Jean Le Baptiste, paradigme de l’Homme engagé en faveur du Règne de Dieu

 

Saint Jean-Baptiste; 24 juin 1979; Lectures : IsaĂŻe 49,1-6; Actes 13,22-26; Luc 1,57-66,80.

 

Paradigme veut dire « modèle Â», « symbole Â». Jean Le Baptiste rĂ©alisa ce que tout homme engagĂ© envers le Règne de Dieu devrait rĂ©aliser :

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) L’Homme

2) Le Précurseur

3) Le Martyr

 

 

1) L’Homme

 

A) Nous cĂ©lĂ©brons la « naissance Â» de saint Jean comme celle de n’importe quel enfant, joie de sa naissance, recherche de l’homme, commentaire sur son avenir.

 

Les lectures d’aujourd’hui (Is 49,1-6; Ac 13,22-26; Lc 1,57-66,80) nous conduisent à la naissance d’un homme. Ce petit village d’Ain Karim dans les montagnes de Judée est fort pittoresque. C’est là qu’Élisabeth, déjà vieille et stérile, a reçu trois mois plus tôt la visite d’une jeune vierge, mais qui avait le privilège d’être vierge et mère en même temps. Parce que, tout comme Anne fut fécondée par un miracle de Dieu, alors qu’elle était stérile, Marie aussi est une autre mère féconde qui doit à Dieu cette fécondité qui a respecté sa virginité.

 

Deux mères vont donner naissance et partager leur grossesse durant trois mois. Elles durent se parler de ce que ce merveilleux chapitre de saint Luc (1,57-66,80) nous raconte, la conception de Jean dans le sein d’Élisabeth. Le prĂŞtre Zacharie, Ă©poux d’Élisabeth, offrit de l’encens lorsqu’il eut la vision de l’ange Gabriel qui lui annonçait que ses prières, demandant un fils de son mariage stĂ©rile, avaient Ă©tĂ© entendues. Mais Zacharie douta et Dieu, qui veut que nous nous livrions entièrement dans la foi, châtie ce doute (Lc 1,20) : « Et voici que tu vas ĂŞtre rĂ©duit au silence et sans pouvoir parler jusqu’au jour oĂą ces choses arriveront, parce que tu n’as pas cru Ă  mes paroles, lesquelles s’accompliront en leur temps. Â» C’est ce moment que nous cĂ©lĂ©brons aujourd’hui, Jean est nĂ© et c’est le moment de lui donner un nom et comme vous l’avez entendu dans l’Évangile (Lc 1,59-63) : « On voulait l’appeler Zacharie, du nom de son père, mais, prenant la parole, sa mère dit : “Non, il s’appellera Jean.” Et on lui dit : “Il n’y a personne de ta parentĂ© qui porte ce nom!” Et on demandait par signes au père comment il voulait qu’on l’appelât. Celui-ci demanda une tablette et Ă©crivit : “Jean est son nom.” Ils en furent tous Ă©tonnĂ©s. Â» Il a Ă©tĂ© un enfant rĂ©vĂ©lĂ© par Dieu et conçu dans le miracle, et de lĂ  je veux tirer d’autres exemples qui apparaissent Ă©galement dans la lecture d’aujourd’hui.

 

 

Prophétie du Serviteur de Yahvé

 

Aujourd’hui le prophète IsaĂŻe (49,1-6) nous a dit que le Serviteur de YahvĂ©, mystĂ©rieuse prophĂ©tie de l’ère messianique, se prĂ©sentera Ă©galement ainsi (49,1) : « YahvĂ© m’a appelĂ© dès le sein maternel, dès les entrailles de ma mère il a prononcĂ© mon nom. Â»

 

 

Annonce du Christ Ă  Marie

 

L’ange dit du Christ également, et ce, avant même qu’Il ne soit conçu dans les entrailles de Marie, les desseins que Dieu a sur lui. Il s’appellera Jésus parce qu’Il enlèvera les péchés du monde.

Saint Paul

 

Et saint Paul, une fois converti au christianisme, ferme la parenthèse en disant : « Moi aussi, j’ai Ă©tĂ© choisi dès le ventre de ma mère. Â»

B) Chacun, chacune, est un dessein de Dieu

Ceci nous conduit Ă  une profonde rĂ©flexion : chacun, chacune est un dessein de Dieu. J’aime bien ce que Jean-Paul II a Ă©crit dans sa première encyclique oĂą il dit : « L’être humain tel qu’il a Ă©tĂ© voulu par Dieu, tel que Dieu l’a Ă©lu Ă©ternellement, est appelĂ©, est destinĂ© Ă  la grâce et Ă  la gloire, c’est ce qu’est prĂ©cisĂ©ment chacun, chacune.

