L’Entrée du Christ à Jérusalem

 

AllĂ©gresse et Passion; Dimanche des Rameaux, 19 mars 1978. Lectures : IsaĂŻe 50,4-7; Philipiens 2,6-11; Matthieu 26,14-27,66.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Qu’est-ce que le Christ rencontre lorsqu’Il entre à Jérusalem et que rencontre-t-Il aujourd’hui, ici?

2) Qui est celui qui rentre à Jérusalem, qui va porter cette croix et qui va mourir d’une manière si épouvantable au milieu de l’ignominie?

3) Quel engagement suppose pour nous, son peuple, cette Foi en JĂ©sus-Christ qui vit en rachetant encore notre patrie et le monde entier?

 

 

1) Qu’est-ce que le Christ rencontre lorsqu’Il entre à Jérusalem et que rencontre-t-Il aujourd’hui, ici?

 

 

A) Ce que le Christ rencontra Ă  JĂ©rusalem :

 

Vous ĂŞtes cette multitude, ce peuple d’humbles qui accueillent le Christ avec espoir, vous ĂŞtes le « reste Â» d’IsraĂ«l. Les promesses tant attendues dĂ©bouchent enfin au cĹ“ur de ce petit peuple qui sort de JĂ©rusalem Ă  sa rencontre. Les promesses faites Ă  Abraham, Ă  MoĂŻse, Ă  David toute la veine de l’Ancien Testament apparaĂ®t en ce Dimanche des Rameaux. Le peuple qui avait reçu la promesse d’un RĂ©dempteur, ressent qu’est arrivĂ© ce RĂ©dempteur et il sort Ă  sa rencontre. Il s’agit d’un moment de foi lumineuse, c’est le peuple qui accueille JĂ©sus.

 

Mais malheureusement, le Christ rencontre le péché au sein du peuple qui se réjouit. Il vient enlever le péché du monde, Il vient pour affronter cette force de l’Enfer, Il va souffrir dans sa propre chair le fouet du démon, du péché, pour nous apporter la Rédemption.

Le Christ rencontre des autorités qui tergiversent son message. Il rencontre une classe dirigeante qui a détourné les destinées de ce peuple et qui peut le faire passer de cet Hosanna du Dimanche des Rameaux à une demande de condamnation à mort le Vendredi saint.

 

Ah, comment sont les dirigeants des peuples? S’ils sont bons et compétents, ils orientent leur peuple à la rencontre du Christ, Rédempteur des peuples; mais s’ils sont ineptes et les conduisent au péché, l’ambition et l’égoïsme les séduisent jusqu’à la perdition. C’est pour cela que le Christ rencontre des machinations hypocrites pour le perdre. Le Christ rencontre une terrible injustice sociale. 19/03/78, p. 76-77, IV.

 

 

B) Ce que le Christ rencontre parmi nous :

 

Malheureusement, comme à Jérusalem, je vois derrière cette foule qui remplit de joie le cœur du Christ, je vois aussi le péché. Le péché dans ses formes horribles qui vont également jusqu’à tuer le Christ au cours de cette Semaine sainte. C’est cela que le Christ révèle parce que le Dimanche des Rameaux, la lecture de la Passion, notre procession de Semaine sainte ne veulent pas être une aliénation, un opium du peuple. Ils veulent être le ferment de l’Évangile, la présence du Christ qui vient fustiger le péché, même si cela va Lui coûter, dans quelques jours, la mort sur une croix. Il meurt pour notre Rédemption, Il meurt pour la justice, Il meurt en nous aimant et en Lui, nous voyons l’espérance de nos peuples. 19/03/78, p.77-78, IV.

 

 

2) Qui est celui qui rentre à Jérusalem, qui va porter cette croix et qui va mourir d’une manière si épouvantable au milieu de l’ignominie?

 

 

A) Le Christ avec son peuple

La première lecture du prophète IsaĂŻe (50,4-7) nous prĂ©sente un peuple abattu. Et Dieu suscite en eux un mystĂ©rieux Serviteur Souffrant auquel il dit : « Ă‰coute mes paroles, tu vas ĂŞtre le reprĂ©sentant de tous les crimes, sur toi je vais dĂ©charger ma justice divine, mais tu vas apprendre par ta souffrance Ă  consoler, Ă  libĂ©rer, Ă  orienter les peuples. Â» Et ce serviteur de YahvĂ©, pour lequel les commentaires bibliques ne s’entendent pas pour prĂ©ciser avec certitude de qui il s’agit, certainement cela peut ĂŞtre le peuple, mais cela peut Ă©galement ĂŞtre le Christ et davantage le Christ, mais pas un Christ sans le peuple. Ce mystère qui, dans la Bible, est connu sous l’appellation de personnalitĂ© communautaire, c’est-Ă -dire qu’un homme incarne une personnalitĂ© qui est diffusĂ©e dans un conglomĂ©rat, un Christ qui s’est fait solidaire de nous tous et nous sentons que le sort du Christ est notre sort. Nous sentons dans le Christ de la Semaine sainte, avec sa Croix sur le dos, que c’est le peuple Ă©galement qui est en train de porter sa croix. Nous percevons dans le Christ, les bras ouverts en croix, le peuple crucifiĂ©, mais Ă  partir du Christ, un peuple qui, crucifiĂ© et humiliĂ©, rencontre son espĂ©rance. (Is 50,4) : « Le Seigneur YahvĂ© m’a donnĂ© une langue de disciple pour que je sache apporter Ă  l’épuiser une parole de rĂ©confort. Â»

