Le BaptĂŞme, Vocation et Participation dans la vie divine provoque une crise

 

Quatrième dimanche du carĂŞme; 5 mars 1978; Lectures : Samuel 16,1b.6-7. 10-13a.; ÉphĂ©siens 5,8-14; Jean 9,1-41.

 

 

A) L’Intention de l’Église

 

L’Église n’a aucune prétention au pouvoir politique, mais elle doit dire sa parole autorisée, et ce, même dans les problèmes qui sont en lien avec l’ordre public quand ils exigent les droits fondamentaux de la personne ou le Salut de l’âme. Tout cela est du Concile. L’Église défend donc les droits humains de tous les citoyens, elle doit soutenir préférentiellement les plus pauvres, les faibles et les exclus, elle doit faire la promotion de la personne humaine. L’Église doit être la conscience critique de la société. Elle doit également former la conscience chrétienne des croyants et travailler pour la cause de la justice et de la paix.

 

Une Église qui n’accomplit pas ces finalités avec clarté n’est pas la véritable Église de l’Évangile. Et accomplir ces finalités, ce n’est pas se mêler de politique, mais simplement accomplir sa mission évangélique d’illuminer les devoirs moraux de la société et des hommes. Il apparaît donc très providentiel que l’Église jouisse de la pleine liberté dans l’accomplissement de cette mission, pour le bien même du gouvernement et du peuple. Cette liberté se rencontre là où les hommes peuvent chanter avec joie leur hymne national et où nous pouvons entendre dans la voix de leurs pasteurs, leurs aspirations légitimes. Et c’est cela, grâce à Dieu, que fait notre Église. C’est pour cela qu’il est dangereux de toucher à cette liberté de l’Église, parce que c’est comme fermer une autre valve d’échappement et rendre plus intense et plus forte l’ambiance de répression que les peuples ne peuvent tolérer très longtemps. […]

Alors, le rôle de l’Église c’est d’être la voix des droits humains, la voix de la conscience du peuple, d’être la prière qui transcende jusqu’à Dieu et qui défend, tout en consolant, les familles qui mettent leur espérance en elle. C’est pourquoi la liberté de croire, d’aimer Dieu, de l’invoquer comme chacun l’entend est un des droits les plus sacrés de la personne humaine. 05/03/78, p.54-55, IV.

 

 

B) Le Devoir du Gouvernement

 

Il est du devoir des gouvernements de respecter et de canaliser le droit d’égalitĂ© et de participation. « Les paroles qui vont vous ĂŞtre lues maintenant ne sont pas de moi, elles sont du Pape Paul VI dans sa lettre « Octogesima Adveniens Â» qui fut Ă©crite pour commĂ©morer les 80 ans de l’encyclique Rerum Novarum, pour mettre Ă  jour cette doctrine de LĂ©on XIII. Entre autres choses, le Pape fait cette observation au numĂ©ro 22 : « Rerum Novarum manifeste dans ces nouveaux concepts sociaux, Ă©conomiques et politiques une double aspiration, de plus en plus vive Ă  mesure que se dĂ©veloppe son information et son Ă©ducation. Aspiration Ă  la dignitĂ©, Ă  la participation des formes de dignitĂ© de l’homme et de sa libertĂ©. Il n’appartient pas Ă  l’État ni non plus aux partis politiques qui s’enferment sur eux-mĂŞmes, de tenter d’imposer une idĂ©ologie par des moyens qui dĂ©boucheront sur la dictature des esprits, la pire de toutes. La vĂ©ritĂ© ne s’impose que par la force de la vĂ©ritĂ© elle-mĂŞme qui pĂ©nètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance. Â»

 

C’est de là que vient l’urgence d’enlever la véritable racine des violences, des actes de terrorisme. Tant que le peuple ne rencontrera pas des causes authentiques pour vivre ses aspirations légitimes, pour participer au bien commun, ses malaises existeront toujours. La répression n’est pas le chemin, sinon qu’elle canalise ces aspirations qui ne peuvent être contenues chez le peuple et dans l’être humain, vers des chemins illégitimes. 05/03/78, p.55-56, IV.