 

L’être humain le plus concret et le plus rĂ©el, c’est cela, l’homme et la femme dans la plĂ©nitude du mystère, de celui qui s’est fait membre de JĂ©sus-Christ, mystère auquel participent tous les ĂŞtres humains sur cette planète, dès le moment oĂą ils ont Ă©tĂ© conçus dans le sein de leur mère. L’Église ne peut abandonner l’être humain dont le sort, c’est-Ă -dire l’élection, l’appel, la naissance et la mort, le Salut ou la perdition sont si Ă©troitement et indissolublement unis au Christ. L’être humain dans sa rĂ©alitĂ© singulière (comme personne) possède une histoire de sa vie et surtout de son âme qui lui est propre. Â»

 

Parmi ceux qui sont ici, il n’y a personne d’anonyme. Chacun, jusqu’au plus humble, jusqu’au plus petit qui est venu, aussi jeune soit-il, à cette messe, ainsi que les autres au travers de la radio, jusqu’au pauvre malade de qui personne ne parlera jamais dans les livres d’histoire, chacun de nous possède sa propre histoire et Dieu a voulu nous connaître dans notre singularité. Dieu ne nous a pas fait dans des moules, Il nous a fait avec chacun une histoire très typique. Si nous avions le temps, nous pourrions raconter l’histoire de chacun d’entre nous et nous verrions combien elles diffèrent.

 

Tenons donc compte de cette Ă©lection Ă©ternelle : « Avant que tu naisses, je te connaissais. Â» Il n’y a qu’une femme qui puisse dire : « Je t’aimais dĂ©jĂ , avant que tu ne sois nĂ©. Â» En cela, Dieu voulut faire une image de la crĂ©ation : la femme fĂ©conde est l’image d’un Dieu qui conçoit dans son esprit le projet d’une vie, de plusieurs vies qui vont tisser l’Histoire, de sorte que nous pouvons dire : malgrĂ© mes pĂ©chĂ©s et ma petitesse, j’existais dĂ©jĂ  dans l’Esprit de Dieu, j’ai Ă©tĂ© Ă©lu.

 

« L’appelle, dit le Pape, le premier appel de Dieu c’est la vie. Â» Ce ne furent pas mes parents qui me donnèrent l’être, ils ne furent rien d’autre que des instruments, desquels Dieu se prĂ©valut pour m’amener Ă  la vie, mais c’est Dieu qui m’a appelĂ© Ă  la vie.

« La naissance, dit le Pape, n’est pas le commencement de la vie. Â» Il y a neuf mois que je suis dĂ©jĂ  une histoire, plus loin encore, bien avant ces mois de ma conception, j’existais dĂ©jĂ  dans l’Esprit de Dieu comme un projet qui, s’il se rĂ©alise, fera de moi un saint, parce qu’un saint ce n’est rien d’autre que la rĂ©alisation d’une vie selon la volontĂ© de Dieu.

 

« Et après, dit le Pape, la mort. Â» Comme nous passons rapidement de la naissance Ă  la mort. Nous demeurons ici, les quarante, soixante, quatre-vingts ou cent ans que peuvent durer une vie. Mais qu’est-ce que cela, sinon une petite goutte dans la mer immense de l’Histoire. Comme nous sommes petits, mais comme nous sommes grands!

 

« Et par delĂ  la mort, mon histoire se poursuit encore : salut ou perdition. Â» Mon ĂŞtre ne se termine pas lĂ , je vivrai pour toujours, dans le ciel pour chanter la victoire de la rĂ©alitĂ© divine ou en enfer en pleurant pour toujours l’échec dont Dieu n’est pas responsable, sinon moi-mĂŞme, par ma mauvaise tĂŞte, par le mauvais usage que j’aurai fait de ma libertĂ©.

