L’Espérance chrétienne, clé et force de notre véritable Libération

 

Trente-troisième dimanche du temps ordinaire; 18 novembre 1979; Lectures : Daniel 12,1-3; HĂ©breux 10,11-14.18; Marc 13,24-32.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) Le But de notre EspĂ©rance : le Règne de Dieu

 

2) La Force de notre EspĂ©rance : la LibĂ©ration en JĂ©sus-Christ

 

3) Attitudes des personnes qui ont l’Espérance. À ce but et à cette force dynamique correspondent chez le chrétien de conviction des attitudes qui lui permettent d’être un agent valeureux de la libération des peuples.

 

 

1) Le But de notre EspĂ©rance : le Règne de Dieu

 

 

A) Description de la tension des chrĂ©tiens : espĂ©rance, vertu thĂ©ologale qui place sa confiance en Dieu

 

L’Évangile recueille une prĂ©occupation qu’avaient les chrĂ©tiens alors que le Christ Ă©tait dĂ©jĂ  mort et ressuscitĂ©, et que l’annonce du Règne leur paraissait si proche. Pour plusieurs, cela constituait une tentation : croire que le Règne Ă©tait sur le point d’arriver. Mais le Christ leur avait dit que mĂŞme le Fils ignorait le jour et l’heure de son avènement. Ce fut un travail contant des pasteurs des premiers temps du christianisme de dire que cette proximitĂ© Ă©tait pour maintenir une tension chez les chrĂ©tiens. C’est cela la foi chrĂ©tienne. Une tension qui se nomme EspĂ©rance. EspĂ©rer (attendre) le Christ qui a promis son retour. Dans notre messe nous rĂ©pĂ©tons : « Viens Seigneur JĂ©sus. Â» Le peuple chrĂ©tien marche, animĂ© d’une espĂ©rance vers le Règne de Dieu.

 

Saint Marc (13,24-32) : Discours eschatologique : le temple et JĂ©rusalem – Signes du Règne de Dieu qui sont dĂ©truits pour faire place au dĂ©finitif. Le cadre de ce passage de l’Évangile que nous avons lu aujourd’hui situe l’Évangile de saint Marc aux derniers jours de la vie du Christ. Alors qu’Il allait du temple vers BĂ©thanie oĂą on Lui avait offert une chaleureuse hospitalitĂ©. Ils admiraient l’édifice du temple. Le coucher du soleil faisait briller cette montagne de marbre qu’était le temple, c’est Ă  cette heure qu’il semblait Ă©ternel, indestructible, symbole d’une alliance entre Dieu et le peuple juif. C’est alors que le Christ dit aux apĂ´tres admiratifs devant cette merveille d’architecture et du gĂ©nie humain (Mc 13,2-3) : « Je vous dis que de ce temple il ne restera pas pierre sur pierre. Â» Et ils lui demandèrent : « Quand cela arrivera-t-il Seigneur? Â» Et c’est en rĂ©ponse Ă  cela que commence le fameux discours eschatologique. C’est ainsi que se nomme ce passage, un des discours les plus longs du Christ que l’Évangile ait conservĂ©s. Le discours eschatologique, celui des derniers temps, de la fin, c’est ce que signifie eschatologie : l’ultime, le dĂ©finitif.

 

Le Christ regarde le temple, figure et symbole de l’histoire d’Israël, un peuple auquel Dieu a promis une éternité inaltérable. Et maintenant le Christ affirme que de ce temple il ne demeurera pas pierre sur pierre. C’est que la prophétie ne se réfère pas au symbole. Le Christ se réfère au temple qui ne va pas mériter cette immortalité, précisément parce qu’il s’agit là également du symbole de la trahison du peuple envers Dieu. Trente années après que le Christ eût prononcé ces paroles, les armées de l’Empire romain détruisirent le temple afin de soumettre une rébellion des Juifs et ils le mirent à terre afin qu’il ne reste pas pierre sur pierre.

