Christ, le pain vivant qui donne vie
au monde
Corpus Christie, 28 mai 1978,
Lecture : Deutéronome 8,2-3.14b-16a; I Corinthiens 10,16-17; Jean 6,51-59.
L’Eucharistie
Qu’est-ce que l’Eucharistie? C’est le
sacrement ou le mystère de la présence du Christ sous les apparences du pain et
du vin. Un sacrement est un signe sensible qui peut tomber sous le domaine de
nos sens, comme c’est le cas pour ce pain et ce vin que nous palpons, que nous
savourons. Nos sens captent la réalité d’un signe, mais aussitôt vient la foi
qui découvre l’élément intérieur, ce qui est signifié par ce signe. Ainsi comme
lorsque nous apercevons de la fumée derrière un mur, nous ne voyons que la
fumée, c’est le signe, mais nos connaissances nous disent : là , il y a du
feu, il y a quelque chose qui brûle. La réalité est le feu, le signe c’est la
fumée; il en est de même pour le pain et vin. Le goûter, l’ouïe, les sens, dit
saint Thomas, perçoivent la saveur du pain et du vin, mais ta foi croit
fermement que dans cette saveur du pain et du vin n’est plus présent ce que les
philosophes appellent la substance, c’est-à -dire ce qui a donné substance à ce
pain, à ce vin, seul sont demeurées les choses accidentelles, mais leur
substance s’est transformée en la présence véritable du Seigneur, le corps et
le sang du Seigneur, ce sont les réalités occultes qui sont présentes dans ce
signe visible.
C’est pour cela que lorsque le prêtre
consacre le corps et le sang du Seigneur, se réalise ce que la théologie
appelle la transsubstantiation du pain et du vin, à sa place, s’y est
substitué, la présence réelle du Christ. Ce dernier demeure véritablement réel,
substantiellement présent dans cette hostie qui continue d’avoir la saveur du
pain, dans ce calice qui continue d’avoir la saveur du vin, mais que l’on ne
traite déjà plus comme du pain et du vin parce qu’y est déjà présent le
Seigneur. C’est cela le mystère que nous célébrons aujourd’hui.
Puisse Dieu que ces réflexions faites
à la lumière de la Parole de Dieu, notre foi dans l’Eucharistie croisse ce
matin et que notre assistance Ă la messe ne soit pas simplement un acte
routinier. Ne venez pas par coutume, ne venez pas par curiosité, mais venez,
véritablement attirés par cette rencontre avec le grand mystère de la Présence
du Seigneur. De sorte que, lorsque nous sortons de l’Église, puissions-nous
être comme Moïse lorsqu’il descendit du mont Sinaï, son visage apparaissait
transformé et lumineux parce qu’il avait été en la présence du Seigneur.
Plan de l’homélie :
1) Les interventions de Dieu pendant
le pèlerinage au désert, préfigurent l’Eucharistie
2) La Préfiguration eucharistique de
l’Ancien Testament se réalise pleinement en Jésus-Christ, présent dans l’hostie
3) L’Eucharistie, aliment et force de
cohésion de la communauté
1) Les interventions de Dieu pendant
le pèlerinage au désert, préfigurent l’Eucharistie
En premier lieu, le chapitre 8 du
Deutéronome, d’où est tirée la première lecture (8,2-3. 14b-16a), est un moment
solennel dans l’histoire de l’Exode. Moïse, après avoir fait cette alliance
entre Dieu et son peuple, là sur le mont Horeb, fut quarante ans en pèlerinage
dans le désert. Après cette période, Moïse se retrouve sur une autre
montagne : le Moab. Et depuis cet endroit, MoĂŻse rappelle Ă son peuple les
tentations, les difficultés qu’ils ont traversées pendant quarante ans et
regardant vers le futur, au moment d’entrer dans la terre promise, il les
exhorte à demeurer fidèles à ce Dieu qui les a accompagnés.
C’est le moment solennel où Moïse se
souvient du long chemin parcouru depuis l’Exode et regarde vers l’avenir
d’Israël. C’est là que se manifestent dans cette Nouvelle Alliance de l’Ancien
Testament le souvenir des tentations et les raisons pour lesquelles Dieu a
tenté le peuple, et finalement, les interventions de Dieu en faveur de ce
peuple.
