Le Don le plus grand de Pâques : le Dynamisme de l’Amour

 

20 mai 1979; Lectures : Actes 10,25-26,34-35,44-48; I Jean 4,7-10; Jean 15,9-17.

 

Ce que je vais prêcher ce matin, plusieurs ne lui accordent pas d’importance, ne veulent pas entendre parler d’amour, ceux qui veulent seulement parler de violence, de haine, de justes revendications, de droits. Tout cela n’est pas le langage de Jésus-Christ et de son Église. L’Église accompagne les revendications et les luttes sociales avec amour, et elle dit à tous les protagonistes de l’Histoire que, sans la force de l’Amour, rien de solide ne peut être construit.

 

Plusieurs pensent, dit Puebla, que l’amour « est une expression sans l’énergie nĂ©cessaire pour affronter les graves problèmes de notre Ă©poque. Â» Cependant, nous vous assurons qu’il n’existe pas de paroles plus fortes que celle-lĂ  dans le dictionnaire chrĂ©tien. Elle se confond avec la propre force du Christ. Si nous ne croyons pas dans l’Amour, nous ne croirons pas non plus en Celui qui dit (Jn 15,12) : « Un commandement nouveau je vous donne : aimez-vous les uns les autres. Â»

 

Je voudrais ce matin, à la lumière de nos réflexions sur la Parole de Dieu qui nous inculque l’Amour comme l’énergie du chrétien, que nous confirmions de nouveau notre foi en l’Amour. L’Amour n’est pas lâche, l’Amour n’est pas passif; l’Amour est force, si fort que c’est l’unique qui a sauvé le monde. Il n’existe pas d’autre Salut que celui de l’Amour du Christ qui nous a apporté l’Amour rédempteur de Dieu!

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Dieu est Amour et source de l’Amour

2) Le Christ est la révélation de l’Amour de Dieu entre les hommes

3) Les chrétiens sont les responsables du dynamisme de l’Amour

Si le monde ne se sauve pas malgrĂ© le fait qu’il y ait tant de chrĂ©tiens, c’est parce que nous n’avons pas rĂ©pondu Ă  cette terrible responsabilitĂ© : nous sommes les dĂ©positaires de l’énergie salvatrice de l’Amour. Et l’appel de ce matin est : faire usage, mettre en pratique l’énergie de l’Amour qui est dĂ©posĂ© en notre cĹ“ur.

 

 

1) Dieu est Amour et source de l’Amour

 

Invitation des lectures Ă  une haute contemplation (Ac 10,25-26,34-35,44-48; I Jn 4,7-10; Jn 15,9-17)

Aujourd’hui, les lectures nous ont amenĂ©s Ă  la plus haute contemplation. Nous sommes montĂ©s comme l’aigle jusqu’aux cieux les plus Ă©levĂ©s : lĂ  oĂą naĂ®t l’Amour.

 

 

A) Dieu est la source de l’Amour.

 

JĂ©sus-Christ nous a dit aujourd’hui mĂŞme dans l’Évangile que nous avons lu (Jn 15,9) : « Comme le Père m’a aimĂ©, ainsi je vous ai aimĂ©s. Â» « L’amour est de Dieu. Dieu est amour Â» (I Jn 4,7-8).

 

 

Origine des relations divines

 

Lorsque la Parole de Dieu nous offre ces rĂ©vĂ©lations si hautes, nous pouvons dire que l’origine des relations divines, comment le Père engendra le Fils dans l’Esprit saint pour toute l’éternitĂ©, est son activitĂ© de pensĂ©e, d’Amour, de charitĂ© pour les siècles des siècles. Nous dirons qu’Il nous a rĂ©vĂ©lĂ© le Christ : « Ainsi comme mon Père m’a aim酠» signifie que la relation qui existe entre le Père et le Verbe qui est Moi fait chair, est une relation d’Amour. La force qui unit les trois personnes de la Sainte TrinitĂ© dans l’intimitĂ© grandiose de Dieu, c’est l’Amour.

