L’Église, Épouse du Christ

 

Trente-deuxième dimanche ordinaire; 12 novembre 1978; Lectures : Sagesse 6,13-17; Thessaloniciens 4,12-17; Matthieu 25,1-13.

 

Imaginons, très chers frères, que nous faisons partie de cet auditoire intime de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ lorsqu’Il prononça ce fameux discours que l’on appelle le discours eschatologique. Ce sont les chapitres 24 et 25 de saint Matthieu, presque Ă  la fin. Le Christ est sorti du temple de JĂ©rusalem oĂą, selon les lectures des dimanches prĂ©cĂ©dents, Il eut ces discussions qui prĂ©sageaient dĂ©jĂ  ce dĂ©nouement tragique. Ces ennemis le haĂŻssaient bien trop, ils Ă©taient bien trop jaloux de Lui pour que cela demeure ainsi. Comme cela est triste, lorsqu’un prophète voit poindre sa destinĂ©e sanglante. Le Christ sort du temple et se dirige vers la colline occidentale du mont des Oliviers, depuis lĂ , nous pouvons encore aujourd’hui contempler non plus le temple que voyait JĂ©sus dont les rĂ©novations d’HĂ©rode Ă©taient sur le point d’être complĂ©tĂ©es, mais une esplanade avec une mosquĂ©e musulmane. Au temps du Christ, depuis cette colline, assis avec ses disciples, admirant cette merveille du temple, Il leur disait : « Regardez, de ce temple, il ne demeurera pas pierre sur pierre. Â» Et Il dĂ©buta son long discours eschatologique oĂą, comme tous les prophètes, regardant vers le futur, Il leur dĂ©crivit en deux plans, comme une photographie en deux plans : un premier qui est la destruction de JĂ©rusalem, en l’an 70, ce temple sera dĂ©truit par les Romains, il ne demeurera pas pierre sur pierre, et le second plan, beaucoup plus Ă©loignĂ©, la fin du monde. […]

 

Je vais m’attarder ici sur une des paraboles de ce sermon, quand le Christ les prĂ©vient de cette fin du monde, de cette destruction de JĂ©rusalem (Mt 24,43-44) : « Comprenez-le bien : si le maĂ®tre de maison avait su Ă  quelle heure de la nuit le voleur devait venir, il aurait veillĂ© et n’aurait pas permis qu’on perçât le mur de sa demeure. Ainsi, vous aussi, tenez-vous prĂŞts, car c’est Ă  l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’homme va venir. Â» […]

 

Je voudrais intituler l’homĂ©lie d’aujourd’hui de ce titre si beau que le Christ nous suggère aujourd’hui : le Règne des cieux, un mariage entre le Christ et l’Église, ou en d’autres mots : l’Église, Épouse du Christ. Cette comparaison de la RĂ©demption, de l’amour avec lequel Dieu se prĂ©occupe de l’humanitĂ© en la crĂ©ant, en lui donnant l’intelligence, des capacitĂ©s, en l’observant, en la conduisant Ă  travers l’Histoire, est très employĂ©e dans l’Ancien Testament. L’amour de Dieu envers son peuple Ă©lu est comparĂ© Ă  l’amour de l’époux envers son Ă©pouse. C’est pourquoi lorsque le Christ, chargĂ© des rĂ©miniscences et des promesses de l’Ancien Testament, prĂŞcha son Évangile, cette comparaison vint aussi sur les lèvres et Lui-mĂŞme se compare au fiancĂ© et Il dit, quand les pharisiens Le critiquent parce que Lui et ses disciples ne jeĂ»naient pas : « Comment pourraient jeĂ»ner les amis de l’époux tandis qu’Il est encore avec eux? Ce n’est pas le temps de jeĂ»ner, c’est le temps de fĂŞter, mais bientĂ´t vient le temps oĂą ils pleureront et jeĂ»neront en annonçant sa passion. Â» […]

 

