Le Christ nous a confié une mission prophétique

 

Quinzième dimanche du temps ordinaire; 15 juillet 1979; Lectures : Amos 7,12-15; ÉphĂ©siens 1,3-14; Marc 6,7-13.

 

Le Concile Vatican II dit (LG 35) : « Le Christ, notre grand prophète, qui, par le tĂ©moignage de sa vie et la puissance de sa parole, a proclamĂ© le Royaume du Père, accomplit son office prophĂ©tique jusqu’à la pleine manifestation de la gloire, non seulement par le moyen de la hiĂ©rarchie qui enseigne en son nom et en vertu de son pouvoir, mais aussi par le moyen des laĂŻcs dont il fait aussi ses tĂ©moins et qu’il remplit du sens de la foi et du don de sa parole afin que la force de l’Évangile resplendisse dans la vie quotidienne, familiale et sociale. Â» Ce que cela veut dire c’est qu’ainsi que Marie qui est le prototype de l’Église, chaque laĂŻc, chaque père de famille, chaque homme et chaque femme doivent s’habiliter pour rĂ©aliser dans le monde une fonction prophĂ©tique. C’est pour cela que le Christ leur a donnĂ© la foi, votre foi qui est si grande, et qu’Il vous a donnĂ© Ă©galement la grâce de la Parole. La parole humble d’un père de famille qui conseille, d’un ami, d’un Ă©poux. Toutes ces paroles amoureuses, si elles Ă©taient remplies du sens de la responsabilitĂ© prophĂ©tique, seraient combien efficaces pour que s’implante le Règne de Dieu dans la famille, dans le gouvernement, dans le commerce, dans l’économie.

 

Cette responsabilité prophétique que vous avez comme Peuple de Dieu, est grave et moi, en tant que hiérarque, au nom et avec l’autorité du Christ, le grand Prophète, vous et moi formons, à l’intérieur de notre propre vocation, la mission prophétique de l’Église. Marie, tout comme vous, Peuple de Dieu, est une laïque. Marie n’est ni prêtre ni religieuse. Marie est une séculière et si elle était ici, elle serait assise sur les bancs de la cathédrale comme une de ces femmes qui m’écoutent et je ne la distinguerais pas des autres. Mais son cœur rempli de ce charisme prophétique absorbait les mots du grand prophète Jésus-Christ, son fils, pour les réaliser avec l’amour, la foi, la charité, avec la vaillance et l’intégrité avec lesquels un séculier doit être prophète dans la société et l’époque qui est la sienne.

 

Nous offrons Ă  Marie, Notre Dame du Carmen, davantage que le port du scapulaire. Si nous le portons comme une conviction de notre alliance avec Marie, magnifique!, mais ne prenons pas le scapulaire comme un simple passeport vers le Ciel. Mensonge!, si vous ne faites pas la volontĂ© du Père, mĂŞme si vous dites : « Seigneur, Seigneur! Â», vous ne vous sauverez pas. La mission prophĂ©tique, Marie me l’enseignera, dans mes engagements, non pas tant envers elle, qui est aussi une esclave du Seigneur, sinon envers le Seigneur.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Les conditions du véritable prophète

2) Les faux prophètes

3) Quel est notre message prophétique?

 

 

1) Les conditions du véritable prophète

 

 

A) Choisi par le Christ

 

Quels sont les critères du prophétisme authentique? Nous n’avons qu’à relire le passage de l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 6,7-13) où le Christ nous présente la figure de l’apôtre envoyé comme un prophète. Nous sommes tous, de par notre baptême, la suite de ce message de Dieu dans le monde.

 

 

Vocation – Mission – Autorisation

 

Le Christ dit dans son Évangile d’aujourd’hui (Mc 6, 7) : « Il appela Ă  lui les Douze et il se mit Ă  les envoyer en mission deux par deux, en leur donnant pouvoir sur les esprits impurs. Â» C’est ce qui est premier. Un sens d’autoritĂ© qui vient du Christ. Dimanche dernier, nous avons dit que tout prophète doit avoir une vocation, une onction, une mission. C’est ainsi qu’apparaissent aujourd’hui les prophètes du Nouveau Testament : Il les appela : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi. Je vous ai choisi. Â» Le prophète est Ă©lu par l’initiative de Dieu qui l’envoie. Seul peut prĂŞcher celui qui est envoyĂ©. Seul peut dire : « VoilĂ  ce que le Seigneur m’envoie dire! Â» Celui qui entendit le Seigneur lui dire : « Va et dit Ă  ce peuple. Â» De l’autorisation, c’est de cela que dĂ©pend la mission prophĂ©tique. « Il leur donne autoritĂ© sur les esprits impurs. Â»

 

 

SupĂ©rioritĂ© de l’apĂ´tre (« reprĂ©sentant Â» du Christ), sur le prophète de l’Ancien Testament

 

Les prophètes de l’Ancien Testament recevaient cette mĂŞme mission, mais les apĂ´tres ont reçu du Christ une mission, une autorisation qui les identifient avec Celui qui les envoie. Ils sont « reprĂ©sentants Â» du Christ. « Celui qui vous mĂ©prise, c’est moi qu’il mĂ©prise et celui qui vous reçoit, c’est moi qu’il reçoit. Â» Il y a une autorisation plus intime entre nous, Peuple de Dieu, et le Christ, qu’entre le prophète de l’Ancien Testament et Dieu. Ils Ă©taient des messagers, nous, en tant que Peuple de Dieu, nous ne sommes pas que cela, sinon que le Christ est comme insĂ©rĂ© dans la vie de ce Peuple de Dieu et c’est Lui qui parle.