 

C’est cela, l’homme : Jean Baptiste, paradigme de tout homme qui naĂ®t. Je voudrais que chacun d’entre nous et que ceux qui Ă©coutent, que ce soit par bonne ou par mauvaise volontĂ©, rĂ©flĂ©chissent Ă  ceci : nous sommes tous des hommes et des femmes, mais je ne vis pas pour faire mes caprices. Il existe un dessein sur ma vie. Ce n’est pas le destin aveugle, comme plusieurs se l’imaginent. Personne n’est nĂ© pour ĂŞtre prĂ©destinĂ© au mal. Nous faisons le mal parce que nous usons mal de notre volontĂ©, mais le dessein de Dieu est de faire une crĂ©ature qui est bonne. « Dieu vit que tout ce qu’Il avait fait Ă©tait bon. Â»

 

 

C) DĂ©ductions : base de la dĂ©fense des droits humains

 

Nous pouvons déduire de cela la raison d’être de l’Église dans la défense des droits humains. Il ne s’agit pas d’une vision politique ou opportuniste, il s’agit de l’essence même de l’être humain qui réclame cela de l’Église dans sa foi en Dieu. Il faut respecter et faire respecter la personne humaine qui est sur Terre un dessein de Dieu. Il n’y a pas d’hommes de première et de seconde classe, nous sommes tous appelés à la vie, nous sommes tous appelés à la grâce, nous sommes tous appelés au bonheur, nous sommes tous un projet de Dieu. S’il existe des différences et des luttes, cela provient de la méchanceté des hommes.

 

 

C’est pourquoi l’outrage à la vie est une grave offense envers le Créateur!

 

 

Chez les adultes

 

Je me réfère à la vie chez l’homme ou la femme adulte et c’est pourquoi je ne me fatiguerai jamais de dénoncer les outrages commis dans les cas de détentions arbitraires, de disparitions, de tortures qui humilient davantage et rendent encore plus honteux le sort de celui qui les commet, de celui qui les subit.

 

 

Ă€ sa source

 

Nous pouvons remonter encore plus loin : l’Église se doit de dĂ©noncer Ă©galement l’assèchement irrationnel des sources de la vie, cette stĂ©rilisation massive comme s’il s’agissait d’animaux, des hommes et des femmes pour qu’ils n’aient plus d’enfants. Ce n’est pas ainsi que nous allons rĂ©gler le problème dĂ©mographique. Il faut Ă©duquer. Dans toutes les relations entre les hommes et les femmes, il doit y avoir une paternitĂ© responsable qui sait faire usage de ses facultĂ©s gĂ©nĂ©ratives seulement lorsqu’il est capable de donner la vie Ă  celui qui va venir comme produit de cette relation. « Il est nĂ©cessaire, disait Paul VI, de ne pas rĂ©soudre ce problème en supprimant la vie, sinon en prĂ©parant davantage de pain Ă  la table oĂą sont conviĂ©s les invitĂ©s de la vie. Â» Cela signifie qu’il existe un problème social, Ă©conomique et politique. Il doit y avoir une transformation de la vie pour que les dons que Dieu a donnĂ©s, en quantitĂ© suffisante pour alimenter la population du Salvador, ne soient pas concentrĂ©s dans les mains d’un petit nombre, pendant que les autres meurent de faim. Nous devons rĂ©partir comme Dieu le veut le pain des fils pour tous les invitĂ©s Ă  la vie.

 

La vie, Dieu la donne. Peut-ĂŞtre connaissez-vous cette prĂ©cieuse lettre, c’est l’œuvre d’un enfant qui n’est pas nĂ© et qui Ă©crit en nous racontant ce qu’il serait devenu : « Aujourd’hui, je serais nĂ©, je serais dĂ©jĂ  Ă  l’école ou au collège, et un jour peut-ĂŞtre serai-je devenu un mĂ©decin ou un docteur. Â» Qui sait combien de vies utiles Dieu prĂ©parait-il avec de grands desseins comme Jean Baptiste, le Christ, saint Paul ou le Serviteur de YahvĂ©, et qui ne naquirent point. Des vies annoncĂ©es avant de venir au monde dans les pages de la Bible, rĂ©vĂ©lation de Dieu, rĂ©vĂ©lation de sa pensĂ©e. Combien de ces ĂŞtres aurions-nous ici dans notre pays si n’était pas demeurĂ© que l’égoĂŻsme de ceux qui croient qu’il n’y a plus d’espace pour les autres et qu’il faut interdire que les autres viennent pour que nous demeurions Ă  notre aise.

