Dieu vient nous sauver dans l’Histoire avec la collaboration des humains.

 

Second dimanche de l’avent; 9 dĂ©cembre 1979; Lectures : Baruch 5,1-9; Philippiens 1,4-6.8-11; Luc 3,1-6.

 

L’Histoire du Salut dans l’histoire des peuples

 

C’est à ce titre que nous célébrons l’avent, l’avènement de Dieu dans notre histoire. Dieu a voulu tisser l’Histoire du Salut des humains à l’intérieur de notre propre histoire humaine de sorte que l’histoire humaine soit source de Salut pour l’humanité pourvu que s’y reflètent les projets de l’Histoire du Salut de Dieu. Les personnes, dans l’histoire des peuples, doivent savoir que l’Histoire ne se termine pas avec le temps, mais qu’elle est incrustée dans l’éternité de Dieu. C’est pourquoi Dieu est le maître de l’Histoire, son propriétaire légitime.

 

L’Église poursuit le dessein de Dieu

 

Le terrible rôle de l’Église est de poursuivre dans l’histoire humaine le projet de l’Histoire de Dieu. Refléter cette Histoire de Dieu dans les événements concrets des peuples pour pouvoir approuver tout ce qui reflète ce projet du Salut de Dieu dans l’Histoire; et avec la sainte liberté de Dieu, également, désapprouver dans l’histoire humaine tout ce qui ne correspond pas au projet, au dessein de Dieu qui veut sauver l’humanité.

 

C’est pourquoi l’Église ne peut jamais s’identifier complètement avec les projets historiques des hommes et des femmes mĂŞme si elle doit les illuminer tous. Mais la libĂ©ration que l’Église prĂŞche doit se faire Ă  partir de la perspective de la libĂ©ration de Dieu notre Seigneur. C’est pourquoi le Pape Paul VI dit - et je voudrais que toutes les communautĂ©s chrĂ©tiennes qui partagent avec nous ce matin cette rĂ©flexion de cet avent, nous prenions en compte cette orientation, nĂ©cessaire aujourd’hui plus que jamais - : « Plusieurs chrĂ©tiens gĂ©nĂ©reux, sensibles aux questions dramatiques que sous-tend le problème de la libĂ©ration, ont voulu engager l’Église dans l’effort de libĂ©ration. Ils ont ressenti frĂ©quemment la tentation de rĂ©duire leur mission aux dimensions humaines d’un projet purement temporel; de rĂ©duire leurs objectifs Ă  une perspective anthropocentrique - c’est-Ă -dire, qui prend l’être humain comme centre de l’Histoire -.de rĂ©duire le Salut, dont l’Église est la messagère et le sacrement, Ă  un bien-ĂŞtre matĂ©riel. En faisant abstraction de toute prĂ©occupation spirituelle et religieuse, ils ont voulu rĂ©duire l’activitĂ© de l’Église Ă  une initiative d’ordre politique ou social. Si cela Ă©tait ainsi, l’Église perdrait sa signification la plus profonde. Son message de libĂ©ration n’aurait plus aucune originalitĂ© et il se prĂŞterait Ă  ĂŞtre accaparĂ© et manipulĂ© par les divers systèmes idĂ©ologiques et les partis politiques. Elle n’aurait plus autoritĂ© pour annoncer de la part de Dieu, la libĂ©ration. C’est pourquoi, nous voudrions souligner, dans cette mĂŞme allocution du Synode, la nĂ©cessitĂ© de rĂ©affirmer clairement la finalitĂ© spĂ©cifiquement religieuse de l’évangĂ©lisation. L’évangĂ©lisation perdrait sa raison d’être si elle dĂ©viait de l’axe religieux qui la dirige avant tout : le Règne de Dieu dans son sens pleinement thĂ©ologique.

 

Le Projet de Dieu s’explique

 

L’avent vient nous rappeler - avec la richesse de ses lectures que nous allons lire au cours de ses dimanches - quel est le projet de Dieu, quelle est l’Histoire du Salut vers laquelle nous devons orienter les forces revendicatrices, les libérations. C’est pourquoi, au cours de ces quatre dimanches nous allons expliciter le projet de Dieu. 09/12/79, p.13-14, VIII.

 

Synthèse de l’Histoire du Salut

 

Au dĂ©but, il y a l’initiative de Dieu et une promesse : Dieu s’incarnerait dans un descendant de David. Fils de Dieu, il serait le RĂ©dempteur des hommes.