 

Le Ciel et la Terre passeront, mais ma Parole ne passera pas

Et Ă  partir de cette allusion Ă  la destruction du temple de JĂ©rusalem, JĂ©sus fait rĂ©fĂ©rence Ă  la destruction de l’univers. Lui non plus n’est pas dĂ©finitif, ni le soleil, ni la lune, ni les Ă©toiles, eux aussi s’éteindront. Tout passera Ă©galement, le Ciel et la Terre passeront, il y a seulement une chose qui ne passera pas (Mc 13,31) : « Mes paroles ne passeront point. Â»

 

Le Christ parle ici d’une destruction universelle. L’Évangile recueille en langage apocalyptique, un style que les auteurs de la Bible affectionnaient particulièrement. Ce style, aux accents parfois fantastiques, avec ses chiffres qui étaient compris de ceux de ce temps. C’est pourquoi nous ne comprenons pas entièrement l’Apocalypse et toutes ces littératures d’origine orientale, mais nous comprenons le contenu que le Christ a voulu leur donner.

 

 

La venue du Christ : Le Centre de cette lecture est le but de notre EspĂ©rance

 

Dans le symbole du temple qui est dĂ©truit et dans la prophĂ©tie des astres qui s’effondrent, le Christ nous signifie les prĂ©paratifs transitoires de l’éternel. C’est ce qui est dans l’Évangile d’aujourd’hui est la Parole du Christ (Mc 13,26-27) : « Alors on verra le Fils de l’Homme venant dans des nuĂ©es avec grande puissance et gloire. Il enverra alors les anges pour rassembler ses Ă©lus, des quatre vents, de l’extrĂ©mitĂ© de la terre Ă  l’extrĂ©mitĂ© du ciel. Â» C’est cela le principal, en cette fin d’annĂ©e liturgique, cette pensĂ©e selon laquelle en nous unissant au Christ nous sommes les Ă©lus. Nous devenons les Ă©lus lorsque volontairement nous nous attachons au Seigneur qui ne passe pas. Nous ne sommes pas des Ă©lus lorsque, au lieu de nous affairer au Christ, l’Éternel, nous nous affairons aux idoles qui passeront comme le Ciel et la Terre.

 

C’est de là que provient l’insistance de l’Église à prêcher le Règne de Dieu, le Règne du Christ. Cela crée naturellement dans le cœur humain une vertu qui se nomme l’Espérance. Vertu théologique qui unit l’homme à Dieu parce que l’être humain aspire à des choses que par sa propre nature il ne pourrait pas acquérir, mais uniquement en se fondant en Dieu.

 

C’est le fondement de l’Espérance, sinon ce serait une folie. Ceux qui ne possèdent pas la foi ne peuvent pas comprendre ce fondement des promesses divines faites à l’humanité. Ils croient que nous attendons en vain et ils veulent construire uniquement un royaume sur cette Terre. Mais lorsque quelqu’un sait que le principal c’est le Règne de Dieu que le Christ est venu établir en notre temps, nous pouvons dire qu’il y a déjà des semences d’éternité dans le cœur humain qui espère et croit dans Notre Seigneur, Jésus-Christ, l’Éternel.

 

 

B) Première Révélation de la Résurrection

 

C’est pourquoi la seconde lecture (He 10,11-18) nous propose aussi cette dualitĂ© entre le temporel et l’éternel lorsque le Christ nous dit qu’après son sacrifice Il s’assoira Ă  la droite de Dieu. Image biblique pour dire qu’Il participe au pouvoir de Dieu et qu’Il espère. Il dit (He 10,13) : « Attendant dĂ©sormais que ses ennemis soient placĂ©s comme un escabeau sous ses pieds. Â»

 

Cela veut dire qu’il existe une situation éternelle, immuable du Christ, à laquelle nous ne pouvons faire aucun dommage tandis que sur la Terre sévissent les vagues de l’Histoire, le temps dont Dieu a besoin pour soumettre les péchés des humains au pouvoir du Règne de Dieu. Qu’ils se convertissent ou qu’ils ne se convertissent pas, Dieu vaincra; la victoire de son Règne est assurée et bienheureux ceux qui espèrent que ce temps se termine. Ce qui importe, c’est de placer au pied de Dieu les péchés du monde. Celui qui vit dans le péché ou celui qui désire s’installer dans cette condition de péché, d’injustice, de désordre, passera avec la Terre et le Ciel qui passeront.