A) Les tentations
MoĂŻse leur rappelle comment ils sont
sortis de l’esclavage. Ils étaient esclaves du Pharaon. C’était un peuple
soumis aux humiliations et ce peuple soumis à l’esclavage est libéré par Moïse
grâce à l’intervention divine. Les huit plaies d’Égypte se produisirent pour
convaincre le Pharaon, ainsi sont les tyrans, il est difficile de les
convaincre. Après le châtiment suprême de la mort des premiers-nés d’Égypte, le
peuple peut partir et entreprendre ce difficile pèlerinage. Moïse rappelle au
peuple ce que Dieu a fait pour eux : « Souvenez-vous lorsque vous
avez eu faim et que vous avez blasphémé, soupirant après les oignons
d’Égypte. » Comme si l’esclavage leur apparaissait meilleur. Comme il fut
difficile pour Moïse de convaincre ce peuple qui va, précisément, vers sa
libération, mais auquel il coûte de souffrir les conditions de cette
libération.
Souvenez-vous Ă©galement, leur dit
MoĂŻse de la soif que vous avez ressentie et comment Dieu lui-mĂŞme vous a soumis
à l’épreuve lorsque vous avez blasphémé contre Lui. « Pourquoi nous a-t-on
fait sortir d’Égypte? Pour que nous mourions de soif au désert? » Et il
leur rappelle également le dur désert par lequel ils ont passé : (Dt 8,
15) « pays des serpents brûlants, des scorpions et de la soif. »
Combien difficile a été tout cela, ce sont les tentations, les difficultés du
pèlerinage.
Pourquoi Dieu permet-il cela?
Et MoĂŻse donne une raison Ă ces
pèlerins qui sont passés par ces tribulations. (Dt 8,2) : « Souviens-toi
de tout le chemin que Yahvé ton Dieu t’a fait faire pendant quarante ans dans
le désert, afin de t’humilier, de t’éprouver et de connaître le fond de ton
cœur : allais-tu ou non garder ses commandements? » Frères,
n’oublions pas cette parole d’aujourd’hui, c’est la réponse à plusieurs
non-conformités, aux situations difficiles de l’Histoire. Comme Moïse nous nous
demandons lorsque nous vivons des tribulations dans la société, quand nous nous
retrouvons comme en ces jours dans une impasse. Pourquoi Dieu permet-il cela?
Et Moïse rappelle au peuple : pour t’affliger, pour te mettre à l’épreuve,
pour connaître tes intentions. Ce sont les difficultés, les pierres d’assise où
se distingue l’or fin des hommes véritables, de véritables chrétiens. Ainsi, comme
c’est également dans ces circonstances, lorsque les hommes blasphèment, lorsque
les hommes critiquent Dieu et son Règne, parlent contre Moïse qui les guide et
quand ils préfèrent vivre dans leurs commodités, même si c’est comme esclaves.
Comme il nous en coûte de comprendre
que les épreuves de Dieu, les difficultés du chemin, sont les monnaies
d’échange qui nous permettent d’accéder à la liberté, la dignité, l’allégresse
d’être libre. (Dt 8,5) : « Comprends donc que Yahvé ton Dieu te
corrige comme un père corrige son enfant. Garde les commandements de Yahvé ton
Dieu pour marcher dans ses voies et pour le craindre. » Moïse leur
rappelle comment Yahvé les fit sortir d’Égypte. C’est une réalité, nous sommes
déjà sortis de cet esclavage et comme lorsque, dans le désert, nous souffrions
l’angoisse de la solitude, de l’intempérie, la faim, la soif, Dieu était avec
nous.
B) Présence de Dieu sous les signes
sacramentaux
C’est ici qu’apparaissent les
précieux signes sacramentaux. Voyez comment s’ébauche déjà la présence de Dieu
sous les signes sacramentaux. MoĂŻse en mentionne quatre : le premier est
la nuée qui les défendait du soleil. L’Exode nous dit qu’une nuée dans laquelle
Dieu allait rafraîchissait les ardeurs de ce soleil du désert.
Moïse leur rappelle que lorsqu’ils
eurent faim, ils s’éveillèrent en découvrant près de leur campement une chose
mystérieuse qui leur fit se demander en hébreu « Manu? », qui
signifie « Qu’est-ce que cela? ». La manne est une interrogation, un
aliment mystérieux que Dieu nous envoya pour rassasier notre faim. La manne est
un signe sacramentel.