 

C’est pourquoi le Concile Vatican II, en tenant compte de ces très hautes perspectives du Christ et de son Évangile lors de la dernière Cène, dit : « Le Seigneur… ouvrant des perspectives fermĂ©es Ă  la raison humaine, suggère une certaine ressemblance entre l’union des Personnes divines et l’union des fils de Dieu dans la vĂ©ritĂ© et dans la charitĂ©. Cette ressemblance dĂ©montre que l’homme… ne peut rencontrer sa propre plĂ©nitude qu’en s’offrant lui-mĂŞme aux autres. Â»

 

« Comme mon Père m’a aimĂ©, ainsi Je vous aime et c’est ainsi que vous devez vous aimer. Â» Comment le Père aime-t-il le Fils? En lui donnant toute sa Nature divine, en se livrant Ă  Lui entièrement. Ce ne sont pas trois dieux, dit le catĂ©chisme, mais un seul Dieu, une seule Nature qui se livre par Amour aux trois personnes divines.

 

Que le monde serait merveilleux si tous les humains mettaient la plĂ©nitude de leur dĂ©veloppement, toute la grandeur de leurs idĂ©aux, Ă  se donner aux autres. Ce qui diminue les humains est comme un dĂ©sir impossible Ă  Dieu, car il Le dĂ©truirait, c’est l’égoĂŻsme. Le jour oĂą le Père dirait : « Toute la nature est Ă  moi, rien pour les autres Â», Dieu n’existerait plus alors. Dieu est Amour, Dieu c’est se donner, tout est commun aux trois personnes divines. Comme mon Père m’aime, Il me donne tout, ainsi, moi je vous aime en vous donnant tout.

 

 

B) Dieu prit l’initiative de cette alliance de l’Amour

 

« L’Amour est de Dieu, nous dit la seconde lecture, Dieu est amour Â», mais maintenant, redescendons de cette source très haute avec la Parole de Dieu qui nous autorise Ă  dire que toute l’initiative de venir racheter les humains, provient de l’Amour de Dieu. Et Saint Jean nous a dit dans la seconde lecture d’aujourd’hui (I Jn 4,10) : « En cela consiste l’Amour, non pas en ce que nous avons aimĂ© Dieu, mais en ce que Lui nous aima et nous a envoyĂ© son Fils… Â» L’Amour est initiative, l’Amour n’attend pas de la gratitude ou de l’admiration, sinon qu’il aime comme les mères aiment, sans attendre du fils qui ne rend pas compte de ses peines, de ses sacrifices. C’est ainsi que Dieu nous aime, s’offrant Ă  nous mĂŞme lorsque nous ne pensons pas Ă  Lui, mĂŞme lorsque nous Ă©tions ses ennemis par le pĂ©chĂ©. Il regarda notre disgrâce et envoya son Fils pour sauver le monde.

 

Observez comment nous apprenons Ă  cette mĂŞme Ă©cole de Dieu, la gĂ©nĂ©rositĂ© qui fait tant dĂ©faut aujourd’hui en ce monde. Il n’est pas nĂ©cessaire que le malheureux lève la main pour me demander. Je devrais avoir, comme Dieu, l’initiative de secourir mĂŞme lorsqu’il ne se souvient pas de moi. C’est pour cela que Dieu est la source de l’Amour. Et lorsque le Christ concrĂ©tise cette initiative de Dieu dans sa relation avec les apĂ´tres, Il leur dit cette belle phrase que nous rĂ©pĂ©tons le jour de notre ordination sacerdotale : « Vous ne m’avez pas Ă©lu vous-mĂŞmes, c’est Moi qui vous ai choisis. Â» Nous sommes des amis non pas parce que vous m’avez cherchĂ©. Je vous ai cherchĂ©. Vous avez su me rĂ©pondre, mais J’ai eu l’initiative de vous appeler.

 

Qu’il est bon de penser que, ce matin, tous ceux qui sont ici c’est par initiative de leur foi parce que nous sommes venus adorer notre Dieu en ce dimanche, parce que nous recherchons Dieu. Ce n’est pas nous qui avons pris l’initiative de venir Ă  la messe, c’est Dieu qui nous a donnĂ© la santĂ©, qui nous a donnĂ© la bonne volontĂ©, qui nous a donnĂ© l’initiative afin que nous croyions que c’est nous qui cherchons Dieu. Mais le Christ nous rĂ©vèle : ce n’est pas vous qui m’avez cherchĂ©, Je vous ai appelĂ©s, Je vous ai donnĂ© la capacitĂ© de venir. Vous avez su rĂ©pondre, mais Je suis le principe de cette relation d’Amour qui existe entre vous et Moi.