 

 

C) Le devoir des chrétiens

 

Les documents du Concile, surtout Gaudium et Spes, numĂ©ro 73, qui se rapporte au Droit de l’activitĂ© des laĂŻcs, de tous ceux qui sont dans le monde. Le numĂ©ro 74 indique : « Que l’engagement politique de tous les chrĂ©tiens, reprĂ©sentent un vĂ©ritable champ d’apostolat. Â» De sorte qu’aucun chrĂ©tien ne puisse dire : « Je ne m’en mĂŞle pas, je ne m’engage pas parce que cela serait d’être Ă  la fois un mauvais chrĂ©tien et un mauvais citoyen. Â» C’est pourquoi tout chrĂ©tien se doit de participer, de sentir cela comme un des champs de son apostolat chrĂ©tien, le fait de participer avec son vote, avec ses capacitĂ©s politiques au bien commun. Cela exige ce que nous disions auparavant, de canaliser les diverses options politiques des hommes et des femmes. On ne doit pas crĂ©er un seul canal pour que tous aillent par lĂ , sinon qu’il faut respecter le pluralisme qui est une exigence des temps nouveaux.

 

Par contre, ces personnes : prĂŞtres, religieux, religieuses et laĂŻcs qui occupent une fonction de direction dans le domaine pastoral, ne doivent pas accepter des fonctions de militants et de leadership. Ils ont le droit d’exprimer leurs sympathies politiques, mais ils ne doivent pas porter de bannière, ni devenir des leaders ou militer sous une forme quelconque de leadership parce qu’ils doivent ĂŞtre avant tout, signe d’unitĂ© et de libertĂ© Ă©vangĂ©lique. Cela s’adresse aux chrĂ©tiens qui possèdent des fonctions de dirigeants et qui Ă  partir de leur cĂ´tĂ© hiĂ©rarchique sont orientĂ©s vers le peuple : Commission de laĂŻcs, prĂŞtres, religieuses, etc. Nous devons ĂŞtre dans le monde des signes d’unitĂ©, nous ne devons pas ĂŞtre partial, ni ne devons prendre la tĂŞte d’aucun parti afin de conserver aussi notre libertĂ© Ă©vangĂ©lique et accomplir ainsi ce que nous disions auparavant, le rĂ´le de l’Église c’est d’être la conscience critique et d’être sĂ©vère envers les fautes, peu importe d’oĂą est-ce qu’elles proviennent.

 

Nous devons Ă©galement tenir compte de notre fidĂ©litĂ© Ă  la doctrine de l’Église mĂŞme si ce n’est pas en assumant un rĂ´le de militant, de dirigeant ou de leader. Mais un chrĂ©tien doit tenir compte de sa foi lorsqu’il s’engage dans n’importe quelle organisation. Il ne doit pas trahir ce que lui exige son christianisme! Je reviens Ă  ce document de Octogesima Adveniens oĂą Paul VI dit au numĂ©ro 26 : « Que le chrĂ©tien qui veut vivre sa foi dans une action politique doit concevoir cela comme un service – c’est cela, la politique, un service, non pas une occasion de s’enrichir – il ne peut non plus adhĂ©rer sans contradiction Ă  un système idĂ©ologique qui s’oppose radicalement, ou dans des points substantiels, Ă  sa foi et Ă  sa conception de l’être humain. Â» Et aussitĂ´t le Pape fait allusion Ă  deux cas et il poursuit en disant : « Ni l’idĂ©ologie marxiste, avec son matĂ©rialisme athĂ©e et sa dialectique de violence, ni la manière comme entend la libertĂ© individuelle Ă  l’intĂ©rieur de la collectivitĂ© en niant toute transcendance Ă  l’homme et Ă  son histoire personnelle et collective. Â» Nous avons ici le rĂ©sumĂ© de l’idĂ©ologie marxiste qui ne peut ĂŞtre une option pour un chrĂ©tien, parce qu’un chrĂ©tien ne peut accepter le matĂ©rialisme athĂ©e, la dialectique de la violence, ni concevoir une libertĂ© individuelle Ă  l’intĂ©rieur d’une collectivitĂ© comme le marxisme la conçoit, ni nier la transcendance de l’homme et de l’histoire personnelle et collective.

 

Mais de l’autre côté, un chrétien ne peut opter non plus pour une idéologie libérale qui croit exalter la liberté individuelle en la soustrayant à toute limite, la stimulant par la recherche exclusive de l’intérêt et du pouvoir et considérant les solidarités sociales comme des conséquences plus ou moins automatiques des initiatives individuelles et non comme la fin et le critère le plus élevé de la valeur de l’organisation sociale. Ici donc, apparaissent exclu de l’option politique d’un chrétien, autant le marxisme athée que le libéralisme capitaliste et égoïste qui ne possède pour seule finalité que de s’enrichir et de posséder le pouvoir pour ses propres intérêts.

