Dieu sauve tous les hommes en tant
que peuple
Troisième dimanche du temps
ordinaire; 22 janvier 1978; Lectures : IsaĂŻe 9,1-4; I Corinthiens
1,10-13,17; Matthieu 4,12-23.
L’espérance d’un peuple en pèlerinage
et qui malgré la routine, l’habitude du temps qui semble pour plusieurs être un
chant désespérant, long, difficile, comme le pèlerinage sur la Terre, comme la
vie qui parfois se submerge, sans sens, qui perd de vue l’horizon. Le chrétien
doit toujours porter cette espérance dans son cœur. C’est cela la
caractéristique du Temps Ordinaire. […]
Comme dit le Concile : « Le
devoir d’un véritable médiateur de la Parole de Dieu est d’illuminer les signes
des temps avec la Parole de Dieu pour donner à l’Histoire et au moment présent
le sens transcendant qui l’unit à Dieu et l’oriente vers Dieu. » 22/01/78,
p.155-157, III.
Ce que l’Église pense de l’éducation
L’Église désire exposer sa pensée au
sujet de l’éducation, et elle le dit avec franchise dans les documents de
MedellĂn. Lorsque nous mentionnons les documents de MedellĂn, plusieurs
personnes s’effraient parce qu’elles ne savent pas les lire. MedellĂn est la
pensée de l’Église pour le continent latino-américain. Naturellement, plusieurs
ont abusé de ces documents, comme d’autres, par peur, les considèrent tabous.
MedellĂn n’est rien d’autre que l’inspiration chrĂ©tienne des peuples
latino-américains.
Un des documents de MedellĂn se
réfère à l’éducation et c’est de là que j’ai extrait ces pensées pour les
écoles qui s’ouvrent aujourd’hui : « Nous devons critiquer
l’éducation qui en général, en Amérique latine, ne correspond pas aux besoins
des peuples qui recherchent leur développement. C’est une éducation qui possède
un contenu abstrait, formaliste, une didactique plus préoccupée de transmettre
des connaissances que de créer un esprit critique. La véritable éducation
devrait créer chez l’enfant et chez le jeune un esprit
critique. » Cela veut dire qu’il n’accepte pas tout si facilement,
qu’il sache être éveillé. Que devant l’information que les médias lui
transmettent, il ne croit pas parce que c’est écrit dans le journal; qu’il
analyse, qu’il fasse preuve d’esprit critique, qu’il sache analyser une loi
nouvelle, qu’il sache être critique de son heure, de son environnement.
Actuellement, l’éducation est
orientée de manière à maintenir les structures sociales et économiques régnantes.
Il ne s’agit pas là proprement d’une collaboration à la transformation dont ont
besoin nos peuples, mais d’une éducation uniforme. Tandis qu’en Amérique
latine, nous vivons aujourd’hui la richesse d’un pluralisme humain, tant de
valeurs humaines sont présentes dans ses divers pays, la véritable éducation
devrait tendre à découvrir l’originalité, la créativité de chaque idiosyncrasie
au lieu de chercher Ă imposer un patron universel Ă tous les pays.
L’éducation est orientée généralement
dans nos pays vers le désir de posséder davantage tandis que la jeunesse
d’aujourd’hui aspire aussi à être plus dans la joie de l’autoréalisation par le
service et l’amour. Ne fabriquons pas une éducation qui crée dans l’esprit de
l’étudiant l’espérance de parvenir un jour à être riche, d’avoir du pouvoir, de
dominer les autres. Cela ne correspond pas Ă notre situation historique.
Formons dans le cœur de l’enfant et du jeune l’idéal sublime d’aimer, de se
préparer à servir, de se donner aux autres. Le reste ne serait qu’une éducation
à l’égoïsme, et nous voulons sortir des égoïsmes qui sont précisément les
causes du grand malaise de nos sociétés.
L’Église tient alors à proposer une
éducation qui fait des hommes des sujets de leur propre développement,
protagoniste de l’Histoire, non pas une masse passive, conformiste, mais des
hommes qui sachent faire valoir leur intelligence, leur créativité, leur
volonté pour le service du bien commun de la patrie. Ce qui a à voir
avec le développement de l’être humain et des peuples, c’est la promotion de
chaque homme, de chaque femme et de tous les hommes. Faites voir dans votre
enseignement, au sujet de cette éducation, une perspective de développement
dans laquelle il doit s’engager. Enseignez-leur à ne pas attendre qu’on fasse
tout pour eux, mais qu’ils soient les protagonistes, qu’ils mettent leur grain
de sable dans cette transformation de l’Amérique.