 

C’est merveilleux de penser que Dieu prend l’initiative dans cette Alliance d’Amour et qu’il ne nous appartient que de répondre. L’Amour n’a pas été créé par nous, c’est Dieu qui l’a créé; et si la mère est capable d’aimer son fils, c’est parce que Dieu a placé dans le cœur de la femme, un amour de mère. S’il y a des couples qui s’aiment jusqu’à la mort avec une fidélité exemplaire, cet amour vient de Dieu. S’il y a de l’amour dans notre patrie et s’il y a de l’amour dans notre sacerdoce au service du peuple, en toute sincérité nous aimerions et voudrions en cela être semblables à Dieu, c’est parce que de Dieu provient l’Amour.

 

C’est un matin pour rendre grâce à Dieu pour la grande quantité d’Amour que nous avons dans notre cœur. Quel est celui qui ne peut pas aimer, pardonner, comprendre? Quelle richesse! Combien sont pleines d’amour les urnes de cette réflexion! Penser que toutes ces amphores, Dieu les a remplies et que notre capacité d’avoir différentes façons d’aimer, c’est parce que Dieu nous les a données. L’amour est de Dieu, dit saint Jean, c’est de Dieu, respectons-le, ne le profanons pas, ne le prostituons pas en le convertissant en un faux amour. Convertissons-le, faisons-le croître, il est de Dieu! Dieu est Amour! 20/05/79, p.345-347, VI.

 

 

2) Le Christ est la révélation de l’Amour de Dieu entre les hommes

 

 

A) Sa relation avec nous est l’exemple de sa relation avec le Père

 

La lecture de l’Évangile dĂ©bute en nous disant (Jn 15,9) : « Comme mon Père m’a aimĂ©, ainsi Je vous ai aimĂ©. Â» Vous dĂ©sirez connaĂ®tre l’amour qu’il y a en mon Père? Regardez comme Je vous aime. C’est la RĂ©vĂ©lation. Et lorsque cet amour amène le RĂ©dempteur des hommes jusqu’à se laisser crucifier, dĂ©fait pour l’amour qu’Il nous porte, nous comprenons que c’est ainsi que le Père L’aime, comme Dieu nous aime, de façon dĂ©sintĂ©ressĂ©e.

 

 

B) Le Père L’envoya

 

Le Christ nous rĂ©vèle l’Amour du Père parce que c’est le Père qui L’envoya, le seconde lecture d’aujourd’hui nous le rĂ©vèle (I Jn 4,9) : « En cela se manifeste l’Amour que Dieu nous porte : Dieu nous a envoyĂ© son Fils unique afin que nous vivions par Lui. Â» Nous dirions que c’est de la folie qu’un père livre son fils pour sauver des Ă©trangers. C’est la folie de Dieu : Il nous donna son propre Fils pour nous sauver alors que nous Ă©tions ses ennemis. Il prit l’initiative et le Christ nous a rĂ©vĂ©lĂ© qu’Il est venu, non pas par sa propre volontĂ©, mais envoyĂ© par le Père. Il se prĂ©sente toujours ainsi, envoyĂ© par le Père : la doctrine qu’Il leur enseigne, c’est le Père qui m’a envoyĂ© vous la dire. Toute origine de Dieu.

 

 

Dans le Christ, Dieu nous révèle son Amour

 

Quelle prĂ©occupation que celle du Christ Ă  nous enseigner, Ă  nous convaincre que Dieu nous aime : « Mon Père vous aime. Â» Quel beau message! Si le Christ n’était venu que pour nous dire cela : « Je viens vous rĂ©vĂ©ler que le Dieu qui vous a crĂ©Ă©s vous aime. Â» Et dans les moments difficiles de leur histoire – comme c’est le cas actuellement dans notre pays – et dans les moments amers de notre foyer dĂ©solĂ©, de notre maladie, de notre tristesse; lorsqu’il semble que l’homme pourrait dire comme le Christ sur la Croix (Jn 15,9) : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonnĂ©? Â» Il ne nous a pas abandonnĂ©s, c’est alors qu’Il se trouve le plus près de nous. Il est en train d’éprouver tes mĂ©rites. Il te met Ă  l’épreuve. Ă€ l’heure de l’amertume, Il ne t’abandonnera pas et te fera assumer après, dans la gloire de tes mĂ©rites, ces moments amers qu’aujourd’hui nous ne comprenons pas, comme l’or ne peut comprendre lorsqu’il est dans le creuset, tout le feu qui le fait mĂ»rir.

