Le Pape, lieutenant du Christ dans son Église

 

Vingt-et-unième dimanche du temps ordinaire; 27 aoĂ»t 1978; Lectures : IsaĂŻe 22,19-23; Romains 11,33-36; Matthieu 16,13-20.

 

Nous ne sommes pas assez fous pour croire qu’il suffit qu’un homme dise une chose pour que Dieu dise la même chose. N’est-ce pas ridicule ce qu’a voulu faire le Christ? Ce que le Christ dit, c’est qu’ici se trouve son lieutenant. Tu représentes ce que Je suis. Je suis la tête invisible du Règne de Dieu, de l’Église, mais tu es la tête visible, tu es la bouche du Corps Mystique, tu es ma volonté, ce qui te dispose – avec la sagesse, du conseil et du discernement que mon Esprit t’inspire –, car cela aussi sera sanctionné dans le ciel.

Très chers frères, lorsque nous entendons tant de calomnies contre le Pape, il est dommage de penser que certaines personnes jouent avec un fil de haute tension électrique. Ce que le Pape sanctionne sur la Terre, Dieu le sanctionne dans le Ciel. Si le Pape excommunie celui qui s’en prend avec violence à un prêtre, c’est Dieu lui-même qui l’excommunie. Personne ne doit se moquer de l’excommunication parce que c’est méconnaître Dieu lui-même. S’il ne se repent et ne se réincorpore, il restera séparé de Dieu pour toujours.

 

En second lieu, nous disions que le Pape reflète Dieu, il porte la garantie de la consistance de l’Église. Lorsque le Christ dit au premier Pape : « Les portes de l’enfer ne prĂ©vaudront pas contre elle (l’Église). Â» Dans une traduction plus authentique, cela signifie que les pouvoirs de la mort ont fait succomber tant d’empires qui n’existent plus. Cette puissance de la mort qui vient Ă  bout de tout, n’a rien Ă  voir avec cette barque de l’éternitĂ© qui continuera de naviguer Ă  travers le temps, parce que l’horizon qui lui a Ă©tĂ© indiquĂ© est celui de son origine, chemin et but de l’Histoire. L’Église parviendra Ă  son but et le Pape en est la garantie. Tant qu’il y aura un Pape au gouvernail de l’Église… la tribulation, les passagers, tous les pèlerins, nous irons tranquillement, avec beaucoup de foi parce que le Pape est la garantie de la consistance de l’Église. Le Pape est le rocher oĂą est construite une Église de garanties immortelles.

 

C’est pourquoi la troisième raison qui nous fait dire que le Pape est le lieutenant du Christ dans son Église, c’est parce qu’il est la garantie de l’unitĂ© et de l’universalitĂ©. Lorsque quelqu’un regarde la diffĂ©rence entre un peuple et un autre, les opinions si contraires et si variĂ©es, les races si distinctes, il s’interroge Ă  savoir pourquoi le Christ rĂŞva-t-Il de faire une seule Église de noirs et de blancs, de Chinois, EuropĂ©ens et d’AmĂ©ricains? En respectant l’idiosyncrasie, l’Église ne va vers aucun peuple pour anĂ©antir ses valeurs, au contraire, personne ne garantit autant les vĂ©ritables valeurs autochtones d’un peuple, comme l’Église. Observez ici au Salvador : qui respecte la manière d’être des Salvadoriens? Qui s’identifie si profondĂ©ment avec le peuple? L’Église. Et malgrĂ© ce respect de l’universel, de l’autochtone, de l’identitĂ© de chaque peuple, l’Église est une et unique. Comment le Christ est-il parvenu Ă  ce miracle? Le Concile Vatican II l’explique ainsi : « Chaque Ă©vĂŞque est le fondement de l’unitĂ© de son diocèse, et tous les Ă©vĂŞques sont unis dans le Pape, reprĂ©sentant de l’Église universelle, uni dans l’amour et dans la paix. Â» 27/08/78, p.150-151, V.

