Je vous annonce une immense joie, un
Sauveur nous est né!
Messe de minuit; 24 décembre 1978;
Lectures : IsaĂŻe 9,2-7; Tite 2,11-14; Luc 2,1-14.
Évangéliser veut dire annoncer au
monde cette nouvelle du Salut. C’est pourquoi, en cette nuit de Noël, voir un
temple comme celui-ci, rempli de cœurs fidèles à Jésus-Christ pour rendre
hommage à cette sainte naissance, cela remplit de joie le cœur de l’Église et
lui donne cette opportunité d’accomplir sa mission. Avec vous, mes très chers
frères, moi aussi j’ai besoin de recueillir cette nuit la Bonne Nouvelle, je
dois l’annoncer en tant que pasteur; mais, comme pasteur, je suis également un
de ces petits bergers qui reçoivent des anges cette nouvelle, avec la même
simplicité et humilité de ces derniers, nous aussi, recevons cette nouvelle qui
fait tressaillir les cœurs. Lorsque plus simples et plus humbles, plus pauvres
et dépossédés de soi, plus remplis d’angoisses et de problèmes, lorsque
insolubles apparaissent les chemins de la vie, regardez vers le Ciel et
entendez cette nouvelle : « Un Sauveur nous est né » et entendre
en chœur avec cette grande nouvelle, que tout l’univers chante :
« Gloire à Dieu dans le ciel et sur la Terre, paix aux hommes que Dieu
aime. »
Dieu a tant aimé le monde qu’Il lui a
donné son propre Fils.
Il nous a tant aimés qu’Il nous a
laissé son Fils pour racheter le monde. Et dans les autres lectures
d’aujourd’hui : Isaïe (9,2-7), saint Paul (Tite 2,11-14) et dans
l’Évangile (Lc 2,1-14), nous rencontrons les éléments richissimes d’un message
de Noël que nous devons conserver avec la ferveur avec laquelle la Vierge
elle-même gardait dans son cœur tout ce que les bergers lui racontaient avoir
vu et entendu; et elle songeait à cela dans son cœur parce qu’elle, même si
elle était la mère privilégiée du Christ, était cependant, une chrétienne qui
savait recueillir dans son âme le grand message de cette nuit. Elle aussi en
avait besoin. Qui n’a pas besoin du Christ? Et si Marie était très sainte, elle
devait tous les privilèges de sa sainteté, toute sa profondeur et sa proximité
Ă Dieu, Ă ce Christ qui vient pour nous sauver.
Plan de l’homélie :
1) Le Christ, lumière qui illumine la
vie
2) Nous devons correspondre sobrement
et honnĂŞtement Ă la venue de Dieu
3) Le Christ naît dans l’histoire,
dans des circonstances concrètes
1) Le Christ, lumière qui illumine la
vie
Le prophète Isaïe (9,2-7) nous Le
présente comme une lumière qui illumina la nuit. L’origine de Noël célébré le 25 décembre
provient du solstice d’hiver, c’est la nuit la plus longue de l’année et au
milieu de cette nuit les anciens Romains sentaient que le soleil commençait Ă
naître et qu’à partir de ce moment les nuits commençaient à s’allonger jusqu’au
solstice d’été alors que la nuit la plus courte indique comme le triomphe du
soleil sur les ténèbres. L’Église, le christianisme, recueillit cette fête
païenne du soleil qu’ils appelaient « la nuit du soleil invincible »,
du soleil qui ne se laisse pas vaincre par les ténèbres et qui même lorsque la
nuit la plus longue semble l’opprimé, c’était précisément le commencement de sa
victoire. Alors l’Église, pour baptiser cette fête païenne, mit Noël le 25
décembre et changea l’objet de l’adoration, non dans le soleil qui connaîtra
une fin, mais dans le soleil Ă©ternel de justice, le Christ Notre Seigneur, et
elle annonçait comme le prophète Isaïe : « Au milieu de cette nuit a
brillé une grande lumière. »
Qui n’a pas ressenti, au moins une
fois, la vie devenir une nuit obscure, le doute de la foi, les incertitudes de
la vie, ne pas savoir d’où l’on vient et où l’on va. Combien de ténèbres
existe-t-il dans le cœur de l’humain, de la société et des peuples? Davantage
paraissent confuses la vie et l’histoire, et davantage, nous avons besoin de
voir la splendeur de ce soleil. Et aujourd’hui, alors que c’est la nuit la plus
longue de l’année, quelle consolation de penser que cette nuit, précisément la
plus noire et la plus longue, est celle où la lumière de Noël transforme la
nuit en jour « et le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu, nous dit
Isaïe (9,2-7), une grande lumière. » Marchons à la splendeur de cette
lumière! 24/12/78, p.74, VI.
2) Nous devons correspondre sobrement
et honnĂŞtement Ă la venue de Dieu
Dans la seconde lecture, saint Paul
(Tite 2,11-14) présente la naissance du Christ sous un autre aspect. La
bĂ©nignitĂ© et la misĂ©ricorde de Dieu nous sont apparues et nous invitent Ă
profiter de cette venue de Dieu en nous préparant par une vie sobre et honnête
à sa seconde venue. Et nous l’avons chanté aujourd’hui dans cette précieuse
prière de Noël : Seigneur, puisque que tous les ans Tu permets que nous
nous réjouissions en célébrant la venue du Christ comme Rédempteur, fait que
nous nous préparions pour que lorsque Tu viendras comme juge, nous puissions
aller Ă ta rencontre la conscience tranquille. 24/12/78, p.75, VI.