C’est pourquoi le Concile Vatican II, qui choisit dans la Bible les images de l’Église, se rĂ©fère Ă  cette comparaison du fiancĂ© et de la fiancĂ©e et prononce ces phrases qui ressemblent Ă  un Ă©pithalame (L.G. 6) : « L’Église est aussi dĂ©crite comme l’Épouse immaculĂ©e de l’Agneau sans tache. Cette Épouse, le Christ l’a aimĂ©e… et Il s’est livrĂ© lui-mĂŞme pour elle, afin de la sanctifier Â»; Il se l’est associĂ©e par un pacte indissoluble et sans cesse : « Il la nourrit et la soigne, et Il a voulu après l’avoir purifiĂ©e qu’elle lui soit unie et soumise dans l’amour et la fidĂ©litĂ©. Enfin, il l’a comblĂ©e pour toujours de dons cĂ©lestes, afin que nous puissions connaĂ®tre la charitĂ© de Dieu et du Christ pour nous, charitĂ© qui dĂ©passe toute connaissance. Mais tandis que l’Église accomplit son pèlerinage sur Terre, loin du Seigneur, elle se sent comme en exil, si bien qu’elle recherche les choses d’en haut, qu’elle a du goĂ»t pour les choses d’en haut, lĂ  oĂą le Christ est assis Ă  la droite de Dieu, oĂą sa vie reste cachĂ©e avec le Christ en Dieu jusqu’au jour oĂą elle apparaĂ®tra avec son Époux dans la gloire. Â»

 

Dans cette belle description de l’Église, je rencontre les trois pensĂ©es que nous offrent les trois lectures d’aujourd’hui : qu’est-ce qu’un mariage?

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Le Mariage est une Alliance

2) Le Mariage est une Espérance

3) Le Mariage est la consommation, une noce

 

 

1) Le Mariage est une Alliance

 

La première lecture (Sg 6,13-17) est comme l’écho dans l’Ancien Testament qui annonce l’Évangile. Si le Christ va nous parler aujourd’hui que Lui et l’Église forment un couple, le passage de cette première lecture qui a été choisie fait référence à une noce. Le livre de la Sagesse nous décrit le désir ardent de Dieu de s’unir aux hommes et le bonheur de ceux qui sont ouverts à cette quête de Dieu. […]

 

Rayonnante et immarcescible est la Sagesse de Dieu, mais en mĂŞme temps elle attend des hommes une acceptation, une ouverture. Il y a des hommes qui ferment leur cĹ“ur Ă  la Sagesse de Dieu. Nous pourrions utiliser la comparaison dont nous sommes en train de parler : une noce. Quand se rencontrent deux cĹ“urs qui sympathisent, ils commencent Ă  s’aimer et commence Ă  croĂ®tre l’amour des fiancĂ©s, et un jour cet amour qui a grandi Ă  la suite de cette première rencontre devient si grand qu’il fonde une alliance Ă©ternelle. Le jour oĂą la fiancĂ©e et le fiancĂ© se convertissent en Ă©pouse et Ă©poux devant l’autel, cette rencontre, peut-ĂŞtre fortuite, s’est convertie en une alliance ferme jusqu’à la mort. C’est ainsi qu’est Dieu Ă©galement, comme l’amoureux, Il cherche l’humanitĂ© qui Ă  la manière d’une amoureuse le recherche aussi et l’aime. Telle est la belle description de la première lecture. (Sg 6,13-16) : « Elle prĂ©vient ceux qui la dĂ©sirent en se faisant connaĂ®tre la première. Qui se lève tĂ´t pour la chercher n’aura pas Ă  peiner : il la trouvera assise Ă  sa porte. MĂ©diter sur elle est en effet la perfection de l’intelligence, et qui veille Ă  cause d’elle, elle-mĂŞme va partout les chercher et sur les sentiers elle leur apparaĂ®t avec bienveillance, Ă  chaque pensĂ©e elle va au-devant d’eux. Â» Quelle belle description des amoureux!

 

La pensée est obsédée. L’amour, Dieu lui a donné, c’est pourquoi il est triste de prostituer cet amour. L’attirance de l’homme et de la femme est un don de Dieu qui est décrit dans la Bible par des traits si divins que les humains doivent toujours conserver un respect pour cette attirance, dans cette obsession, de cette recherche de l’un envers l’autre. […]

 

L’homme n’est pas complet si ce n’est que lorsqu’il rencontre son complément dans l’autre sexe et sa perfection dans l’amour. C’est alors, quand un homme et une femme s’aiment au point de vouloir se donner l’un à l’autre pour toute la vie, que l’homme et la femme sont la véritable image de Dieu. Dieu est amour et jamais l’homme et la femme ne sont si parfaitement l’image de Dieu que quand ils s’aiment, quand ils signent cette alliance.