 

 

Dans le Christ, Dieu nous pardonne

 

C’est la seconde lecture d’aujourd’hui qui nous l’enseigne (I Jn 4,10) : « Dieu envoya son Fils comme victime d’expiation pour nos pĂ©chĂ©s. Â» Frères, ne nous fions pas Ă  ce que Dieu va nous pardonner pour nos mĂ©rites. Si j’ai confiance que Dieu va me pardonner et me donner son Ciel malgrĂ© mes nombreux pĂ©chĂ©s, c’est parce que le Christ notre Seigneur a payĂ© pour moi. Rappelons-nous de la petite histoire que je vous ai racontĂ©e un jour, celle de l’artiste qui avait investi toutes ses Ă©nergies Ă  gagner des applaudissements. Dans sa vanitĂ©, Ă  l’heure de mourir, elle pleurait devant le prĂŞtre : « Père, je me sens vide, mes mains sont vides pour me prĂ©senter Ă  Dieu. Â» Le prĂŞtre eut alors l’heureuse inspiration de lui placer son crucifix entre les mains : « Regarde, elles ne sont plus vides, prĂ©sente-toi avec le Christ. Â»

 

 

Le Christ est le mérite de toutes les mains vides!

 

Faisons nôtres les mérites du Christ crucifié. Dieu l’envoya pour qu’Il soit la victime expiatoire de nos péchés. Si Dieu ne nous pardonne pas à cause de notre humilité, de notre petitesse, de notre prière, Il nous pardonne grâce au Christ qui porta sur ses épaules mes péchés et les paya sur la Croix. Lorsque je fais mienne, par une solidarité de foi et d’amour, la mort du Christ sur la Croix, Dieu me pardonne; non pas pour moi, mais pour le Christ qui se laissa crucifier pour mes péchés. Il est la rançon de nos péchés. Dans le Christ, Dieu me révèle son amour, son pardon; il me pardonne, aussi graves soient mes fautes.

 

 

Dans le Christ, Dieu établit une relation d’amitié

 

Quelle autre relation Dieu Ă©tablit-Il avec les ĂŞtres humains en son Fils JĂ©sus-Christ? La plus merveilleuse, mes frères, une relation d’amitiĂ©. Le Christ nous l’a rĂ©vĂ©lĂ© dans l’Évangile d’aujourd’hui (Jn 15,15) : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maĂ®tre; mais je vous appelle mes amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaĂ®tre. Â» Parce que cette catĂ©gorie de relation entre le maĂ®tre et l’esclave n’établit pas la confiance. Le Fils entre dans la confidentialitĂ© de la famille et vous ĂŞtes les fils et vous ĂŞtes mes amis.

 

J’ai eu la chance de visiter la tombe dont la tradition enseigne qu’il s’agit de la tombe d’Abraham. Un seul nom dit tout : El Kalil, l’Ami. C’est ainsi que la Bible dĂ©finit Abraham : « l’Ami de Dieu. Â» Celui qui parlait avec Dieu comme un ami ou comme nous dit la Bible de MoĂŻse : il parlait face Ă  face avec Dieu, comme un ami parle avec un autre ami. C’est la relation que Dieu a Ă©tablie avec les chrĂ©tiens. Dans le Christ JĂ©sus, Il nous a appelĂ©s pour nous dire : je ne veux plus vous appeler serviteurs, je vais vous appeler amis. Quelle belle libĂ©ration! Nous sommes libres parce que Dieu nous a fait presque ses Ă©gaux, ses amis. Il n’y a dĂ©jĂ  plus de secrets entre Dieu et moi. Parlons d’ami Ă  ami. Vous tous, chers frères, vous pouvez aujourd’hui mĂŞme entreprendre avec Dieu une conversation d’amis. C’est cela que le Christ nous rĂ©vèle, l’Amour que le Père nous porte.

 

Il veut ĂŞtre notre ami.

