Le Divin Sauveur, le Pain qui descend du ciel et donne la vie au monde

 

Dix-huitième dimanche du temps ordinaire; 5 aoĂ»t 1979; Lectures : Exode 16,2-4.12-15; ÉphĂ©siens 4,17.20-24; Jean 6,24-35.

 

Je fais un appel à tous les chrétiens pour qu’ils ne perdent pas les mérites de leur vie, mais qu’ils les unissent au cœur de Jésus et les convertissent en Salut pour le monde. Le vrai sens de ces crimes est le péché qui tue et l’amour de Dieu qui vivifie.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) La faim, signe de l’oppression et de la mort

2) Le pain, signe de la libération et de la Vie

3) Le Christ, le véritable Pain de la Vie

 

 

1) La faim, signe de l’oppression et de la mort

 

 

Une multitude qui a faim

 

La faim est le premier signe du chapitre six (de Jean). Une multitude de cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants, qui ont faim et dont le Christ sent l’angoisse de ces estomacs vides et Il leur donne Ă  manger. Ce fut le miracle de la multiplication des pains. Et lorsque le jour suivant, enthousiasmĂ©s par ce geste de thaumaturgie du RĂ©dempteur, ils vont sur l’autre rive du lac oĂą s’était enfui le Christ parce qu’ils voulaient le faire roi et ils lui disent (Jn 6,25) : « MaĂ®tre, quand es-tu arrivĂ© ici? Â» Et Lui, pour toute rĂ©ponse, Il commence par l’Évangile d’aujourd’hui (Jn 6,26-27) : « Vous me cherchez non pas parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangĂ© du pain et avez Ă©tĂ© rassasiĂ©s. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie Ă©ternelle. Â» Le Christ leur explique que le pain qui remplit l’estomac n’est pas la solution.

 

 

Les tentations du Christ au désert

 

La faim est le signe de l’oppression la plus profonde. Souvenons-nous du Christ lui-mĂŞme au dĂ©sert. Profitant de sa faim, le tentateur lui propose trois pĂ©chĂ©s pour sortir de la faim : tenter Dieu, en convertissant les pierres en pains; la vanitĂ©, en se jetant du pinacle du temple pour ĂŞtre secouru par les anges; et, pire encore, l’idolâtrie du pouvoir, en faisant dĂ©filer les grandeurs du monde sous ses yeux en Lui disant : « Tout cela, je te le donnerai si tu te prosternes et m’adores. Â»

 

 

Les tentations du désespoir

 

Quelle chose terrible que la faim! Elle prĂŞte aux tentations que dĂ©crit MedellĂ­n : « les tentations du dĂ©sespoir Â». N’est-ce pas ainsi que s’expliquent tant de manifestations de violence?

Spectacle terrible de la faim que dĂ©crit Paul VI dans l’exhortation Evangelii Nuntiandi, en recueillant de nombreux Ă©vĂŞques de tous les continents, un accent pastoral oĂą vibrent les voix de millions de fils de l’Église qui forment les peuples, imprĂ©gnĂ©s de toutes leurs forces dans l’effort et la lutte pour surmonter tout ce qui les condamne Ă  demeurer en marge de la vie : faim, maladies chroniques, analphabĂ©tisme, paupĂ©risation, injustice dans les relations internationales, dans les Ă©changes commerciaux, situations de nĂ©ocolonialisme Ă©conomique et culturel parfois aussi cruel que la politique. « L’Église a le devoir d’annoncer la libĂ©ration de millions d’êtres humains parmi lesquels il y a nombre de ses enfants. Le devoir de faire naĂ®tre cette libĂ©ration, de rendre tĂ©moignage Ă  celle-ci, de faire en sorte qu’elle soit totale : cela n’est pas Ă©tranger Ă  l’Évangile. Â» Ce sont les mots du Pape.

 

 

Faim de justice, dénonciation de la répression

 

C’est la figure de la faim qui décrit la situation de notre pays en cette semaine. Comment la découverte de trois cadavres dans le canton El Sunzal, de la Libertad, sur le bord de la plage, ne serait-elle pas une source de faim de justice? Et parmi les trois, une femme décapitée! Comment cela ne saurait-il être une faim de justice que de constater qu’en ce mois de juillet il y a eu trente-huit arrestations, dont trois ont été assassinées et quatre libérées, il qu’il y en a vingt-huit dont on n’a aucune nouvelle? […]

 

Avec ces faims politiques, sociales, familiales, ajoutez à cela vos propres angoisses et vous verrez comme c’est vrai que la faim est le signe de toutes les misères, de toutes les répressions, de toutes les façons de ne pas être bien. 05/08/79, p.134-136, VII.