 

 

B) Sens communautaire

 

Quelle autre condition nous signale l’Évangile d’aujourd’hui? Un sens communautaire.

 

Il les envoya deux par deux et il leur dit de se loger chez les gens, dans les familles. Et ils enseignaient au peuple. Si les gens les acceptaient, la paix venait sur cette maison, mais si on les rejetait, les apĂ´tres devaient s’en aller de ce village et sa population Ă©tait complice du fait que la foi n’avait pas Ă©tĂ© accueillie en ce lieu. (Mc 6,11) : « Sortez de lĂ  et secouez la poussière qui est sous vos pieds en tĂ©moignage contre eux. Â» Le village qui a rejetĂ© le prophète qu’envoya le Christ, qui ne voulut pas comme communautĂ© accepter le message pour former une sociĂ©tĂ©, une fraternitĂ© qui ne soit pas qu’une convivialitĂ© de loups, de gens qui ont peur les uns des autres, mais qui accepte le message de la fraternitĂ© chrĂ©tienne, sera bĂ©ni. Mais s’il ne l’accepte pas, le geste de secouer les sandales est un signe de rĂ©probation de Dieu qui condamne cette sociĂ©tĂ©.

 

Libère-nous, Seigneur, de ce que notre patrie, de laquelle nous pourrions dire ces jours-ci, ce que le Christ pleurant sur JĂ©rusalem, dit depuis le mont GethsĂ©mani (Mt 23,37-38) : « JĂ©rusalem, JĂ©rusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyĂ©s, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants Ă  la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes…, et vous n’avez pas voulu! Voici que votre maison va ĂŞtre laissĂ©e dĂ©serte. Â» Libère-nous Seigneur d’une malĂ©diction semblable! Il est encore temps que nous acceptions non seulement comme individu, sinon comme fraternitĂ© salvadorienne, le message du Christ qui nous envoie au travers du peuple chrĂ©tien, le peuple prophĂ©tique. Il y a tant de gens saints dans notre peuple et on y prie beaucoup! Continuons de demander que le Seigneur rende efficace la parole de ses prophètes et pour qu’elle soit entendue, afin que le peuple ne soit pas maudit par le Seigneur.

 

 

C) Esprit de Pauvreté

 

 

Un autre critère du prophète véritable, est cette belle description que le Christ nous fait lorsqu’il leur donne des normes aussi simples et aussi concrètes.

 

La figure d’un pèlerin (Mc 6,8-9) : « Et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route qu’un bâton seulement, ni pain, ni besace, ni menue monnaie pour la ceinture, mais : “Allez chaussĂ©s de sandales et ne mettez pas deux tuniques.” Â» C’est-Ă -dire, avec des comparaisons orientales, bibliques, Il leur disait : « Vivez l’esprit de pauvretĂ©. Â» C’est ce que j’aimerais vous rapporter ce matin, plus que tout, quand existe autant ce sentiment d’égoĂŻsme, d’avarice, d’envie, de dĂ©sir des biens matĂ©riels. Les hommes se battent pour ces choses. Christ leur dit : laissez-les, prĂ©sentez-vous avec un esprit de pauvretĂ©.

 

 

La liberté qui naît de l’esprit de pauvreté

 

Parce que personne n’est aussi libre que celui qui n’est pas subjuguĂ© au dieu argent et personne n’est aussi esclave que celui qui est idolâtre de l’argent. C’est pourquoi le Christ veut rompre l’assujettissement Ă  cette idolâtrie et qu’Il leur dit : « Ne vous prĂ©occupez pas, confiez-vous Ă  la Providence qui vous donnera du pain, des vĂŞtements et tout le nĂ©cessaire. Â» Allez prĂŞcher le Règne de Dieu non pas pour gagner de l’argent, cela est un mauvais nĂ©goce.

 

Le prophète Amos intervient dans la première lecture au moment oĂą un faux prophète, plus intĂ©ressĂ© Ă  l’argent qu’au Règne de Dieu, lui dit (7,12-15) : « Voyant, va-t-en; fuis au pays de Judas; mange ton pain lĂ -bas, et lĂ -bas prophĂ©tise. Mais Ă  BĂ©thel cesse dĂ©sormais de prophĂ©tiser, car c’est un sanctuaire royal, un temple du royaume. Â» Et le prophète Amos lui rĂ©pond avec une sĂ©rĂ©nitĂ© que seule la pauvretĂ© peut donner : « Je ne suis pas prophète, ni fils de prophète; je suis bouvier et pinceur de sycomores. Mais YahvĂ© m’a pris de derrière le troupeau et m’a dit : “Va, prophĂ©tise Ă  mon peuple IsraĂ«l.” Â» Je ne viens pas ici pour faire du commerce, ni pour manger du pain, je viens parce que Dieu m’a envoyĂ©, j’ai assez avec mes bĂŞtes et mes figues. Je n’ai pas besoin de m’exposer Ă  cette humiliation que toi, te croyant grand dans le sanctuaire national, m’adresse Ă  moi, l’humble paysan. C’est ça la libertĂ© des vĂ©ritables grands qui sont les pauvres de l’esprit Ă©vangĂ©lique.

