Le carĂŞme, Triomphe du Projet
rédempteur de Dieu dans l’Histoire
Premier dimanche du carĂŞme; 24
février 1980; Lectures : Deutéronome 26,4-10; Romains 10,8-13; Luc 4,1-13.
Dieu a un projet, un plan, pour
sauver l’Histoire, pour sauver les humains. Et le carême nous dit comment
triomphe le plan de Dieu malgré les tentations du mal. C’est ainsi que je vais
vous présenter le thème d’aujourd’hui :
1) Victoire du Christ sur l’ennemi du
projet rédempteur de Dieu
2) Le rôle de l’Esprit Saint comme
force du projet rédempteur de Dieu
3) Par la foi, nous participons Ă la
victoire du plan rédempteur de Dieu.
1) Victoire du Christ sur l’ennemi du
projet rédempteur de Dieu
La rencontre du Christ avec le diable
dans le désert
L’Évangile d’aujourd’hui nous
présente la rencontre de deux forces de frappe terribles : le Christ et le
diable. Le Christ se présente comme l’homme qui va apprendre dans l’expérience
personnelle de tout homme, la valeur de la tentation pour raffermir les
convictions de l’être humain.
Le Christ, comme homme, vit
l’expérience d’Israël au désert
Sa présence au désert évoque les 40
ans qu’Israël passa au désert sous la conduite du plan de Dieu parmi les
tentations et les difficultés du monde, du démon et des adversités dont ils
souffrirent.
Tout ce passage Ă©voque le livre du
Deutéronome où Moïse parle au peuple en lui rappelant les merveilles que Dieu a
réalisées durant l’Exode et comment Il s’attend, en retour, à leur fidélité. Le
Christ apparaît comme une synthèse de ce peuple pendant cette pause merveilleuse
au désert : le Christ en prière, le Christ qui jeûne, le Christ qui
affronte les tentations du mal. Il se perfectionne comme l’homme dans l’épreuve
et sa victoire sera si resplendissante que, tout au long de ses trois années de
magistère, fulgureront toujours ces principes avec lesquels Il a vaincu les
tentations qui voulaient détruire le plan de Dieu.
Le DĂ©sert : Le lieu des fauves
et des démons
Pour les anciens, le désert, zone
inhabitée, était comme le lieu réservé aux fauves et aux démons. Le Christ, en
entrant en ce lieu de solitude, est comme un nouvel Adam qui n’entre pas au
paradis des délices mais qui va refaire ce paradis à partir du désert. Il est
le second Adam, le Rédempteur de l’humanité qui va nous rendre le désert
converti en paradis si nous savons suivre ses chemins.
A) Pierres et pains
Arrivent alors les tentations (Lc
4,3-4) : « Si tu es le Fils de Dieu, dis à cette pierre qu’elle
devienne du pain. » Et Jésus lui répondit : « Il est
écrit : Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais toute parole qui
sort de la bouche de Dieu est vie pour l’homme. » Apparaissent ici les
projets : le projet de Dieu et le projet du démon, le projet du mal.
Portons attention afin de savoir reconnaître dans quel projet nous nous sommes
embarqués.
Type de messies : Gagner les
gens en leur donnant ce qu’ils veulent immédiatement
Le démon propose au Christ une
solution facile au problème, un miracle. « Change les pierres en
pains ». Solutions immédiates, ainsi comme plusieurs politiciens qui
voudraient voir les problèmes s’arranger d’avance et qui rĂ©clament jusqu’Ă
l’impossible. Ces réclamations d’adolescents s’apparentent beaucoup à la
tentation du diable : vouloir convertir les pierres en pains et ainsi,
nous n’aurons plus faim.
Mais le Projet de Dieu veut donner un
sens au jeûne; il veut donner un sens à la Croix, au désert, au sacrifice.
Alors viendra le pain. La Parole de Dieu est justice et le pain ne se fait pas
seulement avec des pierres. Le pain qui doit alimenter tous les ĂŞtres humains
doit ĂŞtre celui de la juste distribution des biens; il doit aussi provenir des
sacrifices des riches qui se privent pour partager avec le pauvre; il doit
provenir d’une société organisée selon le cœur et la justice de Dieu. C’est
cela, la Rédemption que J’apporte, dit le Christ.