 

 

2) Le pain, signe de la libération et de la Vie

 

 

Deux manières de comprendre la libération

 

La faim est comme la synthèse et c’est pourquoi le Seigneur a choisi ce sixième chapitre de Jean, pour la satisfaire comme signe de quelque chose de plus grand, parce que le pain est le signe de la libĂ©ration. Mais il y a deux manières de comprendre la libĂ©ration : la libĂ©ration temporelle, le pain qui remplit l’estomac et satisfait immĂ©diatement la faim; et la libĂ©ration intĂ©grale, celle que, mĂŞme lorsqu’il y a suffisamment de pain, cela ne suffit pas parce qu’on n’est pas encore libre.

 

 

Toutes les libérations supposent un sacrifice

 

Lorsque dans la première lecture (Ex 16,2-4,12-15) d’aujourd’hui on nous parle de la manne, il y a une phase tragique dans ce peuple que MoĂŻse tente de libĂ©rer. Lorsque MoĂŻse a sorti son peuple de l’oppression d’Égypte, le peuple commença Ă  avoir faim alors qu’il dĂ©butait sa marche au dĂ©sert et il soupira (Ex 16,3) : « Pourquoi nous a-t-on fait sortir d’Égypte quand nous Ă©tions assis auprès de la marmite de viande et mangions du pain Ă  satiĂ©tĂ©! Ă€ coup sĂ»r, vous nous avez amenĂ©s dans ce dĂ©sert pour nous faire mourir de faim. Â»

Qu’il est triste de voir un peuple qui s’est accoutumé à l’esclavage! Il préfère les marmites d’oignons au soleil de la liberté. Il ne veut pas souffrir le passage difficile du désert. Toute liberté suppose un sacrifice. Demandez-le au peuple du Nicaragua…

Qu’il est difficile de conduire un peuple lorsqu’il s’est habitué à ces situations difficiles!

 

Lorsqu’hier je suis allĂ© Ă  San Esteban Catarina, le crime Ă©tait rĂ©cent; et j’ai notĂ© ce que j’ai pu constater dans plusieurs villages de mon pays : la frayeur, la timiditĂ©, l’incapacitĂ© de dire mĂŞme ce que l’on sait. Oui, dans la rumeur du peuple on entend des choses aussi rĂ©vĂ©latrices que celles que j’ai entendues Ă  San Esteban : « Ce sont eux-mĂŞmes. Â» Ce sont des choses que l’on entend, mais que personne n’est capable d’affirmer. C’est la peur de la libĂ©ration.

 

 

B) Le pain qui comble le corps ne suffit pas, mais il est nécessaire

 

Le Christ notre Seigneur, alors que cette multitude comblĂ©e du pain de l’estomac le cherchait, leur dit en toute clartĂ© et franchise (Jn 6,26) : « Je vous assure, vous me cherchez non pas parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangĂ© Ă  satiĂ©tĂ©. Â» Mes frères, comme l’estomac nous trahit. C’est le pain des libĂ©rations immĂ©diates. Cela ne suffit pas. Il est certain que cela ne suffit pas.

Paul VI : « Ne supprimez pas la vie, mais qu’il y ait du pain pour les invitĂ©s Ă  la vie. Â»

 

Je me souviens, lorsque Paul VI, il y a dix ans, est venu aux Nations Unies et a dĂ©noncĂ© le grand pĂ©chĂ© de ne pas laisser naĂ®tre autant d’êtres humains qui meurent dans le sein de leur mère ou que l’on ne laisse pas ĂŞtre conçus. Le Pape dit cette phrase immortelle : « Le problème n’est pas de supprimer la vie, mais qu’il y ait du pain pour tous les invitĂ©s Ă  la vie. Â» C’est-Ă -dire que les problèmes de la stĂ©rilisation et des avortements sont très reliĂ©s aux problèmes sociaux parce que le pain que Dieu donne est suffisant pour tous ceux qu’Il invite Ă  la vie, mais comme quelques-uns se sont emparĂ©s de tout le pain de la Terre, de nombreux invitĂ©s Ă  la vie demeurent exclus, on leur interdit l’entrĂ©e parce qu’il n’y a pas de pain pour eux.