 

Si le Pape Jean-Paul II a tant Ă©mu les gens lors de son voyage au Mexique, c’est parce qu’avant tout, il voulut apparaĂ®tre comme l’ami des Mexicains. Il porta le sombrero des Mexicains, il embrassa les enfants des femmes mexicaines, il conversa avec les ouvriers et les mendiants; un ami au milieu de ses amis : le Pape. Mais davantage que le Pape, c’est Dieu qui, dans le Christ, a voulu se faire l’ami de tous les ĂŞtres humains, jusqu’au plus grand pĂ©cheur s’il se repent.

Dans le Christ, le Père nous a rĂ©vĂ©lĂ© une relation de consolation et d’allĂ©gresse, en ces heures de pessimisme pour la patrie. Lorsque plusieurs croient qu’il n’existe pas de solution, qu’il est bon d’entendre le Christ qui nous dit dans l’Évangile d’aujourd’hui : « Pour que par ces paroles vous ayez ma joie et la plĂ©nitude de l’allĂ©gresse. Â» Nous n’avons pas le droit d’être tristes. Un chrĂ©tien ne peut ĂŞtre pessimiste. Un chrĂ©tien doit toujours nourrir dans son cĹ“ur la plĂ©nitude de l’allĂ©gresse. Faites l’expĂ©rience, mes frères, j’ai tentĂ© de la faire plusieurs fois et dans les heures les plus amères, lorsque me harcelaient la calomnie et la rĂ©pression, de m’unir intimement au Christ, l’Ami, et de sentir une douceur plus grande que celles que procurent toutes les joies de la Terre. L’allĂ©gresse de se sentir intime avec Dieu, mĂŞme lorsque les autres ne le comprennent pas. C’est la joie la plus profonde qu’il peut y avoir dans le cĹ“ur.

 

Le Christ qui Ă©tait prĂ©cisĂ©ment dans la nuit tragique de sa vie alors que le jour suivant jusqu’à ses propres disciples l’abandonneraient, prononça cette parole de joie. Et sans doute qu’en montant au Calvaire au milieu des amertumes de la Passion, dans le fond de son âme, il y avait une plĂ©nitude d’allĂ©gresse parce qu’Il faisait la volontĂ© de son Père, et qu’Il sentait que Dieu ne l’avait pas abandonnĂ© mĂŞme lorsque cela s’apparentait Ă  un abandon de Dieu. Il dit : « Pour que ma joie soit en vous et que votre joie parvienne Ă  la plĂ©nitude. Â»

Finalement, dans l’Évangile d’aujourd’hui se rĂ©vèle une autre merveille que le Christ fait au nom du Père : personnifier notre prière.

 

Aujourd’hui nous l’avons dit : « Tout ce que vous avez demandĂ© au Père en mon nom, on vous l’accordera. Â» Que pouvons-nous vouloir de plus! Celui qui nous a donnĂ© son propre Fils, comment pourrait-Il nous refuser ce qui vaut bien moins que son Fils? Ne faisons pas consister notre vie en des biens transitoires, demandons au Père les grands biens pascals. Demandons pour notre Terre, pour notre patrie, la paix, la justice, l’amour. Si nous ne l’atteignons pas, c’est parce que nous n’avons pas mis en pratique ces promesses de Dieu. Mais le jour oĂą tout le peuple salvadorien, convaincu que le Christ, le divin Patron de la Patrie, le Divin Sauveur du Monde, a Ă©tabli avec Dieu et les Salvadoriens des relations si profondes d’amour, nous nous convertirons alors au Seigneur dans l’Amour, au lieu d’idolâtrer les fausses idoles de la richesse, du pouvoir, de la chair, de l’argent et des biens de ce monde.

 

Lamentablement, c’est ce qui se produit, nous avons rompu l’Alliance d’Amour et nous n’aimons plus Dieu par-dessus toutes les choses, sinon qu’au-dessus de Lui, nous aimons comme cet avare qui dit : mon dieu, c’est mon argent ou comme ce luxurieux : mon dieu, c’est le plaisir de la chair; ou comme l’homme politique : mon dieu, c’est le pouvoir. Parce qu’en ces dieux, nous plaçons notre confiance, notre prière, et non dans le Christ. C’est pourquoi le Salvador est si mal en point! Convertissons-nous au Seigneur dans l’Amour et croyons dans l’Amour. Croyons dans le Christ qui nous a rĂ©vĂ©lĂ© l’Amour. Ne doutons pas de Lui, ayons pleine confiance et, tout ce que nous demanderons dans l’Amour, nous l’obtiendrons. 20/05/79, p.247-250, VI.

