Le Bon Pasteur
Quatrième dimanche de Pâques; 16
avril 1978, Lectures : Actes 2,14a.36-41; I Pierre 2,20b-25; Jean 10,1-10.
Plan de l’homélie :
1) Les circonstances où fut proclamée
la RĂ©surrection du Christ
(Nous devons avoir cela à l’esprit si
nous voulons que l’Évangile du Christ ressuscité soit celui qui illumine notre
histoire.)
2) Ce message du Christ ressuscité se
présente aujourd’hui sous la figure d’un pasteur
(C’est l’image que nous devons
apporter à notre foyer, à notre société, à notre milieu : le Christ est le
Bon Pasteur. Il vit aujourd’hui comme un pasteur qui aime ses fidèles.)
3) Nous sommes son troupeau. Son
message s’adresse au peuple comme une vocation, un appel.
1) Les circonstances où fut proclamée
la RĂ©surrection du Christ
A) Annonce et dénonciation de la
proclamation du message chrétien
La première idée est la
suivante : le message chrétien est prononcé dans des circonstances
concrètes. Et cela n’est pas une modalité de notre temps, l’homélie signifie
exactement cela. L’homélie signifie l’humble sermon du pasteur qui célèbre la
Parole de Dieu pour dire à ceux qui l’entendent que cette Parole de Dieu n’est
pas une parole abstraite, éthérée, mais une parole qui s’incarne dans la
réalité où vit cette assemblée qui médite.
Le Christ a ressuscité, vous L’avez
tué
Je souligne ceci – même si je le
rappelle chaque dimanche –, parce qu’aujourd’hui je remarque dans les trois
lectures, exactement ceci : d’abord dans le sermon de Pierre (Ac
2,14a.,36-41), sur qui vient de descendre l’Esprit saint, premier sermon
chrétien, où l’apôtre apparaît à l’entrée du Cénacle. Il prêche et convertit
les trois milles premiers Chrétien. Ce premier sermon, qui est un modèle de
prédication, ne fait pas abstraction des circonstances, il annonce cette grande
nouvelle : le Christ est ressuscité pour l’espérance et le pardon de ceux
qui Le suivent.
Mais dans son sermon, Pierre, en mĂŞme
temps qu’il annonce les merveilles de la Résurrection, dénonce le grand péché
des hommes : « Vous l’avez tué! » Si bien que la lecture
d’aujourd’hui nous rapporte que les cœurs des hommes présents furent remués.
Que ferons-nous frères? C’est ce que veut l’Église : inquiéter les
consciences, provoquer des crises aujourd’hui même. Une Église qui ne provoque
pas de crises (de conscience), un Évangile qui n’inquiète pas, qui ne suscite
pas de doutes, de questionnements, une Parole de Dieu qui ne touche pas au
péché concret de la société où elle est annoncée, quel Évangile est-ce? Il est
facile d’exprimer des considérations pieuses qui ne dérangent personne, et
c’est ainsi que plusieurs voudraient que soit la prédication. Et
ces prédicateurs qui pour ne pas déranger, pour ne pas avoir de conflits ou de
difficultés, évitent toutes questions épineuses, n’éclairent pas la réalité où
ils vivent, ils n’ont pas le courage de Pierre pour dire à cette foule qui a
encore les mains tachées du sang de la mort du Christ : « Vous l’avez
tué! » Même si cette dénonciation pouvait lui coûter la vie, il la
proclame courageusement. C’est le vaillant Évangile, c’est la Bonne Nouvelle de
Celui qui vient pour enlever les péchés du monde.
Le Christ, humble, est amené au
gibet. La cause : le péché et l’égarement des hommes.
Nous avons, par exemple, dans la
seconde lecture (P 2,20b-25) où sont annoncées les merveilles du Christ humble
qui, comme un agneau, fut conduit à l’abattoir. Cependant, Pierre, dans cette
première épître, dénonce les causes de cette mort, c’est-à -dire le péché et
l’égarement des hommes, mais il se réjouit du fait que déjà plusieurs soient
revenus de leurs mauvais chemins pour former la communauté du Christ.