C’est le pain dont Jean-Paul II parla récemment

 

J’ai ici un prĂ©cieux discours du Pape Ă  la ConfĂ©rence mondiale pour la rĂ©forme araire et le dĂ©veloppement rural. Le Pape dit : « Certes, le commandement du divin est de dominer la nature pour la mettre au service de la vie inclut que la valorisation rationnelle et l’utilisation des ressources naturelles s’orientent vers la satisfaction des finalitĂ©s fondamentalement humaines, cela en conformitĂ© aussi avec le principe de la destination des biens de la Terre au bĂ©nĂ©fice de tous les membres de la famille humaine. Sans aucun doute, on se doit d’exiger des transformations audacieuses, profondĂ©ment innovatrices. Â»

 

Il est de grande actualitĂ© de rappeler ici, comme le Pape le fit dans son discours Ă  Cuilapán, au Mexique; Ă©coutez cela et vous direz que le Pape est communiste : « Le monde dĂ©primĂ© de la campagne, le travailleur qui avec sa sueur arrose aussi sa peine ne peut espĂ©rer moins que d’être pleinement et entièrement reconnu dans sa dignitĂ©, non infĂ©rieur Ă  aucun autre secteur social. Il a le droit au respect, Ă  ce que l’on ne le prive pas comme manĹ“uvre de son salaire qui parfois Ă©quivaut Ă  une vĂ©ritable dĂ©possession du peu qu’il possède, Ă  ce qu’on ne l’empĂŞche pas d’être partie prenante de sa propre promotion. Il a droit Ă  ce qu’on lui enlève les barrières de l’exploitation, faites frĂ©quemment d’égoĂŻsmes intolĂ©rants et qui brisent les meilleurs efforts d’avancement. Il a droit Ă  l’aide efficace, qui n’est pas une aumĂ´ne ni des miettes de justice, pour qu’il ait accès au dĂ©veloppement que mĂ©rite sa dignitĂ© d’être humain et de fils de Dieu. Au droit de propriĂ©tĂ© terrienne correspond une hypothèque sociale comme nous l’avons dĂ©jĂ  dit. C’est pourquoi, dans les rĂ©formes des structures, je vous invite Ă  regarder avec la plus haute considĂ©ration toutes ces formes de contrats agraires qui permettent un usage inefficace des terres moyennant le travail primaire des travailleurs. La rĂ©forme agraire et le dĂ©veloppement rural exigent que l’on instaure des rĂ©formes pour rĂ©duire la distance entre la prospĂ©ritĂ© des riches et la prĂ©occupante indigence des pauvres. Â»

 

Il me semble que le discours du Pape, oĂą il tient compte des souffrances des paysans, apporte son aval Ă  cette plate-forme de revendications des journaliers en ce qui a trait au salaire et Ă  d’autres compensations prĂ©sentĂ©es par FECCAS et UTC. (Syndicats agraires) C’est l’âme de notre paysannerie qui parle consciemment de la dure et dĂ©sespĂ©rante situation, attribuable Ă  ce qu’ils ne possèdent aucun moyen de production qui leur permette d’obtenir ce qui est basique et nĂ©cessaire pour la subsistance : riz, maĂŻs, fèves. Et Ă  cause de cela, ils doivent vendre obligatoirement leur force de travail pour un salaire misĂ©rable qui ne leur permet pas de combler les plus infimes nĂ©cessitĂ©s de la subsistance, tant pour eux-mĂŞmes que pour leur famille. Et dans leur feuille de demandes, il y a des choses aussi justes que cela : « L’égalitĂ© des sexes et de l’âge en tout ce qui a trait aux listes, Ă©limination du système de mĂ©tayers et le travail Ă  base de contrats collectifs. Â» J’ai vu de près, dans les champs, ce que signifiaient ces termes « les mĂ©tayers Â», « les aides Â». C’est une injustice de donner Ă  un seul travailleur les prestations qui reviennent Ă  tous les engagĂ©s. Comme ils sont simplement des aides, ils ne savourent pas les fruits de leur travail, parfois volĂ© par ruse.