 

Lorsque le Pape Paul VI parlait de la rĂ©novation de l’Église, il ne signalait que deux vertus nĂ©cessaires pour notre temps : la charitĂ© et l’esprit de pauvretĂ©. Et analysant les raisons pour lesquelles il convenait que l’Église et les chrĂ©tiens vivent l’esprit de pauvretĂ©, il dit ceci : « Nous pensons que la libĂ©ration intĂ©rieure qu’apporte l’esprit de pauvret酠» Parce qu’il ne suffit pas de rien possĂ©der. Il y a des gens qui ne sont pas libĂ©rĂ©s intĂ©rieurement, qui recherchent avec convoitise, qui haĂŻssent celui qui a des biens, qui vivent dans le ressentiment. Tout ceci n’est pas la libĂ©ration qu’apporte la pauvretĂ©. Il ne suffit pas d’être pauvre, de ne rien possĂ©der, sinon que le vĂ©ritable pauvre est celui qui a rompu les chaĂ®nes intĂ©rieures.

 

Le Pape dit : « Parce qu’avec cette libĂ©ration intĂ©rieure nous nous sentons plus sensibles, plus aptes Ă  comprendre les phĂ©nomènes humains reliĂ©s aux facteurs Ă©conomiques. Â» Nul n’est aussi comprĂ©hensif de la nĂ©cessitĂ© de l’argent que celui qui possède l’esprit du pauvre, parce qu’il sait que l’argent, s’il est utile, que nous ne pouvons nous passer de lui comme moyen et non comme fin, comme serviteur de l’être humain et non pour que nous devenions son serviteur. Nous ne devons pas devenir esclaves de l’argent, mais maĂ®tres de l’argent. Il sait, celui qui est pauvre avec l’esprit Ă©vangĂ©lique, mieux que le riche, employer l’argent, il connaĂ®t le sens Ă©conomique de la vie mieux que celui qui est esclave du dieu argent.

 

« Ă‰galement, dit le Pape, cette libertĂ© intĂ©rieure de la pauvretĂ©, donne Ă  la richesse et au progrès qu’il convient Ă  la richesse gĂ©nĂ©ratrice, la juste et sĂ©vère apprĂ©ciation qui lui convient. Â» C’est-Ă -dire que la richesse est nĂ©cessaire au progrès des peuples, nous n’allons pas le nier, mais un progrès comme le nĂ´tre, qui conditionne l’exploitation de beaucoup qui ne savoureront jamais les progrès de notre sociĂ©té… ce n’est pas cela, la pauvretĂ© Ă©vangĂ©lique. Ă€ quoi sert-il d’avoir des autoroutes et des aĂ©roports de magnifiques Ă©difices Ă  plusieurs Ă©tages, si tout cela a Ă©tĂ© amassĂ© avec le sang des pauvres qui ne vont pas en profiter? Celui qui est vĂ©ritablement libre intĂ©rieurement, mĂŞme s’il s’agit de celui qui construit les routes et les aĂ©roports, il sera donnĂ© son vĂ©ritable sens Ă  cela. Le vĂ©ritable sens

c’est celui que le Pape appelle le sens juste et sévère. Sévère, c’est le mot qui manque. Une richesse sévère dans le véritable sens de sévérité pour que celui qui la possède puisse la mettre au service du bien commun. C’est ce que le Seigneur attend de l’esprit de pauvreté, servir les autres avec l’argent qu’on a, avec un esprit de discipline et d’austérité.

 

Un autre avantage de la pauvretĂ© c’est de « porter Ă  l’indigence un intĂ©rĂŞt plus soutenu et gĂ©nĂ©reux. Â» Personne ne comprend autant le pauvre que le pauvre Ă©vangĂ©lique. Il sait ce que signifie la faim de la mère, de l’enfant, du sans-abri, parce que lui aussi vit, peut ĂŞtre, dans des conditions physiques Ă©gales, mais dans une spiritualitĂ© de pauvre qui lui fait comprendre et compatir. Il compatit Ă©galement avec celui qui n’a rien et il sait ĂŞtre attentionnĂ© et gĂ©nĂ©reux. Il ne donne pas du haut vers le bas, ce n’est plus le temps du paternalisme, c’est le temps de la fraternitĂ©, de sentir que c’est mon frère et qu’il m’intĂ©resse. Il faut avoir de l’intĂ©rĂŞt envers le pauvre, le paysan, celui qui n’a rien.

 

« Et finalement, dit le Pape, cet esprit de pauvretĂ© nous rend aptes Ă  dĂ©sirer que les biens Ă©conomiques ne soient pas des sources de luttes, d’égoĂŻsmes, d’orgueil parmi les hommes, sinon qu’ils sont orientĂ©s par des voies de justices et d’équitĂ©, vers le bien commun et par le fait mĂŞme, plus abondamment distribuĂ©s. Â» Si nous n’avons pas cet esprit que le Christ recommanda Ă  ces apĂ´tres, notre sociĂ©tĂ© ne changera jamais. C’est pourquoi le message d’aujourd’hui, du Christ qui envoie ses apĂ´tres, ne doit pas ĂŞtre compris comme un souvenir du passĂ©. « Mais en ce temps-lĂ  il n’y avait pas de capitaux! Il n’y avait pas d’édifices, ni de routes Ă  construire! Â» DĂ©trompez-vous! Le progrès a toujours Ă©tĂ© un idĂ©al de l’humanitĂ©, mais il se transforme en Ă©goĂŻsme et en sources de rivalitĂ©s quand il n’est pas animĂ© par ce sens de la vertu. L’esprit de pauvretĂ© est une vertu chrĂ©tienne Ă  laquelle nous devons nous convertir.