 

C’est le dĂ©but de l’Histoire du Salut : la promesse et l’initiative de Dieu qui, dans l’Histoire, se prĂ©vaut d’un fils de roi pour le faire RĂ©dempteur de l’humanitĂ©. La fin de cette Histoire nous a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e dimanche dernier, lorsque le Christ, devant le temple de JĂ©rusalem, nous raconte la fin de ce temps et la fin de l’Histoire. (Mc 13,26) : « Vous verrez le Fils de l’Homme qui viendra avec puissance et majestĂ©. Â» Et la seconde lecture nous prĂ©sentait comment ce Fils de Dieu, qui apparaĂ®t dĂ©jĂ  dans une phase dĂ©finitive de la RĂ©demption des hommes et des femmes, viendra Ă  la rencontre d’une humanitĂ© sainte et rachetĂ©e. C’est nous et nous avons eu la chance d’avoir vĂ©cu et dĂ©veloppĂ© en nous l’Histoire du Salut.

 

Jean-Baptiste, signe des hommes dont Dieu a besoin…

 

Le second et troisième dimanche de l’avent - celui d’aujourd’hui et celui qui vient ensuite - nous présentent, dans le symbole de Jean le Précurseur, comment Dieu se sert des hommes pour qu’ils collaborent dans l’Histoire du Salut. Ce dimanche et le prochain, nous parlerons des conditions que Dieu demande aux êtres humains pour les incorporer dans l’Histoire du Salut.

 

Préparations immédiates pour la naissance de Dieu dans l’Histoire

 

Et le quatrième dimanche, à la veille de Noël, nous présenterons les préparatifs immédiats où Marie tient un rôle si prépondérant pour que ce Roi de la gloire, Seigneur de l’éternité, devienne également le Seigneur de l’Histoire. Il naît à Bethléem pour notre histoire. Toute la fête de Noël sera une célébration de la venue de Dieu qui s’est fait marcheur avec les humains dans l’histoire de tous les peuples. De là, l’importance de cette période, surtout pour ceux qui ressentent le besoin profond de libération de notre peuple. Il importe de ne pas confondre les projets de la Terre avec le grand projet de Dieu. Mais ce projet de Dieu illumine les projets rédempteurs des hommes et des femmes de notre temps.

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) Dieu vient sauver dans l’histoire des humains

2) Le Précurseur, symbole de la collaboration humaine dans l’Histoire du Salut

3) Notre Église et notre histoire

 

1) Dieu vient sauver dans l’histoire des humains

 

A) Le contexte historico-politique dans lequel s’introduit le ministère de Jean

 

Vous venez d’entendre dans l’Évangile d’aujourd’hui le contexte historico-politique (Lc 3,1) : « En l’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate Ă©tant gouverneur de JudĂ©e… Â» Et après, on dĂ©crit la situation politique de la Palestine soumise Ă  l’Empire Romain et gouvernĂ©e par quatre tĂ©trarques; tĂ©trarque signifie la distribution du pouvoir, entre quatre. Quatre rois gouvernaient, sous l’Empire Romain, la terre oĂą vĂ©cut JĂ©sus.

 

Dans ce contexte historico-politique, il y avait aussi une histoire ecclĂ©siale (Lc 3,2) : « sous le pontificat d’Anne et de CaĂŻphe… » Ici se retrouve le contexte, l’histoire oĂą saint Luc commence Ă  nous dĂ©crire la Parole de Dieu. C’est dans ce contexte (Lc 3,2) : « que la Parole de Dieu fut adressĂ©e Ă  Jean, fils de Zacharie, dans le dĂ©sert… Â» On ne pouvait Ă©crire un prologue plus solennel et davantage incarnĂ© dans l’histoire du moment prĂ©cis oĂą Dieu devint un marcheur de notre histoire. Il en est toujours ainsi : Dieu opère son Salut en se servant des empereurs, des rois, des gouvernants, des prĂŞtres du temps; ce sont les hommes qui encadrent dans l’Histoire de la Terre, le moment de Dieu.

 

L’Histoire tissée d’intrigues sert à Dieu pour tisser son Salut.

Parmi ces quatre rois de Palestine, parmi ces intrigues de palais, parmi ces superficialités d’une religion qui est devenue légaliste, il faut revenir au premier commandement pour que soient honorées les personnes victimes de ces intrigues, de ces subordinations, de ces emprises sur d’autres peuples.