Ce n’est pas nécessaire de résoudre
maintenant par des miracles faciles qui sont à ma portée, certainement, les
situations de désert. Je vais agir en certaines occasions, comme lorsque avec
cinq pains je vais donner à manger à cinq mille personnes. Pour moi ce n’est
pas difficile de multiplier les pains et d’apporter nourriture et salaire, (de
bons salaires, une bonne situation) à tous les marginalisés. Mais le monde ne
comprendrait pas. Le riche continuerait d’être égoïste, l’humain ne se
convertirait pas. Nous ne construirions pas la société que Dieu a créée, une
société de gens intelligents et capables de s’aimer avec les biens qu’ils
possèdent et de donner suffisamment de pain pour tous.
Comme disait Paul VI, lorsqu’il
parlait des méthodes artificielles contre la natalité : « Combien
triste est le sort des humains, devoir priver certains du banquet de la vie
parce qu’ils ne savent pas mieux partager. La question n’est pas de priver ceux
qui viennent Ă la vie, mais de faire en sorte que sur la table il y ait du pain
pour tous. »
Ainsi pourrions-nous dire Ă©galement
aujourd’hui : ne recherchons pas des solutions immédiates; nous ne pouvons
pas arranger d’un seul coup cette société si injustement organisée durant tant
de temps; mais organisons, oui, la conversion des cœurs. Que tous et chacun
sachent vivre l’austérité du désert, qu’ils sachent savourer la forte
Rédemption de la Croix; qu’il n’y ait pas de joie plus grande que de gagner le
pain à la sueur de son front et qu’il n’y ait pas non plus de péché plus
diabolique que d’enlever le pain à celui qui a faim. 24/02/80, p.262, VIII.
B) Il s’agit d’une vision
instantanée, de dominations politiques
Il y a une autre caractéristique du
projet de Dieu et du projet du mal dans l’Évangile d’aujourd’hui. L’Évangile
dit qu’aussitôt, en un instant - il s’agit d’une vision - le diable fait passer
devant le Christ tous les royaumes et les gloires du monde : les grands
défilés militaires, les voitures des empereurs. Tout cela est la gloire du monde,
tout cela est Ă moi. Quelle triste possession! Je ne voudrais pas avoir quelque
chose qui provient du diable -. (Lc 4,6-8) : « Je te donnerai tout ce
pouvoir et la gloire de ces royaumes si tu te prosternes devant moi, car elle
m’a été livrée et je la donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes
devant moi, elle t’appartiendra tout entière. » Et Jésus lui dit :
« Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et à Lui seul, tu
rendras un culte. »
Idolâtrie du pouvoir
Et le Christ continue d’être affamé
dans le désert mais l’idolâtrie du pouvoir ne l’a pas vaincu. Quelle leçon
terrible et actuelle pour notre temps! Pourquoi les hommes du Salvador
luttent-ils? Pour le pouvoir? Le diable ne dit-il pas qu’il est facile de
l’acquérir, il suffit de se prosterner à genoux devant lui. Mais le projet de
Dieu dit non à l’idolâtrie. Dans ma lettre pastorale, je dis qu’un des services
que l’Église nous rend aujourd’hui, c’est de démasquer les idolâtries :
Idolâtrie de l’argent, idolâtrie du pouvoir, prĂ©tention d’avoir les humains Ă
genoux devant ces faux dieux. La vérité est que le projet de Dieu est :
« Tu adoreras ton Seigneur, ton Dieu. » C’est cela, la vraie
solution.
La véritable Libération de notre
peuple, c’est de leur enseigner qu’il existe une lutte entre le pouvoir de Dieu
et les pouvoirs faciles de cette Terre où l’on outrage tellement la dignité
humaine, les droits humains et où s’établissent des systèmes politiques qui
endorment la conscience des puissants. Malheur aux puissants lorsqu’ils ne
tiennent pas compte du pouvoir de Dieu, l’Unique Puissant, lorsqu’il s’agit de
torturer, de tuer, de massacrer pour subjuguer le peuple au pouvoir! Quelle
terrible idolâtrie sont-ils en train d’offrir au dieu pouvoir, au dieu argent!