 

J’ai Ă©galement apportĂ© le message de Puebla pour que vous voyiez que l’Église est sĂ©vère envers elle-mĂŞme. Au numĂ©ro 144 il est Ă©crit textuellement : « L’Église a besoin d’être chaque jour plus indĂ©pendante des pouvoirs du monde, afin de pouvoir ainsi disposer d’un ample espace de libertĂ© qui lui permet d’accomplir son labeur apostolique sans interfĂ©rence : l’exercice du culte, l’éducation de la foi et le dĂ©veloppement de ces innombrables activitĂ©s qui amènent les fidèles Ă  traduire dans leur vie privĂ©e, familiale et sociale, les impĂ©ratifs moraux qui Ă©manent de cette mĂŞme foi. Ainsi, libre d’engagements, seulement avec son tĂ©moignage et son enseignement, l’Église sera plus crĂ©dible et mieux entendue. De sorte que l’exercice du pouvoir sera lui-mĂŞme Ă©vangĂ©lisĂ©, dans l’ordre du bien commun. Â» Et je me rĂ©jouis, frères, de ce que notre Église soit persĂ©cutĂ©e prĂ©cisĂ©ment pour son option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres et parce qu’elle s’efforce de s’incarner dans l’intĂ©rĂŞt des pauvres pour dire Ă  tout le peuple, gouvernants, riches et puissants : « Si vous ne vous faites pas pauvres, si vous ne vous importez pas de la misère de votre peuple comme s’il s’agissait de votre propre famille, vous ne pourrez pas sauvez la sociĂ©t酠»

 

Il y a un autre numĂ©ro de Puebla que je voudrais vous faire connaĂ®tre pour que vous voyiez la sincĂ©ritĂ© avec laquelle l’Église authentique vit aujourd’hui. En parlant de l’option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres, Puebla dit ceci : « L’exigence Ă©vangĂ©lique de la pauvretĂ© comme solidaritĂ© avec le pauvre et comme rejet de la situation dans laquelle vit la majoritĂ© de ce continent – de sorte que dĂ©jĂ  ĂŞtre pauvre dans l’Église est un geste prophĂ©tique, c’est s’identifier Ă  la majoritĂ© du continent – libère le pauvre de son individualisme dans sa vie et de son attirance envers les faux idĂ©aux de la sociĂ©tĂ© de consommation. Â» Comme il est important d’apprendre au pauvre l’esprit Ă©vangĂ©lique de pauvretĂ©! Parce que s’il y a une maladie chez le pauvre et dans la classe moyenne, c’est d’être victime de la sociĂ©tĂ© de consommation. Vouloir avoir son tĂ©lĂ©viseur, vouloir avoir ses rĂ©ceptions comme en ont ceux des classes aisĂ©es, vouloir savourer la vie, mĂŞme sans avoir le nĂ©cessaire pour subsister. L’esprit de pauvretĂ© serait la meilleure manière de conjurer ces tentations qui annihilent la famille et la fĂ©licitĂ© de l’homme et de la femme.

 

De sorte que l’Église opte pour les pauvres pour leur enseigner le vĂ©ritable sens du dĂ©tachement, mais encore davantage, une fois l’Église dĂ©tachĂ©e et vivant dans l’esprit de pauvretĂ©, Puebla dit qu’elle offre (no 1156) : « â€¦ le tĂ©moignage d’une Église pauvre et ainsi elle peut Ă©vangĂ©liser les riches qui ont le cĹ“ur attachĂ© aux richesses, en les convertissant de leur esclavage et de leur Ă©goĂŻsme. Â» Comme est sage le Seigneur JĂ©sus-Christ d’avoir dit Ă  ses apĂ´tres d’aller Ă©vangĂ©liser avec la figure d’un pauvre pèlerin! Ce n’est plus le temps des grands apparats, des grands Ă©difices inutiles et des grandes pompes de notre Église. Tout cela, peut-ĂŞtre, eut sa fonction en d’autres temps, et il faut continuer en fonction de l’évangĂ©lisation, du service. Maintenant, plus que tout, l’Église veut se prĂ©senter pauvre parmi les pauvres et pauvre parmi les riches pour tous les Ă©vangĂ©liser.

 

Puebla dit de la Vierge, en citant le Pape Jean-Paul II au sanctuaire de la Vierge de Zapopan, que (no 1144) : « Marie, dans son chant du magnificat proclame que le Salut de Dieu a Ă  voir avec la justice envers les pauvres, qu’il part aussi de l’engagement authentique envers les autres, et plus spĂ©cialement envers les plus pauvres et les plus nĂ©cessiteux, ainsi que pour la transformation de la sociĂ©t酠»

 

Ce sont les paroles textuelles de Puebla et du Pape pour que vous voyiez que la dévotion à la Vierge n’est pas aliénante. Si demain, jour de la Vierge du Carmen, les multitudes accourent vers son image et revêtent le scapulaire, n’oubliez pas que Marie est avant tout, une messagère prophétique du Christ et que dans son cantique du Magnificat elle s’est souvenue des pauvres, des affamés et qu’elle dit également que Dieu demanderait des comptes aux vaniteux et aux orgueilleux, aux riches du monde et qu’Il les renverra les mains vides s’ils ne se convertissent pas à la pauvreté de Dieu.