 

C’est pourquoi, frères, le pacte entre le Christ et l’Église est le symbole qui se cache derrière chaque mariage. C’est pour cela, disait saint Paul en parlant des Ă©poux : « Quel grand mystère que celui de votre amour, mais je le dis en le pensant dans le Christ et dans l’Église. Â» Quand un homme et une femme s’aiment avec la puretĂ©, avec le don de soi, avec la saintetĂ© avec laquelle le Christ et l’Église s’aiment, ils reflètent alors devant le monde l’indissolubilitĂ© de l’amour avec lequel le Christ s’unit pour toujours Ă  son Église. Lorsqu’ils comprennent que le mariage qui est un signe de l’amour que Dieu porte Ă  l’humanitĂ©, alors ils comprendront Ă©galement ce que signifie d’appartenir Ă  une Église et depuis, l’Église, aimer fidèlement de tout son ĂŞtre le divin Ă©poux de l’Église : notre Seigneur JĂ©sus-Christ. Mais ainsi comme en une alliance matrimoniale, les biens sont communs, tout est commun entre eux deux. C’est pour cela que saint Paul qualifie l’Esprit saint d’arrhes du mariage du Christ et de son Église. Parce que quand le Christ meurt pour son Église, la sanctifiant, la lavant de son bain de sang de la croix, et qu’après Il ressuscite en rĂ©cupĂ©rant toute la grâce que nous avions perdue par le pĂ©chĂ©, tout ce trĂ©sor de la RĂ©demption, le don de l’Esprit : « Recevez l’Esprit, ce sont les arrhes de ce mariage Â», et dans cet Esprit, vient de nous dire le Concile, l’Église rencontre tous les biens avec lesquels elle va sanctifier l’humanitĂ©. […]

 

La restauration universelle est dĂ©jĂ  dĂ©crĂ©tĂ©e depuis le jour oĂą le Christ mourut sur une croix, expiant pour les pĂ©chĂ©s du monde, et Il ressuscita avec une nouvelle vie, dans les entrailles de l’Histoire. Il est dĂ©jĂ  le germe d’une vie nouvelle et l’Église est la dĂ©positaire de ce germe, l’Église est celle qui prĂŞche la RĂ©demption. Le Concile vient de nous dire : « Le Christ est assis Ă  la droite du Père, vivant pour toujours, et Il agit en ce monde au moyen de l’Église. Â» L’Église, son Ă©pouse, est comme l’administratrice sur cette Terre des biens Ă©ternels de la RĂ©demption. L’Église, sur Terre, ne sauve pas uniquement ceux qui vivent en son sein. Ă€ partir de ses entrailles, oĂą le Christ, comme l’époux, vit dans l’amour de l’épouse. Le Christ dans l’Église est le RĂ©dempteur de l’humanitĂ© d’aujourd’hui, de 1978 comme Il le fut il y a vingt siècles. Le Christ, lorsqu’Il Ă©tait encore un nouvel Époux, donna comme des arrhes Ă  son Église, les fruits de la RĂ©demption pour qu’elle les rĂ©partisse par sa parole, par ses sacrements, par son pardon, par son espĂ©rance, et par sa prĂ©dication de la libĂ©ration de tout esclavage. 12/11/78, p.291-293, V.

 

 

2) Le Mariage est une Espérance

 

Le mariage est une espĂ©rance surtout lorsqu’il est provisoirement frappĂ© par le deuil. C’est pour cela que le Concile nous dit : « Tant que l’Église sera en pèlerinage sur cette Terre comme en exil, elle savoure les biens du ciel oĂą son Époux l’attend. Â» Une veuve peut comprendre, comme peut comprendre Ă©galement cette Ă©pouse qui pleure l’exil de son Ă©poux. Quand le laisseront-ils revenir au pays?

 

 

C’est l’amour des bras tendus.

 

C’est pourquoi le Concile, reprenant cette inspiration que Dieu a donnĂ©e Ă  son Ă©pouse sur la Terre, dit cette phrase très belle : « L’Esprit et l’Épouse clament vers le Seigneur JĂ©sus : viens! Â» C’est ainsi que se terminaient les cĂ©rĂ©monies anciennes : Maranata. Viens, nous t’attendons. C’est ce que nous disons encore lors de nos consĂ©crations eucharistiques : ceci est le sacrement de notre foi. Votre voix est celle de l’Église : nous annonçons ta mort, nous proclamons ta rĂ©surrection. Viens Seigneur JĂ©sus!