 

Dans la persĂ©cution, Daniel annonce la venue du Règne universel de Dieu, le Règne des saints, comme quelque chose d’éminent. Surtout, dans la première lecture (Dn 12,1-3), ce passage de Daniel est pittoresque et très beau parce que c’est la première fois dans l’Ancien Testament oĂą l’on se rĂ©fère Ă  ce grand mystère qu’est la rĂ©surrection de la chair. Il est bon qu’en ce matin nous remontions Ă  cette rĂ©flexion de Dieu qui a inspirĂ© le prophète Daniel alors qu’il Ă©crivait cette page qu’aujourd’hui nous avons lue lors de la première lecture (Dn 12,2-3) : « Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s’éveilleront, les uns pour la vie Ă©ternelle, les autres pour l’opprobre, pour l’horreur Ă©ternelle. Les doctes resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui ont enseignĂ© la justice Ă  un grand nombre, comme les Ă©toiles, pour toute l’éternitĂ©. Â»

 

Cette rĂ©vĂ©lation de la RĂ©surrection surgit chez le peuple d’IsraĂ«l qui n’avait pas une idĂ©e claire de ce que pouvait ĂŞtre l’au-delĂ  de l’être humain après la mort. Ils croyaient en une survie, mais une survie minimale sous la Terre, jusqu’à ce que, au temps de la persĂ©cution des MacabĂ©es, ils dirent : « Il n’est pas juste que ce peuple ne vive qu’en tant que nation. Tous ceux qui luttent pour sa libĂ©ration doivent avoir Ă©galement une participation personnelle en ce Règne des cieux. Â»

 

Vous vous souvenez que nous avons dĂ©jĂ  fait mention ici de ce passage d’un athĂ©e qui disait : « Une rĂ©volution oĂą certains meurent et d’autres survivent pour en profiter, une rĂ©volution comprise dans le sens communautaire, ne me satisfait pas. Qu’est-ce que ces morts qui n’existent plus vont gagner sur ces piĂ©destaux de douleur? Â» Il doit y avoir une rĂ©compense pour chacun qui lutte.

 

Le christianisme respecte beaucoup la conscience de chacun et il sait que tous les humains auront leur juste rĂ©compense, tel qu’elle nous a Ă©tĂ© enseignĂ©e dans la rĂ©vĂ©lation primitive. C’est ce que le Christ nous annonce dans le Nouveau Testament avec une clartĂ© mĂ©ridienne qui nous dit qu’après notre mort, existe une immortalitĂ©. C’est en ces moments de persĂ©cution que se dĂ©finissent ces deux postures dont nous parle la première lecture (Dn.12,2) : « Certains s’éveilleront de la poussière pour la vie Ă©ternelle et d’autres pour l’ignominie perpĂ©tuelle. Â» Les opprimĂ©s et les oppresseurs ne connaĂ®tront pas le mĂŞme sort dans l’immortalitĂ©, ceux qui ont commis l’injustice et leurs victimes. Les martyrs et les hĂ©ros des grandes batailles de la Terre, s’ils ont placĂ© leur confiance en Dieu, vaincront mĂŞme si apparemment il n’y a plus lĂ  qu’un mort silencieux dans la douleur et dans l’ignominie.

 

 

PĂ©dagogie de Dieu

 

Comment le Père Ă©ternel signale-t-il des objectifs immĂ©diats pour animer l’enfant sur son long chemin? Une pĂ©dagogie de Dieu qui, Ă  travers les prophètes, nous a Ă©galement animĂ©s. Selon cette lecture de Daniel, la persĂ©cution passera en ce qui se rĂ©fère au temps et adviendra un Règne de Dieu. C’est comme si on attendait des humains qu’ils soient le plus parfaits possible, mais cent ans passeront encore avant que le Christ ne vienne promettre cette autre RĂ©demption et cette autre RĂ©surrection. Nous pourrions nous dire : « Dieu s’est trompĂ©. Â» Non, il s’agit lĂ  de la pĂ©dagogie du père envers son fils qui doit faire un très long voyage. Pour que ce dernier ne se dĂ©courage pas, le père lui raconte les beautĂ©s de cette ville oĂą ils vont. Mais le fils se fatigue, alors le père commence Ă  lui dire : « Regarde, nous allons marcher jusqu’à ce sommet, derrière ce sommet se trouve ce royaume si beau que je t’ai dĂ©crit. Â»

