L’Homélie, actualisation vivante de
la Parole de Dieu
Troisième dimanche du temps
ordinaire; 27 janvier 1980; Lectures : Néhémie 8.2-4a.5-6.8-10;
Corinthiens 12,12-30; Luc 1,1-4; 4,14-21.
Le Concile Vatican II qui a donné son
impulsion à la rénovation actuelle de l’Église, nous dit quel est rôle de
l’Homélie (S.C. 52) : « L’homélie par laquelle, au cours de l’année
liturgique, on explique à partir du texte sacré les mystères de la foi et les
normes de la vie liturgique elle-même; bien plus, aux messes célébrés avec
concours du peuple les dimanches et jours de fête de précepte, on ne l’omettra
que pour un motif grave. » On nous dit ici comment cela doit ĂŞtre fait Ă
partir de la Parole de Dieu. Ce n’est pas celui qui prêche qui invente le
thème, mais la Parole de Dieu qui l’impose : Elle dit ceci et nous réclame
de le dire au peuple. La tâche du prédicateur est d’expliquer cette Parole au
peuple, à l’assemblée qui s’est réunie afin d’éclairer ses réalités, mais
surtout pour célébrer cette Parole dans la célébration eucharistique. Toute la
Bible et toute la prédication se déroulent autour du grand mystère salvifique du
Christ qui culmine dans sa mort et sa résurrection.
L’Homélie actualise le Christ
Dans la messe, oĂą le Christ nous
laissa le mémorial de sa mort et de sa résurrection, la lecture de n’importe
quelle partie de la Bible doit être centrée sur ce mystère. Voilà pourquoi le
prédicateur, en même temps qu’il illumine les réalités, les chemins du peuple, doit
orienter, comme dans l’homélie d’Esdras (Ne 8,2-4a,5-6,8-10), pour qu’à la fin
nous puisions dire : « Amen, amen, rendons grâce et louons le
Seigneur! » et que nous puissions nous unir dans le Saint Sacrifice de la
messe.
L’Homélie établit un dialogue avec
Dieu et illumine les réalités.
L’homélie est un discours de
caractère sacrĂ©, liturgique, qui emporte le cĹ“ur de l’homme, de l’auditeur, Ă
la foi en Dieu, aux louanges à Dieu, à la célébration de la Rédemption qui se
fait présente dans le sacrifice eucharistique : nous prêchons et nous
célébrons. C’est pourquoi, la messe n’apparaît pas complète si nous venons
uniquement pour entendre l’homélie et que nous ne demeurons pas pour la partie
eucharistique.
Le principal ce n’est pas la
prédication; elle n’est que le chemin. Le principal c’est le moment où nous
adorons le Christ et où notre foi se livre à Lui, illuminée par cette Parole et
à partir de laquelle nous retournons vers le monde pour réaliser cette Parole.
Nous écoutons la Parole, nous la mettons en lien avec la réalité, nous
cĂ©lĂ©brons et nous alimentons notre vie du Christ qui nous conduit Ă
l’engagement de l’être humain dans son devoir, dans son foyer, dans le service
au monde pour qu’il soit véritablement vie selon Dieu. […]
L’homélie, actualisation vivante de
la Parole de Dieu
L’homélie est actualisation,
c’est-à -dire qu’elle rend présent, actuel --- comme si elle se produisait
actuellement sous nos yeux --- avec toute sa force vive, la Parole de Dieu, ici,
parmi nous; c’est cette réalité du Christ qui vit par cette Parole.
Plan de l’homélie :
1) Jésus est l’homélie vivante de la
révélation du Père (La personne du Christ est comme une homélie permanente de
la révélation du Père; la volonté éternelle de Dieu se fait humaine, se revêt
de chair humaine et vit ici, dans le Christ; mĂŞme quand Il ne parle pas, Il
parle; Il est l’homélie perpétuelle de Dieu.)