« Et quand nous mourrions de
soif, Dieu m’ordonna de frapper cette pierre mystérieuse d’où jaillit l’eau
avec laquelle vous avez apaisé votre soif et celle de votre bétail. »
Selon une légende des rabbins, cette pierre accompagnait toujours ce peuple de
pèlerins, et chaque fois qu’il avait soif, Moïse frappait le rocher d’où
s’écoulait cette eau. C’était également un signe sacramentel de la présence de
Dieu au milieu du peuple.
L’autre signe est la mer. La mer s’ouvre de
part en part pour laisser passer le peuple qui s’enfuit de l’esclavage, alors
qu’elle se referme pour engloutir l’armée du pharaon tandis que Moïse chante de
l’autre côté. « Chantons pour le Seigneur qui a fait des merveilles, qui a
libéré son peuple! »
Ce sont les signes sacramentaux. Ce
qui importe pour la Bible ce n’est ni la nuée, ni la manne, ni la mer, ni le
rocher, ce qui importe c’est quelque chose de plus grand : la Présence de
Dieu. Et c’est pourquoi le Deutéronome emploie les mêmes paroles que le Christ
cite lors des tentations au désert (8,3) : « Pour te montrer que
l’homme ne vit pas seulement de pain, mais qu’il vit de tout ce qui sort de la
bouche de Yahvé. » Ce texte est un classique de la Bible, si classique que
s’y exprime toute la théologie de la Parole de Dieu. Quand le lecteur à l’ambon
lit la Bible, il termine en disant : « Ceci est la Parole de
Dieu. » En narrant la protection de Dieu devant la famine qui guettait les
IsraĂ©lites, lorsqu’Il fit pleuvoir la manne, ce pain mystĂ©rieux, MoĂŻse dit Ă
cet endroit : « L’homme ne vit pas seulement de pain. » Non
seulement de nourriture d’Égypte, non seulement des aliments que nous
recueillons avec nos mains, Dieu a une parole créatrice, une parole qui fait
jaillir du pain et qui pourrait convertir en pain les pierres du désert. Une
parole toute puissante, une parole qui, lorsqu’elle se fait personne divine,
est le Fils de Dieu, le Verbe, la Parole qui s’incarne dans la personne de
Jésus-Christ. C’est cela qui importe, que ces sacrements contiennent la Parole
omnipotente de Dieu. 28/05/78, p.265-267, IV.
2) La Préfiguration eucharistique de
l’Ancien Testament se réalise pleinement en Jésus-Christ, présent dans l’hostie
C’est pourquoi la seconde pensée
extraite de la seconde lecture, la première épître de saint Paul aux
Corinthiens (10, 16-17), tente d’expliquer ce que Moïse prêchait à Israël. Mais
ce dernier ne connaissait le Christ que comme une promesse, Paul non plus ne
connut pas personnellement le Christ qu’il persécuta; mais, grâce à sa
conversion, il eut accès au Christ. Et, dans cette précieuse épître aux
Corinthiens, il dit : Je vais vous raconter ce que j’ai reçu de ceux qui
connurent la chance de manger, de boire et de converser avec Lui : qu’Il
inventa lui-mĂŞme ce sacrement, du pain qui se convertit en son corps et du vin
qui se convertit en son sang. Et tout ce qui se produisit avec MoĂŻse et son
peuple lorsqu’ils traversaient le désert. Cela se produisait comme une image,
comme une annonce, une prophétie, une promesse. Maintenant, par contre, nous
les chrétiens connaissons l’accomplissement de cette promesse.
Enseignement paulinien sur la
célébration eucharistique
C’est ici que saint Paul nous
enseigne, surtout dans ces deux signes du désert : la pierre qui fait
jaillir l’eau de Dieu et la faim qui permet de rassasier avec la manne, ce sont
là les deux signes qui préfigurent ce grand sacrement qu’est l’Eucharistie,
dans le pain et le vin de nos messes que saint Paul célébrait. […]
Nous nous alimentons de la Parole de
Dieu
En premier lieu, nous nous alimentons
de la Parole de Dieu. L’Eucharistie est toujours célébrée après une lecture de
la Bible et une homélie dans laquelle l’apôtre, l’évêque, le prêtre préparait
l’esprit pour aussitôt célébrer cette Parole qui se fait présence de
Dieu : l’Eucharistie.