 

Ă€ chaque pas apparaĂ®t la splendeur du but comme quelque chose qui se gagne, mais le but dĂ©finitif demeure toujours au-delĂ . Et lorsque le fils arrive au sommet, le père lui dit encore : « C’est un peu plus loin, encore un peu. Â» Ainsi font les prophètes en conduisant l’humanitĂ©, et l’Église poursuit la pĂ©dagogie des prophètes. C’est pourquoi elle ne peut pas dire : « Oui, ce système politique qui a Ă©tĂ© conquis au prix de tant de sang, est dĂ©finitif. Â» Non, l’Église ne peut pas s’engager Ă  dĂ©finir ici sur Terre ce Règne de Dieu. Elle continue d’animer les libĂ©rateurs, elle continue d’animer l’amĂ©lioration constante des gouvernements, elle continue d’animer l’amĂ©lioration des systèmes politiques, mais elle n’est pas politique. Elle est animatrice, elle est le père qui encourage son fils Ă  aller plus loin, Ă  maintenir l’utopie et cette soif de perfectionner sans cesse davantage les systèmes.

 

C’est pourquoi un système athĂ©e est aveugle lorsqu’il veut offrir aux humains un paradis sur Terre. Cela n’existe pas. Au-delĂ  de nos efforts se trouve Dieu et la seule perfection sera la LibĂ©ration dĂ©finitive, l’immortalitĂ©, par delĂ  la mort. Cela ne signifie pas que nous devons ĂŞtre aliĂ©nĂ©s, ne plus travailler, nous satisfaire de la situation actuelle et attendre la mort passivement. Cela fut dĂ©jĂ  condamnĂ© par les premiers chrĂ©tiens. Pour attendre un Ciel qui allait bientĂ´t venir, ils cessèrent de travailler. Saint Paul, en toute cruditĂ©, leur dit : « Celui qui ne travaille pas, qu’il ne mange pas. Â» C'est-Ă -dire que l’EspĂ©rance du Ciel n’est pas pour encourager la paresse; il faut travailler, et celui qui a une vocation doit la dĂ©velopper.

 

Nous devons tous faire un effort pour améliorer sur cette Terre notre situation politique, sociale, économique, mais toujours avec la perspective orientée vers l’éternité. L’Espérance nous anime pour que nous reflétions sur Terre la beauté, la justice et l’amour de ce Règne. Un reflet, rien de plus, parce que le véritable et le définitif appartient à l’Espérance, celle qui anime nos labeurs. L’Espérance doit être la vertu des politiciens, des hommes et des femmes qui luttent.

 

 

L’Espérance chrétienne!

 

Sans l’Espérance de Dieu, les libérations de la Terre demeurent mutilées. Sans l’Espérance de l’éternité, les libérations se convertissent seulement en changements des maîtres de la situation. Nous n’avons pas confiance en un athée, en un homme sans foi, sans Dieu, qui prétend au pouvoir seulement par le sort de cette Terre. On ne peut pas offrir un paradis sur Terre parce que cela n’existe pas. Mais l’Espérance exige de travailler pour s’améliorer toujours davantage.

 

C’est pourquoi, mes frères, mes sœurs, l’Église alimente l’Espérance et ce n’est pas sa tâche de faire l’analyse politique du système, de faire des stratégies. Elle n’est que l’impulsion de tous les systèmes et de toutes les stratégies pour qu’ils ne dévient pas et pour qu’ils s’orientent toujours vers ce chemin de la véritable libération qui ne se vivra seulement qu’en cet horizon indiqué par la révélation d’aujourd’hui. 18/11/79, p.447-451, VII.

 

 

2) La Force de notre EspĂ©rance : la LibĂ©ration en JĂ©sus-Christ

 

Une libération complète n’est pas à notre portée parce que la véritable Libération, nous l’avons répétée mille fois, ne consiste pas seulement à améliorer les salaires, à baisser le prix des choses, à changer de gouvernement; ce sont là des libérations temporelles qui font partie de la libération totale parce que l’Église ne se désintéresse pas non plus de cela, mais cela demeure très partiel. L’Église signale les causes de ces injustices. Pourquoi existe-t-il tant de violence au Salvador? Pourquoi y a-t-il tant de mécontentements? Pourquoi les revendications du peuple sont-elles justes? Et, pourquoi est-il égoïste de tout posséder pour soi sans penser aux autres? Certainement, tout cela ce sont les fondements de la libération, mais cela n’est pas toute la libération.