 

Oui, nous aimons notre Mère, elle est le modèle, le paradigme du disciple de l’Évangile. Le modèle des pauvres de YahvĂ©. Marie, la petite pauvre, celle que le cardinal Pironio appela :

« Celle qui visita l’AmĂ©rique pieds nus, avec un enfant pauvre qui nous enrichit, avec un enfant indigent qui nous rend libres. Â» Ayez une grande dĂ©votion Ă  la Vierge, mais une dĂ©votion libĂ©ratrice, une dĂ©votion qui nous fait apprendre de Marie la libertĂ© avec laquelle elle s’exprimait. Une dĂ©votion Ă  la Vierge qui nous fait nous sentir devant Dieu, non pas pour implanter notre manière de penser ou notre fausse prudence, sinon pour que nous sachions nous exposer pour le Christ lorsque les injustices du monde Le clouent sur la croix et que tout le monde s’enfuit, comme la Vierge qui demeura Ă  ses cĂ´tĂ©s. Elle est la brave de YahvĂ©, celle qui dĂ©fend les droits de Dieu et de l’homme mĂŞme au prix du danger et des humiliations. 15/07/79, p.75-80, VII.

 

 

2) Les faux prophètes

 

Maintenant, observons bien la première lecture (Amos 7,12-15) qui dĂ©crit le triste rĂ´le du faux prophète. C’était un pseudo-prophète, appelĂ© Amasias. Tenons compte que BĂ©thel, oĂą ce prĂŞtre exerçait, Ă©tait un sanctuaire rival de JĂ©rusalem. IsraĂ«l et la JudĂ©e Ă©taient divisĂ©s. La JudĂ©e avait son temple Ă  JĂ©rusalem et IsraĂ«l avait son temple Ă  BĂ©thel. Le royaume du nord, IsraĂ«l avait beaucoup fleuri et il s’y produit ce qui se produit habituellement lorsqu’une sociĂ©tĂ© est prospère : il y a de nombreux vices, beaucoup de luxes qui offensent le pauvre et le culte des sanctuaires s’est converti en un culte d’apparence. C’est lĂ  que Dieu envoie le berger de JudĂ©e, Amos, pour qu’il aille prophĂ©tiser. Je vous invite Ă  lire vous-mĂŞmes ces pages brèves de ce prophète Amos, pour que vous voyiez la libertĂ© avec laquelle il s’adresse au roi JĂ©roboam II, en lui annonçant que son royaume va ĂŞtre dĂ©truit, que son peuple va ĂŞtre amenĂ© en exil, qu’il n’y aura plus de paix s’il n’y a pas de justice, si la sociĂ©tĂ© n’est pas mieux ordonnĂ©e, que le luxe et l’injustice sociale, c’en est assez, que Dieu va venir dans sa colère et qu’Il les châtiera. C’est certain que ce langage de rĂ©clamation dĂ©range. C’est comme si un pauvre paysan allait dans un bal Ă©lĂ©gant pour menacer ceux qui s’y trouvent, du châtiment divin. C’est certain qu’on l’expulse immĂ©diatement.

 

C’est ainsi qu’on voulait expulser le pauvre Amos. Mais ce qui est triste c’est que ceux-ci font le jeu de l’injustice, de l’oppression, du luxe démesuré et du culte qui ne fait pas honneur à Dieu, sinon qu’il s’efforce de demeurer bien avec les gens. C’est le jeu que faisaient les propres prêtres du sanctuaire de Béthel.

 

 

Opposition au véritable prophète

 

Comme fut triste le rĂ´le jouĂ© par Amasias. Nous l’avons vu dans la lecture d’aujourd’hui. Premièrement, il s’oppose Ă  la voix du vrai prophète. « Va-t-en; fuis au pays de Judas; mange ton pain lĂ -bas, et lĂ -bas prophĂ©tise. Â» Comme si Dieu n’était pas propriĂ©taire du monde entier et qu’Il ne pouvait pas envoyer ses messagers en tous lieux. Comme dĂ©range, dans certains milieux, la parole que Paul VI nous a adressĂ©e aujourd’hui : « l’austĂ©ritĂ© de la richesse! Â» On ne veut entendre qu’un langage qui approuve les injustices et les offenses. Ă€ quoi sert un forum national si on n’y convie que ceux qui pensent comme eux? Ă€ quoi cela sert-il de ne pas entendre la voix du Seigneur?