Nous sommes pécheurs, et moi le
premier. J’ai offensé le Seigneur. Mais grâce à Dieu nous avons entendu un jour
cet appel qui nous signalait nos péchés et au lieu de nous en offenser et de
nous refermer dans notre orgueil, en calomniant l’Église parce qu’elle nous
dérange, nous avons mieux accueilli son message. En ce jour, cette brebis
égarée que je fus, qui peut être chacun d’entre nous, s’approcha humblement du
Seigneur pour lui demander pardon, grâce à une parole entendue, et au fait
qu’il y eut quelqu’un qui éclaira ma conduite mauvaise. C’est cela le rôle de
l’Église : ne pas faire abstraction des circonstances et dire aux hommes
leur propre péché pour qu’ils s’en repentent.
Je suis la porte, celui qui entre par
un autre côté est un brigand
Et surtout, frères, l’Évangile
d’aujourd’hui (Jn 10,1-10), quelles paroles plus courageuses du Christ qui
utilise cette comparaison (10, 1) : « En vérité, en vérité, je vous
le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans l’enclos des brebis, mais en
fait l’escalade par une autre voie, celui-là est un voleur et un
brigand. » Voyez comme dans ces paroles du Christ, de qui nous espérons
toujours l’amour, la douceur, lorsqu’il est nécessaire d’employer le fouet pour
châtier les voleurs et les bandits, pour leur dire : celui qui n’est pas
le pasteur, n’entre que pour tuer, pour voler et pour maltraiter! Le fouet du
Christ frappa dur sur tous les outrages de son temps. Il sentait que la
synagogue avait perdu son sens d’être la représentation de la miséricorde de
Dieu. Les pasteurs d’Israël, déjà dénoncés par les prophètes, au temps du
Christ, s’étaient convertis en de mauvais pasteurs.
L’épisode de cette comparaison du Bon
Pasteur se produit peu après l’épisode de l’aveugle de naissance que les
pharisiens, au lieu de se réjouir parce qu’il avait retrouvé la vue,
excommunièrent : « Pourquoi t’es-tu laissé soigner un jour de
sabbat. » Ils étaient plus préoccupés par la légalité que par la miséricorde. Ce
sont ceux-lĂ que fustigea le Seigneur, ces pharisiens hypocrites, ces pasteurs
égoïstes, ces synagogues sans miséricorde, ces autorités ecclésiales de son
temps. Le Divin Prophète, le Christ Notre Seigneur fut dur envers le péché, peu
importe d’où il provient; que ce soit d’Hérode ou de Pilate, des pontifes, des
prêtres. Il les reprend et c’est à eux qu’Il adresse cette comparaison, pour
qu’ils apprennent à être comme Lui qui est le Bon Pasteur et pour que son
Église soit ce qu’elle se doit d’être : une maison de la miséricorde du
Seigneur, où les pécheurs ne rencontrent pas le reproche, l’excommunication, la
dureté, sinon l’accueil, le réconfort de Notre Seigneur qui les appelle au
pardon.
L’heure du Salvador
Voyez comme les trois lectures
d’aujourd’hui sont le modèle de la prédication de l’Église. Elles annoncent les
merveilles de la Résurrection, mais n’oublient pas les circonstances concrètes
du péché au milieu duquel est proclamée cette merveille. C’est pourquoi, mes
frères, par cela je veux justifier la pertinence actuelle de mes homélies. Je
ne serais pas non plus le prédicateur de la Parole de Dieu si je ne tenais pas
compte de cette parole du Bon Pasteur, en ce dimanche d’avril 1978 qui est vécu
dans un contexte si tragique oĂą nous avons besoin que sur ces traces de sang,
de douleur, de dépression, de désolation, se démarque cette belle figure du Bon
Pasteur. Nous ne comprendrions pas toute la tendresse du Christ en cette heure
du Salvador, si nous ne tenions pas compte de l’actualité.
Qu’est-ce que cette heure du Salvador?
Cela semble être irréel! Comme est dense notre histoire, dimanche après
dimanche! Quand j’ai fini de parler, je me demande : et dimanche prochain
qu’est-ce que je vais dire? Ayant l’impression d’avoir tout dit. Cependant,
l’autre dimanche arrive et il apporte tant d’histoires, avec cette densité que
nous pouvons affirmer que nous vivons en ce moment dans notre pays, une heure
où nous sommes les protagonistes de choses très décisives. 16/04/78, p.161-164,
IV.
