pondirent ses auditeurs : le premier rĂ©pondit non, mais y alla et le second, le bien Ă©levĂ©, en apparence, dĂ©sobĂ©it Ă  son père.

Le Christ en tire les consĂ©quences, quelles consĂ©quences difficiles! Rappelez-vous que nous sommes dans la section de l’Évangile de saint Matthieu oĂą, rĂ©flĂ©chissant sur les premières communautĂ©s chrĂ©tiennes, il nous prĂ©sente le conflit, la crise qui existera toujours au sein de l’Église, entre la volontĂ© de Dieu et celle des hommes. Et lĂ  se trouvaient, face au Christ, les dirigeants d’IsraĂ«l : prĂŞtres, gouvernants politiques, professionnels (selon l’époque) et le Christ, sans crainte, leur dit une chose bien dure (Mt 21,31) : « En vĂ©ritĂ©, je vous le dis, les publicains et les prostituĂ©s arrivent avant vous au Royaume de Dieu. Â» Croyez-moi mes frères, j’ai bien aimĂ© me remĂ©morer cette parole du Christ pour dire Ă  tous les pĂ©cheurs et Ă  moi le premier, d’avoir confiance dans le Seigneur, que si nous avons eu l’audace de lui rĂ©pondre : « Je ne veux pas te servir Â» et que nous sommes allĂ©s sur les chemins des plaisirs interdits ou des gains illicites (comme Ă©tait la vie des publicains et des prostituĂ©es), le Christ nous dit que nous pouvons passer devant ceux qui se croient sur le bon chemin du Règne des Cieux. Qui est certain d’avoir obĂ©i?

 

En effet, dit le Christ : « Jean prĂŞcha la pĂ©nitence en disant aux pĂ©cheurs : convertissez-vous; et plusieurs prostituĂ©es et de nombreux publicains crurent en Jean. Mais vous, les dirigeants, vous n’avez pas voulu le croire, bien plus, vous l’avez calomniĂ©. Jean est venu pour prĂŞcher la justice et vous l’avez traitĂ© de possĂ©dĂ©. Si le terme communiste avait existĂ©, ils l’auraient traitĂ© de communiste. Tous ceux qui prĂŞchent la justice finissent par rencontrer tĂ´t ou tard le rocher dur de ceux qui ne veulent pas se convertir et orienter leur vie et leurs relations avec les autres selon les chemins de la justice. Ceux-ci se doivent de qualifier de ces Ă©pithètes Jean-Baptiste et tous les autres qui tentèrent de l’imiter. Parce qu’ils ne le crurent pas, le Christ leur dit : Jean est venu et vous ne l’avez pas cru. Mais par contre, les pĂ©cheurs l’écoutèrent comme une Parole d’espĂ©rance : Dieu peut nous pardonner.

 

Ă€ propos, puisque nous rendons hommage Ă  la pensĂ©e de Jean-Paul I, un des Ă©pisodes qui m’a Ă©mu beaucoup, parmi ceux de son bref pontificat. On raconte qu’une femme s’approcha du trĂ´ne pontifical durant une audience gĂ©nĂ©rale pour lui dire : « Saint-Père, je me sens si vide, pĂ©cheresse, est-ce que je me sauverai? Est-ce que le Seigneur me pardonnera? Â» Et le Saint-Père lui rĂ©pondit : « Quel âge as-tu? Â» Elle lui rĂ©pondit : « J’ai trente ans. Â» Il lui rĂ©pondit : « Pourquoi t’affliges-tu? Tu es jeune, tu as encore plus ou moins quarante annĂ©es encore devant toi. Pourquoi ne profites-tu pas de ta vie pour te repentir et pour marcher par le bon chemin? Et sur le chemin de cette prostituĂ©e se fit la lumière que Jean-Baptiste alluma il y a vingt siècles. C’est la lumière que l’Église continue d’allumer et je n’ai pas honte que mon humble parole connaisse l’immense honneur d’être un rayon de lumière et d’espĂ©rance qui arrive peut-ĂŞtre jusqu’aux bordels, jusqu’aux repères des criminels, jusqu’aux tavernes des viciĂ©s. Je sais qu’on m’écoute en de nombreux lieux.