2) L’Église est la prolongation
toujours actuelle et agissante de l’homélie de Jésus (Jésus prêche au moyen de
son Église. L’Église est la prolongation de l’homĂ©lie que le Christ initia Ă
Nazareth : « L’Esprit du Seigneur est sur moi! », peut dire
l’Église à chaque instant, tout comme je peux le dire en ce moment, dimanche 27
janvier 1980, ici dans la basilique à huit heures du matin : « Ceci
s’accomplit aujourd’hui. » Ici est présente la Parole de Dieu. L’Église
c’est vous et moi, nous sommes la continuation de l’homélie vivante qui est le
Christ Notre Seigneur).
3) Les effets messianiques et
salvateurs de l’homélie du Christ chez les humains (Certains les acceptent et
sont heureux, les autres les rejettent et s’obstinent dans leur méchanceté.)
1) Jésus est l’homélie vivante de la
révélation du Père
A) L’homélie la plus sublime :
l’épisode
Disons avant tout que JĂ©sus est
l’homélie vivante de la révélation de Dieu. L’épisode que nous avons lu
aujourd’hui dans l’Évangile (Lc 4,14-21), est émouvant. Observons bien. Le
Christ, se rendant Ă la synagogue de Nazareth, son village, prend place sur
l’estrade où sont les rabbins et selon la coutume - qui se perpétue dans notre
Église, lorsque nous invitons un membre de l’assemblée à venir lire la Parole
de Dieu - ils invitent JĂ©sus.
Attente de toute la Synagogue
Et prenant le rouleau, Il choisit ou
le rabbin choisit pour Lui, le passage qu’Il va commenter, celui d’Isaïe. C’est
le Christ Lui-même qui le lit. Quel honneur pour Isaïe d’être lu par
JĂ©sus-Christ, et honneur plus grand encore, quand Il referme le parchemin,
comme nous le rapporte l’Évangile de ce matin (Lc 4,20) : « Il replia
le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue tenaient les
yeux fixés sur lui. »
C’est une expression qui exprime plus
que ce simple moment historique. Vous savez que dans l’Évangile, il faut
rechercher des profondeurs thĂ©ologiques, ce que l’auteur cherche Ă nous dire, Ă
inspirer de ce moment historique. « Toute la synagogue avait les yeux
posés sur lui. » C’est comme dire : Le monde entier attendait du
Christ la Parole qui peut sauver. Il va nous révéler la vérité dont le monde a
besoin; nous avons tous cette anxiété, nous Le voyons et nous attendons tous
qu’Il nous dise cette parole de la part du Seigneur. Et ce commentaire du
Christ, bien simple, mais très profond, nous dit (Lc 4,21) :
« Aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’Écriture. »
Qu’est-ce que vous venez d’entendre? (Lc 4,18) : « Que l’Esprit du
Seigneur est sur moi, parce qu’Il m’a consacré par l’onction, pour porter la
bonne nouvelle aux pauvres. » Et (Lc 4,14) : « Que Jésus
retourna en Galilée avec la puissance de l’Esprit. »
B) Dans le Christ culmine la
révélation
Le Christ se présente ici comme la
révélation, l’accomplissement de toute la révélation. Le Concile nous présente
le Christ, dans le document sur la révélation, comme Celui en qui culmine la
révélation. Je vous lis cela parce que ces paroles irremplaçables valent la
peine d’être savourées; elles nous aident à ressentir l’honneur et le bonheur
que nous avons d’avoir connu le Christ (D.V. 4) : « Le Père a envoyé
son Fils, c’est-à -dire le Verbe éternel qui éclaire tous les hommes, pour
habiter parmi les hommes et leur faire connaître les secrets de Dieu. Jésus-Christ
donc, le Verbe fait chair, envoyé « comme homme aux hommes »,
« par les paroles du Salut que le Père Lui a données de dire, révèlent le
Père. C’est pourquoi Jésus-Christ - qui Le voit, voit aussi le Père - par toute
sa Présence, par tout ce qu’Il montre de Lui-même, par ses paroles, par ses
Ĺ“uvres, par ses signes, par ses miracles, mais surtout par sa mort et sa
glorieuse résurrection d’entre les morts, enfin par l’envoi qu’Il fait de
l’Esprit de vérité, donne à la révélation son dernier achèvement et la confirme
par le témoignage divin. »
C) Par l’Esprit, Il est la Puissance
de Dieu
Connaître le Christ, c’est connaître
Dieu. Le Christ est l’homélie qui nous explique continuellement que Dieu est
amour, que l’Esprit du Seigneur est sur Lui, qu’Il est la Parole divine, qu’Il
est la présence de Dieu parmi nous.