 

Très chers frères, cet appel de la Semaine sainte, du Dimanche des Rameaux, n’est pas pour vous prĂŞcher un conformisme; c’est pour vous dire : donnez Ă  vos tribulations un sens rĂ©dempteur; acceptez la croix, embrassez-la comme le Christ, non dans un sens passif, mais plutĂ´t avec l’amour qui construit une civilisation de libertĂ© et d’amour, et mĂŞme si nous ne la voyons pas ici comme le Serviteur de YahvĂ©, nous l’atteindrons, mĂŞme si c’est au travers de la mort avec le Christ. La mort n’importe pas lorsque derrière elle se trouve un climat de libertĂ©, d’amour, d’égalitĂ©, de fĂ©licitĂ©. 19/03/78, p.80-81, IV.

 

 

B) Le Christ fait homme

 

La seconde lecture est encore plus Ă©loquente, celle de saint Paul (Phi 2,6-11) qui est un hymne Ă  l’Incarnation, qui est un hymne Ă  ce Dieu qui renonce Ă  sa catĂ©gorie divine, qui laisse la fĂ©licitĂ© du ciel et vient se faire homme. Un homme qui n’use pas de ses prĂ©rogatives de Dieu, un homme semblable aux autres – nous dit la Bible aujourd’hui –, un homme quelconque qui est arrĂŞtĂ© par les autoritĂ©s de son temps, conduit au tribunal et condamnĂ© Ă  mort. Il m’arrive de penser Ă  Paul qui dit : « un homme semblable aux autres Â», ces figures que nous nous sommes habituĂ©s Ă  voir dans nos journaux : le paysan torturĂ©, l’ouvrier dont on ne reconnaĂ®t pas les droits, un homme quelconque, c’est ainsi que le Christ voulut ĂŞtre.

 

Plus encore, humiliĂ© jusqu’au point de connaĂ®tre une mort qui ne pouvait ĂŞtre infligĂ©e aux Romains parce qu’ils Ă©taient libres, mais qui Ă©tait imposĂ©e aux peuples conquis. Rome ne crucifiait jamais les Romains, mais uniquement les peuples qui relevaient de son empire et comme la Palestine dĂ©pendait de Rome - Pilate Ă©tait le reprĂ©sentant de Rome en Palestine – le Christ devait ĂŞtre humiliĂ© comme un ĂŞtre qui ne mĂ©ritait mĂŞme pas la citoyennetĂ© et dont la mort Ă©tait aussi une marque d’humiliation. C’est jusque-lĂ  que Le conduit son incarnation, mais depuis lĂ  commence Ă  se lever son exaltation. Et dans la lecture d’aujourd’hui nous avons entendu (Phi 2,9-11) : « Aussi Dieu l’a-t-il exaltĂ© et Lui a donnĂ© un Nom qui est au-dessus de tout nom, pour que tout, au nom de JĂ©sus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue proclame de JĂ©sus Christ qu’il est Seigneur. Â» C’est ça la gloire de notre RĂ©dempteur. Lorsque pendant ces journĂ©es de la Semaine sainte nous Le voyons humiliĂ© sous le poids de la croix, ne l’oublions pas, et disons cela du plus profond de notre foi : mĂŞme si cela semble ĂŞtre moi qui souffre, c’est le Seigneur et si j’apparais semblable Ă  Lui en portant la croix, je participerai de sa gloire. Il n’a pas traversĂ© seul le tunnel douloureux de la torture et de la mort, avec Lui passe tout un peuple et nous ressusciterons avec Lui. Il n’y a aucun homme qui a souffert comme le Christ lors de sa passion.

 

 

3) Quel engagement suppose pour nous, son peuple, cette Foi en JĂ©sus-Christ qui vit en rachetant encore notre patrie et le monde entier?

 

Avec ses palmes, ses rameaux, et ses fleurs, le peuple dit au Christ qu’il est prêt à aller avec Lui jusqu’au martyr et qu’avec Lui, il croit que la foi sera victorieuse. C’est cela la victoire qui a vaincu le monde, votre foi, notre espérance; non pas la haine ni la terreur, non pas les armes ni la répression, ni non plus la violence. Cela ne construit rien. Ce qui construit, c’est votre foi, la foi du Dimanche des Rameaux, défilé pacifique avec vos palmes dans les mains, avec une grande espérance dans le cœur, avec un grand amour dans l’âme.

 

 

C’est cela le chemin du Peuple de Dieu.

 

La Semaine sainte est un appel Ă  poursuivre l’austĂ©ritĂ© du Christ, l’unique violence lĂ©gitime, celle que le Christ se fait Ă  lui-mĂŞme et qu’Il nous invite Ă  nous faire Ă  nous-mĂŞmes. « Celui qui dĂ©sire venir Ă  ma suite doit renoncer Ă  lui-mĂŞme Â», se violenter soi-mĂŞme en rĂ©primant les racines de l’orgueil; tuez cela dans votre cĹ“ur. C’est cela que nous devons tuer, c’est la violence que nous devons avoir envers nous-mĂŞmes afin que naisse l’homme nouveau, l’unique qui puisse construire une nouvelle civilisation, une civilisation de l’amour.

La Semaine sainte est comme un baptême du peuple, un baptême dans lequel le Christ nous invite à nous incorporer à sa passion et à sa résurrection. 19/03/78, p.82-83, IV.