 

On demande également que lorsque l’on pulvérise des produits nocifs, on tienne compte de la santé des travailleurs en ce qui a trait à ces produits. Et d’autres choses comme le logement adéquat, l’eau potable, une nourriture régénératrice. Il est certain que pour cela il existe le Ministère du Travail qui doit équilibrer les nécessités des uns et les capacités des autres. Mais il est juste de prendre en compte ce que le Pape lui-même a signalé aujourd’hui, à ce monde de paysans où le symbole de la faim et du pain dont nous parle aujourd’hui l’Évangile trouve une traduction véritablement éloquente.

Le Christ analyse ce pain, et comme l’Église nous l’a dit, les lettres de demandes ne suffisent pas, ni les contrats, ni les revendications de choses uniquement terrestres; tout cela est bon, mais cela ne suffit pas. Le Christ dit (Jn 6,27) : « Ne travaillez pas seulement pour le pain qui se perd. Â» Ne travaillez pas seulement pour les revendications qui aujourd’hui sont et qui demain seront autres; et ceux qui souffrent prĂ©sentement la rĂ©pression et la persĂ©cution, demain, s’ils ne changent pas leur cĹ“ur et leur mentalitĂ©, pourraient ĂŞtre les oppresseurs d’autres temps. Il est nĂ©cessaire alors, de rencontrer le vrai sens que le Christ donne au symbole du pain.

 

 

La Manne, un signe que le Christ explique

 

Dans l’Évangile d’aujourd'hui, le Christ dit : « N’est-ce pas ce pain que vous a donnĂ© MoĂŻse, la manne, celle qui sauve l’être humain. Â» Dieu vous l’a donnĂ© afin que vous sachiez qu’Il est providentiel et qu’il donnera Ă  manger aussi Ă  la faim corporelle. Dieu prendra soin Ă©galement de faire sortir les peuples de l’esclavage d’Égypte. Dieu prendra Ă©galement soin de protĂ©ger la justice des revendications des organisations qui ont le droit de s’organiser pour se dĂ©fendre mutuellement dans leurs droits. Dieu approuve le syndicalisme. Dieu veut l’homme uni; Dieu ne veut pas la dispersion. Dieu veut, comme l’a dit le Pape, qu’on facilite aussi au paysan la possibilitĂ© de s’organiser avec d’autres paysans et non pas de les dĂ©sagrĂ©ger pour qu’ils ne soient qu’une masse facilement exploitable. Dieu veut tout cela, mais cela ne suffit pas.

 

 

La manne ne donne pas l’immortalité

 

Le pain que je vous donnerai est le pain qui donne la vie au monde : ce pain de MoĂŻse et le pain dont je vous ai dit qu’il ne produit pas l’immortalitĂ©. Hier, nous avons mangĂ© et aujourd’hui encore nous avons faim. Nous mangerons peut-ĂŞtre Ă  satiĂ©tĂ©, mais nous mourrons tous. Ce pain ne donne pas l’immortalitĂ©. Les revendications de la Terre ne peuvent nous donner le paradis. Les luttes des hommes si elles sont dĂ©tachĂ©es de la foi qui l’illumine de l’au-delĂ , demeurent très boiteuses, très myopes et très imparfaites.

 

C’est pourquoi le service que l’Église donne aux regroupements et aux revendications de la Terre, Ă  la politique et Ă  la sociologie, l’Église, sans ĂŞtre politologue ni sociologue, est l’illuminatrice du pain de la vie. C’est elle qui dit aux politiciens et aux hommes, aux femmes qui luttent sur la Terre : ne recherchez pas la justice seulement pour le pain qui remplit l’estomac, recherchez la justice du Règne de Dieu, le pain que Je suis.

 

 

Le processus de la véritable libération

 

Dans Populorum Progressio, le Pape Paul VI nous propose le vĂ©ritable but de la libĂ©ration chrĂ©tienne. J’ai entendu quelques-uns des pères de la thĂ©ologie de la libĂ©ration nous expliquer en quoi consiste cette thĂ©ologie et ils affirmèrent qu’elle s’inspire, pour une grande part de l’enseignement rĂ©cent du magistère, notamment le numĂ©ro 20 de Populorum Progressio : « Ainsi pourra se rĂ©aliser dans sa plĂ©nitude le vĂ©ritable dĂ©veloppement qui est le passage pour chacun et pour tous de conditions de vie moins humaines Ă  des conditions de vie plus humaines. Â»

 