L’Évangile n’est pas une biographie
Alors, Jésus-Christ et l’Évangile ne
sont pas deux choses distinctes. L’Évangile n’est pas une biographie du Christ.
Pour saint Paul, l’Évangile est la force vivante de Dieu. Lire l’Évangile ce
n’est pas comme lire n’importe quel livre; il faut se remplir de foi et faire
ressortir Jésus-Christ vivant, révélation du Père. Sentir, même si c’est dans
le silence, sans que personne ne parle, dans la foi profonde du cœur, que le
Christ est l’homélie de Dieu qui m’est prêchée, et, je tente de me remplir de
cette Force divine qui est venue en JĂ©sus-Christ.
Par l’Esprit
Tenons compte de cette merveilleuse
théologie de saint Luc. On le nomme l’Évangile de la prière et de l’Esprit Saint,
parce qu’il est l’Évangile où le Christ en prière, manifeste le plus sa communion
avec le Père. C’est l’Évangile qui nous répète continuellement que le Christ
était porté par l’Esprit.
C’est pourquoi quand Luc, l’auteur de
ce troisième Évangile, écrit également les Actes des Apôtres, il apparaît que
cet Esprit qui anime le Christ dans la Rédemption, est le même qu’Il communiqua
à cette Église qui continua à croître à travers les voyages de saint Paul, des
emprisonnements de saint Pierre et dans la prière des premières communautés
chrétiennes.
Le Christ continue d’être vivant
grâce à l’Esprit. L’Esprit est sur moi; ceci s’accomplit aujourd’hui; aujourd’hui
débute l’ère du christianisme; ici débute une phase de l’Histoire qui est la
plénitude des temps. L’Esprit de Dieu, s’est fait aussi l’Esprit de l’homme qui
veut bien le recevoir. 27/01/80, p.188, VIII.
2) L’Église est la prolongation
toujours actuelle et agissante de l’homélie de Jésus
A) La vérité de l’Église se fonde
dans la vérité des faits de l’Évangile
En premier lieu, la vérité de
l’Église dépend de la vérité du Christ. « Nous serions, dit saint Paul, de
grands menteurs si nous annoncions le Christ et que Celui-ci ne serait pas ce
que nous disons. »
Prologue de saint Luc :
« D’après ce que nous ont transmis… »
C’est pour cela que du Prologue de
saint Luc (1,1-4), que nous avons lu aujourd’hui, se démarque cette idée.
Qu’est-ce que Luc voulut faire quand il écrivit son Évangile? Relater les faits
(Lc 1,2-4) : « D’après ce que nous ont transmis ceux qui furent dès
le début témoins oculaires et serviteurs de la Parole, j’ai décidé, moi aussi,
après m’être informé exactement de tout depuis les origines, d’en écrire pour
toi l’exposé suivi, cher Théophile, pour que tu te rendes bien compte de la
sûreté des enseignements que tu as reçus. »
En cette heure, où tout apparaît
relatif, où tout est confusion, où rien n’est vérité, combien solide sonne
cette Parole de l’Évangile! L’Évangile apporte une consistance Ă©ternelle Ă
l’Église. C’est pourquoi nous avons répété : l’Église ne vit pas de
conjonctures; l’Église vit de la réalité éternelle qui se réalisa et où des témoins
oculaires furent présents. Les hommes se la transmirent en traditions vivantes,
illuminés par la présence de l’Esprit.
