Le Christ, vie et richesse de l’homme

 

Treizième dimanche du temps ordinaire; 1er juillet 1979; Lectures : Sagesse 1,13-15 et 2,23-25; II Corinthiens 8,7-9.13-15; Marc 5,21-43.

 

Chaque dimanche, c’est Pâques, chaque dimanche doit raviver en nous l’espĂ©rance que nous suivons un Christ vivant qui ne mourra jamais et qui possède la force de nous donner le Salut. Chaque dimanche annonce la nĂ©cessitĂ© d’incarner le mystère du Christ et de dĂ©noncer ce qui s’oppose Ă  sa rĂ©alisation. C’est pourquoi l’annĂ©e liturgique, cĂ©lĂ©brant ces mystères Ă©ternels, tente de s’appliquer aux situations concrètes par oĂą passe l’histoire de chaque peuple. Ce n’est pas la mĂŞme chose de prĂŞcher ce dimanche Ă  Rome, ou en Pologne, ou en Afrique, ou en Argentine ou au Nicaragua, qu’ici au Salvador. La Parole de Dieu, qu’aujourd’hui nous venons de proclamer en ce dimanche du premier juillet 1979, est pour nous, Salvadoriens. Nous devons la regarder Ă  partir de cette perspective : le mystère de notre Salut. Parce que l’histoire de chaque peuple et de chaque humain de chaque famille est comme l’instrument de Dieu pour sauver cet homme, ce peuple, cette famille. C’est pour cela qu’il peut sembler souvent que la prĂ©dication touche Ă  des choses très dangereuses et qu’il serait plus facile de se taire; mais alors, la parole Ă©vangĂ©lique n’accomplirait pas sa mission d’illuminer du mystère du Christ la rĂ©alitĂ© du peuple.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Le Christ, pouvoir divin qui donne la vie

2) Le Christ, justice et amour qui comblent les différences sociales

3) Une foi authentique dans le Christ, unique solution à nos problèmes. 01/07/79, p.40, VII.

 

 

1) Le Christ, pouvoir divin qui donne la vie

 

En premier lieu, observons le Christ comme un pouvoir qui donne la vie : l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 5,21-43) nous Le prĂ©sente devant la fillette morte, la prenant par la main et lui redonnant la vie. Ou encore, rendant la santĂ© Ă  une femme qui souffrait d’une infirmitĂ© incurable depuis douze ans. C’est l’image la plus belle du pouvoir de la vie au milieu de la mort, de l’infirmitĂ© et de la maladie. Aux cĂ´tĂ©s de cette enfant morte, nous voyons tant de jeunes gens et de jeunes filles, tant d’hommes, de femmes et d’enfants morts. L’Empire de la mort passe sur la Terre et surtout sur notre pays oĂą la mort violente est pratiquement devenue l’air que nous respirons; les hĂ´pitaux avec des blessĂ©s, consĂ©quences des violences ou des infirmitĂ©s naturelles, les cimetières qui se remplissent chaque jour davantage de morts. Au milieu de tous ces signes de dĂ©sespoir est prĂ©sente la lumière du pouvoir qui donne la vie : JĂ©sus-Christ.

 

 

A) Par le Verbe, Dieu créa la vie

 

Ce Christ, face à l’enfant morte, la fille de Jaïre, c’est le Dieu éternel qui s’est fait homme, mais avant cela, nous raconte l’Évangile sublime de saint Jean, Il était la Parole qui était présente aux côtés de Dieu et c’est par cette Parole que Dieu créa toutes les choses.

Cette Parole est la vie et celle-ci était la lumière des hommes. Christ est la plénitude d’où provient toute cette vie qui est ici en cette cathédrale, celle qui anime la vie de notre patrie. Il n’existe pas de vie en ce monde qui ne provienne pas de Dieu, pouvoir qui donne la vie.

 

 

Aspects positifs

 

La première lecture (Sg 1,13-15; 2,23-25) nous fait remonter à cette médiation, au Dieu de la Vie. Dieu ne créa pas la mort ni ne s’amuse de la destruction des êtres vivants. Il créa tout pour que nous subsistions. Les créatures du monde sont salutaires; il n’existe pas en elles un venin de mort. Dieu créa l’homme incorruptible; Il le fit à l’image de sa propre nature. Le Dieu éternel voulut avoir un Fils sur la Terre qui ne meurt point. Cela apparaît clairement dans cette parole de Dieu (Sg 2,23) que nous proclamons aujourd’hui et qui nous dit que Dieu n’a pas créé la mort. Dieu créa la vie et Il veut qu’elle subsiste et ne meure pas. Fils de l’Immortel, nous devons être également immortels! Alors pourquoi la mort existe-t-elle en ce monde? 01/07/79, p.40-41, VII.