Vous avez entendu dans l’épître de
saint Paul comme la présence du Christ est évidente dans l’hostie. (I Cor
10,16-17) : « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle
pas communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas
communion au corps du Christ?! » Quelles paroles plus évidentes de saint
Paul qui nous enseigne le Sang et le Corps de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ! Nous
n’avons lu qu’un seul passage où il décrit merveilleusement ce qu’est la messe. Je vous invite
comme toujours à lire entièrement les chapitres 10 et 11 de cette première
épître aux Corinthiens.
Saint Paul nous dit que ces
Corinthiens qui s’étaient convertis du paganisme, de l’adoration des faux
dieux, qui offraient auparavant des sacrifices aux idoles et qui après être
devenus chrétiens et avoir assisté à la messe, voulaient revenir à leurs
anciennes pratiques sacrificielles, commettaient une affreuse idolâtrie.
Pourquoi? Parce qu’ils avaient mangé la chair du Christ qui nous est offerte
dans l’Eucharistie, qui est participation de la vie du Christ, où Il est
présent. Parce qu’après cela, participer encore à des autels idolâtriques,
c’est se faire également participant des idoles qui sont des faux dieux inspirés
par le démon, manger de la viande sacrifiée aux idoles c’est s’asseoir à la
table du diable, dit saint Paul.
Quelle explication plus précieuse
pourrions-nous faire? Aujourd’hui, ces idoles des Corinthiens n’existent plus,
ces figurines en or d’animaux, de femmes, d’étoiles, de soleils, mais de nos
jours il existe tant d’autres idoles que nous ne cessons de dénoncer. Un
chrétien qui s’alimente de la communion eucharistique où la foi lui dit qu’il
unit sa vie à celle du Christ, comment peut-il être idolâtre de l’argent,
idolâtre du pouvoir, idolâtre de lui-même, de l’égoïsme? Comment un chrétien
qui communie peut-il être idolâtre? Il y en a plusieurs qui communient et qui
sont idolâtres. En ce XXe siècle, saint Paul pourrait rĂ©pĂ©ter Ă
plusieurs chrétiens de San Salvador et des communautés qui méditent cette
parole, s’ils croient vĂ©ritablement que le Christ est prĂ©sent et qu’Il s’unit Ă
eux au moment de la
communion. Comment est-ce possible alors qu’après cela ils
aient une conduite si immorale, si égoïste, si injuste, si idolâtre? Comment
est-ce possible qu’ils mettent leur confiance dans les choses de la Terre
plutôt que dans le pouvoir du Christ qui se rend présent par ce grand
sacrifice?
Présence de la vie du Christ qu’Il
nous apporte du Père
Cette présence du Christ, continuons
de l’analyser dans les lectures d’aujourd’hui. Le Christ lui-même, dans
l’Évangile, est une Présence de vie qu’Il apporte du Père. Il existe un courant
entre Dieu le Père et Dieu le Fils que Je suis; ainsi, tous ceux qui mangent cette
Eucharistie vivent par moi. Quelle merveille que celle de l’Eucharistie!
Force Libératrice
Quand nous allons communier
aujourd’hui, nous entendons cette Parole du Christ : en ce moment, toi qui
reçois cette hostie consacrée, tu t’alimentes de ma propre vie et cette vie qui
est mienne, Je la reçois du Père. De sorte que le Père, toi et Moi, nous ne
sommes qu’une seule et même vie. Ainsi, pour venir communier et te rendre digne
de cette vie divine, tu dois te purifier de tes péchés, te libérer de tes péchés,
ma présence eucharistique est la grande force de la libération.
Ne l’oublions pas, très chers frères,
aujourd’hui lorsqu’il existe tant de forces qui luttent pour la libération
temporelle des hommes, que notre libération chrétienne part de là : de
l’Eucharistie, de la force rédemptrice du Christ. Une libération qui veut nous
voir avant tout libres du péché. Si nous ne sommes pas libérés du péché, si un
homme ne s’est pas identifié avec la force divine du Christ qui l’unit au Père,
au Créateur, il ne peut être un libérateur efficace. C’est pourquoi l’Église
identifie sa libération, ses dénonciations, ses annonces, à partir de cette
perspective de foi de la vie de Dieu. Si un chrétien mutile cette libération et
fait abstraction de cette grâce de Dieu, de vivre la communion avec le Christ,
ce n’est pas un libérateur chrétien.