Différence entre l’Église et le Bloc Populaire
RĂ©volutionnaire
Si l’Église possède des perspectives
de justice sociale, de charité, qui ne sont pas conformes avec l’ordre actuel
d’injustice qui prévaut, cela ne veut pas dire qu’elle s’identifie avec tous
ceux qui veulent également ce même changement. L’Église a une perspective
pleinement évangélique, c’est l’Évangile qui lui inspire son accueil du paysan
qui n’a pas d’endroit où passer la nuit, qui a faim et que nous nourrissons.
C’est l’inspiration de l’Évangile que l’Église porte quand elle veut secourir
les nécessiteux et plaider en faveur des justes revendications. Mais cela ne
signifie pas pour autant qu’elle s’identifie à d’autres groupes.
Que cela soit bien clair, parce que
l’Église ne peut s’identifier à aucun parti politique ni à aucune organisation
de caractère politique, sociale ou coopérative. L’Église ne possède pas de
système, elle ne possède pas de méthode, elle ne possède que l’inspiration
chrétienne, une obligation de charité qui la presse d’accompagner ceux qui
souffrent des injustices, et d’accompagner aussi, les justes revendications du
peuple. Oui, là l’Église est présente, mais sans s’identifier avec les systèmes
et les méthodes. Je le répète que cela demeure bien clair parce que je ne suis
pas directeur d’aucune organisation politique. Je ne suis, ni mes prêtres ne
doivent être, des leaders de ces groupes. S’il existe des coïncidences
objectives, ce sont les perspectives de l’Évangile qui l’illuminent.
Le système actuel a provoqué
l’affrontement entre les paysans
À ce sujet, précisément parce qu’elle
ne se confond pas avec aucun secteur, parti, méthode, ou organisation, l’Église
demeure en situation d’indépendance pour pouvoir critiquer le négatif qu’on
retrouve dans chaque organisation. Et je dirais sans ambages comme je l’ai dĂ©jĂ
dit qu’autant dans les organisations du Bloc Populaire Révolutionnaire (BPR),
que dans d’autres organisations à caractère plus officiel, l’Église dénonce le
péché où qu’il soit. Et l’un des péchés plus grands est celui-ci, frères, et
cela me fait très mal : que le système actuel de notre patrie est parvenu
à provoquer l’affrontement entre paysans. La même faim qui est l’angoisse du
Bloc est la même faim qui est également l’angoisse de l’homme de ORDEN (groupe
paramilitaire). Et pensez également que le soldat de nos forces armées provient
Ă©galement de cette mĂŞme paysannerie. Et quand je vois les policiers qui Ă©pient
les paysans, des paysans qui surveillent d’autres paysans, ORDEN qui s’affronte
au BPR, je dis : « Combien satanique a dû être ce système pour tirer
profit de la faim des hommes en leur faisant gagner leur pain en persécutant,
en se faisant des ennemis, en divisant, alors qu’ils vivent tous dans la même
pauvreté! » Au lieu de les aider par un dialogue constructif afin que les
uns et les autres parviennent à une atmosphère plus respirable, à l’air libre,
on les a conduits à l’affrontement. Les uns profitent des occasions qu’ils ont
parce qu’ils appartiennent à quelque chose d’officiel, tandis que les autres en
tant que marginalisés luttent pour faire valoir leurs justes revendications.
C’est pourquoi je répète que ce ne sont ni les répressions, ni les violences
qui vont régler cette situation. Il est nécessaire qu’une saine et authentique
démocratie ouvre les canaux du dialogue pour entendre les angoisses que possède
le peuple, les paysans, pour avoir des lois et des organisations où l’on puisse
respirer une atmosphère de justice et de paix. Tant qu’il n’y aura pas ces
canaux, tous les rapiéçages, et encore moins ceux qui sont faits avec violence,
ne font que, comme disait le Christ, rompre les vieux tissus et empirer la
tragique situation qui est la nôtre. […]
L’Église fait la promotion de la
personne humaine, elle dit aux personnes de se défendre leurs droits, de se
distinguer, que s’il est certain qu’ils sont marginalisés, ils possèdent aussi
leur part de responsabilité. L’Église ne peut approuver la paresse qui provoque
aussi cette pauvreté. Qu’ils comprennent bien ceci : lorsque nous disons
« l’Église des Pauvres », nous ne disons pas l’Église des fainéants,
des voleurs et des brigands, des prostituées qui gagnent leur vie par le péché.