Celui qui clame est un peuple qui a mis toute son espérance dans le Seigneur Jésus. Il sait que toutes ces souffrances d’enfantement que sont les situations actuelles de l’histoire de notre patrie, d’une nature qui gémit sous le péché, sous la répression, sous l’esclavage, sous la douleur, sous l’injustice, et il clame pour l’avènement de ce Ciel nouveau, de cette Terre nouvelle que nous donnera le Seigneur Jésus.

 

Cela sera une autre heure que nous aurons Ă  vivre, mais nous ne sommes pas encore au Ciel. Il est certain qu’en tant qu’Église nous avons la garantie que le Christ vit en nous, mais c’est un Christ cachĂ©, un Christ qui lorsque nous le sentons si près de nous au moment de l’Eucharistie nous fait nous exclamer : laisse-toi voir maintenant, viens, Seigneur! C’est l’épouse amoureuse qui depuis l’exil clame pour L’embrasser, pour Lui donner un baiser, pour vivre toujours auprès de Lui. C’est un moment prĂ©cieux, combien cela durera-t-il? C’est ici prĂ©cisĂ©ment ici, oĂą la parabole des dix vierges (Mt 25,1-13) trouve sa place. Selon la coutume d’IsraĂ«l, comme je l’ai dit auparavant, le fiancĂ©, accompagnĂ© de ses amis, allait chercher sa fiancĂ©e pour en faire son Ă©pouse. C’était une fĂŞte qui durait toute la nuit et naturellement la ponctualitĂ© n’était pas sa caractĂ©ristique puisque toute la nuit y Ă©tait consacrĂ©e. C’est pour cela que les dix vierges qui accompagnaient le fiancĂ© s’endormirent. Mais cinq d’entre elles s’étaient prĂ©parĂ©es, leurs lampes avaient des rĂ©serves d’huile.

 

Les cinq autres furent imprudentes, elles n’avaient pas prĂ©parĂ© d’huile pour leur lampe et au milieu de la nuit elles s’éteignirent faute de combustible. C’est alors qu’un cri de joie se fait entendre au milieu de la nuit, c’est le fiancĂ© qui arrive, allons l’accompagner. Celles qui avaient de l’huile dans leur lampe purent l’accompagner, mais celles qui n’en avaient plus demandèrent alors aux premières de leur en prĂŞter. Celles-ci leur rĂ©pondirent : il se pourrait bien que nous n’en ayons pas assez pour vous et pour nous Ă  la fois, il serait mieux que vous alliez vous en acheter. Manque de prĂ©vision. C’est le discours eschatologique du Christ qui nous dit : soyez prĂŞts parce que l’heure oĂą vous y pensez le moins sera celle de la rencontre du FiancĂ© et de la fiancĂ©e qui est en exil, l’Église.

 

L’heure que la thĂ©ologie ancienne appelle de ce mot grec très symbolique : « La Parousie. Â» Cette parole dĂ©signait l’apparition d’un Dieu cachĂ© ou l’arrivĂ©e d’un empereur, d’un gouverneur Ă  une ville auquel on prĂ©parait une grande rĂ©ception. On appelait cela la parousie. Ici Ă©galement, la Bible mentionne la venue du Christ quand Il vient reprendre notre vie Ă  l’heure de notre mort. C’est la parousie, c’est la rencontre, c’est l’espĂ©rance de la vie qui va culminer dans cette rencontre. Bienheureux si nous sommes prĂ©venus, que nous gardons la lampe de notre foi allumĂ©e avec l’huile de la charitĂ© et des bonnes Ĺ“uvres. Malheur Ă  nous si, Ă  l’heure de la parousie, le Christ nous rencontre avec notre lampe Ă©teinte et sans huile, avec l’âme dans le pĂ©chĂ©, avec une vie imprĂ©voyante!

 