Et Paul VI commence Ă  dĂ©crire comme une espèce d’escalier moins humain : les carences matĂ©rielles de ceux qui sont privĂ©s du minimum vital et les carences morales de ceux qui sont mutilĂ©s par leur Ă©goĂŻsme. Frères, regardez, quelle comparaison plus certaine. Un homme sous-dĂ©veloppĂ© n’a mĂŞme pas le nĂ©cessaire pour vivre tout comme celui qui est peut-ĂŞtre riche et qui possède tout ce qu’il dĂ©sire peut ĂŞtre sous-dĂ©veloppĂ© moralement parce que mutilĂ© par l’égoĂŻsme. Ils sont dans l’infime grade d’être des hommes : « le riche et le pauvre. Le pauvre ne possède pas le minimum vital et le puissant n’a pas le minimum moral. L’égoĂŻsme est le plus grand signe du sous-dĂ©veloppement moral. Â» Et le Pape poursuit : « Moins humaines encore, les structures oppressives qui proviennent de l’abus de l’avoir ou de l’abus du pouvoir, de l’exploitation des travailleurs ou des injustices des transactions. Â» C’est de lĂ  que tout provient, tout cela demeure au niveau infrahumain, structures d’exploitation comme celles que nous dĂ©crivions prĂ©cĂ©demment.

Plus humaines, dit le Pape, s’élever de la misère Ă  la possession du nĂ©cessaire. La victoire sur les calamitĂ©s sociales, l’amplification des connaissances, l’acquisition de la culture. Un pas de plus, plus humain Ă©galement, l’esprit de pauvretĂ© – regardez comment l’esprit des pauvres est un chemin de dĂ©veloppement. Le dĂ©veloppement, ce n’est pas d’avoir plus, mais d’apprendre Ă  ĂŞtre le maĂ®tre de ce que j’ai : esprit de pauvretĂ©.

 

La coopération dans le bien commun, la volonté de paix. Plus humaine encore, la reconnaissance de la part de l’être humain des valeurs suprêmes, et de Dieu, qui est la source et la fin. Plus humaine enfin, la foi, don de Dieu, accueillie par la bonne volonté des hommes et des femmes et l’unité dans la charité du Christ qui nous appelle tous à participer comme fils dans la vie du Dieu vivant, Père de tous les êtres humains. La véritable libération de l’humain se termine dans la communion avec Dieu, dans la foi par laquelle nous le connaissons, dans l’amour par lequel nous sommes unis avec Lui dans son dialogue avec Dieu, dans la communion avec Dieu, là se trouve le sommet du développement et de la véritable libération. 05/08/79, p.137-141, VII.

 

 

3) Le Christ, le véritable Pain de la Vie

 

VoilĂ  pourquoi le Christ dit : « Le pain de la Terre ne suffit pas pour ĂŞtre libre, il est nĂ©cessaire de dĂ©couvrir dans le pain ce que Dieu veut te donner et le pain n’est rien d’autre que le signe. Â»

 

 

A) Je suis

 

Le signe du pain, de celui dont on parle aujourd’hui dans l’Évangile, se rĂ©vèle lorsque le Christ dit : « Je suis Â». Observez bien comment sonne cette parole, comme lorsque Dieu parla Ă  MoĂŻse dans le buisson ardent : « Je suis Celui qui est Â». Le Christ est, seulement Lui, est la libĂ©ration. « Je suis le pain qui descend du Ciel pour apporter la vie vĂ©ritable aux humains. Â»

 

 

Croire en Lui est notre travail

 

L’Évangile d’aujourd’hui nous l’a dit lorsque les Juifs Lui demandèrent : « Quel est notre travail pour avoir ce pain? Â» Le Christ leur dit (Jn 6,29) : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyez en Celui qu’Il a envoyĂ©. Â» Personne ne peut construire, avec les forces de la Terre, une libĂ©ration qui atteigne le sommet et le situer en communion avec Dieu.

 

Les humains pourraient réaliser les changements de structures, renverser les gouvernements, donner à manger, rompre les barrières, tout cela il faut le faire, mais cela ne suffit pas! Ce que le Christ peut faire, les humains ne peuvent faire tout cela et s’élever jusqu’à Dieu. Le Divin Sauveur du monde, tel que nous le verrons plus tard dans l’imaginaire traditionnel, est une invitation à nous élever des nécessités de la Terre pour Le comprendre comme l’unique solution qui descend du Ciel. Attendons-Le dans l’espérance, dans la prière et dans l’amour. Non pas pour tout attendre de Lui; il faut travailler comme si tout dépendait de nous, mais il faut espérer du Christ comme si tout dépendait de Lui. C’est cela l’équilibre du véritable développement.