Cela non! Mais si nous disons « l’Église des Pauvres », de ceux qui
doivent apprendre que leur pauvreté, leur mansarde, leur campagne, ne sont pas
des traits pour qu’ils se sentent différents des autres hommes, parce que le
Seigneur nous a tous faits à l’image de Dieu et nous devons respecter cette
dignité. Cela n’est pas du communisme, cela n’est pas de la subversion, cela
c’est l’Évangile de Celui qui est venu donner sa vie pour tous les hommes sans
exception ni acception de personne. 16/04/78, p.166-169, IV.
2) Ce message du Christ ressuscité se
présente aujourd’hui sous la figure d’un pasteur
C’est cela la figure centrale, c’est
le second point de mon homélie de ce matin : le Bon Pasteur. Les lectures
(Ac 2,14,36-41; P 2,20-25; Jn 10,1-10) nous le présentent sur un fond de
circonstances reliées au péché. Il n’est plus nécessaire de le répéter, vous
n’avez qu’à relire attentivement à combien de dénonciations et à combien de
péchés fait référence saint Pierre dans son premier sermon, dans sa première
épître. De même, saint Jean, dans son propre Évangile qui malgré le fait qu’il
soit si mystique, si élevé, possède cependant, des dénonciations très concrètes
adressées aux hommes de l’histoire. C’est ainsi que s’explique pourquoi les
apôtres vécurent des conflits et moururent martyrs, parce que personne ne
tolérait de se faire mettre en plein visage son péché, à part l’humble qui
recherchait ce que recherche l’Église : la conversion. […]
Seigneur et Messie humilié
Saint Pierre dans son premier sermon
dit : Dieu le constitua pour la Résurrection « Seigneur et
Messie ». Quelle expression plus riche! Cela signifie que le Christ, tant
qu’Il vécut incarné dans cette humanité comme les hommes de son temps, Il ne se
distinguait pas des hommes qui allaient par exemple Ă la synagogue, comme vous
venez Ă la messe. Si
le Christ vivait aujourd’hui, Il serait ici parmi nous et nous ne le
reconnaîtrions pas. Le Christ était un homme comme nous tous. Mais, quand est
arrivée son heure, et Il dit : « L’heure de mon exaltation est
arrivée », à partir de là nous allons pouvoir distinguer le Seigneur,
d’abord humilié comme nul autre. Et ici nous avons la seconde lecture, cette belle
épître de saint Pierre qui ressemble à une page d’Isaïe : silencieuse, la
brebis est conduite à l’abattoir, Il nous enseigna par son humble attitude
comment nous devons souffrir. Il est le Messie qui incarne toutes les promesses
de l’Ancien Testament : Il portera sur ses épaules tous nos péchés.
Et saint Pierre dit que ce Christ est
notre Sauveur précisément par sa souffrance. Ceux qui attendaient le Messie
avec un esprit triomphaliste furent désillusionnés comme les disciples d’Emmaüs
qui retournaient dans leur village « parce qu’il y a trois jours qu’ils
L’ont tuĂ© et qu’ils en finirent avec Lui. » Ces disciples s’attendaient Ă
une libération politique. C’est pour cela que le Christ les reprend en disant
(Lc 24,25) : « Ô, cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce
qu’ont annoncé les prophètes! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces
souffrances pour entrer dans sa gloire. » C’est cela la condition du
Christ. C’est pourquoi, frères, je vous dis : l’Église ne peut être
confondue avec aucun autre mouvement libérateur ni avec le Bloc Populaire
RĂ©volutionnaire ni avec le Parti Communiste, ni avec rien de cette terre. Tout
ce qui se dit en ce sens n’est que vile calomnie. L’Église est ce Christ qui
dit : Il était nécessaire de souffrir, il n’existe pas de libération sans
croix, il n’y a pas de libérations authentiques sans espoir d’une autre vie.