 

 

Le péché détruisit la vie. Dieu ne créa pas la mort

 

La première lecture d’aujourd’hui est sans doute celle d’oĂą saint Paul tira la pensĂ©e sublime de son Ă©pĂ®tre aux Romains (5,12) : « Pour un qui pĂ©cha entra la mort. Â»

 

 

La mort est le fruit du péché

 

Selon le plan primitif de Dieu, selon la lecture d’aujourd’hui (Sg 1,13-15; 2,23-25) dans le monde d’alors, il n’y avait pas le venin de la mort ni l’Empire de l’abĂ®me. L’abĂ®me que les HĂ©breux appelaient le « SchĂ©ol Â» est comme une figure de la mort, du pouvoir de l’Enfer; « l’Hadès Â», comme la nommaient aussi les Grecs. La mort, que nous reprĂ©sentons avec un crâne et une faux pour faucher la vie, apparaĂ®t dans les Saintes Écritures comme un pouvoir Ă©trange. Comme dit la Parole d’aujourd’hui (Sg 2,24) : « C’est par l’envie du diable qu’entra la mort en ce monde, ils en font l’expĂ©rience ceux qui lui appartiennent. Â» C’est une triste condition de devoir payer ce tribut au diable. La mort est un tribut au pouvoir qui dĂ©truit la vie.

 

Dieu ne voulait pas la mort. Si la mort s’implanta, c’est parce qu’un homme ouvrit la porte au péché. Par la désobéissance d’Adam – le premier homme, père de tous les humains – entra la mort qui est passée à toute l’humanité. C’est un pouvoir étrange; c’est pourquoi saint Paul nous parle d’une désobéissance, de quelque chose qui gémit, de quelque chose qui n’est pas normal, de quelque chose qui est un ennemi qui continuera à passer.

 

 

Provoquer la mort c’est multiplier la présence du péché

 

La mort est surtout un signe de péché lorsque la produisent, aussi directement que parmi nous, la violence, l’assassinat, la torture d’où proviennent tant de morts, découpés et tirés à la mer, jetés dans les dépotoirs, tout cela est l’Empire de l’Enfer. Ceux qui produisent la mort appartiennent au Diable. Ils en font eux-mêmes l’expérience, ceux qui appartiennent au Diable, collaborateurs, agents du Démon, imposteurs qui apportent quelque chose d’étranger au plan de Dieu. C’est pourquoi l’Église ne se fatiguera jamais de dénoncer tout ce qui produit la mort. La mort, même la mort naturelle, est le produit et la conséquence du péché. 01/07/79, p.41-42, VII.

 

 

Signes de la RĂ©demption, de la mort et de la maladie

 

Le Concile dit : « La foi chrĂ©tienne enseigne que la mort corporelle qui entra dans l’Histoire en consĂ©quence du pĂ©chĂ© sera vaincue lorsque l’omnipotent et le misĂ©ricordieux Sauveur rĂ©intĂ©grera l’humain dans le Salut perdu par le pĂ©chĂ©. Â» Le Christ, le Dieu qui crĂ©a la vie dans les origines et qui ne voulait pas la mort, lorsqu’Il vit que l’empire de la mort s’implanta en ce monde, vint pour rĂ©cupĂ©rer la vie. 01/07/79, p.45, VII.