 

Puisse Dieu, la Parole du Christ parvenir aujourd’hui à ceux qui en ont davantage besoin. Les publicains et les prostituées marchent devant sur les chemins du Royaume lorsqu’ils entendent Jean qui est venu prêcher le repentir et la justice, et non pas vous, menteurs et orgueilleux qui ne cherchent qu’à critiquer et à dénaturer la Parole de l’Évangile. Puisse le Seigneur qu’il ne soit pas trop tard lorsque vous vous repentirez de vos erreurs. 01/10/78, p.221-222, V.

 

« La première lecture (Ez 18,25-28) d’aujourd’hui ratifie cette pensĂ©e de la parabole (Mt 21,28-32). Ce sont les temps oĂą IsraĂ«l, alors que vivait ÉzĂ©quiel, ressentait le châtiment de l’Exil comme une punition de Dieu. Ils pensaient que leurs pères Ă©taient pĂ©cheurs, et qu’ils devaient expier les pĂ©chĂ©s de leurs pères. Et le prophète ÉzĂ©quiel est un des prophètes qui s’est dĂ©marquĂ© pour avoir soulignĂ© la responsabilitĂ© personnelle de celui qui pèche. Souvenez-vous lorsque les apĂ´tres demandèrent au Christ au sujet d’un aveugle : « Qui a pĂ©chĂ©, lui ou ses parents? Â» Et le Christ rĂ©pond : « Ni lui, ni ses parents n’ont pĂ©chĂ©, il est aveugle afin de rĂ©vĂ©ler la gloire de Dieu. Â» Mais mĂŞme lorsqu’il y a pĂ©chĂ©, dit le prophète ÉzĂ©quiel : « Chacun demeure responsable devant Dieu de sa propre conscience. Â» N’oublions pas cela mes frères. Il est certain que les Ă©vĂŞques Ă  MedellĂ­n dirent qu’il existe un pĂ©chĂ© structurel, un pĂ©chĂ© communautaire, social, c’est ce que nous appelons : l’environnement. Mais par delĂ  l’environnement, par delĂ  les structures de pĂ©chĂ©, Dieu ne demandera pas des comptes aux structures, il en demandera aux hommes et aux femmes qui vivent dans ces structures. Le jugement de Dieu, dit le prophète ÉzĂ©quiel, sera selon son procĂ©dĂ©. Si un mauvais s’est converti et qu’il a accompli le droit et la justice, il vivra. Dieu le sauvera parce qu’il s’est converti et si un bon, aussi saint qu’il soit, se pervertit et commet les Ĺ“uvres du mal, par ses Ĺ“uvres il se perdra, il mourra.

 

Ne marchez pas en disant, dit le prophète, que cela est injuste. Et Dieu leur rĂ©pond : « N’est-ce pas vous qui ĂŞtes injustes? Â» Dieu est juste lorsqu’il rend Ă  chacun selon ses Ĺ“uvres. Frères, chacun est responsable de son propre destin. Plusieurs croient en un destin aveugle, comme si une force surnaturelle les dirigeait et Ă  cause de cela, ils ne peuvent cesser d’être mĂ©chant. Le mal, c’est de croire Ă  cela, ce serait comme dire Ă  Dieu : « Tu ne m’as pas fait libre. Â» La dernière parole appartient toujours Ă  l’individu, pour ĂŞtre bon ou pour ĂŞtre mauvais et le ciel ou l’enfer, ce n’est pas Dieu qui les donne, c’est chacun qui fait son choix. Tu veux ĂŞtre mauvais et persĂ©vĂ©rer dans le mal et mourir dans tes injustices, tu mourras, tu te condamneras toi-mĂŞme. Tu te trouves sur les chemins du mal; les publicains et les prostituĂ©es sont mentionnĂ©s aujourd’hui, mais nous pourrions leur ajouter plusieurs autres classes de gens jusqu’à ceux qui sont responsables de ces mĂŞmes structures de pĂ©chĂ©, ceux qui abusent du pouvoir dans le gouvernement se trouvent sur les chemins du pĂ©chĂ©, ceux qui abusent du pouvoir Ă©conomique sont Ă©galement sur ce chemin. Et s’ils ne se convertissent pas et ne cherchent point le chemin de la justice, ils ne vivront pas Ă©ternellement par leur propre faute.