 

Les Ă©poques changent mais le projet de Dieu sera toujours le mĂŞme : sauver les hommes et les femmes dans l’Histoire. C’est pourquoi l’Église est chargĂ©e de porter ce projet de Dieu et elle ne peut pas s’identifier Ă  aucun projet historique. L’Église n’a pas pu ĂŞtre l’alliĂ©e de l’empire Romain, ni d’HĂ©rode, ni d’aucun roi de la Terre, ni d’aucun système politique, ni d’aucune stratĂ©gie politique. Elle les Ă©claire tous mais elle demeure toujours authentiquement celle qui annonce l’Histoire du Salut : le projet de Dieu. 09/12/79, p.16-17, VIII.

 

B) Une cité de la géographie humaine, devient le symbole de la capitale du Règne de Dieu

 

Les vicissitudes d’un peuple qui revient d’exil, signe de la Rédemption de Dieu

 

Ici, apparaît encore l’histoire d’un peuple humilié en exil, mais animé par l’Histoire du Salut. Précisément, cet exil va être le signe que les humains ne peuvent être sauvés par leur propre force; ils ne le peuvent pas. Aussi, Dieu viendra. C’était ça le message des prophètes. En ce temps de l’avent, lorsqu’on annonce le Salut en Jésus-Christ, nous nous rappelons ces épisodes pour voir comment Dieu sauve les humains dans l’Histoire.

 

Jérusalem, depuis que David en fit le siège de son royaume, possède une projection messianique

 

Vient alors cette belle comparaison de la capitale d’IsraĂ«l. SaccagĂ©e, dĂ©truite, les prophètes parlent de la Nouvelle JĂ©rusalem, celle que les exilĂ©s vont retrouver Ă  leur retour. Et au dĂ©sert, sur le chemin du retour, ils annonceront tel des hĂ©rauts qui annoncent le passage d’un roi (Ba 5,7) : « Car Dieu a dĂ©cidĂ© que soient abaissĂ©es Â» - (comme une oeuvre d’architecture, d’ingĂ©nierie, rĂ©alisant une belle route, une avenue, on dĂ©crit prĂ©cieusement ce retour de l’histoire) - toute haute montagne et les collines Ă©ternelles, et comblĂ©es les vallĂ©es, pour aplanir la Terre, pour qu’IsraĂ«l chemine en toute sĂ©curitĂ© dans la gloire de Dieu. Â» JĂ©rusalem, ville de cette Terre, habitĂ©e par la Sainte RĂ©vĂ©lation de Dieu pour nous dĂ©crire les merveilles de son Règne et de sa RĂ©demption.

 

Son nom sera (Ba 5,4) : « Paix dans la Justice, Gloire dans la piĂ©tĂ©. Â»

Observez comment les Ă©vĂ©nements des peuples sont employĂ©s par l’Histoire du Salut pour semer chez les humains l’espĂ©rance, le repentir, le retour Ă  Dieu, la joie de se sentir accompagner par Dieu dans l’Histoire. C’est cela, l’enseignement de cette première pensĂ©e, en ce temps de l’avent : une grande EspĂ©rance que Dieu marche avec notre histoire. Dieu ne nous a pas abandonnĂ©s. Dieu sait tirer partie mĂŞme des injustices des hommes. Il espère leur retour afin, qu’ici Ă©galement, au Salvador, le Salut puisse s’appeler du nom si doux de la Parole de Dieu d’aujourd’hui (Ba 5,4) : « Paix dans la Justice, Gloire dans la piĂ©tĂ©. Â» Faisons notre possible pour que notre histoire soit vĂ©ritablement une Histoire de Salut. 09/12/79, p.17-18, VIII.

 

2) Le Précurseur, symbole de la collaboration humaine dans l’Histoire du Salut

 

A) La personne

 

 Il avait Ă©tĂ© annoncĂ© par les prophètes qu’un hĂ©raut, un ange viendrait au devant pour annoncer la venue du Christ, pour dire que le temps Ă©tait venu. Quelques-uns le confondirent avec Élie qui avait Ă©tĂ© enlevĂ© au Ciel et que l’on croyait qu’il allait revenir pour annoncer la venue de Dieu sur Terre. Mais le Christ interprète cette tradition et dit : « Ă‰lie est dĂ©jĂ  venu Â» et il se rĂ©fère Ă  Jean le Baptiste. Les lectures d’aujourd’hui interprètent ce personnage mystĂ©rieux de la tradition juive incarnĂ© par Jean le Baptiste. Jean est la figure centrale de l’avent parce qu’il est l’ange, le PrĂ©curseur, celui qui annonce que JĂ©sus est dĂ©jĂ  prĂ©sent.