 

« Que signifie ce terme d’organisation populaire? FECCAS, UTC, FAPU, etc. Il existe une prolifĂ©ration de groupes politiques. Nous disions dans notre pastorale : que ce phĂ©nomène est de ceux dont parle le Concile en les appelant : les signes des temps. L’Église se doit d’illuminer Ă  partir de la lumière de l’Évangile. Je ne veux pas que nous lisions simplement cette lettre pastorale, je vous invite Ă  la partager avec vos communautĂ©s. Il s’agit d’un thème de profonde rĂ©flexion, afin que chacun n’aille pas s’imaginer de fausses relations que l’Église entretient avec ces organisations, des relations distinctes de celles que nous proposons ici Ă  la lumière de l’Évangile. J’espère que vous allez accueillir ce labeur, cet effort pastoral, avec l’affection avec laquelle nous vous l’offrons. Elle contient trois parties : la première partie expose la situation des organisations populaires au Salvador. Nous dĂ©fendons le droit d’organisation; l’appui Ă  ses justes objectifs. Nous dĂ©crivons et dĂ©nonçons comment ce droit est violĂ© au Salvador. Ce droit que tous les hommes ont de s’organiser. Nous donnons la raison de ce pourquoi, le droit d’organisation est lĂ©gitime et pourquoi Ă©galement il peut devenir illicite. Nous ne dĂ©fendons pas toutes les organisations. Lorsqu’une organisation se forme pour commettre des crimes, des enlèvements, pour la guĂ©rilla ou pour des motifs injustes, lĂ  nous opposons les raisons de la morale parce que tout ne peut pas ĂŞtre permis.

 

Dans la seconde partie de cette lettre pastorale, nous traitons du thème central. Quelles sont les relations de l’Église avec les organisations populaires? Nous proposons trois principes de base. Nous dĂ©crivons quelle est la mission de l’Église. Quel est le service que l’Église doit prĂŞter au peuple, surtout en ce qui concerne ses efforts de revendications? Puis nous rappelons avec tendresse une parole de Paul VI qui est pratiquement un testament pour nous : « Accompagnez votre peuple avec l’affection d’un pasteur, mais en l’éclairant toujours de la lumière de l’Évangile. Â»

 

Et le troisième principe est l’insertion que l’Église recherche dans tous les efforts libĂ©rateurs des ĂŞtres humains, du Salut universel du Christ. Nous disons qu’un effort de libĂ©ration Ă©conomique, sociale ou politique ne serait pas complet s’il ne s’incorpore pas Ă  la grande libĂ©ration que nous chantions lorsque nous sommes entrĂ©s dans l’Église aujourd’hui : « Le peuple qui marche en espĂ©rant la grande libĂ©ration. Â» Celle du pĂ©chĂ©, celle qui nous donnera la gloire et la libertĂ© Ă©ternelles. Mais dans cette espĂ©rance, il nous faut travailler aussi pour les libĂ©rations de la terre. L’Église n’y est pas indiffĂ©rente, mais elle ne veut pas non plus se consacrer uniquement Ă  des objectifs temporels.

 

Dans la troisième partie de ma lettre pastorale, il s’agit d’un thème très sĂ©rieux que nous devons Ă©tudier avec beaucoup d’attention. C’est le jugement de l’Église face Ă  la violence. Il est certain que l’Église possède comme idĂ©al la paix, mais nous distinguons diffĂ©rentes catĂ©gories de violences. Je vous rappelle ici qu’au sommet du mont Tabor, avec le Christ transfigurĂ©, apparaissent cinq hommes : MoĂŻse, Élie, Pierre, Jacques et Jean – ce sont des hommes de caractère violent et ils commirent de terribles violences. MoĂŻse tua un Égyptien. Élie trancha la gorge des faux prophètes qui n’adoraient pas le Dieu vĂ©ritable. Pierre tira son Ă©pĂ©e contre un garde pour dĂ©fendre le Christ. Jacques et Jean demandèrent au Christ de faire pleuvoir le feu sur un village qui refusait de leur offrir l’hospitalitĂ©. Pierre dit ici ce que dit MedellĂ­n : « Le chrĂ©tien est pacifique, non pas parce qu’il ne peut combattre, mais parce qu’il prĂ©fère la force de la paix. Â» Je vous invite Ă  placer toute cette Ă©nergie que Dieu a donnĂ©e au peuple salvadorien, comme un torrent, non pas au service de la violence. Nous n’aurions rien Ă  craindre si les Salvadoriens mettaient toute cette agressivitĂ© que Dieu leur a donnĂ©e, au service de la construction d’une vĂ©ritable justice, de l’ordre qui doit vĂ©ritablement ĂŞtre dĂ©fendu. 27/08/78,p.152-153,V.