Récit des événements qui se sont
produits parmi nous.
Quels furent ces événements? Ce sont
ceux qu’il va commencer à raconter. À partir de cette entrée à la synagogue, le
Christ initie sa prédication, consomme la Rédemption et ressuscite. Il s’agit
en fait de tout ce qui constitue le Kérygme, l’annonce du Règne de Dieu, de la
venue du Christ pour sauver les hommes et les femmes; c’est précisément cette
réalité que nous appelons Église, celle qui naît de la réalité des faits.
MĂŞme historiquement, mĂŞme en faisant
abstraction de l’inspiration divine, il n’existe pas de livre si
scientifiquement vérifié concernant l’authenticité et la véracité de ce à quoi
l’Évangile fait référence. Vingt siècles, au cours desquels l’Évangile a été
critiqué non seulement par des amis, mais également par des ennemis qui
cherchaient à détruire ce qu’il disait, ne sont parvenus qu’à apporter
davantage de lustre Ă ces paroles de saint Luc.
TĂ©moignage de ceux qui furent les
témoins oculaires
Les réalités où furent présents les
témoins oculaires et qui nous furent transmises, sont des faits qui confirment
la vérité, la solidité des choses auxquelles tu crois.
Frères, ne doutons jamais de la
vérité de l’Évangile; il est dangereux de le confondre avec tant de fausses
promesses des hommes et de croire que l’Évangile aussi nous laisse frustrés et
désillusionnés. Mais, en vérité, il s’agit d’une Parole très distincte; c’est
pourquoi, qu’en ce jour où revient sur les ondes la radio YSAX, je peux vous
dire avec honneur, qu’au travers de ses antennes, qu’ont voulu détruire les
forces humaines, voyage une Parole que personne ne peut retenir, qui vit dans
l’Église, qui est la réalité solide dans la foi de tout un peuple et que
personne ne peut venir Ă bout de cette Parole.
B) La communauté se fait homélie de
JĂ©sus
Ainsi comme l’Église naît de
l’Évangile, dans le prologue de saint Luc apparaissent d’autres aspects importants :
l’Église se convertit en messagère de l’Évangile. Elle s’évangélise pour
évangéliser.
C’est pourquoi saint Luc nous dit
qu’il recueille ces témoignages. Saint Luc ne fut pas un apôtre, ni même ne
connut le Christ, mais il fut un disciple de Paul et il fut Ă Rome. Il Ă©couta
les apôtres et les communautés. C’est ce qui est fantastique : savoir que
l’Évangile fut écrit par les communautés. Les Évangiles qu’aujourd’hui nous
lisons, celles de saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean, sont l’homélie
des communautés.
Les prédicateurs de la Parole
Un témoin rendait compte à un groupe
de ce qu’il avait vu et donnait jusqu’au sang si nécessaire, un témoignage de
sa foi, de la véracité de ce qu’il leur racontait. Et ces gens croyaient parce
qu’ils étaient éclairés par l’Esprit de Dieu qui les évangélisait. Et, nous
avions alors, une communautĂ© qui avait reçu la foi et qui se sentait motivĂ©e Ă
porter cette foi grâce à ce même Esprit qui les illuminait.
Style de Luc
Luc, précisément, n’est rien de plus
qu’un maillon de cette chaîne de la tradition. Luc ne connut pas le Christ, ni
ne vit personnellement les faits qu’il raconte : « … mais - comme il
dit - convaincu de la réalité, de la solidité de ces choses, je sais que la
communauté s’alimente de cette foi, » et il ne pouvait pas douter d’elle.
C’est donc à partir des commentaires aux communautés que les évangélistes
écrivirent les Évangiles qui sont parvenus jusqu’à nous. C’est pourquoi ils
possèdent des caractéristiques très distinctes malgré le fait qu’ils nous
parlent tous de la même vie du Christ; ce sont des homélies, des réflexions
réalisées à partir de contextes historiques réels et distincts.