 

B) La mission

 

L’Évangile d’aujourd’hui de saint Luc, (3,1-6), qui sera l’Évangile de toute l’annĂ©e, identifie cette voix qu’annonçait IsaĂŻe (40,3-5) : « Une voix crie dans le dĂ©sert : « prĂ©parez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers; que toute vallĂ©e soit comblĂ©e, toute montagne et toute colline abaissĂ©es; que les lieux accidentĂ©s se changent en plaine; et les escarpements en large vallĂ©e; alors la gloire de YahvĂ© se rĂ©vĂ©lera et toute chair la verra. Â»

 

Conversion : baptĂŞme

 

C’était la voix de l’EspĂ©rance qui posait ses conditions pour cette rencontre avec Dieu. Nous allons en parler plus explicitement dimanche prochain, mais dĂ©jĂ  aujourd’hui on l’insinue dans la prĂ©dication et dans le baptĂŞme de Jean : « Convertissez-vous, faites-vous baptiser. Â» Le baptĂŞme Ă©tait un rite de pĂ©nitence. Tout homme qui reconnaissait ses pĂ©chĂ©s allait se purifier, pour manifester en quelque sorte son dĂ©sir de purification spirituelle : plus aucune tache, plus d’immondices morales dans le cĹ“ur; et ainsi ils se convertissaient. Seulement ceux qui se convertissent, verront le Seigneur qui retourne vers son peuple.

 

 

C) La communauté chrétienne, contient l’œuvre du Précurseur…

 

Nous, la communauté chrétienne, nous sommes cette mission prophétique de Dieu annonçant le Salut du peuple. 09/12/79, p.18-19, VIII.

 

Peuple et Peuple de Dieu

 

Je veux insister, chers frères, en une distinction qui se doit d’être très claire actuellement : ce n’est pas la mĂŞme chose que de dire « le peuple Â» ou « le Peuple de Dieu Â». Quelle diffĂ©rence y a-t-il? Le peuple, c’est tous ceux qui habitent la patrie. Tous ceux qui sont Salvadoriens, incluant ceux qui ne croient pas en Dieu, les indiffĂ©rents. Ils sont tous croyants ou non croyants, membres de ce peuple. Quand nous disons le Peuple de Dieu, nous voulons dire la communautĂ© chrĂ©tienne, c'est-Ă -dire, ceux qui, parmi les Salvadoriens, ont reçu le message du Christ, qui se sont convertis et qui, pour manifester cette conversion, se sont faits baptiser et s’y sont prĂ©parĂ©s --- comme disait Jean Baptiste : « Un peuple parfait pour la venue du Seigneur. Â»--- De lĂ  provient l’idĂ©e que le Peuple de Dieu est une sĂ©lection.

 

Nous ne le disons pas avec orgueil, ni vanitĂ© parce que, peut-ĂŞtre, nous ne sommes pas le Peuple de Dieu si nous ne sommes pas convertis en vĂ©ritĂ©. Le Peuple de Dieu c’est aussi tous ceux qui n’ont pas connu le Christ mais qui ont mis en Dieu leur espĂ©rance et leur confiance, mĂŞme au-dehors des frontières de l’Église. C’est pourquoi nous pouvons dire : « ce ne sont pas tous ceux qui y sont, ni tous ceux qui n’y sont pas. Â»

 

Collaborateurs de l’œuvre de l’Évangile

 

De lĂ , la nĂ©cessitĂ© pour nous, ce matin, de chercher Ă  nous identifier Ă  l’œuvre du PrĂ©curseur, de Jean Baptiste, si vraiment nous croyons que Dieu fait l’Histoire du Salut avec les hommes et les femmes qui croient en Lui et qui forment avec Lui la communautĂ© de l’amour, comme l’appelle saint Paul aujourd’hui. C’est ce que saint Paul, dans son Ă©pĂ®tre de ce matin aux Philippiens (1,5) nous dit : « car je me rappelle la part que vous avez pris Ă  l’Évangile depuis le premier jour jusqu’à maintenant. Â» Ce sont lĂ  les communautĂ©s qui sauvent le peuple : celles qui collaborent Ă  l’ÉvangĂ©lisation.