C’est l’objectif principal de l’homĂ©lie d’aujourd’hui, un appel Ă  vivre cette attente que le Concile nous dĂ©crit aussi merveilleusement quand il dit : « Tant que nous habitons dans ce corps, nous vivons en exil, loin du Seigneur et mĂŞme si nous possĂ©dons les prĂ©misses de l’Esprit, nous gĂ©missons intĂ©rieurement et nous attendons anxieusement d’être avec le Christ. Ce mĂŞme amour nous force Ă  vivre toujours davantage pour Celui qui mourut et ressuscita pour nous. C’est pour cela que nous cherchons Ă  rendre grâce en toute chose au Seigneur et que revĂŞtus de l’armure de Dieu, afin de demeurer fermes contre les pièges du dĂ©mon et pour rĂ©sister au jour du mal. Comme nous ignorons l’heure et le jour, il est nĂ©cessaire, selon l’admonestation du Seigneur, que nous veillions constamment pour qu’une fois terminĂ© l’unique temps de notre vie terrestre, nous mĂ©ritions d’entrer avec Lui aux noces et d’être comptĂ©s parmi ses Ă©lus et non d’être envoyĂ©s comme de mauvais serviteurs paresseux au feu Ă©ternel, aux tĂ©nèbres extĂ©rieures oĂą il n’y aura que des pleurs et des grincements de dents. Â» Ce sont les paroles de l’Évangile, prises par le Concile pour nous avertir de la chose la plus importante que l’Église doit annoncer Ă  l’humanitĂ©. Nous sommes l’épouse en exil, sortons Ă  la rencontre de l’époux, soyons prĂ©parĂ©s, ne soyons pas comme ces vierges imprudentes auxquelles Il ferma la porte de son festin en leur disant : Je ne vous connais pas.

 

Je veux revendiquer pour l’Église cette mission si difficile, mais si nĂ©cessaire de prĂŞcher au monde prĂ©sent ses devoirs temporels. Quand le Concile dit que l’Église est dans le monde pour le servir, son plus grand service est prĂ©cisĂ©ment celui-ci : exhorter les chrĂ©tiens, citoyens de la citĂ© temporelle et de la citĂ© Ă©ternelle, Ă  accomplir avec fidĂ©litĂ© leurs devoirs temporels, toujours guidĂ©s par l’esprit Ă©vangĂ©lique.

 

Frères, quelle belle description a faite de nous le Concile : citoyens de la citĂ© temporelle, Salvadoriens avec des engagements sur cette Terre, nous administrons une plantation, ou une grande propriĂ©tĂ©, ou un capital, ou plus simplement nous avons un travail. Citoyens de cette terre : avocats, professionnels, politiciens, vendeuses du marchĂ©, gens qui gagnez votre vie en accomplissant vos devoirs temporels, citoyens de cette Terre, c’est Ă  vous que parle l’Église. Mais en mĂŞme temps, citoyens de la citĂ© Ă©ternelle, exilĂ©s, mais qui marchent en mĂŞme temps vers notre patrie. « Se trompent, dit le Concile – Ă©coutez bien ceci, ceux qui disent que l’Église doit demeurer dans sa sacristie et ne pas proclamer les devoirs de justice, le respect des droits humains de l’humanitĂ© – se trompent les chrĂ©tiens qui prĂ©textant que nous n’avons pas ici de demeure permanente, affirment rechercher la demeure Ă©ternelle, considĂ©rant qu’ils peuvent nĂ©gliger les tâches temporelles sans se rendre compte que la propre foi est un motif qui les oblige au plus parfait accomplissement de toutes ces tâches, selon la vocation personnelle de chacun. Â»

 

Ceux qui disent : l’évĂŞque ne parle que de politique parce qu’il parle de droits humains, parce qu’il dĂ©nonce les injustices, parce qu’il signale aux hommes leurs devoirs politiques, leurs droits d’association. Frères, je ne fais que dire que, en tant que citoyens du ciel, nous avons une conscience de laquelle nous devons rendre compte devant Dieu et que nous agirions très mal si nous vivions ce que le communisme dĂ©nonce : la religion comme opium du peuple, lorsque sous prĂ©texte d’attendre la citĂ© future, nous nĂ©gligeons la citĂ© prĂ©sente.

 

C’est pourquoi n’est pas moins grande l’erreur de ceux qui affirment au contraire, en croyant qu’ils peuvent se livrer entièrement aux tâches temporelles, comme si cela Ă©tait Ă©tranger Ă  la vie religieuse, en pensant que celle-ci se rĂ©duit simplement Ă  certains actes du culte et Ă  l’accomplissement de certaines obligations morales dĂ©terminĂ©es. Combien sont-ils arrivĂ©s Ă  ce que dĂ©nonce le Concile : « le divorce entre la foi et la vie quotidienne de plusieurs doit ĂŞtre considĂ©rĂ© comme une des plus graves erreurs de notre Ă©poque. Â» Ceux qui font uniquement consister la religion en quelques actes du culte, mais qui aussitĂ´t après un « Te Deum Â» pour le quinzième anniversaire des noces oĂą le couple ne se considère plus comme l’amour que le Christ porte Ă  l’Église, sinon comme de simples relations sociales, pour voir si ce mariage ne fut pas plus dispendieux qu’un autre. Tout ce culte, parfois si rempli de vanitĂ© humaine, pour aussitĂ´t après vivre dans l’injustice, en outrageant le droit d’association de ses ouvriers qui veulent se syndiquer, ne payant pas bien les cueilleurs, mais qui se croient très religieux parce qu’ils assistent Ă  la messe chaque jour. Rien ne sert ces cultes divorcĂ©s de vie quotidienne. L’Église doit prĂŞcher aux hommes que dans les sujets temporels, ceux-ci doivent rendre compte Ă  Dieu de leurs actions.