 

 

2) Le Christ, justice et amour qui comblent les différences sociales

 

Explication de la collecte pour l’Église de JĂ©rusalem chez saint Paul, (II Co 8,7-9,13-15), thème de la doctrine sociale. Observons avec confiance le Seigneur dans d’autres aspects de l’Évangile d’aujourd’hui. La seconde lecture de saint Paul aux Corinthiens traite d’une collecte, qu’a promue l’apĂ´tre Ă  Corinthe pour aider les chrĂ©tiens dĂ©munis de JĂ©rusalem. Il leur dit la doctrine sociale de l’Église, germe de ce que doit ĂŞtre le trĂ©sor de notre temps : les encycliques depuis Rerum Novarum de LĂ©on XIII jusqu’à Populorum Progressio, Mater et Magistra, Pacem in Terris, le Concile, MedellĂ­n et Puebla. Une lumière qui scintille sur l’ambiance d’injustice de notre AmĂ©rique et sur le monde. Saint Paul dit aux Corinthiens : « Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gĂŞne en soulageant les autres, mais d’établir l’égalitĂ©. En cette occasion, ce que vous avez en trop compensera ce qu’ils ont en moins pour qu’un jour ce qu’ils auront en trop compense ce que vous aurez en moins : cela fera l’égalitĂ©. Â»

 

C’est ce qu’affirme l’Écriture. Cela nous rappelle ici un Ă©pisode pittoresque du peuple d’IsraĂ«l lorsqu’il traversait le dĂ©sert et qu’il mangeait la manne. Qu’il ne devait cueillir rien de plus que le strict nĂ©cessaire pour la journĂ©e. Certains voulurent en cueillir davantage, et il en resta moins pour les autres, mais la Bible dit : « Celui qui en cueillait davantage, il ne lui en restait pas et, celui qui en ramassait moins, il ne lui en manquait pas. Â»

 

Dieu est Celui qui nous fait ces dons, Celui qui nous donne les rĂ©coltes, Celui qui fait fleurir et mĂ»rir le cafĂ© de nos fermes, Il veut le bonheur de tous ses enfants. Saint Paul dit : « Il ne s’agit pas que certains donnent pour demeurer sans rien, mais qu’on partage, qu’on Ă©galise nos richesses. Â» 01/07/79, p.46, VII.

 

 

B) Le grand thème de l’Amérique latine

 

Ă€ ce sujet, je voudrais vous inviter aujourd’hui Ă  regarder ensemble comment le document de l’Épiscopat latino-amĂ©ricain rĂ©uni Ă  Puebla traite cette pastorale que l’on nomme : « L’option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres. Â» Le document rĂ©alise, Ă  la lumière de la rĂ©alitĂ© de l’AmĂ©rique latine, une analyse fondĂ©e de notre impressionnante injustice sociale.

 

 

Constatations

 

Les Ă©vĂŞques Ă  Puebla dirent : « Nous voyons, Ă  la lumière de la foi, comme un scandale et une contradiction avec l’être chrĂ©tien, la croissante brèche entre les riches et les pauvres. Le luxe de quelques-uns devient une insulte contre la misère des grandes masses. Cela est contraire au plan du CrĂ©ateur et Ă  l’honneur que l’on y doit. Dans cette angoisse et cette douleur, l’Église discerne une situation de pĂ©chĂ© social. Ainsi comme nous disions de la mort qui est l’indice du pĂ©chĂ©, nous pouvons dire Ă©galement : L’inĂ©galitĂ© sociale est l’indice du pĂ©chĂ©. Â» C’est ce qu’affirme explicitement l’épiscopat latino-amĂ©ricain Ă  Puebla; inĂ©galitĂ© encore plus grave parce que cela se produit dans des nations qui se disent catholiques et qui ont le pouvoir de changer. Citant les paroles de Jean Paul II Ă  Oaxaca, au Mexique, ils disent : « Qu’on leur enlève ces barrières de l’exploitation contre lesquelles se brisent les meilleurs efforts de promotions humaines! Â» (No.28)

 

Le document continue en constatant ceci : « Nous vĂ©rifions, comme la plus dĂ©vastatrice et humiliante flagellation, la situation inhumaine de pauvretĂ© oĂą vivent des millions de latino-amĂ©ricains, situation de mortalitĂ© infantile, de manque de logement adĂ©quat, problème de santĂ©, salaire de famine, chĂ´mage et sous-emploi, malnutrition, instabilitĂ© du travail, migrations massives forcĂ©es et dĂ©semparĂ©es, etc. Â» (No.29)

 