 

Ă€ la lumière de ce principe moral authentique de Dieu, qu’il est divertissant d’attendre pour voir si le Pape va ĂŞtre d’accord ou en dĂ©saccord avec ce que je dis. Face Ă  Jean Paul I, ils n’eurent pas le temps de le cataloguer, de quel cĂ´tĂ© Ă©tait-il? Certains espĂ©raient que le Pape appuierait leur orientation, et d’autres espĂ©raient que ce soit la leur, comme si la morale de chacun ne dĂ©pendait pas de lui-mĂŞme, mais dĂ©pendait du Pape. Il est certain que le Pape est le maĂ®tre qui illumine, mais la façon de suivre cette lumière est le problème de chacun. Il n’est pas nĂ©cessaire d’attendre que le Pape dise que le capitalisme Ă©goĂŻste et matĂ©rialiste est mal, pour affirmer : Le Pape est avec les communistes. Comme on a dit lorsque le Pape a dit qu’il Ă©tait impossible de collaborer avec le communisme. Alors, ils dirent : voyez, le Pape est avec les capitalistes. Comme il est facile d’interprĂ©ter lorsqu’on a dĂ©jĂ  une intention, un prĂ©jugĂ©. Il existe une conscience chez l’être humain et le Pape est le maĂ®tre qui au nom de Dieu l’illumine, mais comme les hommes sont aveugles lorsqu’ils sont passionnĂ©s. Combien de fois avons-nous vu pleurer une bonne Ă©pouse parce que son mari s’est Ă©pris d’une adultère? Il est passionnĂ© et il est difficile qu’il croie la voix de Dieu qui l’appelle et lui dit : « Cela n’est pas licite. Â» Ce fut le cas de Jean Baptiste devant HĂ©rode qui s’était Ă©pris de la femme de son propre frère – et, lorsque Jean Baptiste lui dit « cela n’est pas permis Â», HĂ©rode le fit assassiner, on lui coupa la tĂŞte. C’est le destin des prophètes parce qu’ils se doivent de dĂ©noncer les plaies les plus douloureuses. Ils doivent courir le risque de subir la colère de ceux qui ne veulent pas entendre. Qui sera le Pape? Quelle orientation prendra-t-il? Quelle qu’elle soit, elle ne peut ĂŞtre diffĂ©rente de celle de Jean Baptiste. Jean vint prĂŞcher la justice et les hommes, quel que soit le Pape, nous devons rechercher les chemins de la justice, de l’amour, de la bontĂ©, et de la saintetĂ©. Pour aussi juste que soit un Pape, l’injuste qui ne veut pas se convertir, se condamnera, le Pape lui se sauvera. C’est cela la morale, c’est cela l’Église de Jean Paul I, c’est l’Église de Jean Baptiste, c’est l’Église de Paul. 01/10/78, p.222-223, V.

 

 

2) L’Église de la communion

 

Je prends ma seconde réflexion de saint Paul. Dans la seconde lecture d’aujourd’hui (Ph 2,1-11), saint Paul nous charge de demeurer unis, il nous enseigne quelles sont les causes de la désunion. Bon examen de conscience pour regarder en face le Pape qui travailla pendant son bref pontificat pour l’unité de l’Église, et au-dehors de l’Église, pour l’unité œcuménique qu’il entrevoyait avec espoir.