Tant de victimes, tant de sang que Dieu, le véritable Dieu, l’auteur de la vie,
que Dieu va charger très cher à ces idolâtres du pouvoir…
C) JĂ©rusalem : But de Luc
Et la troisième vision est la
troisième tentation que Luc nous propose aujourd’hui dans son Évangile lorsque
le diable, qui ne veut jamais se laisser vaincre, amène le Christ au sommet du
pinacle du temple pour lui proposer une autre tentation. Il lui dit (Lc
4,9-12) : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas; car il est
écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, afin qu’ils te
gardent. Sur leurs mains, ils te porteront, de peur que tu ne heurtes du pied
quelque pierre. »
 Et devant ce succès, la multitude du temple va
t’applaudir et tu seras acclamé comme le messie qu’ils attentent. Mais Jésus
lui répondit : « Il est dit : “Tu ne tenteras pas le Seigneur
ton Dieu.” Tu veux voir si Je suis un messie facile, un messie qui recherche
les applaudissements, un messie qui veut gagner les multitudes en leur donnant
des solutions vaniteuses, me faisant briller vaniteusement devant eux, cela
n’est pas le projet de Dieu. »
Cela vient de l’humilité de Dieu
Le projet de Dieu est l’humilité de
l’homme qui, par la foi, vit sa vie ordinaire et s’approche de Dieu, en
observant sa volonté. Il n’est pas nécessaire de faire des choses
ostentatoires; il n’est pas nécessaire et cela cause de nombreux maux, d’avoir
une religion triomphaliste, une politique triomphaliste. Ce qui manque, c’est
la solidité, l’honnête simplicité des hommes engagés au service de Dieu. C’est
cela, le projet de Dieu : une vie simple, ordinaire, mais lui donnant un
sentiment d’amour, de liberté. Comme notre pays serait beau si nous vivions
tous ce projet de Dieu, chacun s’occupant de son travail sans prétention de
dominer, gagnant et mangeant simplement avec justice le pain dont sa famille a
besoin! Il n’y aurait pas toute cette terrible situation qui surgit précisément
parce que les humains cherchent un faux messie, comme celui que nous proposait
Satan.
Victoire de JĂ©sus
Le Christ triomphe des projets du mal
et Il s’accroche à l’unique projet de Dieu, aux idéaux de Dieu; c’est ce que
doit faire tout chrétien. Jésus a vaincu les tentations au nom de tous les
humains. Chacun de nous doit savoir de quel cĂ´tĂ© le projet du mal cherche Ă
entrer en lui : les uns par l’orgueil, les autres par la cupidité,
d’autres par la vanité, d’autres encore par les triomphes faciles. Faites bien
attention, mes frères. Le Christ a dit aujourd’hui une parole qui doit être
mise sur les lèvres de chacun et face aux tentations faciles de la vie, ayez le
courage de défendre l’unique projet qui sauve et qui demeure : le projet
de Dieu.
Le chemin de la Croix est le seul qui
mène à la véritable Victoire
Une croix, qui n’en porte pas?
Vouloir rejeter cette croix, c’est tomber dans la tentation du diable.
S’affermir, embrasser avec tendresse la Croix de mon propre devoir, c’est cela,
le projet de Dieu. Vivre avec amour sa propre vie, c’est ce que Dieu veut pour
sauver les humains. Le Christ apparaît maintenant victorieux. Je vous supplie
de ne pas oublier durant tout le carĂŞme, cette figure merveilleuse du Christ au
désert, entouré de fauves, tenté par le démon, récupérant le paradis. Et Il le
récupérera lorsque tous les humains seront comme Lui, des disciples fidèles du
projet de Dieu. 24/02/80, p.262-264, VIII.