 

Que votre communauté d’amour grandisse!

 

« Dieu m’est tĂ©moin (Ph 8-10), dit saint Paul, que votre communautĂ© d’amour continue de croĂ®tre de plus en plus et « s’épanche dans cette science et tact affinĂ© qui vous donneront de discerner le meilleur. Â» Il me fait grand plaisir de faire cette distinction pour pouvoir dire Ă  tous ceux qui veulent avoir l’immense honneur de se dire Église, communautĂ© chrĂ©tienne, de pouvoir leur dire que ni le titre, ni l’apparence de se rĂ©unir autour de la Bible, ne suffisent. Ce que Dieu nous demande est quelque chose de plus profond : ce sentiment de prĂ©curseur, cette conversion de Jean Baptiste, cette identitĂ© d’un homme qui, au milieu des empires, des règnes et des systèmes politiques, se maintient authentiquement comme missionnaire du Christ.

 

Regardez si dans le temps de Jean le Baptiste il n’y avait pas également une grande pagaille politique! Il y avait des groupes politiques comme il y en a aujourd’hui. Il y avait ceux qui étaient en faveur de l’Empire et ceux qui étaient contre l’Empire. Et dans la faction de l’opposition à l’Empire, il y avait divers partis. Il y avait ceux que nous appelons aujourd’hui encore les organisations politiques populaires. Il y avait aussi les bras armés de ces organisations. L’histoire du temps de Jésus apparaît fantastiquement semblable à la nôtre. Et Jean Baptiste ne devient pas une de ces factions. Il devient le héraut du Roi.

 

À tous - comme nous allons le voir dimanche prochain - il annoncera une parole de Salut. Il n’existe pas d’exclusion dans son cœur. Le Seigneur les appelle tous pour former son peuple. Mais il est également brave pour rejeter celui qui, même s’il est roi, commet le péché. Et c’est précisément pour avoir dénoncé la conduite d’Hérode qu’il paiera de sa tête. Mais Jean ne s’est identifié à aucune faction.

Comme Jean Baptiste dans son contexte historico-politique, la communauté chrétienne illumine, de son amour, son peuple et lui communique le Salut. La communauté chrétienne doit être celle qui croît dans l’amour, dans la foi et dans la Parole de Dieu. Le Peuple de Dieu doit être, dans ses communautés, l’expression de cet amour qui sauve. La communauté sauve en ce moment la patrie dans la mesure où elle est véritablement une communauté chrétienne.

 

Chers frères, chers prĂŞtres, chers agents de pastorale, chères religieuses qui travaillez dans la pastorale, chers catĂ©chistes, cĂ©lĂ©brants de la Parole, chers vous tous qui travaillez dans la Pastorale! BĂ©ni soit Dieu! Mais nous devons faire en sorte d’être vraiment l’Église qui est le prĂ©curseur du Seigneur en vĂ©ritĂ©. Que notre travail d’Église s’identifie si intimement au Christ que son amour soit l’amour de la communautĂ©, que son illumination soit l’illumination de la communautĂ©, que notre pensĂ©e soit comme celle du Christ. Il importe que nous recherchions la libĂ©ration de notre peuple depuis cette perspective : de l’Histoire du Salut qui doit illuminer tous les Salvadoriens dans l’histoire.

 

Il n’existe qu’une seule et unique Histoire du Salut. À partir d’elle, nous illuminons les saluts, les libérations, les revendications de tous les hommes. Ce sera authentique dans la mesure où ils s’orienteront vers le Salut en Jésus-Christ. Ils seront abâtardis, ils seront faux, dans la mesure où ils s’éloigneront des sentiments du Christ. Et ils s’éloignent du Christ par la haine, par la vengeance, par les partialités, par les radicalismes. Il ne peut y avoir d’autre Salut dans le Christ que celui qui se fonde dans la force du Seigneur, dans son Salut, dans le bien commun du peuple et non uniquement dans le bien d’une faction populaire.

 

Comme Jean Baptiste dans son contexte historico-politique, l’Église doit ĂŞtre la clameur du Seigneur, la voix qui crie toujours dans le dĂ©sert : « PrĂ©parez les chemins du Seigneur! » Un appel Ă  tous les cĹ“urs afin qu’ils recherchent sincèrement cette rencontre qui nous rendra heureux dès cette Terre.