 

 

3) Les chrétiens sont les responsables du dynamisme de l’Amour

 

L’Amour de Dieu dans le Christ a fait naĂ®tre l’Église. C’est cela, l’Église : vous et moi. Pourquoi? Parce que, dit le Concile Vatican II, qui prend conscience de ce que c’est qu’être Église : « L’Église est le sacrement, c’est-Ă -dire le signe et l’instrument de l’union intime des hommes avec Dieu et des humains entre eux. Â» Il n’y a pas de dĂ©finitions plus belles de l’Église que celle-ci qui dĂ©finit l’Amour qui doit nous unir avec Dieu et de l’Amour qui se doit de nous unir entre nous. C’est cela, l’Église.

 

 

A) Nous sommes engagés par une Alliance qui est un commandement d’Amour. Lorsque dans le cœur d’un chrétien croît l’Amour envers Dieu et que grandisse son Amour envers son prochain, alors ce chrétien se fait Église. Je voudrais souligner profondément cette pensée parce que plusieurs, même s’ils appartiennent encore à l’Église avec ces perspectives d’unité et de communion avec Dieu et avec les hommes, mettent davantage leur confiance dans leur option politique. Ils croient plus dans le Bloc Populaire Révolutionnaire, ils croient davantage dans le FAPU, dans ORDEN, ils croient plus dans leur organisation terrestre et ils oublient que la force de ces mouvements est passagère, encore plus lorsqu’ils se fondent sur la violence et qu’ils croient en la force de la haine. Au contraire, lorsqu’on place sa confiance en unissant par Amour les humains entre eux et en les unissant avec Dieu, on fait Église, on réalise la communion.

 

Je voudrais chers frères prêtres, chères communautés religieuses et chères communautés ecclésiales de base, chères communautés paroissiales, que vous teniez compte que c’est cela faire Église. Et je mesurerai l’efficacité d’un prêtre et d’une communauté dans la mesure où l’on sait faire communion. La communion, c’est l’Amour qui unit les humains entre eux et qui les unit avec Dieu. Aussi brillante que soit l’œuvre d’un prêtre et d’une communauté, tant qu’il ne laisse pas comme une empreinte la communion dans l’Amour, il n’a pas fait l’Église, lamentablement il n’a rien construit d’autre qu’une coquille qui se rompt facilement. Il ne laisse pas d’empreinte, celui qui ne sème pas dans l’Amour.

 

Je voudrais, chers chrĂ©tiens, aujourd’hui alors qu’il y a tant de fanatisme au sein des forces politiques et dans les forces de violence qui ne cessent de nous faire halluciner par leurs feux de Bengale, je voudrais que dans la sĂ©rĂ©nitĂ© tranquille de notre foi, nous sachions discerner la consistance que possède la communion que le Christ nous a laissĂ©e. C’est pourquoi le troisième point nous dit que nous sommes les responsables de cette communion que le Christ nous a laissĂ©e en hĂ©ritage comme un grand don pascal. Nous sommes engagĂ©s par une Alliance qui, au mĂŞme moment, est un mandat. Cela apparaĂ®t deux fois dans l’Évangile d’aujourd’hui cette parole finale du Christ : « Cela est mon commandement Â» et Ă  la fin, Il dit : « Je vous ordonne. Â» Ainsi termine Celui qui peut nous commander parce qu’Il nous a rachetĂ©s, parce qu’Il nous a achetĂ©s avec son sang et que nous sommes siens, Il nous a dit : « Aimez-vous les uns les autres. Â»

 

 

Aimer, critère pour discerner si nous sommes de Dieu…

 

La seconde lecture d’aujourd’hui est profonde. Je voudrais que vous la mĂ©ditiez dans vos maisons. (I Jn 4,10) : « Celui qui aime, est nĂ© de Dieu, celui qui n’aime pas, n’a pas connu Dieu. Â» C’est pourquoi saint Jean de la Croix Ă©crivit dans un de ses versets : « Au soir de ta vie, on t’examinera sur ton amour. Â» Si tu aimes, tu es de Dieu, tu as connu Dieu et tu vivras avec Dieu pour toujours. Si tu n’aimes pas, tu n’es pas de Dieu, tu n’as pas connu Dieu. Qu’il est triste de dire : plusieurs de nos frères n’ont pas connu Dieu parce que, dans leur cĹ“ur, l’amour n’a jamais souri, parce que dans leur cĹ“ur il y eut toujours de l’amertume, de la violence, de la vengeance et de la haine.