2) Le rôle de l’Esprit Saint comme
force du projet rédempteur de Dieu. Insistance de Luc à mentionner l’Esprit
Avec quelle insistance l’Évangile de
saint Luc nous dit que le Christ était porté par l’Esprit. C’est pourquoi on le
désigne comme étant l’Évangile de l’Esprit. On ne peut concevoir un Christ qui
soit Sauveur de l’humanité, si ce n’est qu’habité par l’Esprit de Dieu. Dès le
commencement, dans les entrailles de la Vierge Marie, l’Esprit Saint est
l’auteur de cette nature humaine, uni intrinsèquement à la personne divine de
Dieu le Fils. Depuis lors, le Christ est l’œuvre de l’Esprit Saint et ainsi toute
l’œuvre de la Rédemption est le fruit de son labeur. Il est nécessaire de tenir
compte de cela pour comprendre les autres lectures de ce jour.
Le Credo du peuple d’Israël
La première lecture (Dt 26,4-10) est
le credo du peuple d’Israël. Gardons bien cela en tête, parce que c’est un
« je crois en Dieu » mais non pas dans un Dieu désincarné, mais dans le
Dieu de l’Histoire. Ainsi commandait Moïse au citoyen d’Israël : lorsqu’il
récoltera la moisson de son champ, il devra apporter au temple les prémisses et
l’offrir à Dieu avec cette prière qui est le credo d’Israël. (Dt 26,5-7) :
« Tu prononceras ces paroles devant Yahvé ton Dieu : “Mon père était
un araméen errant qui descendit en Égypte, et c’est en petit nombre qu’il y
séjourna avant d’y devenir une nation grande, puissante et nombreuse. Les
Égyptiens nous maltraitèrent, nous brimèrent et nous imposèrent une dure
servitude. Nous avons fait appel à Yahvé le Dieu de nos pères. Yahvé entendit
notre voix, il vit notre misère, notre peine et notre oppression…” » et il
poursuit en décrivant comment Dieu les fit sortir d’Égypte par le désert pour
leur donner une patrie, une Terre promise.
Promesse aux patriarches
Le credo d’Israël est une histoire.
Un credo qui commence par la promesse faite aux patriarches, promesse
incroyable : un vieillard à qui Dieu promet un peuple nombreux alors qu’il
n’avait aucun fils et qu’il était stérile. Un peuple qui croît sous l’esclavage
et à qui Dieu dit qu’Il va leur donner une terre où coulent le lait et le miel.
Ce peuple sort vers la Terre promise et lorsqu’elle devient réalité, les fruits
de cette terre sont l’expression que Dieu a accompli sa promesse et c’est
pourquoi on lui fait des offrandes. Cette offrande de cette messe d’Israël,
comme notre offertoire, rend grâce pour notre terre, pour notre patrie et pour
nous rappeler que Dieu n’a pas abandonné le peuple.
La foi d’Israël est la foi de sa propre
politique
Les Israélites n’avaient pas une foi
vaporeuse comme plusieurs chrétiens qui croient que lorsqu’on parle de ces
choses, on se mêle de politique. La foi d’Israël était la foi de sa propre
politique, la foi et la politique y étaient converties en un seul acte d’amour
au Seigneur. C’était une politique qui s’inspirait de la grâce et des promesses
de Dieu. Et le Dieu de tous les peuples, qui est aussi celui du Salvador, doit
être un Dieu qui éclaire la politique. C’est Lui qui nous donne nos champs,
c’est Lui qui veut la réforme agraire, c’est Lui qui veut une meilleure
répartition des biens que le Salvador produit. Ce n’est pas juste que
quelques-uns amassent dans leurs voûtes alors que le peuple demeure privé de
ces dons que Dieu a créés pour tous. 24/02/80, p.264-265, VIII.
L’histoire d’Israël possède une unité
et c’est l’Histoire du Salut parce que c’est l’Esprit qui l’apporte
Ce credo a été inspiré par l’Esprit Saint
qui donne unité à toute l’histoire d’Israël. C’est pourquoi la Bible, qui est
l’histoire de ce peuple, apparaît comme le livre de l’Esprit Saint. Même si ce
sont des hommes de divers siècles et de diverses cultures qui l’ont écrit,
c’est l’Esprit Saint qui écrit les pages de l’histoire d’Israël qu’est la
Bible, modèle de toutes les histoires de tous les peuples. C’est pourquoi tous
les peuples doivent lire la Bible et apprendre d’elle les relations qui
existent entre la foi et la politique.