Luc Ă©crit pour des paĂŻens, Matthieu
Ă©crit pour des Juifs, Marc Ă©crit pour des Romains. Luc, Ă©crivant pour des
païens, ne se préoccupe pas tant des formules juives mais se soucie davantage
des motifs qui peuvent toucher n’importe qui.
Caractéristiques doctrinales
C’est pourquoi, les caractéristiques
doctrinales de l’Évangile de saint Luc tracent un parallèle entre l’activité de
Jésus et le ministère de l’Église. Ils présentent Jésus non pas tant comme la
réalisation des prophéties judaïques, mais plutôt comme un prophète nouveau qui
va voir s’accomplir ce qu’Il dit dans la postérité de l’Église.
Luc présente le Christ comme le
prophète qui lance au monde un Règne qui n’aura pas de fin et les années vont
se charger de confirmer ce prophète et fondateur de l’Église. Saint Luc fait
aussi ressortir l’agissement du Christ parmi les gentils, parmi les pauvres,
parmi les marginaux. Cela remue davantage un peuple qui n’a pas fait de cette
religion un privilège, mais qui, de sa connaissance nouvelle du Christ, fait la
compréhension de ce monde si déprécié des esclaves et des marginaux.
On le nomme l’Évangile de la
miséricorde
L’Évangile de saint Luc a pris tant
de noms si précieux, qu’on le nomme l’Évangile de la miséricorde et des grands
pardons. En aucun autre Évangile n’est rapportée la parabole de l’Enfant
Prodigue, le pécheur repenti. L’Évangile de saint Luc est celui qui exprime le
mieux la tendresse du cœur du Christ quand Il s’approche des pécheurs et leur
pardonne.
On le nomme l’Évangile des pauvres
Le récit de Bethléem est pittoresque
parce qu’autour du Christ qui naît, sont présents les pauvres, les pasteurs,
ceux qui n’ont pas d’importance aux yeux du monde, ceux qui forment le cortège
de ce Roi qui vient de naître. C’est de là que provient cette option
préférentielle pour les pauvres.
On le nomme l’Évangile du renoncement
absolu
Luc, écrivant pour les idolâtres de
l’honneur et des richesses de la Terre, leur dit de tout abandonner pour le
Règne de Dieu. Personne n’est autant absolu dans ce renoncement des choses pour
se faire vraiment pauvres, comme l’Évangile des pauvres.
On le nomme également l’Évangile de
la prière et de l’Esprit saint
Parce qu’il est l’Évangile qui
présente le mieux la transcendance de ce message évangélique et nous élève
jusqu’à Dieu. Et de Dieu, fait dériver dans la prière les moments solennels où le
Christ accueille les apôtres et se transfigure. Et, Il va lancer son Église de
par le monde, fruit de la prière et de l’Esprit.
On le nomme aussi l’Évangile de la
Joie Messianique
Si vous recherchez un message
d’allégresse et d’optimisme, lisez saint Luc. Lisez avec quelle allégresse il
raconte la grande nouvelle, cette bonne nouvelle que Dieu est venu et que les
pécheurs, les marginaux, ceux qui ont besoin de bonnes nouvelles, l’ont ici
dans l’Évangile; et c’est pourquoi on l’appelle la Bonne Nouvelle.
L’Église se fait communauté qui
transmet le Christ, qui suit l’homélie du Christ dans le style de chacun. C’est
merveilleux. Chaque communauté, chaque prédicateur, chaque catéchiste, chaque
congrégation religieuse, chaque physionomie de l’Église possède son propre
charisme, sa propre manière d’être, mais, entre tous, nous partageons cette
merveille que le Christ vit au travers de son Esprit, en nous.