 

 

Dignité et responsabilité de la femme

 

Devant ces deux femmes fĂ©condes et saintes, Élisabeth l’ancienne et Marie la jeune vierge, je voudrais regarder maintenant toutes les femmes de ma patrie et leur dire avec le concile ces paroles : « Vous, femmes, avez toujours eu comme mission la garde du foyer, l’amour des sources de la vie, le sens du soin qu’on accorde aux autres, vous ĂŞtes prĂ©sentes au mystère de la vie qui commence, vous consolez dans la mort. Notre technique court le danger de devenir inhumaine, rĂ©conciliez les hommes avec la vie et surtout veillez, nous vous en supplions, pour l’avenir de notre espèce, retenez la main de l’homme qui en un instant de folie peut dĂ©truire la civilisation humaine. Â» Très chères mères, fiancĂ©es, Ă©pouses, demoiselles, petites filles, voyez en ce dimanche de la naissance du PrĂ©curseur le modèle de ces mères qui demandèrent Ă  Dieu un fils et Dieu les bĂ©nit avec des fils privilĂ©giĂ©s qui furent la bĂ©nĂ©diction de toute l’humanitĂ©. Ah, si la femme Ă©tait sainte, combien d’hommes saints nous aurions dans le monde! 24/06/79, p.19-23, VII.

 

 

2) Le Précurseur

 

Chaque homme, chaque femme, est une vocation et Dieu nous rend capables de cela.

 

Que veut dire « prĂ©curseur Â»? C’est celui qui va en avant, celui qui dit : « Venez ici, venez me rejoindre. Â» C’est le hĂ©raut. Les rois, lorsqu’ils arrivaient dans une ville, envoyaient les hĂ©rauts au-devant d’eux. Quand le Pape sort pour assister aux grandes audiences, il y a toujours quelqu’un au-devant de lui qui l’annonce. « Le Pape va venir et nous allons procĂ©der ainsi! Â» C’était le rĂ´le de Jean Baptiste : « DĂ©jĂ  s’approche l’heure de l’audience avec Dieu, le Roi immortel des siècles s’en vient! Â» Nous avons dit que chacun est une vocation et Jean Baptiste avait une vocation très claire : annoncer la prĂ©sence du Christ.

 

 

A) Jean le précurseur annonce la présence du Christ

 

Dans la seconde lecture (Ac 13,22-26) d’aujourd’hui apparaĂ®t clairement comment Jean est prĂ©sentĂ© par Paul dans un de ses discours d’Antioche (13,24-25) : « Jean, le prĂ©curseur, avait prĂ©parĂ© son arrivĂ©e en proclamant Ă  l’adresse de tout le peuple d’IsraĂ«l un baptĂŞme de repentir. Â» Au moment de terminer sa course, Jean disait : « Celui que vous croyez que je suis, je ne le suis pas; mais voici venir après moi celui dont je ne suis pas digne de dĂ©lier la sandale. Â» Il fut si Ă©loquent, Jean Baptiste fut si efficace dans sa vocation qu’en annonçant le Christ, de nombreuses personnes le confondirent avec le Christ. Quel honneur plus immense pour un prĂ©dicateur! Serait-ce lui le Christ qui doit venir? Et Jean Baptiste devait dĂ©tromper les gens en toute humilitĂ©. « Je ne suis pas celui que vous dites, je ne suis pas le Christ, ni mĂŞme un prophète, je ne suis qu’une voix qui crie : “PrĂ©parez les chemins!” Â» C’est ce qui est grand chez Jean.

 

 

B) Importance dans l’Histoire du Salut

 

C’est pour cela qu’un jour le Christ dit en parlant de Jean (Lc 6,28) : « Je vous dis : “De plus grands que Jean parmi les enfants de femmes, il n’y en a pas; cependant, le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui.” Â» Que voulait dire le Christ? Il nous dĂ©crit ici la mission de Jean dans l’Histoire. Il est comme ces anneaux qui unissent deux morceaux de chaĂ®ne; d’un cĂ´tĂ© vers l’Ancien Testament avec ses patriarches, ses prophètes et ses promesses; vers l’autre cĂ´tĂ©, le Christ qui vient pour accomplir ces promesses, pour rĂ©aliser ces prophĂ©ties, pour continuer de les annoncer au monde.