 

Quand nous appuyons les moyens de pressions politiques des organisations populaires et lorsque nous appuyons la justice que celles-ci demandent, au même moment nous critiquons leurs abus de pouvoir. Lorsqu’on prend les revendications uniquement comme des bannières démagogiques et non comme de véritables objectifs de libération du peuple, l’Église le dénonce.

 

Quand nous signalons ces déficiences et que nous appuyons ces avancements, c’est parce que nous savons que ces libérations de la Terre ont une racine que seule la foi découvre. Ces libérations possèdent un but que seule l’Espérance peut découvrir. La racine est le péché et le but est le Règne de Dieu. La racine est le péché parce que du péché proviennent les égoïsmes, les injustices sociales, les violences. Tout cela est le fruit du péché.

 

Le but est au-delà de l’Histoire, parce que passant par toutes ces libérations temporelles, l’être humain ne se contentera pas du bonheur terrestre, sinon qu’il aspire à une liberté définitive, à une vie qui ne meurt pas, à une dignité qui ne peut avoir d’égal que d’être fils ou fille de Dieu. Qui peut bien nous amener jusqu’à ces racines et nous élever jusqu’à ces hauteurs? Seulement le Christ, sans Lui il n’y a pas de véritable libération.

 

Nous espérons parce que Dieu l’a promis… et qu’Il nous aide

C’est magnifique de voir la manière dont nous découvrons dans les lectures d’aujourd’hui l’initiative de Dieu derrière les conflits de Daniel et après la destruction de l’univers annoncée par le Christ. Notre Espérance s’appuie en ce que Dieu a promis. Nous ne faisons pas pression sur Dieu pour qu’il en soit ainsi. Dieu est libre et librement Il nous offre la libération de nos péchés. Il nous a promis également la promotion jusqu’à la dignité des Enfants de Dieu.

 

 

A) Personne ne le sait, seul le Père

 

Dans les lectures d’aujourd'hui, nous avons entendu que seule la puissance de Dieu peut faire cela. (Mc 13,32) : « Quant Ă  la date de ce jour ou Ă  l’heure, personne ne les connaĂ®t, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, seul le Père les connaĂ®t. Â»

 

 

B) Saint Michel : la Force de Dieu dans la lutte : « Ton peuple se sauvera. Â» Lorsque la première lecture nous dit qu’auprès de ce peuple de Dieu qui lutte pour ces libĂ©rations inspirĂ©es par leur foi et par leur confiance en Dieu, va celui qui dans l’Ancien Testament Ă©tait comme la prĂ©sence du pouvoir de Dieu auprès de son peuple : l’Archange saint Michel, Puissance de Dieu avec nous. C’est seulement dans cette Puissance que pourra marcher ce peuple.

 

 

C) Description de la Libération en Jésus-Christ

 

Mais surtout, je voudrais illustrer ce second point : en Dieu seul nous possĂ©dons, uniquement en JĂ©sus-Christ libĂ©rateur en qui les hommes peuvent espĂ©rer leur libĂ©ration.

Seul le sacrifice annule le péché

 

La seconde lecture, l’ÉpĂ®tre aux HĂ©breux, prĂ©sente le Christ comme la cause de toute notre EspĂ©rance libĂ©ratrice (He 10,11-13) : « Tandis que tout prĂŞtre se tient debout chaque jour, officiant et offrant maintes fois les mĂŞmes sacrifices qui sont absolument impuissants Ă  enlever des pĂ©chĂ©s, lui au contraire ayant offert pour les pĂ©chĂ©s un unique sacrifice, il est assis pour toujours Ă  la droite de Dieu, attendant dĂ©sormais que ses ennemis soient placĂ©s comme un escabeau sous ses pieds. Â»

 