La Bible est le livre modèle pour
apprendre ici Ă vivre cette relation merveilleuse de la foi et de la politique.
C’est pourquoi, lorsque l’Esprit Saint amène les temps d’Israël jusqu’à sa
plénitude et que naît le Christ par son œuvre, ce Christ commence à former un
nouveau peuple : nous les chrétiens. Et ici surgit encore le peuple; nous
sommes l’œuvre de l’Esprit Saint. Dieu réalise l’Histoire du Salut dans
l’histoire de chaque peuple; c’est pourquoi, un peuple ne peut ĂŞtre comparĂ© Ă
un autre peuple et aucun empire n’a le droit de venir influencer la manière
d’être de notre peuple…
[Applaudissements]
Le Dieu des grands empires est le
Dieu qui, là -bas, réclame la justice aux puissants et qui défend les pauvres de
ce peuple. Il a suffisamment Ă faire lĂ -bas! Et le Dieu de nos peuples pauvres construit
lui aussi l’Histoire du Salut avec l’histoire salvadorienne et non avec
l’histoire artificielle… L’Histoire que l’Esprit Saint anime constitue pour le
peuple chrétien une merveilleuse motivation et s’appelle : la
Résurrection. L’Esprit qui ressuscita le Christ nous a donné, en ce Christ
ressuscité, le modèle de l’Histoire. C’est vers là que doivent tendre toutes
les histoires, pour faire des hommes qui après avoir vĂ©cu avec leur croix Ă
l’épaule, ressuscitent à la liberté que l’on doit savourer déjà sur cette
Terre, mais qui ne sera définitive que lorsque nous savourerons la plénitude du
Règne de Dieu.
Cela ne signifie pas que nous devions
délaisser la libération du peuple en attendant l’au-delà de la mort. Je suis en
train de dire que le Christ ressuscité appartient déjà à l’histoire présente et
qu’Il est source de liberté et de dignité humaine. C’est précisément pour cela
que nous célébrons le carême comme préparation pour la Pâque, pour qu’à partir
de notre situation salvadorienne, en vivant notre carĂŞme salvadorien, les
Salvadoriens savourent la Vie nouvelle du Christ ressuscitĂ© en cherchant Ă
construire un pays plus juste, plus fraternel, où se vit plus intensément la
Vie de Dieu que le Christ nous a apportée et qu’Il nous donne par son mystère
pascal.
Le carême et la Pâque nous
appartiennent et nous pouvons dire cela de chaque peuple : le Christ est
nĂ´tre, le Christ est salvadorien pour les Salvadoriens. Le Christ est
ressuscité ici au Salvador pour nous, pour chercher, à partir de la force de
l’Esprit, notre propre idiosyncrasie, notre propre histoire, notre propre
liberté, notre propre dignité de peuple salvadorien. 24/02/80, p.265-266, VIII.
3) Par la foi, nous participons Ă la
victoire du plan rédempteur de Dieu
La profession de foi d’Israël
Dans la première lecture
d’aujourd’hui, je vous ai dit qu’il s’agissait là de la profession de foi du
peuple d’Israël qui consiste principalement en ces trois grands articles de foi
de l’Israélite :
1) L’élection des patriarches. Dieu
choisit un Araméen, Abraham, sans mérite, pour faire naître un peuple à partir
de presque rien.
2) Dieu fit un peuple et le sortit de
l’esclavage à l’indépendance : Égypte et l’Exode.
3) Il nous a donné un peuple et ce
peuple nous devons le construire selon le cœur de Dieu. Ce credo change pour
les chrétiens, non pour cesser d’être patriotes, mais pour donner un sens plus
divin Ă notre histoire comme nous dit la seconde lecture (Rm 10,8-13).
24/02/80, p.267, VIII.
Saint Paul nous décrit
merveilleusement quel est le processus de la foi chrétienne et quel est son
contenu.