 

Écoutez saint Paul qui nous dit les causes de la dĂ©sunion : « C’est travailler par envie, Ĺ“uvrer par ostentation, s’enfermer dans ses propres intĂ©rĂŞts. Â» C’est ce qui apparaĂ®t dans l’épĂ®tre d’aujourd’hui et lĂ  nous sont signalĂ©es les causes des grands maux de la sociĂ©tĂ©. Si l’on travaille par envie, il n’y a pas de noblesse. L’envie c’est de mettre des bâtons dans les roues de celui qui peut faire le bien et se rĂ©jouir du malheur des autres. Et il y a beaucoup de bâtons, beaucoup d’envie en ce moment, par ostentation.

 

Très chers frères, j’aimerais insister maintenant, prĂ©cisĂ©ment pour vous rappeler la figure de Jean-Paul I devant cet appel de saint Paul de ne pas faire consister notre foi en de vaines ostentations. Le Pape, parlant il y a Ă  peine huit jours, lors de la prise de possession de la Basilique de Saint-Jean Latran, dit : « Ceux-lĂ  sont le vĂ©ritable trĂ©sor de l’Église : les pauvres. Par consĂ©quent, ils doivent ĂŞtre assistĂ©s par ceux qui le peuvent, sans ĂŞtre humiliĂ©s ni offensĂ©s par l’ostentation de la richesse, par l’argent mal dĂ©pensĂ© en choses futiles au lieu d’être investi lorsque cela est possible, dans des entreprises mutuellement avantageuses. Â» Voyez comment le Pape ratifie que l’Église authentique ne peut ĂŞtre autre que l’Église qui se prĂ©occupe et sent la situation des pauvres. Les pauvres qui reprĂ©sentent vĂ©ritablement la prĂ©sence du Seigneur : « Tout ce que vous avez fait Ă  l’un d’entre eux, c’est Ă  moi que vous l’avez fait. Â»

Et saint Paul nous prĂ©sente aussi dans cette Église de la communion le fondement de l’unitĂ©. Qu’est-ce qu’apportera l’humilitĂ© Ă  nos grands problèmes de division? Saint Paul signale que l’humilitĂ© est la recherche des intĂ©rĂŞts des autres. Quelles indications plus justes! L’homme orgueilleux, celui qui refuse d’être moins que les autres, celui qui veut ĂŞtre au-dessus de tous, ne trouve jamais sa place, et avec lui il n’y a pas de place pour les autres non plus. Par contre, l’humble, celui dont saint Paul nous dit qu’il recherche dans le service des autres sa vĂ©ritable fĂ©licitĂ©, c’est Jean-Paul I, celui qui parvient au poste le plus Ă©levĂ© de l’humanitĂ© : Pape. Et depuis cet endroit, il nous rappelait toujours ses origines : fils d’un simple ouvrier, il nous appela tous Ă  la prĂ©fĂ©rence pour le dĂ©pouillement, pour la simplicitĂ©. Lui qui refusa d’être couronnĂ© de la tiare pontificale, qui ne voulait plus employer la chaise Ă  porteurs, un homme simple et humble, qui est l’instrument, le modèle des hommes d’aujourd’hui pour ĂŞtre artisans de la paix. 01/10/78, p.223-225, V.

 

 

3) Le Christ Notre Seigneur

 

Et le fondement le plus grandiose, cela est ma dernière rĂ©flexion : C’est JĂ©sus-Christ Notre Seigneur. Saint Paul termine cette prĂ©cieuse lecture d’aujourd’hui (Ph 2,1-11), en nous invitant Ă  avoir les mĂŞmes sentiments que JĂ©sus-Christ, et il nous le dĂ©crit. Et c’est lĂ  le sommet de nos rĂ©flexions : le Christ. Parce que si les Papes modernes ont Ă©mu le monde par leur exemple de sagesse, c’est parce qu’ils ont employĂ© tous leurs talents Ă  exprimer cette grande vĂ©ritĂ© : Le Christ vit dans l’Église. L’Église n’est pas autre chose que la prolongation de la mission du Christ.