 

Je veux Ă©galement souligner ceci : dans la mesure oĂą nous recherchons cette Histoire du Salut, nous nous incarnons Ă©galement dans l’histoire de notre peuple. On laisse souvent entendre que ce sens religieux de la communautĂ© chrĂ©tienne nous aliène des rĂ©alitĂ©s terrestres. Mais soyons entiers, comme nous l’avons enseignĂ© ce matin. Dieu veut nous sauver dans l’Histoire. Plus l’histoire du Salvador sera nĂ´tre, plus le Christ sera prĂ©sent dans nos propres entrailles. Nous n’avons aucun besoin d’importer au Salvador quelque impĂ©rialisme que ce soit. Le Salut de Dieu est prĂ©sent ici. Le Christ est ici. Il est Salvadorien. Il est dans l’histoire de notre peuple. Et ceux qui comprendront le mieux cette histoire, comprendront mieux comment Dieu dĂ©sire libĂ©rer et sauver ce peuple du Salvador. Nous n’avons pas besoin d’apprendre des autres ce que nous avons dĂ©jĂ  ici par notre foi dans notre propre peuple. Â» 09/12/79, p.20-21, VIII.

 

3) Notre Église et notre histoire

 

Vous-mêmes, en analysant cette Parole de Dieu si providentielle qui nous a été donnée aujourd’hui, voyez ce qui est présent dans notre Église et dans notre histoire, ce qui reflète l’Histoire du Salut de Dieu au Salvador. Et, voyez aussi, dans notre histoire salvadorienne et même à l’intérieur de notre Église, ce qui ne reflète pas le Règne de Dieu et que nous devons donc arracher en tant que péché. Parce que le péché est tout ce qui s’oppose au dessein salvifique de Dieu dans l’histoire. 09/12/79, p.22, VIII.

 

Le Pape (Jean-Paul II) dit : « Dans l’Évangile est prĂ©sente une invitation au progrès. Aujourd’hui, le monde est rempli d’invitations au progrès; personne ne veut ĂŞtre un « non progressiste. Â» Il s’agit, cependant, de savoir de quelle manière l’on peut et l’on doit ĂŞtre « progressiste Â», en quoi consiste le vĂ©ritable progrès? Â» Et le Pape rĂ©pond en commentant avec les textes liturgiques de l’avent que nous venons de lire : « Le vĂ©ritable progrès est celui qui porte en soi le sens profond de la vĂ©ritĂ© du Christ. Il ne peut y avoir de progrès sans le Christ. Â» C’est pourquoi cet avent nous place dans une conjoncture merveilleuse en cette heure du Salvador, lorsqu’il annonce que Dieu sauve son peuple dans l’histoire, et que celui-ci se sauvera et progressera dans la mesure oĂą le peuple y adhĂ©rera, oĂą il s’unira au Christ qui est le Dieu sauveur.

 

Le Pape a fait Ă©galement une merveilleuse interprĂ©tation oĂą se conjugue le concept du public et du privĂ©. Le Pape, faisant un appel aux hommes de droit et, au monde en gĂ©nĂ©ral, dit : « Aussi longtemps qu’en certains pays il existera des systèmes juridiques dans lesquels le public a prĂ©sĂ©ance au point de rĂ©duire Ă  presque rien le domaine privĂ©, alors qu’en d’autres, au contraire, les systèmes juridiques soumettent les exigences et les intĂ©rĂŞts collectifs, mĂŞme fondamentaux, au privĂ© et aux intĂ©rĂŞts individuels, aussi longtemps que cela durera, l’être humain sera victime, dans sa dimension privĂ©e ou sociale, du pouvoir lĂ©gislatif. Ce pouvoir est un instrument de domination de l’individu ou de la collectivitĂ©, au lieu d’être un instrument de justice. Â» C’est pourquoi le Pape affirme qu’il est urgent de freiner courageusement le phĂ©nomène prĂ©occupant de l’exploitation du privĂ© Ă  des fins publiques d’une part, et la manipulation du public Ă  des fins privĂ©es d’autre part. Voyez-vous l’actualitĂ© de ce concept, ici, alors que quelques-uns dĂ©sirent une lĂ©gislation en leur faveur sans se prĂ©occuper du sort de la majoritĂ©? Il convient de prendre en compte ce qu’a dit le Pape : « Le critère, pour s’orienter en cette matière si complexe, est unique : le respect de la personne humaine. Â» Qu’elle soit pauvre ou riche, la personne humaine doit demeurer le principal dans le système social d’un pays. 09/12/79, p.26, VIII.