A) Processus
La profession de foi des chrétiens
Le processus est bien simple dit
saint Paul (Rm 10,8) : « La Parole est tout près de toi, sur tes
lèvres et dans ton cœur. .Entends : la Parole de la foi que nous
prêchons. » C’est ce qui est primordial : proclamer la Parole de Dieu
pour la rendre accessible aux humains. C’est cela, la mission du prédicateur.
C’est cela, la mission de la radio; c’est pourquoi elle nous manque et nous
devons l’avoir un jour, parce que les véhicules de la Parole la transportent
auprès des gens et saint Paul nous dit que la foi commence là où la Parole est
entendue. « Comment vont-ils croire, dit saint Paul, s’ils ne l’ont pas
entendue? »
Il est nécessaire d’entendre la
Parole pour voir si nous croyons ou si nous ne croyons pas; mais il faut
l’entendre. Que la Parole s’approche! Dans le processus de la foi, chers amis,
pères de famille, catéchistes, professeurs de collèges chrétiens, quelle grande
mission est la nôtre : faire entendre la Parole de Dieu à l’ouïe humaine!
Acceptation… Intériorisation
Ensuite, on l’accepte dans le cœur; c’est
l’acceptation de la foi, c’est l’intériorisation, je crois. Mais cette intimité
de foi ne suffit pas, dit saint Paul. Il faut l’expliquer, il faut
l’extérioriser.
Cela se vérifie dans les actes
liturgiques
Et alors la foi s’extériorise par les
signes liturgiques. Les sacrements sont les signes de la foi que l’on porte en
son cœur. Les sacrements de la foi se nomment, et c’est pourquoi nul ne devrait
recevoir un sacrement sans savoir de quoi il s’agit. C’est pourquoi nous
insistons tant sur le fait que l’on ne devrait pas baptiser aucun enfant sans
avoir expliqué à ses parents et à ses parrains ce que signifie le baptême.
Personne ne devrait se marier à l’Église sans avoir reçu au préalable une
explication sur ce qu’est le sacrement du mariage. On doit recevoir un
sacrement avec une explication de la foi qu’il porte à l’intérieur.
Le sacrement procède de la foi. Venir
à la messe le dimanche est un sacrement. L’Eucharistie nous convoque parce que
nous croyons que le Christ est notre chef, le conducteur de ce pèlerinage.
C’est pourquoi, chaque dimanche, nous venons, remplis de foi, pour nous sentir
davantage unis à Lui. Nous expliquons la foi. Si quelqu’un n’est pas
catholique, il ne vient pas à la messe parce que ce n’est pas sa foi. Nous
venons à la messe pour dire : « cette foi intime que je porte
au-dedans de moi, je vais aller la partager avec tous mes frères qui vont
assister à la Sainte Messe ». Cette foi devient explicite en la vivant. C’est
ce que je vous ai dit auparavant : convertissons-nous en porte-voix de
Dieu! Cette foi que je porte, que je puisse la transmettre par mon exemple, par
mon honnêteté, par mon aimable parole, par la consolation que je donne. Je dois
être un modèle de la Parole de Dieu qui s’est faite vie dans l’intimité de mon
être. C’est cela, la foi. 24/02/80, p.267-268, VIII.
B) Contenu de la foi chrétienne
Quel est le contenu de cette foi
chrétienne? Saint Paul dit deux choses aujourd’hui : croire que le Christ
est le Seigneur et que Dieu L’a ressuscité d’entre les morts. Il s’agit là des
deux grands articles de la foi chrétienne. Le Christ est le Seigneur,
c’est-à -dire Dieu, et, devant le Christ seul, il faut nous agenouiller; nous
devons n’avoir d’autre ambition que d’être à l’image du Christ, et nous ne
devons jamais placer quelque chose au-dessus du Christ notre Seigneur. Il est
ressuscité et Il vit. Il m’attend. Je crois en un homme qui, certes est mort
mais qui est vivant et sur qui la mort n’aura plus d’emprise. C’est cela, la
foi chrétienne; c’est pourquoi le carême nous prépare à la Pâque pour pouvoir
dire non seulement avec les lèvres mais avec la vie : Le Christ est le
Seigneur, je n’ai pas à adorer personne d’autre; je ne m’agenouille que devant
Lui uniquement et, même si je meurs, je serai toujours agenouillé devant le
Christ; jamais je ne m’agenouillerai devant des hommes ou des femmes.