Oui, il faut travailler pour une terre plus juste, mais en n’espérant pas
ici-bas le paradis. Le Messie nous parle d’une libération payée au prix du sang
et de la douleur.
Combien d’espoir donne aux libérateurs d’aujourd’hui cet
enseignement du Christ : du Bon Pasteur qui donne sa vie.
Messie et Seigneur : Kyrie,
Empereur, Roi
Non pas par un triomphalisme
ostentatoire de vanité, mais avec la réalité divine qui ne le rend pas
omnipotent, qui le fait présent dans son Église, qui le fait constructeur de
l’histoire, qui en fait la pierre fondamentale de tous les mouvements humains,
qui fait de Lui la boussole qui oriente l’histoire entière vers sa véritable destinée,
Seigneur de l’histoire, Seigneur des temps, Seigneur de l’éternité. Il est la
clé qui inclut le passé, le présent et le futur. « Christ toujours »,
dit saint Paul. Christ Seigneur, Christ vit, Christ est ressuscité et la mort
ne le dominera plus. Mais c’est un Christ qui se présente comme le Bon Pasteur.
Quoi de plus merveilleux que de penser que ce roi puissant, ce roi, cet homme
qui porte les marques de toutes les souffrances converties maintenant en
étoiles glorieuses, en notre grand Libérateur, c’est notre grand Pasteur!
Je vous invite Ă ne pas venir Ă la
messe sans enlever de votre cœur ces amertumes que souvent nous laissent les
pessimistes parce qu’ils ont perdu l’espĂ©rance. Je vous invite, ce matin, Ă
éveiller dans votre cœur la magnanimité, l’allégresse de ceux qui ont
l’espérance. Je vous y invite tous. J’insiste sur le cœur de ceux qui
gouvernent, de ceux qui dirigent avec leurs capitaux les destinées de notre
patrie. De mĂŞme que les paysans, les pauvres, les ouvriers, les marginaux, pour
que nous nous disions les uns aux autres : il n’y a pas de Rédemption si
elle ne vient du Christ. Puis, les uns les autres, nous nous tairons, au lieu
de nous haïr, en nous aimant et en espérant du Bon Pasteur qu’Il conduise ce
peuple. Lui seul peut le conduire, il n’existe pas d’autre guide de notre
peuple. Si surgissent des dirigeants qui prétendent se passer du Christ, Il a
déjà lui-même lancé sa condamnation contre eux. « Personne ne peut diriger
un peuple sans passer par la porte que Je suis. Et si quelqu’un est entré par
un autre endroit, il s’agit d’un voleur et d’un bandit et ceux qui sont entrés
non pas avec l’esprit d’un pasteur, mais avec celui de tirer profit de la
situation, ils viennent pour voler, pour égorger et faire périr. » Nous pourrions
dire cela de plusieurs qui n’ont rien du Bon Pasteur, qui ne se préoccupent
aucunement du bien commun, qui ne s’importent que de retirer des avantages,
d’avoir une situation et, cette situation, ils veulent la maintenir en
employant la force brute qui n’est pas rationnelle. C’est ici, alors, que nous
avons la figure du Bon Pasteur, celle qui doit inspirer le père de famille, la
mère de famille, l’évêque, le gouvernement, le riche, le pauvre, l’inspiration
du Chrétien : le Bon Pasteur, Christ Messie et Seigneur. 16/04/78,
p.170-172, IV.
3) Nous sommes son troupeau. Son
message s’adresse au peuple comme une vocation, un appel.
La troisième réflexion est la
suivante : nous sommes les fils de ces circonstances, nous vivons, nous
sommes les protagonistes des circonstances de notre patrie, mais grâce à Dieu
nous sommes chrétiens et nous croyons dans le Bon Pasteur. Alors quoi? Alors,
ta responsabilité est personnelle.