« En analysant plus Ă  fond cette situation, nous dĂ©couvrons que cette pauvretĂ© n’est pas une Ă©tape fortuite, mais le produit de situations et de structures Ă©conomiques, sociales et politiques, mĂŞme s’il existe d’autres causes de la misère. Nous n’allons pas nier qu’il existe des pauvres qui le sont par leur propre faute, Ă  cause de leurs vices, mais cela n’enlève pas le fait qu’il existe des structures brutales, horribles, oĂą il est impossible de faire des progrès, mĂŞme pour le mieux intentionnĂ©. État interne de nos pays qui rencontrent dans plusieurs cas, origine et appui dans des mĂ©canismes qui sont imprĂ©gnĂ©s non pas d’authentiques valeurs humaines, mais d’un matĂ©rialisme qui produit, au niveau international, des riches toujours plus riches au prix de pauvres toujours plus pauvres. Cette rĂ©alitĂ© exige la conversion personnelle et la transformation profonde des structures afin qu’elles rĂ©pondent aux aspirations lĂ©gitimes du peuple envers une vĂ©ritable justice sociale. Ces changements n’ont pas Ă©tĂ© effectuĂ©s ou l’ont Ă©tĂ© trop lentement dans l’expĂ©rience de l’AmĂ©rique latine. Â» (NÂş 30) 01/07/79, p.46-47, VII.

 

 

De MedellĂ­n Ă  Puebla : nĂ©cessitĂ© de conversion

 

Ces constatations de Puebla nous amènent Ă  une rĂ©flexion pastorale qui nous incite Ă  prendre des mesures pastorales. Les Ă©vĂŞques disent clairement : « Nous reprenons, avec une espĂ©rance renouvelĂ©e dans la force vivifiante de l’Esprit, la position de la Seconde ConfĂ©rence de MedellĂ­n, d’une option prĂ©fĂ©rentielle et solidaire pour les pauvres… Nous affirmons la nĂ©cessitĂ© de la conversion de toute l’Église en faveur d’une option prĂ©fĂ©rentielle et solidaire pour les pauvres, ayant comme perspective une libĂ©ration intĂ©grale… (NÂş 1134) Â»

 

Et plus clairement sur l’Église, ils disent : « Ce ne sont pas tous qui, dans l’Église d’AmĂ©rique latine, se sont engagĂ©s suffisamment avec les pauvres; nous ne nous prĂ©occupons pas toujours de leur sort, et nous ne sommes pas toujours solidaires avec eux. ĂŠtre Ă  leur service exige, en effet, une conversion et une purification constante, chez tous les chrĂ©tiens, pour obtenir une identification qui soit chaque jour plus complète avec le Christ pauvre avec les pauvres Â» (NÂş 1140). Il s’agit d’un appel, mes frères, qui depuis l’évĂŞque jusqu’au dernier fidèle, en passant par les prĂŞtres et les religieuses et les institutions catholiques, rĂ©clame une rĂ©vision. C’est un scandale, dans notre environnement qui reflète la rĂ©alitĂ© dĂ©crite par Puebla, qu’il y ait des personnes ou des institutions dans l’Église qui se dĂ©sintĂ©ressent du pauvre et qui vivent dans le confort. Un effort de conversion est nĂ©cessaire. 01/07/79, p.47, VII.

 

 

Persécution

 

DĂ©jĂ , dans la pratique, Puebla fait la constatation de ce qu’il en a coĂ»tĂ©, ces dix dernières annĂ©es, afin de demeurer fidèles Ă  cet engagement de MedellĂ­n : « La dĂ©nonciation prophĂ©tique de l’Église et ses compromis concrets avec le pauvre l’ont amenĂ©, en de nombreuses occasions, Ă  des persĂ©cutions et des vexations de plusieurs formes. Les pauvres eux-mĂŞmes ont Ă©tĂ© les premières victimes de ces vexations.

 

Ă€ ce sujet, je veux souligner l’information que l’on m’a remise en entrant dans la cathĂ©drale, selon laquelle en ce jour prĂ©cisĂ©ment nous soulignions le premier anniversaire de la mort du père HermĂłgenes LĂłpez de San Pedro Pinula, assassinĂ© au Guatemala pour s’être solidarisĂ© avec les pauvres. Nos prĂŞtres assassinĂ©s dans le diocèse l’ont Ă©tĂ© pour cette mĂŞme option prĂ©fĂ©rentielle pour les pauvres. L’égoĂŻsme de ceux qui veulent que rien ne change n’a pas pu tolĂ©rer cette voix. Ils sont capables d’acheter avec leur argent les mains des assassins pour que se taisent les voix qui crient justice en faveur de ceux qui n’ont aucune justice. C’est cela la conversion qui nous est demandĂ©e Ă  tous parce que l’Église n’est pas un dĂ©magogue qui demande uniquement le changement des structures. Ayons cela en tĂŞte : ce que demande l’Église, avant tout, est la conversion du cĹ“ur.