 

 

« Je te ferai lumière des nations. Â»

 

En d’autres mots, ce que nous a dit la première lecture (Is 49,1-6) en nous annonçant prĂ©cisĂ©ment le rĂ´le de ce prĂ©curseur. Le Seigneur dit au Serviteur de YahvĂ© (49,6) : « C’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tributs de Jacob et ramener les survivants d’IsraĂ«l. Je te fais lumière des nations pour que mon salut atteigne les extrĂ©mitĂ©s de la Terre. Â»

 

Jean Baptiste embrasse toutes les richesses des vieilles promesses, pour dire au peuple : « Soyons dignes de la promesse que nous avons reçue. Â» Et il se lance vers le futur, dans des horizons universels, pour redire les promesses de l’Ancien Testament dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ©es dans le Christ. Il faut l’annoncer Ă  tous. Ce que nous avons dit de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance, Jean est au centre, très près du Christ. (Jn 1,8) : « Celui-ci n’était pas la lumière, mais il avait Ă  rendre tĂ©moignage Ă  la lumière. Â» Je ne suis pas le Christ, mais je suis la voix qui annonce le Christ.

 

 

C) Dénonciation du péché

 

C’est cela, Jean Baptiste : « Non seulement je vais appeler le peuple Ă  la repentance en mĂ©moire des promesses anciennes et Ă  se disposer pour ce temps oĂą cette promesse de Dieu doit se rĂ©aliser, mais je vais prĂŞcher la pĂ©nitence pour que ce peuple privilĂ©giĂ© ne soit pas aveugle au moment oĂą cette promesse va se rĂ©aliser. Mais cela est peu pour toi, annonce-moi, annonce le RĂ©dempteur pour que cette RĂ©demption parvienne jusqu’aux confins du monde. Â»

 

C’est pour cela que nous cĂ©lĂ©brons aujourd’hui Jean Baptiste, mĂŞme s’il ne s’agit que d’un homme, fils d’un mariage stĂ©rile; il est cependant le plus grand des fils nĂ©s d’une femme parce que Dieu lui a donnĂ© une vocation et qu’il a su accomplir. Frères, quelle belle leçon! Chaque homme, chaque femme, est une vocation. Chacun de ceux qui participent Ă  cette rĂ©flexion possède une vocation qui lui est propre et grande est cette vĂ©ritĂ©. Nous avons une mission prophĂ©tique dans le monde, par notre baptĂŞme. Le Concile Vatican II dit : « Le Christ, l’Éternel Prophète, continue d’annoncer le Règne de Dieu sur la Terre, non seulement en se prĂ©valant de la hiĂ©rarchie, des prĂŞtres et des Ă©vĂŞques qui ont l’obligation de prĂŞcher, non seulement eux, mais aussi les laĂŻcs qui par leur baptĂŞme ont reçu la grâce de la foi et de la parole. Â» Vous pouvez parler bien mieux que moi et rendre tĂ©moignage en menant une vie plus sainte que la mienne. Un mariage saint est un Jean Baptiste dans son foyer, un avocat saint, un professionnel saint, un mĂ©decin saint, un ingĂ©nieur saint, un journalier saint, une femme sainte, sont des Jean Baptiste, ils sont ceux dont Dieu se prĂ©vaut pour proclamer que son Règne approche.

 

Comme se sent vraiment la sainteté des personnes dignes. Combien de fois avons-nous pu observer que devant une personne digne les mauvaises langues se taisent, par respect envers celui qui arrive? De la même manière, la sainteté des personnes est un exemple pour nous, et ce, même après leur mort. C’est ce qui nous fait défaut actuellement, non seulement la démagogie qui réclame, mais surtout la sainteté de la vie qui est une réclamation plus grande que la démagogie parce que devant un saint les ténèbres fuient, l’injustice se fâche, il y a de la violence et on lui enlève la vie.

 

Rappelez-vous que nous faisons cette rĂ©flexion dans un contexte très concret, celui de la vie du père Raphael Palacios. Je ne vais pas dire qu’il Ă©tait un saint, mais je vais dire que dans sa prĂ©dication et dans sa vie, il portait une rectitude de la vĂ©ritĂ© qui offensait ceux qui empruntaient les chemins tortueux. Et je dirais la mĂŞme chose des quatre autres prĂŞtres assassinĂ©s. Je me souviens bien de la droiture du Père Grande, de celle du Père Navarro et des autres aussi, de leur soif d’amour pour les pauvres, de leur insertion dans les besoins de ceux qui souffrent Ă  cause de l’injustice institutionnalisĂ©e. Et ils rĂ©clamaient. Si maintenant nous nous demandons : pourquoi est-ce qu’on assassine des prĂŞtres et des chrĂ©tiens engagĂ©s dans l’annonce du Règne de Dieu? Il ne demeure pas de doute, pour la mĂŞme raison qu’ils tuèrent Jean Baptiste, parce qu’il dĂ©nonçait le pĂ©chĂ©.