 

 

Par intérêts économiques

 

Qu’est-ce encore qu’un faux prophète? Le faux prophète dit Ă  Amos : « Mange ton pain lĂ -bas. Â» Cela c’est confondre la mission prophĂ©tique avec des intĂ©rĂŞts Ă©conomiques. Comme cela est terrible lorsque la mission sacerdotale ou prophĂ©tique est subordonnĂ©e aux intĂ©rĂŞts Ă©conomiques, lorsque ce ministère est exercĂ© en subordination aux intĂ©rĂŞts sociaux et Ă©conomiques. Combien de fois, très chers frères, et je parle de vous, les laĂŻcs, qui forment le peuple de Dieu, lorsque vous accĂ©dez Ă  des fonctions politiques, vous n’êtes plus les mĂŞmes. Combien de trahisons devons-nous regretter? MĂŞme, dans la pudeur de certaines lettres qui contiennent toujours un ton amical, ils me disent : « Vous comprenez, je ne peux pas penser comme vous parce qu’autrement je vais perdre mon emploi, sinon, je n’aurai plus accès aux avantages qui m’ont Ă©tĂ© accordĂ©s. Â»

 

Ainsi, nous avons toute une sĂ©rie de subordination comme le prophète Amasias qui pensait que sa grâce Ă©tait de gagner le pain et qu’Amos venait aussi pour cette raison. Mais il se heurta Ă  un homme indĂ©pendant et libre : « Je ne travaille pas pour le pain ou pour l’argent, je viens parce que le Seigneur d’IsraĂ«l m’a envoyĂ©. Â»

 

 

Pour des intérêts politiques

 

Amasias est Ă©galement subordonnĂ© Ă  des intĂ©rĂŞts politiques puisqu’il dĂ©clare : « Ne prĂŞche pas ici, dans la maison de Dieu parce que c’est le sanctuaire royal, le temple du pays. Ici, il faut parler comme le roi le veut. Â» C’est l’heure Ă  laquelle Amos apparaĂ®t semblable Ă  Pierre : « Il faut obĂ©ir Ă  Dieu avant les hommes. Â» Nous ne pouvons pas travailler pour demeurer bien avec ceux d’en haut. Notre parole au nom de Dieu, doit dĂ©noncer tant d’injustices. Il y a tant de manières de se faire complice de ces mains criminelles! L’Église ne peut s’empĂŞcher pour tout cela, elle doit dire sa parole, mĂŞme lorsqu’elle dĂ©range ceux qui comme Amasias, devaient faire respecter davantage la voix du roi que le message de Dieu. 15/07/79, p.80-81, VII.

 

 

3) Quel est notre message prophétique?

 

Rappelez-vous que je m’efforce de parler en tant que membre du peuple, d’un diocèse, s’il est certain que je suis l’évêque de ce diocèse, je ne suis cependant pas le seul à être envoyé pour cette mission prophétique. C’est tout mon peuple, ce sont tous mes prêtres, ce sont toutes mes religieuses, les collèges catholiques, ce sont tous ceux qui forment la communauté catholique. Et au nom de vous tous, chers laïcs qui m’écoutez et qui réfléchissez avec moi, je vous dis quelle est notre mission prophétique. Qu’est-ce que nous devons prêcher par notre témoignage et notre parole face au peuple salvadorien qui a tant besoin de cette lumière chrétienne? Vous et moi sommes responsables que ce message du Christ parvienne à tous.

 

PrĂŞchez la conversion. Premièrement, il y a un aspect nĂ©gatif. Vous avez entendu, dans l’Évangile d’aujourd’hui, comment le Christ les envoya avec pouvoir sur les esprits impurs (Mc 6,12-13) : « Ă‰tant partis, ils prĂŞchèrent qu’on se repentit; et ils chassaient beaucoup de dĂ©mons et faisaient des onctions d’huile Ă  de nombreux infirmes et les guĂ©rissaient. Â»

 

 

LibĂ©ration du pĂ©chĂ©. Que cela signifie-t-il? C’est l’aspect nĂ©gatif de notre message : le pĂ©chĂ©.

 

Ă€ ses origines : pouvoir contre le dĂ©mon. C’est une guerre Ă  mort contre le pĂ©chĂ©; ce pĂ©chĂ© a ses racines dans le dĂ©mon et il a ses fruits.

 

Dans ses effets. Ses fruits sont : la maladie, la misère,

l’analphabétisme, la malnutrition, l’injustice sociale, tout ce que nous voyons surgir. Ce qui germe, ce sont les fruits de ce tronc qui est le péché enraciné dans l’enfer qui est le diable.

La lutte du peuple prophétique est, contre le péché, contre le diable et contre les conséquences de tout cela. Sa lutte est pour les libérations des esclavages de la Terre. C’est pourquoi, vouloir uniquement parler de se confesser pour ne pas avoir de péché, mais pour ensuite ne pas lutter contre l’injustice qui prévaut, ce n’est pas être un véritable Peuple de Dieu. Il est nécessaire que, avec l’effort de ne pas commettre de péché personnel, nous travaillions aussi pour arracher les péchés sociaux à la racine, contre le pouvoir de l’Enfer et du Démon.

 

Les prophètes de l’Ancien Testament, Jean Baptiste et cette mission des apôtres ne sont pas définitifs, mais une préparation, ils demeurent là, dans l’aspect négatif, et c’est pour cela que l’Évangile dit qu’ils allaient en chassant les démons et en guérissant les malades. C’est-à-dire que la promotion humaine dès le départ, était déjà enseignée par Jésus-Christ.