Contenus distincts… La même offrande
Ă Dieu
Comme vous voyez, chers frères, entre
la foi de l’Ancien Testament et celle du Nouveau Testament, les contenus
diffèrent quelque peu, mais ce qu’ils veulent nous dire de la foi est
fondamentalement la même chose. Lorsque l’Israélite professait sa foi :
« Je crois dans le Dieu qui choisit Abraham, je crois dans le Dieu qui fit
un peuple et le sortit d’Égypte, je crois dans le Dieu qui m’a donné cette
terre avec ses fruits, » ce que je suis en train de dire c’est que :
j’ai confiance en Dieu, je crois en Lui, je m’offre à Lui et aucun autre dieu
je n’adorerai. Maintenant lorsque le chrétien dit : « Je crois que le
Christ est le Seigneur, je crois que le Christ ressuscita et qu’il est
vivant, » ce sont des contenus distincts mais l’objet est le même. Je dois
croire en Dieu, je dois adorer Dieu, je dois suivre le Christ.
Pour l’Israélite, le Christ
n’existait pas. Il était une promesse que Dieu allait se faire homme. Pour nous,
chrétiens, cette grande promesse de l’Histoire est déjà une réalité. Le Christ
est Dieu fait homme. C’est à nous que revient de changer toute l’histoire d’Israël
par ce « je crois ». Il personnifie Israël. Le Christ est la
personnification de toute cette Histoire du Salut. Le carĂŞme nous prĂ©pare Ă
être dignes de suivre le Christ véritable.
Ma conclusion serait la
suivante : Ayons la foi, croyons en vérité et à partir de notre foi,
Ă©clairons notre politique, travaillons notre histoire, soyons artisans du
destin de notre peuple. Non pas en réalisant un projet uniquement humain et,
encore moins inspiré par le diable, mais un projet que Dieu inspire et qui
m’amène à croire en Jésus-Christ, qui me fait sentir l’histoire de ma patrie
comme une Histoire du Salut où le Christ est présent, dans ma famille, dans les
lois de ma terre, dans mon gouvernement, dans tout ce qui constitue ma patrie
afin que le Christ soit la lumière qui illumine tout. C’est ainsi que la patrie
se transforme en une antichambre de ce Règne de Dieu. » 24/02/80,
p.268-269, VIII.
Mes frères, l’histoire de notre pays
est très dense mais je me console en sachant qu’elle est éclairée par
l’Histoire du Salut. Le Christ au désert nous a enseigné aujourd’hui qu’un
homme peut choisir d’être influencé par la loi du projet de Dieu ou par les
tentations du mal. Ce Christ, Fils de l’homme, parce qu’Il représente tous les
humains, nous livre le grand message de ce dimanche. Nous bâtissons notre
histoire sous ces deux influences : notre foi chrétienne et les mauvaises
influences du crime, de la violence et des autres qui occupent actuellement la
première place dans notre histoire.
Je vous supplie, comme JĂ©sus dans le
désert, de réfléchir, pour connaître ce qu’est le projet de Dieu. Et comme
chrétiens, tous et chacun, soyons un reflet de ce projet de Dieu. Cherchez
avant tout la volonté du Seigneur et non les caprices des humains, surtout
lorsqu’ils sont inspirés par les crimes de l’égoïsme. Que cherchons-nous?
Qu’est-ce que Dieu veut? Cherchez la volonté de Dieu jusque dans la faim du
désert, jusque sur la Croix de son propre Fils Sauveur du monde, non pas pour
des apparences de salut mais par la force véritable qui émane seulement de la
Croix et du sacrifice.
Le carĂŞme est un appel pour que nous
aimions notre patrie et pour que nous sachions par quels chemins veut la
conduire le Seigneur. Ne nous laissons pas tromper. C’est pourquoi, comme les
Israélites, dans notre messe d’aujourd’hui, nous allons proclamer notre foi
dans le Dieu de notre histoire… 24/02/80, p.278, VIII.