 

B) Universalisme de l’amour : « Dieu ne fait pas de distinction, Il accepte celui qui le craint et pratique la justice, qu’il soit de la nation qu’il soit. Â»

 

Risques :

Lorsque l’humain peut nous diviniser

La première lecture nous relate que saint Pierre fut invitĂ© par un paĂŻen, le centurion Corneille et que Dieu l’envoya au moyen d’une vision. On nous raconte que lorsque l’apĂ´tre arriva Ă  cette demeure, le centurion Corneille s’agenouilla Ă  ses pieds comme reconnaissant en lui quelque chose de divin, et Pierre lui dit : « Non, ne fais pas cela, je suis un homme comme toi. Â»

 

Lorsqu’un peuple ou un groupe d’humains se croit supĂ©rieur et discrimine, les juifs s’aperçurent que l’Esprit saint avait Ă©tĂ© donnĂ© Ă  ces paĂŻens, selon les juifs, Dieu avait seulement des relations avec le peuple juif et les paĂŻens Ă©taient traitĂ©s comme des chiens jusque dans le temple de JĂ©rusalem, il y avait un vestibule qui divisait les paĂŻens : le vestibule des paĂŻens. De lĂ , un paĂŻen ne pouvait pas passer Ă  la section rĂ©servĂ©e aux juifs, parce qu’il existait une sentence de mort si cela arrivait. Ils Ă©taient exclusifs, ils croyaient que Dieu aimait seulement les juifs. Il y a plusieurs leçons Ă  commenter de ce moment que nous approfondissons sur l’Amour. Si Pierre n’avait pas Ă©tĂ© humble et s’était laissĂ© adorer comme un Dieu, il n’aurait pas rĂ©alisĂ© le prodige qu’il rĂ©alisa : celui de baptiser les paĂŻens. Dieu n’aurait pas ouvert cette Ă©cluse entre le peuple juif et le peuple paĂŻen. Dieu n’aurait pas accompli sa promesse faite aux prophètes : faire un seul peuple dans la foi de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ.

 

 

Le Don de l’Esprit est pour tous

 

Quel est le don qui rendit l’Église capable d’embrasser toutes les races sans avoir de discrimination pour personne? L’Amour que le Christ lui enseigna Ă  avoir. « L’Esprit saint, nous dit la première lecture d’aujourd’hui, ne fait pas exception de personne Â» (Ac 10,34). Alors, Pierre prit la parole et dit : « Je constate en vĂ©ritĂ© que Dieu ne fait pas exception de personne, mais qu’en toute nation, celui qui le craint et pratique la justice, Lui est agrĂ©able. Â» Et lorsqu’il voit ces prodiges, saint Pierre se demande : « Peut-on refuser l’eau du baptĂŞme Ă  ceux qui ont reçu l’Esprit saint Ă  l’égal de nous? Â» (Ac 10,47) Il les baptisa et c’est ainsi que commença l’Église universelle.

 

Frères, ce qui peut nous entraver dans notre amour, ce sont ces sentiments de petitesse, de mesquinerie, d’égoĂŻsme, de discrimination. Celui-lĂ  oui, celui-ci non, ce sont les humains qui discriminèrent les races les unes des autres. Ce sont les hommes qui ont tracĂ© les frontières chez les peuples de la Terre. Dieu ne discrimine personne. Puisse Dieu que nous ayons un cĹ“ur aussi grand que celui de Dieu pour ne pas discriminer et un cĹ“ur si humble comme celui de Pierre, pour ne pas nous laisser idolâtrer. Cela dĂ©range, cela fait mal. Lorsque la politique idolâtre, lorsque l’argent idolâtre et les hommes qui sont au-dessus du pouvoir politique ou Ă©conomique se croient des dieux pour dĂ©prĂ©cier les autres, alors les racines du mal s’installent comme elles le sont dans notre pauvre sociĂ©tĂ©. Il est nĂ©cessaire de reprendre la simplicitĂ© de Pierre pour aussi riche qu’on le croyait, propriĂ©taire de rien de moins que de Dieu (Ac 10,26). « Non, je suis comme les autres et le don que Dieu m’a donnĂ© est pour ĂŞtre partagĂ© avec tous. Â» Nous allons le partager et le vivre, l’Esprit de Dieu se donne Ă  vous Ă©galement.