 

 

Style et contenu de son annonce/dénonciation

 

Je voudrais, frères, et ayez la patience de m’écouter, dans ce même Évangile de saint Jean, voir comment était la prédication de saint Jean Baptiste et la comparer avec la prédication d’aujourd’hui pour voir qui est-ce qui a raison. Ceux qui crient contre les injustices et les outrages du monde ou ceux qui prêchent une doctrine si molle, sans griffe, sans exigence, qu’elle est très jolie à suivre et qu’il est facile de passer à ces religions qui possèdent un Évangile qui ne réclame rien.

 

Le chapitre 3 de saint Luc dit (3,4-6) : « Et il vint dans toute la rĂ©gion du Jourdain, proclamant un baptĂŞme de repentir pour la rĂ©mission des pĂ©chĂ©s, Â» comme il est Ă©crit au livre des paroles d’IsaĂŻe le prophète : « Voix de celui qui crie dans le dĂ©sert : “PrĂ©parez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers; tout ravin sera comblĂ© et toute montagne ou colline sera abaissĂ©e; les passages tortueux deviendront droits et les chemins raboteux seront nivelĂ©s. Et toute chair verra le Salut de Dieu.” Â» Que dit-il en langage oriental? Il parle de la correction des pĂ©chĂ©s humains.

 

Il disait Ă  la multitude qui venait se faire baptisĂ©e par lui – observez ce langage (Lc 3,7-17) : « Engeance de vipères, qui vous a suggĂ©rĂ© d’échapper Ă  la Colère prochaine? Produisez donc des fruits dignes de repentir, et n’allez pas dire en vous-mĂŞmes : “Nous avons pour père Abraham.” Car je vous dis que Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants Ă  Abraham. DĂ©jĂ  mĂŞme la cognĂ©e se trouve Ă  la racine des arbres; tout arbre qui ne produit donc pas de bon fruit va ĂŞtre coupĂ© et jetĂ© au feu. Â» Et les foules l’interrogeaient en disant : « Que nous faut-il donc faire? Â» Il leur rĂ©pondait – observez bien la rĂ©solution du Baptiste Ă  des problèmes qui pourraient ĂŞtre ceux d’aujourd’hui : « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de mĂŞme. Â»

 

Des publicains aussi vinrent se faire baptiser; les publicains Ă©taient ceux qui prĂ©levaient les impĂ´ts et ils commettaient de nombreux vols. Jean leur dit : « N’exigez rien au-delĂ  de ce qui vous est prescrit. Â» La mĂŞme chose que je rĂ©pondrais aujourd’hui Ă  de nombreux organismes, Ă  plusieurs institutions oĂą on rĂ©alise des projets de plusieurs millions et dont seulement le quart ou le cinquième sert vĂ©ritablement au bien du peuple. Je dirais la mĂŞme chose Ă  ceux qui falsifient des documents. Il y a tant de pièges dans notre histoire, mais ici se trouve la dĂ©nonciation dans les paroles de Jean lui-mĂŞme.

 

Des soldats aussi l’interrogeaient, en disant : « Et nous, que nous faut-il faire? Â» Il leur dit : « Ne molestez personne, n’extorquez rien, et contentez-vous de votre solde. Â»

 

Comme le peuple Ă©tait dans l’attente et que tous se demandaient en leur cĹ“ur au sujet de Jean, s’il n’était pas le Christ, Jean prit la parole et leur dit Ă  tous : « Pour moi, je vous baptise avec de l’eau, mais il vient le plus fort que moi, et je ne suis pas digne de dĂ©lier la courroie de ses sandales; lui vous baptisera dans l’Esprit saint et dans le feu. Il tient en sa main la pelle Ă  vanner pour nettoyer son aire et recueillir le blĂ© dans son grenier; quant aux balles, il les consumera au feu qui ne s’éteint pas. Â» Il prĂ©sente un Christ qui fait comme ceux qui vannent le cafĂ© ou le blĂ© lorsqu’ils sĂ©parent l’écorce du grain; ils les tirent en l’air et le souffle produit emporte les dĂ©chets et seul le blĂ© demeure. C’est cela la figure que Jean nous prĂ©sente. Le Christ est dĂ©jĂ  avec l’instrument qui sert Ă  vanner la rĂ©colte, alors seul demeurera le blĂ© lourd, seuls ceux qui ont pratiquĂ© la justice et accompli de bonnes Ĺ“uvres, tout le reste n’est que dĂ©chet qui sera emportĂ© par le vent pour ĂŞtre brĂ»lĂ©. 24/06/79, p.23-26, VII.