Aspect sacerdotal
Dans cette présence du Christ, il y a
un autre aspect, l’aspect sacerdotal. Le Christ se fait présent dans l’hostie
comme prêtre de l’humanité. Lisez par exemple l’Apocalypse ou l’Épître aux
Hébreux, qui contiennent de précieuses descriptions du culte que le Christ, au
nom de toute l’humanité, a rendu au Père. D’où est-ce que le Christ exerce son
sacerdoce sur la terre? D’ici, de l’Eucharistie. C’est précisément cette hostie
consacrée de notre messe, celle qui unit le peuple pèlerin qui marche dans la
sécheresse du désert, parmi les serpents et les scorpions de l’Exode, mais qui
se dirige vers la terre promise et vers l’autel de notre messe où le Christ
apparaît dans sa gloire avec nos frères qui sont déjà dans cette terre promise.
Comme la messe est magnifique,
surtout lorsqu’elle est célébrée dans une cathédrale remplie comme celle-ci
chaque dimanche, ou lorsqu’on la célèbre dans les chapelles rurales, avec des gens
remplis de foi qui savent que le Christ, le Roi glorieux, le PrĂŞtre Ă©ternel
recueille tout ce que nous Lui apportons de notre semaine : nos peines,
nos Ă©checs, nos espoirs, nos projets, nos joies, nos tristesses et nos
douleurs. Combien de choses Lui apporte chacun d’entre nous? Et le Prêtre
Éternel les recueille dans ses mains et au moyen du prêtre, homme qui célèbre,
les élève vers le Père. C’est le fruit du travail de tous ces gens. Unis à mon
sacrifice présent sur cet autel, ces gens sont divinisés et lorsqu’ils sortent
de la cathédrale pour retourner à leurs travaux, à leurs luttes, à leurs
souffrances, mais toujours en demeurant unis au Prêtre Éternel qui se fait
présent dans l’Eucharistie pour que nous puissions Le rencontrer à nouveau
dimanche prochain.
Aliment
Il se fait présent aussi comme
aliment et comme communion. Le Christ est un aliment. C’est ce qu’Il leur dit Ă
ceux qui l’écoutent à Capharnaüm, dans ce précieux chapitre 6 de saint Jean, ce
sermon que le Christ prononça après la multiplication des pains, quand la foule
le recherchait pour le faire roi. Le Christ leur dit (Jn 6,26; 35) :
« Vous me cherchez […] parce que vous avez mangé du pain et avez été
rassasiés. […] Je suis le pain de vie. » Je vous offre la vie véritable,
celle qui vous rendra efficace dans votre travail, le politicien, le
sociologue, l’homme d’affaires, le professionnel, l’étudiant, le journalier, Je
vous donne la vie véritable. (Jn 6,51) : « Je suis le pain vivant
descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais. »
Le Christ fit bien attention de ne
pas être mal compris parce que certains y voyaient un sens d’anthropophagie
lorsqu’ils lui demandèrent : comment pouvons-nous manger cette chair? Nous
ne sommes pas des anthropophages, nous ne mangeons pas des gens. Alors, le
Christ leur dit : ne l’entendez pas ainsi. Je suis le pain vivant, Je vais
ressusciter, Je vais transformer ce corps mortel en un corps spirituel, Je vais
être présent dans les communautés chrétiennes, non pas en me partageant ainsi,
physiquement comme une chair d’homme, sinon en vous donnant mon corps, mais non
pas mon corps matériel, mais mon corps spirituel, c’est le mystère du corps
mystique. Il est certain que lorsque nous recevons l’hostie, nous recevons le
Christ. Tout entier, dit le catéchisme, glorieux comme Il est dans le ciel. Le
Christ ressuscité, le Christ vie, le Christ pain vivant qui descend du ciel.
C’est Lui qui nous alimente en ce sens, faisant de nous une véritable
communauté. 28/05/78, p.268-271, IV.
3) L’Eucharistie, aliment et force de
cohésion de la communauté
Le Corps et le Sang du Christ, Force
d’Unité
Saint Paul nous dit dans la seconde
lecture d’aujourd’hui (I Cor 10,17) : « Parce qu’il n’y a qu’un pain,
à plusieurs nous ne sommes qu’un corps, car tous nous participons à ce pain
unique. » Quelle précieuse évocation de l’unité de tous les chrétiens!