 

C’est pourquoi les organisations politiques et populaires qui luttent pour les justes revendications du peuple, doivent se rappeler que jusqu’à ce qu’elles incorporent Ă  cette lutte et Ă  cet effort, la saintetĂ© et l’amplitude de la libĂ©ration en JĂ©sus-Christ du pĂ©chĂ©, et qu’ils en fassent la promotion jusqu’à la saintetĂ©, ce ne seront que des libĂ©rations partielles et souvent mutilĂ©es par le pĂ©chĂ©. Demain elles se convertiront en des structures nouvelles, mais aussi violentes envers le pauvre; ils seront les nouveaux riches, rien de plus. Je dĂ©sire seulement que ceux qui luttent vĂ©ritablement pour un monde plus juste, en constatant l’injustice dans laquelle nous vivons, commencent par changer leur cĹ“ur. Et dire aussi Ă  tous ceux que Dieu a favorisĂ©s par de grands biens : convertissez-vous! 01/07/79, p.47-48, VII.

 

 

Communautés Ecclésiales de Base, Potentiel des Pauvres

 

Au souvenir de Puebla, parmi les rĂ©alitĂ©s d’AmĂ©rique latine, les Ă©vĂŞques ont dit que, dans les communautĂ©s ecclĂ©siales de base, nous rencontrions un trĂ©sor. Ce sont lĂ  leurs paroles : « L’engagement avec les pauvres et les opprimĂ©s et l’émergence des communautĂ©s de base a aidĂ© l’Église d’AmĂ©rique latine Ă  dĂ©couvrir le potentiel Ă©vangĂ©lisateur des pauvres, en ce qu’ils interpellent constamment, appelant Ă  la conversion, parce qu’ils rĂ©alisent dans leur vie les valeurs Ă©vangĂ©liques de solidaritĂ©, de service, et de disponibilitĂ© pour accueillir le don de Dieu Â» (NÂş 1147) C’est ici qu’apparaĂ®t cette recette merveilleuse que, grâce Ă  Dieu, notre diocèse tente de mettre en pratique : les communautĂ©s ecclĂ©siales de base. Ces groupes de rĂ©flexion chrĂ©tienne ne sont pas subversifs!

 

Il s’agit de réflexions où l’homme et la femme apprennent cette vertu évangélique de la pauvreté indispensable chez le riche et chez le pauvre. Je fais ici un appel à toutes les paroisses et tous les agents de pastoral, aux religieuses qui travaillent dans les villages. Je vous félicite parce que déjà, nous pouvons dénombrer plusieurs communautés ecclésiales de base. Mais là où existe encore la méfiance, rappelez-vous que l’école efficace pour découvrir ces valeurs de nos pauvres paysans, le trésor caché dans tant de cœurs, c’est la communauté ecclésiale de base. 01/07/79, p.48, VII.

 

 

C) Quelle est la véritable pauvreté? La clé d’interprétation se trouve dans le message de Puebla.

 

Il y a une phrase dans la salutation de Puebla aux peuples d’AmĂ©rique latine qui me paraĂ®t ĂŞtre la règle pour ceux qui croient faussement que lorsque l’Église se proclame l’Église des pauvres, elle se morcelle et dĂ©prĂ©cie les riches. En aucune manière! Le message est universel. Dieu veut sauver les riches Ă©galement, mais prĂ©cisĂ©ment parce qu’Il veut les sauver, il leur dit qu’ils ne peuvent ĂŞtre sauvĂ©s tant qu’ils ne se convertissent pas au Christ qui vit parmi les pauvres; le message de Puebla dit qu’en cela consiste la pauvretĂ© : « accepter et assumer la cause des pauvres comme s’il s’agissait de votre propre cause, la cause du Christ. Â» « Tout ce que tu as fait Ă  un de ceux-ci, aussi humble soit-il, c’est Ă  moi que tu l’as fait. Â» 01/07/79, p.49, VII.