Une éducation créatrice se doit
d’anticiper le nouveau type de société que nous recherchons pour l’Amérique
latine. Personne n’est satisfait du genre de société que nous avons chez nos
peuples. Si quelqu’un feint d’être satisfait, c’est parce qu’il possède des
avantages que d’autres n’ont pas ou parce qu’il essaie de nous tromper; mais si
nous sommes sincères, nous aspirons tous à une société meilleure, à un monde
meilleur. Alors, l’éducation doit anticiper dans les écoles, au collège, la
figure – même petite – d’une société comme nous la désirons en Amérique
latine : des enseignants, des parents, des enfants qui forment une communauté
modèle de l’amour, de collaboration, de correction mutuelle.
L’Église veut également pour
l’Amérique latine une éducation personnalisée, une conscience dans chaque
enfant et dans chaque jeune de sa propre dignité humaine, d’un sens de libre
autodétermination et d’un sens communautaire. Personne ne vit que pour
soi-mĂŞme, comme un escargot dans sa coquille, sinon que nous devons vivre
ouverts pour les autres : dans un sens communautaire.
Une éducation ouverte au dialogue, où
les conflits de générations, d’âges, de classes, au lieu d’être des barrières
qui nous divisent, soient des éléments qui nous enrichissent mutuellement. Une
grande estime dans l’éducation pour les particularités de chaque endroit afin
de les intégrer dans l’unité du pluralisme du continent et du monde. Le
Salvadorien doit savoir qu’il possède des valeurs salvadoriennes qu’il est le
seul Ă pouvoir apporter au grand concert des nations; et cultiver nos valeurs,
autochtones, non pas avec un sentiment d’égoïsme comme s’il n’existait pas d’autres
humains que les Salvadoriens, mais pour enrichir de notre esprit salvadorien le
concert pluraliste des divers pays. Quelle belle harmonie en résulterait-il,
lorsque tous les pays au lieu de penser seulement Ă eux-mĂŞmes, penseraient au
concert de ce Dieu des nations : « Tous les peuples chantent au
Seigneur parce que c’est Lui qui a fait ces merveilles. » Préparons-nous
tous, mes frères, au changement organique dont ce continent a besoin. C’est
pourquoi l’Église est sincèrement solidaire avec les efforts éducatifs des
pays, mais je voudrais vous demander de prendre en compte ces réalités de notre
continent pour qu’elles aussi sentent que leur apport est valide. 22/01/78,
p.157-159, III.
L’Église revendique la liberté
d’accomplir son devoir et son droit d’éduquer
L’Église ne demande pas ici une
faveur, elle a le droit et le devoir d’éduquer la société qui s’est compromise
par le baptême avec le Christ. En nous occupant du peuple latino-américain,
nous nous occupons en même temps du Règne de Dieu. Les chrétiens salvadoriens
doivent se préparer non seulement à être utiles à cette patrie de la Terre,
mais à vivre les grandes espérances du Ciel pour les traduire précisément comme
chrétiens dans les grandes réalités salvadoriennes. 22/01/78, p. 159, III.
Message aux enseignants
Un chrétien qui a réussi fait de sa
vie et de sa profession une synthèse entre la foi et sa culture, une synthèse
entre sa foi et sa vie. L’enseignant, l’enseignante, qui se présente en vivant
cette synthèse est très fidèle aux programmes du gouvernement et en même temps,
il est très fidèle à ce qu’exige l’Église, le Christ et son baptême. 22/01/78,
p.159, III.
Le labeur de l’Église est de prêcher
la Présence de Dieu dans l’Histoire, la joie de cette Présence. Que personne
n’éteigne cette joie, mes frères; que nous vivions tous l’amour avec lequel
Dieu nous visite et nous aime en vérité. Même s’Il permet parfois l’humiliation
de Zébulon et Nephtali (Mt 4,12-13) pour purifier les péchés des peuples, Dieu
ne nous a pas abandonnés, Dieu est avec nous. Maintenons cette espérance
profonde de notre foi, prions, demandons. Cela m’attriste énormément de voir
autant de gens pessimistes comme si tout était déjà perdu; comme si nous étions
sur une voie sans issue. En aucune manière! Peut-être sommes-nous en train de
vivre les ténèbres comme Zébulon et Nephtali? Mais comme Isaïe (9,1-4), sans
avoir vécu la présence du Christ qui est venu huit siècles après lui, nous
attendons ce que je vais développer dans ma seconde réflexion. 22/01/78, p.