C’est l’Esprit qui construit le Corps
du Christ avec tous ceux qui Le suivent
J’aimerais ici vous rappeler cette
seconde lecture d’aujourd’hui où saint Paul (I Cor 12,12-30), maître de saint
Luc, se réfère à la constitution de cette Église comme un corps où nous sommes
tous membres les uns des autres. Le Christ est la tête et l’Esprit qui anime
cette tête, anime également, comme d’une même vie, la tête et le corps de tous
les membres qui constituent l’Église.
Et c’est pourquoi, je vous répète,
frères et sœurs, ce que je vous ai déjà dit, précisément au sujet de cette peur
de demeurer un jour sans radio : Le meilleur microphone de Dieu est le
Christ et le meilleur microphone du Christ c’est l’Église et l’Église c’est
vous. Chacun de vous… depuis son propre poste, à partir de sa propre
vocation : la religieuse, l’époux, l’évêque, le prêtre, l’étudiant,
l’universitaire, le journalier, l’ouvrier, la vendeuse du marchĂ©, que chacun Ă
son poste, vive intensément sa foi et se sente comme un véritable microphone de
Dieu Notre Seigneur dans son milieu.
Ainsi l’Église aura toujours une
prédication; elle sera toujours une homélie même si nous n’avons pas l’heureuse
opportunité, que je sens à chaque dimanche, de communiquer avec autant de
communautés qui, au cours de cette semaine, m’ont manifesté le désir d’entendre
Ă nouveau cette radio qui est presque devenue le pain de notre peuple. Mais le
jour oĂą les forces du mal nous laisseront sans cette merveille dont ils
disposent en abondance, et qu’à l’Église ils enlèveront le peu qu’elle possède,
sachons qu’ils ne nous auront fait aucun mal; au contraire, nous serons alors
davantage des microphones vivants du Seigneur et nous prononcerons partout sa
Parole… 27/01/80, p.188-192, VIII.
3) Les effets messianiques et
salvateurs de l’homélie du Christ chez les humains
Messianiques, c’est-à -dire, tous les
biens que le Christ apporta. Salvateurs, c’est-à -dire, la Parole de l’Évangile qui
est une force de libération comme nulle autre.
A) L’Évangile est la prédication de
Jésus. Il se présente dans l’Évangile de saint Luc comme une mission de grâce,
comme une offre de Salut.
Quel fut le texte que le Christ choisit
dans l’abondance de l’Ancien Testament pour se présenter dans les temps
messianiques? Luc, non seulement veut nous raconter l’épisode du Christ dans la
synagogue de Nazareth, mais situant cette Ă©pisode avec son prologue de
l’Évangile veut nous dire : « Qu’au monde entier sera annoncé qui est
le Christ, quelle est l’œuvre qu’Il est venue nous apporter. »
C’est pourquoi Luc choisit et raconte
avec agrément le passage que le Christ a lu et où sont décrites toutes les
merveilles de la libération (Lc 4,18) : « L’Esprit du Seigneur est
sur moi, parce qu’Il m’a consacré par l’onction! » Il m’a oint! Le Christ est
l’Oint; c’est ce que signifie le Christ, le Messie. Messie est la parole
hébraïque qui signifie la même chose que Christ en grec et Oint en français. Il
est l’Oint. Il a été comme assumé, comme imprégné par l’Esprit saint. Il est la
plénitude de l’Esprit de Dieu : l’Oint.
« Il m’a oint pour porter la
Bonne Nouvelle aux pauvres! »
C’est cela, la mission du
Christ : porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, à ceux qui ne reçoivent que
de mauvaises nouvelles, à ceux qui ressentent l’outrage des puissants, à ceux
qui voient passer au-dessus d’eux les richesses qui rendent les autres heureux.
C’est pour cela que vient le Seigneur; pour les rendre heureux et leur
dire : N’ambitionnez pas, sentez-vous bienheureux et riches du grand don
que vous apporte Celui qui, étant riche, s’est fait pauvre pour être avec vous
et sachez que le plus grand bonheur, c’est de partager la joie que Dieu ressent
d’être avec ses pauvres.