 

 

Et c’est pourquoi le Christ termine son Évangile par cette confession : « Je suis Â». Il est! Frères, quelle belle occasion nous offre l’Évangile pour connaĂ®tre de plus près le Divin Sauveur!

Qu’est-ce que nous donnera comme fruit cette attente du Christ pour Le faire nôtre? Nous avons la réponse dans la seconde lecture d’aujourd’hui (Ep 4,17,20-24), saint Paul nous y décrit la situation de l’homme esclave du paganisme. Il l’appelle le vieil homme, l’homme de la haine, l’homme de la violence, l’homme du vol, l’homme des intrigues, l’homme des assassinats et des séquestrations, l’homme rude, la brute.

 

C’est ce qui cause tant de souffrances parmi nous : hommes sans raison, hommes animaux, hommes-loups pour l’homme. « Cela fut Â» dit saint Paul Ă  ceux qui se convertirent de cette vie; et en ce 5 aoĂ»t, je voudrais dire Ă©galement Ă  ceux qui se sont souillĂ©s de ce sang de prĂŞtres et de tant d’autres, peu importe de qui il s’agit, convertissez-vous! Ă€ ceux qui veulent maintenir des situations injustes et qui paient pour faire tuer ceux qui veulent les changer, qu’ils se convertissent! Et Ă  tous ceux qui luttent pour ces changements, qu’ils s’élèvent Ă  cette hauteur que nous offre aujourd’hui la seconde lecture, lorsqu’elle dit (Ep 4,20) : « Vous n’êtes pas ainsi comme vous l’avez appris du Christ. Â»

 

Le Christ vous a enseigné à abandonner la façon antérieure de vivre, du vieil homme, corrompu par les désirs du plaisir, du vieil homme qui n’est pas de l’Esprit. Rénovez-vous dans l’Esprit, laissez l’Esprit saint renouveler votre mentalité, revêtez-vous de la nouvelle condition humaine créée à l’image de Dieu, justice et sainteté. C’est cela l’homme nouveau. Rien ne servirait, dit Medellín, de changer les structures, si nous n’avons pas des hommes nouveaux. Le continent d’Amérique sera nouveau; grâce à ce Christ qui rénove les hommes, revêtez-vous de sa justice et de sa sainteté. C’est pourquoi, mes chers frères chrétiens, vous qui croyez en Jésus Christ et qui désirez vraiment le suivre, vous êtes la véritable espérance de la libération au Salvador. 05/08/79, p.141-142, VII.

 

 

Pensée qui nous amène à l’autel

 

Je termine en vous invitant Ă  cĂ©lĂ©brer la fĂŞte du Divin Sauveur, surtout aujourd’hui, avec cette vĂ©ritable prière : Seigneur, je ne veux pas ĂŞtre un vieil homme. Seigneur, je ne veux pas ĂŞtre un obstacle au progrès de ma patrie. Seigneur, loin de moi l’idĂ©e d’appartenir aux bandes d’assassins salvadoriens. Seigneur, aie misĂ©ricorde de tant de criminels, intellectuels et matĂ©rialistes. Seigneur, change le cĹ“ur de ceux qui gouvernent et de ceux qui sont gouvernĂ©s, change les cĹ“urs de la patrie, renouvelle-les de l’intĂ©rieur avec la justice et la saintetĂ©.

 

Ă€ ceux Ă  qui Tu as donnĂ© le courage de lutter pour une patrie nouvelle et qui s’efforcent dans les revendications du peuple de lui faire comprendre de ne pas dĂ©penser uniquement leurs Ă©nergies dans le pain qui remplit l’estomac, mais qu’ils s’élèvent Ă  lutter et Ă  mourir parce que, lorsqu’on meurt comme sont morts ces prĂŞtres avec leurs idĂ©aux du Règne des cieux, on se dit : « Ce sont lĂ  vĂ©ritablement les chemins que nous devons suivre. Ils meurent, mais ils continuent Ă  vivre. Â» 05/08/79, p.143, VII.