Par son sacrifice, Il perfectionne ceux qui s’y sont consacrĂ©s. (He 10,14) : « Par une oblation unique, il a rendu parfaits pour toujours ceux qu’Il sanctifie. Â» Le Christ a fondĂ© la cause de la RĂ©demption, de la libĂ©ration et bienheureux tous ceux qui en profitent. C’est Lui qui, par son sacrifice, paya pour nos pĂ©chĂ©s et acheta les hauteurs du Ciel, l’amitiĂ© de Dieu pour toujours. Alors, en cette Force, se perfectionnent tous ceux qui croient en Lui. Quelle espĂ©rance pour nous de savoir que nous ne nous appuyons pas sur notre bâton fragile et que notre cri de libĂ©ration n’est pas de la dĂ©magogie qui s’appuie uniquement sur les armes et la violence ou dans les choses de la Terre sinon qu’il s’appuie sur une EspĂ©rance plus forte que toutes les violences.

 

Quand des journalistes me demandent mon opinion sur les changements Ă  opĂ©rer au Salvador, ils me disent que l’Histoire a souvent dĂ©montrĂ© que ceux-ci ne s’obtiennent que par la violence, que les revendications ne s’obtiennent qu’avec des coups et de la violence, je leur ai rĂ©pondu ce que je dĂ©sire vous dire Ă  prĂ©sent : L’Histoire est souvent ainsi parce que les hommes ont cru davantage en la force brute qu’en l’amour que le Seigneur nous a donnĂ© parce que les humains n’ont pas essayĂ© encore avec toute leur Ă©nergie et leurs capacitĂ©s intellectuelles, leurs capacitĂ©s de dialogue et d’entendement. Mais en cette heure au Salvador, il est bon de se souvenir que c’est du Christ seul, de son amour, que viendra l’inspiration pour que les choses changent ici dans notre pays. Et si parfois nous n’avons d’autre choix que d’arracher par la force ce que l’on ne veut pas nous donner par amour, comprenons Ă  temps cette grande pĂ©dagogie de l’Évangile, cette confiance et cette foi que nous devons placer dans le Seul qui soit la cause et l’artisan de notre LibĂ©ration : le Christ Notre Seigneur.

 

C’est pourquoi le Pape Jean-Paul II dit dans son premier discours comme chef suprĂŞme de l’Église : « Vous, les politiciens, les gouvernants, les hommes d’affaires, les riches et les puissants, ouvrez les portes au Christ. Seul Lui peut vous apporter la RĂ©demption. Â» Vous qui luttez dans la misère du peuple, dans la douleur des tortures et des outrages, ne vous fiez pas uniquement Ă  la force de vos bras et de votre intelligence,. Vous devez les mettre en Ĺ“uvre, mais le principal est de s’appuyer dans le Christ Notre Seigneur et dans son amour omnipotent, la libertĂ© Ă  laquelle nous aspirons. 18/11/79, p.451-454, VII.

 

 

3) Attitudes des personnes qui ont l’Espérance

 

L’Espérance n’est pas une attitude passive

 

Je l’ai dĂ©jĂ  dit l’autre jour que Puebla interpelle en ces circonstances les peuples latino-amĂ©ricains, circonstances comme celles que vit actuellement le Salvador. Il existe deux manières de rĂ©agir : les uns sont passifs, ils attendent que tout leur arrive de Dieu, ils ne se mettent pas en route, ils se lamentent, ils pleurent sur leur situation et ils ne font rien. D’autres par contre sont activistes, « puisque Dieu est si loin arrangeons-nous tout seuls. Â» C’est de lĂ  que proviennent toutes les manifestations de violence, activitĂ©s sans Dieu et jusqu’à des crimes et du sang, cela ne peut ĂŞtre le prix de notre RĂ©demption.

Alors, le document de Puebla signale la vĂ©ritable doctrine de l’Évangile. Comme le Christ qui espĂ©rait de Dieu, homme de la Providence qui croyait que si les oiseaux et les fleurs sont nourris et vĂŞtus par Dieu, il appartient Ă  l’humain d’être Ă©galement l’artisan de l’Histoire. Le Christ collabore avec le Père et attend l’heure et la volontĂ© de son Père pour se livrer tout entier Ă  sa prĂ©destinĂ©e. Et lorsqu’arrive l’heure Ă  laquelle le Père demande Ă  l’homme de faire ce sacrifice, il est l’heure de dire : « En Toi, Seigneur, j’espère Â», et de se lancer dans la lutte avec confiance dans le Seigneur.