Le Pasteur qui fait appel Ă la
collaboration
Ce Bon Pasteur, comme Il nous est
présenté dans les trois lectures d’aujourd’hui, nous appelle à la collaboration. Voyez
la première lecture (Ac 2,14,36-41), saint Pierre dit que « Dieu, par le
Christ, nous a donné le pardon des péchés et le don de l’Esprit saint »,
parce que cette promesse que Dieu a faite en JĂ©sus-Christ vaut pour vous tous,
pour tous ses fils et ses filles, pour tous ceux que le Seigneur appelle.
Il est heureux, en ce jour des
vocations, de penser que la première vocation est celle que vous avez de venir
à la messe parce que vous êtes chrétiens. Ma mère me fit baptiser et depuis ce
jour je suis chrétien. Le Seigneur m’appela par le cœur de ma mère. Ainsi, tous
ceux qui sont ici ont été baptisés, ont été appelés à recevoir cette promesse
de pardon, ce don de l’Esprit saint est pour nous tous, l’Esprit saint,
l’Esprit du Christ Notre Sauveur.
Collaboration dans la souffrance
Dans la seconde lecture (I Pie
2,20b-25), nous rencontrons aussi ce concept vocationnel lorsque Pierre dit
(2,20-21) : « Si faisant le bien vous supportez la souffrance, c’est
une grâce auprès de Dieu. Or c’est à cela que vous avez été appelés, car le
Christ aussi a souffert pour vous… » Frères, celui qui pense que le
christianisme est une clé pour ne pas souffrir est dans l’erreur. Celui qui a
déjà cessé de prier parce qu’il demandait au Seigneur d’être guéri d’une
maladie ou de trouver un meilleur sort et dit : « Si Dieu ne m’entend
pas, que je continue d’être pauvre, dans la misère et malheureux, je ne prie
plus. » Celui-là n’a pas compris la dignité de sa vocation. Nous sommes
appelés à souffrir, Celui qui n’avait pas de péché c’est le Christ et c’est Lui
cependant qui a souffert le plus. Et comme nous sommes réunis dans cette Église
de la Vierge, pensons qu’avec le Christ, l’Innocent, la Sainte Vierge qui
n’avait pas de taches, souffrit également auprès de la croix les sept épées qui
furent plantées dans son cœur. Parce que c’est à cela que le Christ nous
appelle : Ă souffrir. Mais Ă souffrir en faisant le bien.
Observez quel contraste, quelle politique que celle de Dieu! De sorte que la
récompense pour faire le bien ne va pas être d’être bien. Saint Pierre nous dit
clairement dans son épître d’aujourd’hui : « Œuvrer pour le bien et
souffrir. » Quelle chose plus belle devant Dieu! C’est pour cela que
vous avez été appelés, puisque le Christ aussi a souffert.
C’est pourquoi je vous dis qu’une
libération qui ne veut pas être gagnée sur la base de la douleur, des
souffrances (des sacrifices), n’est que pur mensonge. Il n’existe pas de
paradis sur cette terre. La libération complète se réalisera par-delà notre
mort, mais elle doit déjà commencer à se réaliser sur cette terre. Il est
nécessaire pour cela de se désinstaller. Cela m’attriste qu’en cette heure où
le peuple ne supporte plus cette situation, il y ait tant de gens indifférents
parce qu’ils préfèrent, comme ceux d’Égypte, continuer de manger des oignons,
qui protestent contre Moïse parce que dans le désert ils souffrent le chemin de
leur libération : « Pourquoi nous as-tu fait sortir d’Égypte? Même si
nous Ă©tions esclaves, nous Ă©tions mieux, nous mangions de la viande, nous
avions des oignons. » C’est ainsi qu’est la condition de plusieurs, ils
préfèrent être bien. Jusqu’à quand? Mais la libération définitive suppose la
souffrance, le passage par le tunnel obscur comme fut la passion du Christ. Et
saint Pierre nous encourage, c’est une passion qui est brève (en regard de
l’éternité).
Brève est cette souffrance, mais il
faut l’accepter avec toute l’allégresse avec laquelle le Christ embrassa sa
croix et marcha jusqu’au Calvaire. Il tombe et au lieu de demeurer au sol, Il
se relève trois fois, jusqu’à ce qu’on le cloue sur la croix parce qu’Il sait
que c’est seulement ainsi que sera consommée la Rédemption. Tout
cela est accompli jusqu’à l’épuisement. Je vous appelle, frères, à ce que comme
chrétiens nous n’ayons pas peur de la souffrance, sinon que nous la sentions
comme une vocation intrinsèque de tout chrétien.