Notre unité, très chers frères, ne se fonde pas sur les idéaux de la terre. Si déjà sur cette
terre les hommes, lorsqu’ils parviennent à bien exposer un idéal,
demandent : qui veut me suivre pour le réaliser? Plusieurs suivent cet
idéal, mais ils ne vivent souvent que l’idéal d’un homme et, si celui-ci ou son
rêve vient qu’à disparaître ou à être trahi, tout s’écroule. Mais le Christ
plaça une force beaucoup plus vigoureuse, une force divine que personne ne peut
détruire : son Corps et son Sang, sa Présence de Ressuscité, sa Vie de
Dieu. Bienheureux le peuple qui parvient à avoir la foi et à découvrir que le
Christ est sa raison d’être, qui met tous ses espoirs en Lui et communie.
Puissent tous ceux qui vont communier ce matin sentir cette réalité. Même si
nous sommes plusieurs et mĂŞme si nous ne nous connaissons pas tous, nous venons
de divers milieux, nous vivons dans des lieux très distants les uns des autres,
cependant, nous sommes un seul corps parce que nous nous alimentons de ce mĂŞme
pain.
Les anciens aimaient beaucoup cette
comparaison. Ils disaient qu’à la manière des grains de blé recueillis sur
diverses montagnes, ils ne forment qu’une seule pâte et un seul pain une fois
réunis en Jésus-Christ, de même des hommes provenant de divers pays, de races
différentes, de diverses catégories sociales, nous ne sommes pas plus que des
grains de blé recueillis dans notre foi, pétris dans l’amour et dans
l’espérance, unis au Christ-Eucharistie, nous ne sommes plus dispersés, nous
formons un seul peuple de Dieu alimenté par la présence du Seigneur.
Les chrétiens dans le monde doivent
être ce qu’est l’âme dans le corps.
Et cette présence doit être traduite
par les hommes et les femmes d’aujourd’hui, par vous précisément, les laïcs,
ceux qui ne sont ni prĂŞtres ni religieux, par vous tous qui vivez en ce monde,
écoutez ce texte du Concile Vatican II aux Laïcs. Lumen Gentium (38) : « Tout laïc doit être, à la face du
monde, un témoin de la résurrection et de la vie du Seigneur Jésus, un signe du
Dieu vivant. Tous ensemble, et chacun pour sa part, ils doivent nourrir le
monde de fruits spirituels (cf. Gal. 5,22) et répandre en lui l’esprit dont
sont animés ces pauvres, ces doux et ces pacifiques que le Seigneur a proclamés
bienheureux dans l’Évangile (cf Mt. 5,3-9). En un mot : « Ce qu’est
l’âme dans le corps, que les chrétiens le soient dans le monde. »
Frères, aujourd’hui vous allez sortir
de la cathédrale illuminés par la foi en cette présence du Christ sur notre
autel, et ceux qui ont communié vont sortir remplis de l’Esprit du Christ.
Quand sera le jour oĂą tous ceux qui viennent Ă la messe se sentiront unis Ă
Dieu, si loin du péché, des passions, des folies de la Terre, qu’ils s’identifieront
tant à Dieu que lorsqu’ils sortiront de la cathédrale ou de l’église
paroissiale ou de n’importe où l’on célèbre l’Eucharistie, ils vont être dans
le monde, l’âme du monde, être des ferments de l’Eucharistie dans leur famille,
dans leur profession, dans leur travail et dans leur vie sociale? Il nous
manque encore beaucoup de chrétiens comme ceux-là qui vivent véritablement
l’Eucharistie.
Le « Corpus » vient
précisément pour nous rappeler notre devoir de cet aspect de la foi. Si nous croyons vraiment
que le Christ, dans l’Eucharistie de notre Église, est le pain vivant qui
alimente le monde et que je suis l’instrument, en tant que chrétien qui a reçu
cette hostie et doit l’apporter au monde, j’ai la responsabilité d’être ferment
de la société, de transformer ce monde si laid. Faire cela ce serait modifier
le visage de ma patrie, quand nous injectons la vie du Christ dans notre
société, dans nos lois, dans notre politique, dans toutes les relations. Qui va
le faire? Vous!
Si vous, les chrétiens salvadoriens,
vous ne le faites pas, n’espérez pas que le Salvador s’améliore. Le Salvador
sera uniquement fermenté dans la vie divine, dans le Règne de Dieu, si
véritablement, les chrétiens de ce pays se proposent de vivre une foi non plus
languissante, peureuse et timide, mais qui soit plutĂ´t comme disait saint Jean
Chrysostome : « Quand vous communiez, vous recevez le feu, vous
devriez sortir de là remplis d’allégresse et de force pour transformer le
monde. » 28/05/78, p.272-273, IV.