 

 

Vigilance : la rĂ©colte

 

Dieu et l’être humain font l’Histoire. Dieu sauve l’humanitĂ© dans l’Histoire de son propre peuple. L’Histoire du Salut est l’histoire du Salvador lorsque les Salvadoriens recherchent dans leur histoire la PrĂ©sence du Dieu Sauveur. C’est pourquoi l’attitude du vĂ©ritable chrĂ©tien et de la vĂ©ritable espĂ©rance se termine dans le discours eschatologique du Christ par une recommandation insistante : « Vigilance! Â»

 

C’est le mot d’ordre : rester en Ă©veil. Le Christ utilise des comparaisons comme celles d’aujourd’hui : « Observez lorsque viendra le printemps. Â» Ici, dans notre Ă©ternel printemps salvadorien, nous remarquons moins ces diffĂ©rences, mais dans des pays oĂą les saisons sont davantage marquĂ©es, on voit que l’hiver est comme une mort parce que les arbres se meurent, mais lorsqu’arrive le printemps commencent Ă  bourgeonner les branches d’oĂą surgissent des feuilles, des fleurs et des fruits. Le Christ dit : « Observez, le printemps est tout près! Â» Il dit Ă©galement : « On doit aussi observer les heures de Dieu, il faut demeurer attentifs au passage du Seigneur pour collaborer avec Lui. Â»

 

Dans la conclusion du discours que nous avons lu aujourd’hui, Il dit (Mc 13,35) : « Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maĂ®tre de la maison viendra, le soir Ă  minuit, au chant du coq ou le matin, de peur qu’en venant Ă  l’improviste il ne vous trouve endormi Â», ou encore comme l’homme qui a peur qu’on ne vienne le voler : il est en Ă©veil, en vigile, parce que s’il s’endort on pourrait le surprendre.

C’est cela l’attitude du chrétien qui est véritablement en attente. Il ne dort pas en espérant tout de Dieu qui viendra à son heure. C’est que l’Espérance réveille l’envie de collaborer avec Dieu, dans la certitude que si j’y mets du mien, Dieu nous aidera et nous sauverons la patrie.

 

 

Les douleurs de l’enfantement

 

Lorsque le Christ et le prophète Daniel, dans les lectures d’aujourd’hui, nous parlent de ces cadres apocalyptiques de destruction, de souffrance, de douleur, ils n’expriment pas que Dieu a abandonnĂ© son peuple. Nous avons tous ressenti une fois cette tentation : « Dieu nous a abandonnĂ©s, Dieu nous a laissĂ©s seuls. Â» Non! Il s’agit lĂ  des douleurs de l’enfantement et non de l’abandon de Dieu.

 

Le prophète Daniel dit une phrase qui pourrait bien s’appliquer aujourd’hui au Salvador : « Ce sont des temps difficiles comme l’heure oĂą la femme donne naissance. Â» Quelque chose de nouveau naĂ®t et quelque chose meurt. C’est toujours ainsi dans l’Histoire. Celui qui veut faire de l’Histoire quelque chose d’immuable, quelque chose qu’il peut mesurer avec son cadre immuable ne possède pas une vraie conception de l’Histoire.

 

 

« Ce sont des temps difficiles. Â»

 

Ceux qui désirent interpréter selon leurs modèles et leurs critères ce qui se passe actuellement dans notre pays et qui sont incapables de s’adapter, d’évaluer leurs stratégies, leurs systèmes, leurs façons de faire aux nouvelles manières d’être du pays ne comprennent pas que l’Histoire est une femme qui donne constamment naissance; quelque chose de vieux meurt et quelque chose de nouveau naît toujours. L’homme et la femme d’espérance savent que toutes les douleurs du pays sont comme les douleurs de la famille, la souffrance du foyer, ce sont des douleurs de la nouvelle créature qui doit naître. Dans les douleurs, élevons notre cœur vers Dieu, qui désire également prendre sa part de notre douleur et de nos souffrances pour collaborer par son omnipotence au Salut de notre peuple. 18/11/79, p.451-455, VII.