Puebla : la Civilisation de l’Amour. « Qu’est-ce que nous impose le commandement de l’Amour? Â»

 

Si nous en avions le temps, mes frères, je voudrais reprendre avec vous le message de Puebla aux peuples latino-américains, lorsqu’on y fait appel à tous – et donc à vous aussi qui m’écoutez – à être constructeurs de la civilisation de l’Amour. Si vous le voulez bien, nous allons reprendre quelques concepts pour résumer la Parole d’aujourd’hui et observer comment l’Église, prêchant en Amérique latine, comme elle est en train de prêcher maintenant à ce pupitre de l’Église du Rosaire de San Salvador, est l’Église de l’Évangile, de l’Amour. Je crois que personne ne serait capable, pour aussi vil et calomniateur qu’il soit, de dire que moi, aujourd’hui, j’ai prêché la violence ou que j’aie été contre quelqu’un. J’ai prêché l’amour à partir des mêmes pages que la Sainte Parole.

 

Ă€ partir de cette parole des Ă©vĂŞques rĂ©unis Ă  Puebla, je veux vous dire : qu'est-ce que nous impose le commandement de l’Amour? « Le christianisme surpasse les catĂ©gories de tous les rĂ©gimes et de tous les systèmes. Â» Gravez bien cette parole dans votre mĂ©moire : L’Amour chrĂ©tien surpasse toutes les catĂ©gories de tous les rĂ©gimes et de tous les systèmes. Cela m’a fait rire lorsque cette semaine, on m’a demandĂ© s’il Ă©tait certain que ma prĂ©dication a changĂ©, que maintenant je suis davantage avec certains qu’avec ceux d’avant, que je ne suis plus avec les groupes. Mes chers frères, soyons sincères, jamais je n’ai Ă©tĂ© en faveur de personne parce que mon engagement est envers Dieu seul. J’ai toujours prĂŞchĂ© mon autonomie pour pouvoir fĂ©liciter le bon qu’il y a dans chaque ĂŞtre humain, comme pour pouvoir reprocher en toute libertĂ© le mal et l’injuste qui existent chez n’importe qui. C’est pour cela qu’il y a l’Église.

 

Les conjonctures politiques des peuples changent et l’Église ne va pas ĂŞtre le jouet de ces va-et-vient des conjonctures. L’Église devra toujours ĂŞtre l’horizon de l’amour de Dieu que j’ai essayĂ© d’éclaircir ce matin. C’est pourquoi l’amour chrĂ©tien surpasse les catĂ©gories de tous les rĂ©gimes et systèmes. Si aujourd’hui c’est la dĂ©mocratie, si demain c’est le socialisme, si après c’est autre chose, cela n’est pas de la compĂ©tence de l’Église. Faites-le vous-mĂŞmes, qui ĂŞtes le peuple, vous qui avez le droit de vous organiser avec la libertĂ© que possède tout peuple! Organisez votre système social, l’Église demeurera toujours en marge, autonome, pour pouvoir dans n’importe quel système, ĂŞtre la conscience, le juge des attitudes des hommes qui manĹ“uvrent ou qui vivent dans ces systèmes ou ces rĂ©gimes, « parce qu’elle apporte avec elle la force insurpassable du Mystère Pascal, de la valeur de la souffrance de la Croix et les signes de Victoire et de RĂ©surrection. Â»

 

Recherchez toujours cela dans l’Église, mes frères. Ne recherchez pas de quel côté politique est l’Église. Recherchez cette virtualité de Croix et de Résurrection. Recherchez le Christ dans l’Église. Recherchez autant le Seigneur humilié dans la crucifixion que glorieux et victorieux dans Pâques. Recherchez toujours dans l’Église le don pascal de l’Amour et vous le trouverez. Vous ne trouverez pas autre chose dans votre Église. Et si quelqu’un veut manipuler l’Église pour ses intérêts politiques, vous cherchez mal, là vous ne trouverez rien.

 

L’Amour produit la félicité de la communion et inspire les critères de la participation… La civilisation de l’Amour répudie la violence, l’égoïsme, la débauche, l’exploitation et les inepties morales. 20/05/79, p.350-353, VI.