 

 

3) Le Martyr

 

Le rĂ©cit de saint Luc se termine ainsi (3,18) : « Et par bien d’autres exhortations encore il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle. Â» Il Ă©tait infatigable dans sa prĂ©dication de pĂ©nitence, pour signaler le pĂ©chĂ©, pour dĂ©masquer le dĂ©sordre. (Lc 3,19-20) : « Cependant HĂ©rode le tĂ©trarque, qu’il reprenait au sujet d’HĂ©rodiade, la femme de son frère, et pour tous les mĂ©faits qu’il avait commis, ajouta encore celui-ci Ă  tous les autres : il fit enfermer Jean en prison. Â» Jamais un pĂ©chĂ© n’est seul, il y a toujours des injustices, des crimes et d’autres choses. Si notre peuple respire le pĂ©chĂ©, c’est prĂ©cisĂ©ment Ă  cause de toutes les mĂ©chancetĂ©s que dĂ©nonce Jean Baptiste. HĂ©rode ajouta Ă  toutes ces mĂ©chancetĂ©s celle-ci : il fit arrĂŞter Jean et le fit exĂ©cuter. Nous connaissons dĂ©jĂ  cette triste histoire, comment le pouvoir s’est alliĂ© au libertinage du monde et Ă  ses pĂ©chĂ©s pour couper la tĂŞte au prophète.

 

La femme d’HĂ©rode qui haĂŻssait le prĂ©curseur (Mt 14,6-7) : « Or, comme HĂ©rode cĂ©lĂ©brait son anniversaire de naissance, la fille d’HĂ©rodiade dansa en public et plut Ă  HĂ©rode au point qu’il s’engagea par serment Ă  lui donner ce qu’elle demanderait. Â» « Je te le donnerai mĂŞme s’il s’agit de la moitiĂ© de mon royaume. Â» La fille alla voir sa mère pour lui demander : « Que vais-je lui demander? Â» Et c’est Ă©vident que de l’abondance du cĹ“ur parle la bouche : « Demande-lui la tĂŞte de Jean Baptiste, elle vaut davantage que la moitiĂ© du royaume d’HĂ©rode. Â» C’est clair qu’elle vaut plus! Elle vaut davantage que le monde entier! Elle vaut plus que tous les pouvoirs, que tous les bals, toutes les richesses et tous les luxes! Cela vaut plus que tout. HĂ©rode descend dans son ignominie dans l’histoire et Jean Baptiste est exaltĂ©, le martyr, celui qui donna sa vie pour le Seigneur. « Les disciples allèrent recueillir sa dĂ©pouille et ils l’enterrèrent. Â» 24/06/79, p.26-27, VII.

 

 

Pensée qui nous conduit à l’autel

 

La prĂ©occupation de Jean Ă©tait la suivante : ne pas ĂŞtre confondu avec le Christ, mais orienter les humains vers le Christ. Frères, c’est la mĂŞme prĂ©occupation qu’a l’Église, que vous ne demeuriez pas dans les seules revendications de la Terre, que vous ne vous confiez pas dans des prophètes de chair qui meurent, ni mĂŞme un prĂŞtre qui dĂ©fend sa foi jusqu’à la mort ne doit ĂŞtre la motivation de notre engagement dans le travail de revendication et de justice. Par-dessus tout nous devons nous confier dans le grand LibĂ©rateur, seul le Christ peut nous rendre libres. Jean Baptiste malgrĂ© le fait qu’il avait rĂ©ussi Ă  monopoliser toute l’attention d’IsraĂ«l qui espĂ©rait en lui une libĂ©ration politique, lui aussi sut dire : « Ce n’est pas moi, attention! Moi aussi je ne suis qu’un homme fragile qui ne peut faire plus que baisser la tĂŞte pour qu’on me la coupe. Regardez-le, Lui, moi je dois diminuer. Il doit croĂ®tre. Je ne suis pas digne de dĂ©lier les courroies de ses sandales, c’est Lui qu’il faut suivre. 24/06/79, p.31, VII.