« Il m’a envoyé annoncer aux
captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté
les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur. »
C’était l’année sabbatique que tous
attendaient avec un ardent désir parce qu’en cette année toutes les choses
devaient être rendues à leurs propriétaires légitimes, les dettes étaient
effacées et tout recommençait à neuf. C’est l’heure que nous attendons au
Salvador. Non pas la grâce d’une année sabbatique, mais la force d’une restructuration
à laquelle le peuple aspire et à laquelle il va parvenir avec l’aide du Christ
qui est venu précisément pour annoncer des sociétés nouvelles, la Bonne
Nouvelle, les temps nouveaux…
C’est pourquoi je ne me lasse pas de
dire à tous les hommes, surtout aux jeunes qui aspirent à la libération du
peuple, que j’admire leur sensibilité sociale et politique mais que je me
désole de voir qu’ils la gaspillent par ces chemins qui ne sont pas véritables.
L’Église leur dit : Par ce chemin, par celui du Christ, mettez toute votre
énergie, toute votre abnégation, tout votre sacrifice jusqu’au point de mourir,
mais mourant pour la cause de la Libération véritable que vous a garantie Celui
qui est imprégné de l’Esprit de Dieu et qui ne peut nous tromper. Celui qui peut
assumer toutes les préoccupations libératrices et revendicatrices du peuple qui
sont des cris qui clament jusqu’à Dieu et que Dieu se doit d’entendre. Puisse
Dieu que nous entendions tous que le grand leader de notre libération est cet
Oint du Seigneur qui vient pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, pour donner
l’allégresse à de si nombreux foyers endeuillés, pour renouveler la société
comme pendant les années sabbatiques d’Israël!
B) L’homélie doit conduire au culte,
à l’adoration de Dieu
Un autre effet de l’homélie c’est
d’éveiller l’adoration envers Dieu. J’aime entendre cette première lecture (Ne
8,2-4a,5-6,8-10) avec ce contexte historique si émouvant. Néhémie et Esdras
sont des noms de Juifs qui revinrent du désert de Babylone. Et quand ils
régressèrent, les nombreuses caravanes rencontrèrent une Jérusalem détruite. Il
y eut une grande désillusion mais ils travaillèrent à la reconstruction. Cela a
toujours été l’effort humain de ne pas se laisser abattre par le pessimisme, de
reconstruire et de ne pas détruire. Et ceux-ci, lorsqu’ils terminèrent la
reconstruction, convoquèrent tout le peuple qui était en train de récupérer son
esprit patriotique. C’est cette assemblée solennelle qui nous est rapportée.
Tout le peuple Ă©coutait Esdras qui,
monté sur une estrade, lit le Pentateuque écrit par Moïse que Dieu lui a
commandé de dire à son peuple. Il leur explique sous la forme d’une simple
catéchèse la volonté de Dieu. L’homélie au peuple, la simplicité de la Parole,
sans prétention rhétorique ou oratoire; simplement l’amour au peuple pour qu’il
comprenne ce Dieu et entre en contact avec Lui.
C’est ce que nous nous proposons de
faire; que je ne sois pas un obstacle dans le dialogue entre vous et Dieu, mais
qu’en chaque cœur s’éveille la gratitude, l’amour, l’admiration, le repentir,
le retour vers Dieu. Pour qu’une fois terminée l’homélie nous puissions voir le
peuple qui, unissant les mains, se mettant debout, réponde : « Amen!
Amen! Et qu’il s’incline et se prosterne, visage contre terre devant le Seigneur. »
Pour qu’après l’homélie nous nous mettions
à prier et à célébrer l’Eucharistie! Pour qu’aujourd’hui, chaque fois qu’un
sacrement est célébré, nous lisions la Bible et nous faisions une homélie. Aujourd’hui,
la vie sacramentelle de l’Église est autant solennelle. Pour faire un baptême,
il nous importe que cela soit préparé d’avance et qu’après nous lisions un
passage de l’Évangile qu’un prêtre vient expliquer.