 

 

Aspects positifs : annoncer le Règne (les bienfaits messianiques) et « Le KĂ©rygme Â»

 

Selon l’Évangile de saint Marc qui est celui de cette annĂ©e, le Christ se rĂ©serve la prĂ©rogative d’initier la partie positive de cette annonce : « Le Règne de Dieu est parvenu jusqu’à vous. Â» C’est la partie positive, il ne s’agit plus seulement d’arracher le pĂ©chĂ© et ses consĂ©quences, les Ă©goĂŻsmes de la Terre. Ce serait lĂ  une religion très nĂ©gative si nous ne parlions qu’ainsi, mais le plus beau, c’est que ce vide laissĂ© par le pĂ©chĂ©, l’Enfer et les esclavages de la Terre va ĂŞtre rempli par le Règne de Dieu.

 

 

Christ lui-même est le Règne

 

Selon saint Paul, le Règne de Dieu n’est pas distinct du Christ. Le Christ lui-mĂŞme est le Règne de Dieu. Il incarne le Règne de Dieu. PrĂŞcher le Règne de Dieu dans le monde c’est prĂŞcher que le Christ soit venu, comme dit le Pape dans sa première homĂ©lie lors de sa consĂ©cration : « Ouvrez les portes au Christ, vous les politiciens, les Ă©conomistes, les universitĂ©s, la culture. Il est le seul Ă  dĂ©tenir les Paroles de la vie Ă©ternelle. Â» C’est pourquoi tout va si mal au Salvador, parce que nous voulons construire une civilisation sans le Christ.

 

Il est donc nĂ©cessaire d’ouvrir notre pensĂ©e, notre amour et notre esprit Ă  la seconde lecture (Ep 1,3-14) que nous offre aujourd’hui saint Paul comme une synthèse du kĂ©rygme chrĂ©tien. « KĂ©rygme Â» est un mot qui signifie « proclamation Â», « annonce Â». Selon les prophètes de l’Ancien Testament, le kĂ©rygme est une phrase dĂ©finitive qu’apporterait le RĂ©dempteur lui-mĂŞme. Et ce fut Lui qui vint nous dire : « Le Règne de Dieu est proche, ouvrez-lui les portes, convertissez-vous. Â»

 

 

Instaurer toutes choses dans le Christ

 

En cela consiste Ă©galement le kĂ©rygme que JĂ©sus-Christ prĂŞcha et qu’Il confia Ă  l’Église. Nous, membres de l’Église, nous sommes chargĂ©s d’apporter le kĂ©rygme Ă  la sociĂ©tĂ©, Ă  notre foyer, Ă  nos amis, Ă  nos milieux. Que devons-nous prĂŞcher? En plus de cette rĂ©pudiation du pĂ©chĂ©, dans cette belle phrase de saint Paul : « RĂ©capituler dans le Christ toutes les choses du Ciel et de la Terre. Â» Saint Paul dit que lui a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© le mystère cachĂ© dans la profondeur Ă©ternelle de Dieu. Ce mystère d’avant les siècles est celui-ci : rĂ©capituler toutes les choses de la Terre et du Ciel dans le Christ. Avant que n’existent le Ciel, la Terre, l’Histoire et les humains, Dieu pensa au Christ comme clĂ© du Ciel, de la Terre et de l’Histoire. C’est pourquoi le Christ vient pour ĂŞtre la rĂ©capitulation.

En cherchant les origines de ce mot, j’ai dĂ©couvert que les Grecs employaient ce mot pour dĂ©signer une somme, l’addition de plusieurs nombres qui forment un total, c’est ce qu’ils appelaient rĂ©capitulation. Le Christ vient comme le total, Il vient pour ĂŞtre le rĂ©sumĂ© de tout ce qui existe. Le Christ est la clĂ© pour comprendre l’être humain et l’Histoire. Le Christ est la dernière pierre que l’on pose sur un Ă©difice, comme ces pierres qui couronnent et donne consistance Ă  tout l’édifice. Le Christ c’est cela : rĂ©capitulation de tout l’univers.

 

 

La libération par son sang

 

Saint Paul le prĂ©sente sous divers aspects : par son sang nous avons reçu la RĂ©demption. Il n’y a pas de RĂ©demption en dehors du sang du Christ. Si l’homme et la femme travaillaient aujourd’hui pour des revendications devant une sociĂ©tĂ© injuste, vis-Ă -vis une politique injuste et malhonnĂŞte, face Ă  la pourriture du monde, ils ne rencontreraient la vĂ©ritable libertĂ©, la vĂ©ritable RĂ©demption que dans le Sang de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ. Seulement dans son sang! C’est pourquoi, venir Ă  la messe le dimanche, c’est rendre honneur au Sang qui est l’unique espĂ©rance de notre RĂ©demption.

 

La libération est une parole très conflictuelle de notre temps, à laquelle la Bible fait pourtant référence. Libération pour l’ancien Israël, c’était d’être sorti de l’esclavage d’Égypte vers la Terre promise. Libération signifie pour nous, chrétiens, que le Christ a payé de son sang la dette de nos péchés et que nous nous sentons libérés.