 

Et saint Paul dans son épître nous dit qui est le Christ qui anime cette Église. Premièrement, c’est un Christ qui préexistait dans l’éternité. Il possède la même nature que Dieu. Bien avant d’être conçu dans les entrailles de la Vierge, Il existait. Dès le commencement du monde était le Verbe, nous dit saint Jean, et ce Dieu éternel n’a ni début ni n’aura de fin.

 

Deuxièmement, Il se fit homme. C’est ce que saint Paul appelle la Kénose. C’est un mot grec qui signifie se vider de soi-même, se dépouiller de son rang de Dieu, à la manière d’un souverain qui laisserait son trône et ses attributs royaux et se revêtirait de haillons paysans afin d’être au milieu de son peuple sans les gêner par sa présence royale. Le Christ se revêtit de l’humanité et apparut comme n’importe quel homme. S’Il était ici en cette cathédrale, parmi les gens qui ont la bonté de m’écouter, Il paraîtrait semblable à quiconque, je ne le reconnaîtrais pas, et pourtant il est le Fils de Dieu dans un corps d’homme. Mais cela ne Lui suffit pas d’être semblable à nous, sinon qu’Il s’humilia jusqu’à paraître semblable à la figure d’un esclave pour mourir comme l’un d’eux, crucifié sur une croix comme un bandit, comme le déchet d’Israël qui devait être mis à mort au-dehors de la cité, comme une ordure. C’est cela le Christ, le Dieu qui s’humilie jusqu’à cette Kénose, jusqu’à se vider profondément de Lui-même.

 

C’est pourquoi nous dit saint Paul : « Dieu l’éleva jusqu’aux plus hautes cimes, pour qu’en son honneur se plie tous les genoux dans le Ciel, sur la Terre et dans les abĂ®mes et que toutes langues confessent qu’Il est le Christ Notre Seigneur. Â»

 

Très chers frères, cela est la gloire de l’Église : porter dans ses entrailles toute la kĂ©nose du Christ et c’est pour cela qu’elle se doit d’être humble et pauvre. Une Église hautaine, une Église qui s’appuie sur les pouvoirs de la Terre, une Église sans KĂ©nose, une Église remplie d’orgueil, une Église autosuffisante n’est pas l’Église de la KĂ©nose de saint Paul, n’est pas l’Église des Papes authentiques. L’Église vĂ©ritable est celle qui, avec Jean-Paul I, peut dire dans son discours d’inauguration qu’elle se sent comme saint Pierre lorsqu’il commença Ă  marcher sur les eaux, il tremblait de peur jusqu’à ce que le Christ lui dise : « Homme de peu de foi, pourquoi crains-tu? Â»

 

C’est cela la force de l’Église, ce n’est pas la force des hommes. Comme un mendiant, il y a Ă  peine un mois, le Pape lors de sa cĂ©rĂ©monie d’installation comme Souverain Pontife – vous avez pu la voir Ă  la tĂ©lĂ©vision – paressait semblable Ă  un mendiant lorsqu’il demandait Ă  chaque cardinal la bontĂ© de leur amitiĂ©, de leur collaboration, de leur aide. « Parce que nous ne nous imaginons jamais monter si haut, aidez-moi! Â» C’est cela l’humilitĂ©, c’est cela la KĂ©nose divine, mais en mĂŞme temps, sa grande espĂ©rance est sa glorification. L’Église des Pâques, l’Église de la RĂ©surrection, l’Église qui ne connaĂ®tra pas de fin parce que Dieu l’a font Ă©pouse de ce nom qui est au-dessus de tous les autres. Et c’est Lui que nous allons honorer dans notre eucharistie d’aujourd’hui. 01/10/78, p.225-226, V.