C’est seulement lorsque la foi est
éveillée que nous pouvons apporter l’enfant aux fonds baptismaux afin que les
adultes comprennent ce qui va se produire. De mĂŞme pour le mariage qui est un
rite sacramentel; que nous lisions Ă©galement la Parole de Dieu pour ceux qui
vont s’aimer pour toujours afin qu’ils se sentent inclinés à espérer de Dieu la
fidélité de cet amour. Tout cela c’est s’approcher de Dieu.
Je ne prétends pas faire autre chose,
très chers frères, et cela me réjouit beaucoup lorsqu’il y a de simples gens
qui rencontrent dans mes paroles, un véhicule pour s’approcher de Dieu ou bien
lorsqu’un pécheur se convertit. C’est cela, l’effet de la véritable prédication
ecclésiastique : L’Église, homélie du Christ, continuant le message du
Christ.
Allégresse et fête dans le cœur
L’homélie produit une autre chose que
nous raconte aussi le livre de Néhémie quand il dit (8,11-12) :
« Taisez-vous : ce jour est saint. Ne vous affligez point! » Parce
que le peuple pleurait lorsqu’il entendait les paroles de la loi. « Et
tout le peuple s’en fut manger, boire, distribuer des parts et se livrer Ă
grande liesse : car ils avaient compris les paroles qu’on leur avait
communiquées. » Nous dirions qu’il s’agit de l’esprit du dimanche, le Jour
du Seigneur, jour d’allégresse mais d’une joie non égoïste, d’une joie qui
partage avec ceux qui n’ont rien. Ce que nous avons, partageons-le pour nous
sentir plus heureux.
Comme sera magnifique le jour oĂą une
société nouvelle, au lieu d’emmagasiner et de garder égoïstement, répartira,
partagera, divisera, et où tous se réjouiront parce qu’ils se sentiront tous fils
d’un même Dieu! Qu’est-ce que peut désirer d’autre la Parole de Dieu dans notre
contexte salvadorien sinon la conversion de tous pour que nous nous sentions
tous frères?
L’Évangile nous fait aussi voir un
autre effet de l’Homélie : les uns heureux et les autres amers.
L’heureux est celui dont nous parle
l’Évangile d’aujourd’hui. Les gens qui l’admiraient et qui se sentaient heureux
d’être auprès du Christ, parce qu’ils avaient reçu de Lui la grande révélation.
DĂ©nonciation du manque de foi
Mais immédiatement après, le Christ
commença à expliquer dans son homélie la dénonciation de son peuple. Nazareth
où Il ne pouvait faire de miracles même s’Il aimait tant son peuple, parce que
c’était un peuple incrédule, un peuple qui le confondait avec un simple fils de
Marie, fils d’un homme. Le Christ leur dit (Lc 4,25-26) : « Assurément,
je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves en Israël aux jours d’Élie,
lorsque le ciel fut fermé pour trois ans et six mois, quand survint une grande
famine sur tout le pays; et ce n’est à aucune d’elles que fut envoyé Élie, mais
bien à une veuve de Sarepta, au pays de Sidon. » Ils se sentirent offensés
de ce qu’Il dénonçait leur incrédulité, leur fausse piété.
La synagogue, formaliste dans sa
religion, ne tolère pas qu’on lui dise que leur culte est erroné et ils furent
remplis de fureur. (Lc 4,29-30) : « Et, se levant, ils le poussèrent
hors de la ville et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline sur
laquelle leur ville était bâtie, pour l’en précipiter. Mais Lui, passant au
milieu d’eux, allait son chemin… » C’est le sort des prophètes qui diront
toujours de bonnes choses mais qui, pour le bonheur de leur peuple, doivent
également signaler les péchés afin qu’ils se convertissent. Ceux qui sont
humbles entendent et se sauvent, mais ceux qui ne le sont pas s’obstinent et se
perdent. 27/01/80, p.192-195, VIII.