 

Le Concile dit cette phrase, que je vous supplie de graver profondĂ©ment dans votre cĹ“ur : « Le chrĂ©tien qui manque Ă  ses obligations temporelles manque Ă  ses devoirs envers son prochain, manque surtout Ă  ses obligations envers Dieu et met en danger son salut Ă©ternel. Â» Qu’est-ce que cela veut dire? Il est dommage que notre religion ait souvent trahi l’Évangile, que pour contenter les grands seigneurs, elle leur ait dit que le culte Ă©tait suffisant et les a ainsi exposĂ©s Ă  la perdition Ă©ternelle. Nous retournons Ă  une religion de l’Évangile authentique oĂą le Christ nous dit : que le Règne des cieux est semblable aux dix vierges qui sortirent Ă  la rencontre de l’époux. Malheur Ă  vous si vous ne profitez pas des heures de votre vie pour accumuler les bonnes Ĺ“uvres! Rien ne sert d’être vierge si vous n’avez pas l’amour. Comme disait saint Bernard en parlant de ces vierges : « Pures comme des anges, mais orgueilleuses comme des dĂ©mons. Â»

 

Les vertus chrétiennes doivent être intègres. C’est une Rédemption intégrale que le Christ est venu prêcher. Il ne veut pas de fausses apparences, Il veut la sincérité. N’oublions pas une chose, que l’Église, dit le Concile, se trouve encore dans cette phase temporelle. Je voudrais en profiter pour dire à ceux qui se sont mariés que leur mariage est également une phase d’attente, que le mariage n’est jamais entièrement réalisé, que tous les jours il est nécessaire de se pardonner, de s’aider, de se perfectionner. L’homme qui veut rencontrer dans son épouse un ange céleste est dans l’équivoque. Ce sont deux êtres de chair et d’os, des héritiers des tares de leurs familles et ils doivent apprendre à tolérer bien des choses. L’Église a également besoin que son époux divin tolère bien des choses. Elle vit encore, dit le Concile, dans cette phase temporelle où ces sacrements, ces institutions, sa hiérarchie, ses prêtres, ses éléments doivent être en proie à de nombreuses imperfections, mais où ils possèdent déjà une sainteté, quoiqu’imparfaite, elle possède une bonne volonté pour rechercher, elle recherche l’heure de la perfection. Il ne faut pas oublier cela afin de ne pas exiger de l’Église sur cette Terre, ce que possédera l’Église du Ciel, quand elle sera l’Église de la consommation parfaite. 12/11/78, p.294-296, V.

 

 

3) Le Mariage est la consommation, une noce

 

C’est cela ma troisième réflexion. Mais avant de regarder cette Église de la consommation parfaite, cette Église que l’Apocalypse nous décrit comme la nouvelle Jérusalem (cité sainte qui descend du ciel, vêtue comme une jeune épouse pour se livrer à son époux), n’oublions pas que nous ne sommes pas encore arrivés à cette Église et c’est précisément en cette Église de la Terre, où je situe tous les dimanches la semaine de notre histoire. Ne soyez pas incommodés mes frères, parce qu’oublier que nous sommes une Église qui est en pèlerinage en cette semaine de novembre 1978, c’est désincarner le mystère de notre Église comme Épouse, qui marche vers le ciel à la rencontre définitive, vers la consommation de sa vie céleste. […]

 

Ce mariage est une rencontre, une alliance et une espérance qui marche vers sa consommation. Consommation de cette Église du Ciel où régnera la justice, où nous ne nous lamenterons plus semaine après semaine, les douleurs d’outrages si nombreux, où les Ceux nouveaux et la Terre nouvelle chanteront le mariage béni de Dieu avec l’humanité comme Lui-même l’a rêvé. 12/11/78, p.297 et 302, V.