163, III.
Le Christ fait appel Ă tous les
humains Ă se convertir et Ă collaborer
Dieu a donné la vie à chaque personne
pour une vocation. Nous n’avons pas tous la vocation ministérielle, sacrée,
celle que j’ai l’honneur d’avoir. Mais la vocation que vous avez, laïcs :
vocation du mariage, vocation de la profession, vocation de la situation
économique, politique, sociale; la charge politique aussi est un lieu d’où vous
pouvez servir Dieu.
Qu’est-ce que la conversion?
Le Christ nous appelle tous, mais Il
nous appelle Ă la
conversion. Conversion signifie s’orienter dans une
direction. Conversion, pour nous, chrétiens, signifie s’orienter vers le
Christ. C’est l’unique condition : se convertir. La conversion est
nécessaire pour que se réalise la libération que tous les peuples espèrent.
C’est à partir de là , que l’Église, prêchant cette conversion, doit signaler le
règne opposé au Règne de Dieu : le règne du péché. Une prédication qui ne
dénonce pas le péché n’est pas une prédication de l’Évangile; une prédication qui
conforte le pécheur pour qu’il s’établisse dans cette situation de péché trahit
l’appel de l’Évangile; une prédication qui ne dérange pas le pécheur, mais qui
l’endort dans son péché, c’est laisser Zébulon et Nephtali dans l’ombre de la mort. Une prédication
réveille, une prédication illumine comme lorsqu’on allume une lampe auprès de
quelqu’un endormi. Naturellement, cela le dérange, mais cela le réveille. C’est
cela, la prédication du Christ : Éveiller, convertir. C’est cela la
prédication authentique de l’Église. Naturellement, mes frères, une telle
prédication va rencontrer des conflits, l’Église doit perdre ses prestiges mal
compris; elle doit déranger, elle doit être persécutée. Elle ne peut pas être
bien avec les pouvoirs des ténèbres et du péché. 22/01/78, p.163-164, III.
L’appel à la conversion en a réveillé
plusieurs qui dormaient
J’ai compris, à la fin, que nous ne
faisons rien d’autre que d’annoncer le Règne de Dieu, lequel signale le péché
même si le péché se rencontre dans la politique, dans les situations
économiques, et dans toutes les autres situations de l’humanité.
L’Église ne peut être moins que la
voix du Christ, et dire : « Convertissez-vous parce que le Règne de
Dieu est proche et celui qui veut en profiter ne l’atteindra pas s’il ne s’est
pas convertit et repenti de ses péchés, en s’approchant de
Dieu. » C’est ce qui a été la clameur de l’Église au cours de ces
derniers temps : la conversion.
C’est pourquoi, mes frères,
convertissez-vous. Moi le premier, j’ai besoin de conversion. Nous avons tous
besoin de conversion parce que l’Apocalypse dit : « Celui qui est
saint, qu’il se sanctifie davantage; celui qui est juste, qu’il se justifie
davantage et, naturellement, celui qui vit dans le pĂ©chĂ©, qu’il rende grâce Ă
Dieu, qu’il renonce à ses injustices, à ses égoïsmes, à ses outrages.
Faites-vous l’ami de Dieu; le péché, Dieu n’en veut pas. » 22/01/78,
p.165, III.
L’Église, Peuple Messianique
Le Concile dit : « Ce
peuple messianique – et je pense à vous présentement, même si cela n’inclut pas
encore tous les humains et que l’Église semble souvent petite – ce peuple
messianique est pour tout le genre humain un germe certain d’unité, d’espérance
et de Salut. Le Christ qui l’institua pour être communion de vie, de charité et
de vérité, se sert également de lui comme d’un instrument de la Rédemption
universelle et l’envoie à l’univers entier comme lumière du monde et sel de la
Terre. 22/01/78, p. 165, III.
Coopération dans les choses qui nous
unissent
Mais cette fidélité à notre propre
doctrine ne nous interdit pas d’arriver à une coopération avec les autres dans
les choses qui nous unissent. Par exemple : De nos jours, il est si utile
que les chrétiens travaillent en commun avec d’autres pour la dignité humaine,
pour la promotion de la paix dans la justice, pour l’application sociale de
l’Évangile, l’inspiration chrétienne des arts et des lettres. 22/01/78, p. 167,
III.