 

Il ne suffit pas d’être pauvre matériellement, mais d’animer cette pauvreté d’un véritable esprit évangélique. Le secret, mes frères, n’est pas, comme saint Paul nous le rappelle aujourd’hui, de se déprendre matériellement des choses et de demeurer sans aucun bien. Ne rien posséder ne suffit pas. Je veux dire aux pauvres qui n’ont rien qu’il ne suffit pas de ne rien avoir; si on ne met pas l’Esprit évangélique dans cette pauvreté, ce n’est pas la pauvreté que le Christ désire.

 

Au riche, il ne suffit pas d’avoir un faux esprit qui ne s’incarne pas dans une pauvretĂ© rĂ©elle. Aux riches, je veux dire Ă©galement qu’une pauvretĂ© spirituelle ne suffit pas, une espèce de dĂ©sir inopĂ©rant; Ă  ceux-ci, je leur dis : tant que vous n’incarnerez pas ces dĂ©sirs de pauvretĂ© Ă©vangĂ©lique dans des rĂ©alisations qui s’intĂ©ressent Ă  la cause des pauvres comme si c’était la vĂ´tre, comme s’il s’agissait du Christ, vous continuerez d’être nommĂ©s : « ceux que Dieu dĂ©prĂ©cie Â» parce que vous placez davantage votre confiance dans votre argent et c’est ce qui vous distingue de ceux que vous considĂ©rez comme des hommes de seconde classe.

 

Nous devons arriver, pauvres et riches, Ă  avoir un esprit Ă©vangĂ©lique de pauvretĂ©, non pas en utopie et en thĂ©orie, mais en rĂ©alitĂ© qui s’intĂ©resse, qui rĂ©alise des Ĺ“uvres. « Partagez comme le Christ, disait saint Paul dans la seconde lecture d’aujourd’hui (II Co), qui Ă©tant riche se fit pauvre pour nous enrichir de sa pauvretĂ©. Â» C’est cela la dialectique de la pauvretĂ© Ă©vangĂ©lique, c’est pourquoi saint Paul dit aux Corinthiens : « Vous allez donner aux pauvres de JĂ©rusalem qui n’ont rien, non pas dans un sens paternaliste parce que JĂ©rusalem Ă©galement partagera avec vous ce qu’elle possède. Ils ont beaucoup de pauvretĂ© Ă©vangĂ©lique, et beaucoup le sens de la saintetĂ©. Â» C’est cela que je voulais vous dire : « Nous ne devons secourir personne avec un sentiment de supĂ©rioritĂ©, que celui qui donne matĂ©riellement reçoive spirituellement. Il y a un Ă©change de biens que seulement peut comprendre un vĂ©ritable esprit de pauvretĂ©. Cela permet au riche de se sentir très proche du pauvre et de ne pas faire en sorte que le pauvre se sente infĂ©rieur au riche sinon dans un rapport d’échange d’égal Ă  Ă©gal : donner et recevoir, “égaliser” comme dit saint Paul. Â» 01/07/79, p.49, VII.

 

 

3) Une foi authentique dans le Christ, unique solution à nos problèmes

 

Finalement, pour comprendre le Christ, pouvoir qui donne la vie et pour L’accepter depuis les versants de la richesse ou de la pauvretĂ©, et faire du Christ la force qui unit dans la justice et dans l’amour, une chose est nĂ©cessaire, et ce dimanche, c’est la rĂ©ponse que le Christ attend de nous : la foi.

 

 

Attitude de JaĂŻre

 

Le geste de JaĂŻre est merveilleux. S’agenouillant devant le Christ, il dit (Mc 5,23.35) : « Ma petite-fille est Ă  toute extrĂ©mitĂ©, vient lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvĂ©e et qu’elle vive. Â» Tandis qu’il parlait encore arrivent de chez le chef de synagogue des gens qui disent : “Ta fille est morte; pourquoi dĂ©ranges-tu encore le MaĂ®tre?”

 

 

RĂ©ponse de JĂ©sus

 

Le Christ dit (Mc 5,36) : « Sois sans crainte, aie seulement la foi. Â» Ce fut la seule condition qu’Il exigea, mĂŞme si cela provoqua les moqueries de plusieurs : elle n’est pas morte, elle ne fait que dormir. Et la prenant par la main, Il lui dit cette parole aramĂ©enne que saint Marc a conservĂ©e (5,41) : « Talitha koum Â», ce qui se traduit par « Fillette, je te le dis, lève-toi! Â» Et en un geste très humain, le Christ l’aide Ă  se lever et la rend Ă  ses parents en leur disant de lui donner Ă  manger. Elle s’éveilla avec la faim.