Une autre chose finalement, il ne s’agit pas d’identifier l’Église avec ces idĂ©ologies. L’Église accomplit son devoir d’orienter, comme je le fais prĂ©sentement, mais aucun de ceux qui se sentent orienter par l’Église n’ont le droit de dire : Je suis l’Église, mon organisation et l’Église sont une seule et mĂŞme chose. C’est faux. L’Église maintient son autonomie, son indĂ©pendance sur tous les partis, sur toutes les idĂ©ologies, mĂŞme si elle indique les choses auxquelles un chrĂ©tien ne peut adhĂ©rer en respectant les options qui lui sont lĂ©gitimes. Je crois qu’il est sans cesse nĂ©cessaire d’éclaircir ces idĂ©es, surtout pour ceux qui possèdent des inquiĂ©tudes sociales afin qu’ils sachent s’orienter Ă  la lumière de l’Évangile. 05/03/78, p.56-58, IV.

 

 

Un cheminement progressif en JĂ©sus-Christ

 

Quand la Bible nous parle de libĂ©ration, nous ne devons pas confondre cela avec les libĂ©rations de la terre, c’est pourquoi l’Église rejette une libĂ©ration qui se caractĂ©rise par ses aspects matĂ©rialistes, athĂ©es, de luttes et de violence. Cela n’est pas la libĂ©ration de Dieu. Comme par ailleurs, une libĂ©ration qui s’appuie sur l’argent, sur le pouvoir, sur l’égoĂŻsme, n’est pas non plus la paix de Dieu. La paix de Dieu c’est celle de l’aveugle qui rencontre le Christ et Lui dit : « Seigneur, je crois, je ne sais vers oĂą nous conduit l’Histoire, mais je sais que Tu es le maĂ®tre de l’Histoire, Tu remplis mon cĹ“ur d’espĂ©rance. Â» C’est le chrĂ©tien qui pendant la Semaine Sainte, dans la nuit sainte de la RĂ©surrection, cĂ©lèbre le Christ ressuscitĂ© et lui dit : « Tu es le Tout-Puissant, Tu es le maĂ®tre de l’éternitĂ© et de la vie, Tu sais par oĂą notre patrie et notre Église vont sortir de cette situation sans issu. 05/03/78, p. 62, IV.

 

 

Polémique contre le Christ comme Roi absent

 

Et finalement, la diatribe qui est faite au Christ comme Roi absent. Regardez, frères, dans chaque baptisé, ce que vous persécutez c’est le Christ. Chez l’aveugle de naissance, ce qui les intéressait ce n’était pas l’aveugle sinon le Christ. Ainsi également, chacun de nous porte une responsabilité dont il n’est pas propriétaire, chacun est déjà un représentant du Christ et doit témoigner de sa foi. Un baptisé lâche, qui refuse de confesser le Christ dans les moments difficiles de l’Église, qui se vend pour avoir une vie plus commode, qui trahit son catholicisme, ne se trahit pas seulement lui-même, mais il l’Église du Christ, il trahit le Christ lui-même. 05/03/78, p.65, IV.

 

 

De Roi absent Ă  Juge

 

C’est lĂ  la rĂ©action que nous devons avoir devant le Christ de notre baptĂŞme, ĂŞtre humbles et reconnaĂ®tre que la vue nous vient du Christ, en nous efforçant de toujours voir, Ă  la lumière de ces critères, l’Histoire du monde, nos relations sociales, politiques et Ă©conomiques, non pas avec l’autosuffisance des pharisiens, sinon avec l’humilitĂ© de ceux qui n’ont pas la lumière, mais qui possèdent la grâce de la foi et Dieu leur prĂŞte sa lumière. Nous sommes pauvres, nous qui avons la foi, nous sommes les plus pauvres, mais dans la mesure oĂą nous confessons notre pauvretĂ©, Dieu nous donnera sa lumière. Ainsi comme l’autosuffisant, l’orgueilleux, celui qui dĂ©prĂ©cie les autres et les considère comme des aveugles, celui qui se sent capable de tous les juger parce qu’il possède la vĂ©ritĂ© suprĂŞme, celui-ci est dĂ©jĂ  aveugle. « Je suis venu apporter un jugement, dit le Christ, un jugement que Je n’ai pas besoin d’appliquer, c’est vous-mĂŞmes qui vous l’appliquez. Celui qui croit en moi, voit dĂ©jĂ  et reçoit un jugement absolutoire. Celui qui rejette ma doctrine, celui qui me rejette, celui qui rejette mon Église, celui qui rejette ma prĂ©dication, s’est dĂ©jĂ  jugĂ© lui-mĂŞme et il est aveugle. 05/03/78, p.66, IV.