 

 

Filiation divine dans le Christ

 

« Christ, en plus de nous avoir libĂ©rĂ©s du pĂ©chĂ©, nous a faits fils et filles de Dieu Â», dit aujourd’hui saint Paul. La filiation dans le Christ est un autre aspect de notre kĂ©rygme, de notre annonce du Règne de Dieu. Tous les hommes sont appelĂ©s Ă  ĂŞtre fils de Dieu, frères du Christ, cohĂ©ritiers de son Règne. C’est cela l’appel qui nous enthousiasme parce qu’il nous ouvre Ă  des perspectives nouvelles. L’état de fait actuel au Salvador oĂą nous avons peur les uns des autres ne demeurera pas permanent. La vĂ©ritable libertĂ© viendra quand nous nous sentirons tous fils de Dieu, fraternellement unis dans la filiation que le Christ nous a donnĂ©e, quand nous prierons tous avec sincĂ©ritĂ© le Notre Père.

 

 

Incorporation au Christ

 

Plus encore, le Christ ne nous fit pas enfants de Dieu en demeurant Ă  l’écart, comme celui qui signe un document qui agit en son nom, comme le père de famille qui adopte un fils en signant un document tout en demeurant distinct de son fils. Il y a quelque chose de plus grand que saint Paul appelle aujourd’hui : l’incorporation au Christ. Le chrĂ©tien n’est pas seulement fils de Dieu, sinon qu’il est un membre vivant du Christ. Membre dont la tĂŞte est le Christ. Nous sommes tous un organisme vivant. Incorporons-nous pour sentir ainsi la belle unitĂ© du Peuple de Dieu!

 

 

Le Sceau de l’Esprit : Arrhes

 

Et en dernier, le kérygme, l’annonce du Règne, nous assure que tout chrétien, depuis le jour du baptême, porte le sceau de l’Esprit et que celui-ci est comme des arrhes, comme une avance qui se paie et qui exige déjà le règlement de la dette. Comme si Dieu s’était fait notre créditeur. Il nous a donné des arrhes, des avances, des anticipations dans la présence de l’Esprit pour qu’après notre mort, s’accomplisse la consommation finale, l’héritage, la preuve qu’avec ce sceau que nous portons déjà dans cette vie le bel héritage des enfants de Dieu dans la patrie de la consommation finale.

 

C’est l’annonce que nous sommes chargĂ©s de porter depuis le jour de notre baptĂŞme. Cette RĂ©demption dans le Christ est aussi un germe fĂ©cond, un ferment dans les groupes libĂ©rateurs de la Terre. C’est pourquoi l’Église continue avec sympathie tout effort libĂ©rateur des hommes et prĂ©cisĂ©ment pour qu’ils ne perdent pas leur efficacitĂ©, pour qu’ils ne perdent pas leurs forces et qu’ils se croient des dieux, l’Église leur reproche leurs pĂ©chĂ©s et leurs abus. Elle leur dit : « La revendication que vous cherchez est bonne, mais la stratĂ©gie que vous suivez ne l’est pas. Â»

 

 

L’Univers, les choses du Ciel et de la Terre

 

Frères, le Christ ressuscité a déjà placé au sein de l’Histoire le principe d’un monde nouveau. Venir à la messe le dimanche c’est s’imprégner de ce principe qui redevient présent et se célèbre dans la messe sur l’autel. Quand nous sortons de la messe, nous savons que nous avons proclamé la mort qui sauva le monde et nous proclamons la résurrection du Christ qui vit comme une espérance pour conglutiner l’univers dans son entier.

 

Vous connaissez cette union, cette relation intime qui existe entre l’homme et l’univers. Remontons au chapitre de la Genèse, au chapitre premier, … oĂą Dieu dit Ă  l’homme qu’Il lui livre la Terre, les Ă©toiles et les astres : « Tout cela est Ă  toi, domine-le. Â» Et l’humain, par ses grandes inventions, n’est rien d’autre que celui qui accomplit ce commandement de Dieu. L’homme du XXe siècle est allĂ© sur la lune, il a dĂ©couvert le secret de l’atome. Que dĂ©couvrira-t-il encore?

 

C’est l’accomplissement du commandement du Seigneur : domine la Terre! Mais la domination absolue de l’homme sur l’univers sera celle qui a Ă©tĂ© annoncĂ©e aujourd’hui : dans le Christ qui rĂ©capitule les choses du Ciel et de la Terre. C’est quand l’homme saint parvient Ă  soumettre au Règne de Dieu, ce monde qui est maintenant esclave du pĂ©chĂ© et qu’il le dĂ©pose aux pieds du Christ et celui-ci aux pieds de Dieu. C’est cela, la rĂ©capitulation. Avant que n’existent les siècles des siècles, c’était le projet de Dieu et, quand se terminera l’Histoire, ce sera la rĂ©alisation de Dieu : le Christ rĂ©capitulation de toutes choses.

 

Tout ce que l’Histoire a été, tout ce que nous faisons de bien ou de mal, sera mesuré selon ce projet de Dieu et seul subsistera celui qui aura travaillé pour mettre les choses sous le Règne du Christ. Tout ce qui a tenté de se soustraire au processus de Dieu dans le Christ est faux, il ne subsistera pas et il ira au dépotoir de l’Histoire. […]

 

Nous sommes le corps du Christ dans l’Histoire en ce moment. Le Christ vit aujourd’hui et Il se manifeste en nous. Le Christ veut parler par nous. Il veut agir par nous. C’est la grande responsabilité prophétique qu’a le Peuple de Dieu. Puisse Dieu, personne ne la rejette. 15/07/79, p.81-85, VII.