 

 

Attitude de l’hémorroïsse

 

Quel geste plus merveilleux Ă©galement que celui de l’hĂ©morroĂŻsse! C’est ainsi que l’Évangile nomme cette femme qui souffrait depuis des annĂ©es de perte de sang. Et elle cherchait parmi la multitude, Ă  toucher la robe du MaĂ®tre, avec une foi si grande qu’elle se disait (Mc 5,28) : « Si je touche au moins ses vĂŞtements, je serai sauvĂ©e. Â» Elle rĂ©ussit Ă  le faire et elle fut guĂ©rie.

 

 

RĂ©ponse de JĂ©sus

 

Le Christ sentit qu’une force Ă©tait sortie de Lui devant cette foi qui l’avait touchĂ©e. Celle-ci Ă©tait très diffĂ©rente des autres qui le touchaient par curiositĂ©. Il se retourna aussitĂ´t pour connaĂ®tre celui ou celle qui l’avait touchĂ©. (Mc 5,33-34) : « Alors la femme craintive et tremblante, sachant bien ce qui Ă©tait arrivĂ©, vint se jeter Ă  ses pieds et lui dit toute la vĂ©ritĂ©. Et Il lui dit : “Ma fille, ta foi t’a sauvĂ©e; va en paix et sois guĂ©rie de ton infirmitĂ©.” Â»

 

 

La foi n’est pas quelque chose de magique

 

Nous terminons en disant que la foi de cette communauté, la foi audacieuse qui lui fait suivre fidèlement le Christ, ne consiste pas en une foi magique. La foi qui arracha ces miracles de l’Évangile d’aujourd’hui est une foi qui consiste dans une disposition de confiance totale en Jésus qui nous conduit à une libre acceptation du Sauveur. C’est ce que je vous souhaite, une confiance totale en Jésus comme celle de Jaïre, comme celle de l’hémorroïsse, parce qu’alors oui, nous aurons un peuple qui espère véritablement dans la justice de Dieu.

 

 

TĂ©moignage de notre peuple

 

Ă€ ce propos, en tant que voix du peuple, des suppliques des humbles, des expressions de foi des lettres que je reçois, je dois vous transmettre ces tĂ©moignages. Une jeune d’Ilobasco, ÉmĂ©rite Miranda, me supplie de remercier publiquement la guĂ©rison miraculeuse de sa mère : « Remerciements Ă  la Petite Vierge des dĂ©semparĂ©es et au SacrĂ©-CĹ“ur de JĂ©sus, Ă  qui j’ai demandĂ© Ă  genoux, de toute ma foi et avec des larmes dans les yeux, pour la santĂ© de ma mère et j’ai Ă©tĂ© exaucĂ©. Je vous demande la charitĂ© de faire parvenir Ă  tous les catholiques ce tĂ©moignage, que lorsqu’ils prient avec foi, les miracles sont possibles. Â»

 

Nous avons aussi le cas de JosĂ© Ascensio Orellana, amenĂ© Ă  l’Institut de SĂ©curitĂ© Sociale avec une hĂ©morragie. Il me charge de rendre grâce Ă  Dieu parce ce que c’est avec foi qu’il Lui a demandĂ© son aide. Il publie maintenant son tĂ©moignage sans aucune peine, pour dire Ă  tous que la foi n’est pas quelque chose d’il y a vingt siècles; la foi demeure actuelle. Ce qu’elle a pu rĂ©aliser dans la guĂ©rison de ces tĂ©moins de l’Évangile qui se sont confiĂ©s dans le Christ! Je vous demande mes frères : pourquoi JĂ©sus-Christ ne le rĂ©aliserait-il pas avec notre peuple? Peuple qui se sent cerner par la bannière du pĂ©chĂ© : la mort, l’assassinat, la maladie, la pauvretĂ©, l’injustice institutionnalisĂ©e. Viendra un ordre nouveau, viendront des hommes nouveaux, ils auront la foi, la foi en JĂ©sus-Christ… 01/07/79, p.53-54, VII.