Tous ceux qui veulent être sauvés
doivent entrer par le Christ
L’Évangile (Jn 10,1-10) nous présente
également le sens de cette vocation (10,9) : « Je suis la porte. Si quelqu’un
entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira, et trouvera un
pâturage. » Nous avons ainsi un appel général. Tous ceux qui veulent être
sauvés doivent entrer par le Christ. Sans le Christ il n’y a pas de Salut. Si
nous, qui avons l’honneur d’être pasteurs, ne l’étions pas, si nous n’avions
pas été appelés par cette porte. Le véritable évêque, le véritable curé, le
Pape authentique et unique est celui qui est entré par la porte qu’est le
Christ. […] Celui qui n’entre pas par la porte qu’est le Christ est un voleur
(cf. Jn 10,1). Et seul celui qui entre par le Christ et en son nom prĂŞche et
annonce sa parole, celui-lĂ est pasteur.
C’est cela, le critère, entrer par la
vraie porte, non par les fenêtres ou les fentes. Alors, mes frères, c’est ici
que vient la vocation. Je
termine en vous lisant cette merveilleuse pensée de Paul VI pour ce jour :
« Quand Jésus parle du pasteur et de la bergerie, Il se présente Lui-même
comme le Bon Pasteur et Il se réfère à la communauté des croyants, son Église,
comme un bercail ouvert pour accueillir toute l’humanité. Maintenant, pour bien
comprendre le sens et la valeur de la vocation, il est nécessaire de fixer
notre cœur et notre esprit sur ces deux réalités : le Christ et l’Église.
C’est ici que se trouve la lumière, accueillons-la comme appuie, pour
persévérer dans la vocation comprise dans toute sa profondeur, librement
choisie et fortement aimée. Regardez le Christ, nous nous adressons aux jeunes
en particulier, avec une affection paternelle et une grande confiance. Regardez
Jésus de Nazareth fils d’homme et Fils de Dieu, Prêtre Suprême du Peuple de
Dieu, Pasteur éternel de son Église qui a offert la vie pour son troupeau en
jouant le rôle du serviteur, Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort sur la
croix. » Après le Pape explique un profond sens théologique :
« Du Christ, qui est l’unique Prêtre et pasteur de tous les hommes, dérive
son sacerdoce et sa préoccupation pastorale pour tous les hommes qui sont
appelés à être prêtre ou pasteur. » C’est pourquoi la vocation des
séminaristes, des évêques et des prêtres ne se comprend pas sans tenir compte
du Christ qui est l’unique Prêtre, ni ne s’entend, non plus, sans l’Église qui
est le troupeau du Christ oĂą le Christ est le Pasteur et nous ne sommes que sa
présence visible au milieu du peuple.
Pensée qui nous conduit à l’autel
Prions beaucoup le Bon Pasteur pour
que sa présence vaillante et éclairante continue dans le monde par la voix de
ses pasteurs et pour que continue d’être accueillie la vocation au
christianisme par les hommes qui furent baptisés, y compris ceux qui ont perdu,
peut-être, la marque chrétienne. Qu’ils sachent qu’être chrétien c’est être
appelé à la souffrance, à la croix qui sauve le monde et qu’ils n’aient pas
peur, à l’heure de l’épreuve, d’embrasser fortement cette croix. Que les jeunes
comprennent le haut dessein auquel Dieu les convie afin d’utiliser leur visage
comme signe de sa présence en ce monde. Leurs mains comme celles du Christ
firent des dons et des offrandes d’amour, leurs pieds pour parcourir tous les
chemins de l’Histoire en apportant la Rédemption et le Salut. Le Christ a
besoin de nous, et en ce dimanche du Bon Pasteur, dimanche des vocations, grâce
à Dieu nous avons une Église où abondent et vont abonder davantage les jeunes,
garçons et filles, anxieux de suivre Notre Seigneur Jésus-Christ. 16/04/78,
p.172-175, IV.