La KĂ©nose du Christ
Cette venue du Christ dans la nuit de
Noël est une humble arrivée, humble jusqu’au point que la théologie la nomme la
« Kénose », c’est-à -dire l’humiliation, l’abnégation. C’est lorsque saint
Paul nous dit que le Christ, ayant la dignité de Dieu, ne fit aucun cas de
cette dignité et s’humilia jusqu’au point de naître comme un humain et après
avoir vécu cette vie humble et pauvre jusqu’à l’humiliation la plus scandaleuse
d’être condamné à la sentence la plus humiliante de l’histoire, la crucifixion. C’est
pour cela que naît le Christ, pour sa Kénose, pour son humiliation. C’est
pourquoi tout est humiliation dans la vie du Christ, il n’y a pas d’endroit où
Il puisse se reposer, ni même un méson, il n’y eut même pas un taudis pour la
naissance du plus grand; ils durent se réfugier dans une grotte avec les
animaux, dans une crèche où saint Joseph, enlevant les immondices et la saleté,
plaça Marie pour qu’elle donne naissance, aussi dignement que possible dans
cette pauvreté. C’est ainsi qu’est né le Rédempteur : dans l’humiliation
et la pauvreté.
Il est nécessaire de comprendre que
le Christ est né pour sauver le monde et que la Rédemption du monde ne peut
s’opérer autrement que par le chemin inverse par lequel les hommes ont offensé
Dieu. Nous l’avons offensé par l’orgueil, par la vanité, par la richesse
Ă©goĂŻste, par le pouvoir, par tout ce qui se nomme pĂ©chĂ© qui est dĂ©sobĂ©issance Ă
Dieu. C’est pourquoi la Rédemption doit être un retour au chemin de l’humilité,
de l’obéissance, de l’austérité, et de l’abnégation. Par ces chemins
apparaissent la bénignité et la miséricorde d’un Dieu qui nous pardonne.
Personne ne craint le pardon du Seigneur s’il attend son retour par ces chemins
que le Christ nous enseigna et oĂą se trouve la RĂ©demption.
Cette nuit de Noël est une invitation
au cœur simple, à la vie humble, c’est l’invitation de Paul dans les lectures
d’aujourd’hui à une vie sobre, à une vie de sacrifices. 24/12/78, p.75, VI.
La plénitude des temps
La bénignité de notre Seigneur
Jésus-Christ est apparue et en cette bénignité nous vient toute la grâce de la
Rédemption, nous vient toute la richesse de la vie de Dieu, c’est pourquoi
l’instant où le Christ s’incarne dans les entrailles d’une vierge et qu’Il naît
de Marie, est appelé : la plénitude des temps. Plénitude des temps
signifie : en cet enfant qui naît de la Vierge, est le trésor de la
Rédemption dont nous avons tous besoin. Avec Lui vient la gloire, l’espérance,
la joie de tous les hommes. Ouvrons-nous Ă Lui, Ă Notre Seigneur JĂ©sus-Christ,
même s’Il se présente comme un enfant démuni, même lorsque sa mort est une
humiliation sur la Croix, même lorsque les chemins qu’Il nous propose sont ceux
qu’Il désignait à ceux qui voulaient le suivre : « Regardez, les
oiseaux du ciel ont un nid, les renards ont une tanière, mais le Fils de
l’Homme n’a pas d’endroit où poser sa tête. Que celui qui désire me suivre se
renie lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive. » 24/12/78, p. 76, VI
L’Église des pauvres
C’est pourquoi l’Église prĂŞche Ă
partir des pauvres et que nous n’avons pas honte de dire : « L’Église
des pauvres », parce que c’est parmi les pauvres que le Christ a choisi de
placer sa Parole de Rédemption. Non pas parce que l’argent est mauvais, sinon
parce qu’il convertit souvent en esclaves les hommes et les femmes qui
idolâtrent les biens de ce monde et qui oublient Dieu. Mais lorsqu’on a la
capacité d’être supérieur aux choses qui rendent les hommes heureux selon les
valeurs de ce monde et qu’on a le détachement et la vaillance de faire
consister la félicité et la vie en ce chemin des béatitudes : bienheureux
les pauvres, bienheureux ceux qui pleurent, bienheureux ceux qui ont faim et
soif de justice, c’est alors que nous comprenons que la Rédemption est arrivée
et que celle-ci ne marchera que par les chemins que les hommes refusent de
parcourir.
Acceptons en cette nuit le message de
la miséricorde et de la bénignité du Seigneur. Lorsqu’Il viendra comme Juge
lors de sa seconde venue, ce ne sera pas une venue d’humiliation, ce sera une
venue de justice pour revendiquer l’honneur de Dieu face à tous ceux qui
L’auront déprécié. Il viendra également pour accueillir tous les bénis de son
Père qui L’auront suivi, pour qu’alors, nous ressentions la joie de Noël comme
nous la ressentons cette nuit.
Allégresse de Noël, allégresse de
l’espérance chrétienne
En cette nuit, je crois que la joie
de Noël, surtout ici au Salvador, une joie sereine, est une joie d’espérance
chrétienne. J’ai entendu, plusieurs me dirent, aujourd’hui :
« Combien triste est ce Noël, comme si ce n’était pas Noël. » C’est
parce qu’il n’y a pas ces signes extérieurs d’apparat, il y a de l’angoisse, il
y a de l’incertitude, il y en a plusieurs qui souffrent, dans de nombreux
foyers, des êtres chers sont manquants, on ressent cette tristesse en ce Noël
de 1978 au Salvador; mais celui qui est chrétien sait qu’il existe une joie de
fond, une joie d’espérance et de foi, une joie d’austérité. La miséricorde de
Dieu ne regrette pas de s’être livrée et nous la rencontrons. Cette
joie sereine, je vous invite tous à la vivre en ce Noël. Grâce à Dieu que ce
n’est pas un Noël d’apparences commerciales et de joies futiles comme la poudre
qui brûle et qui ne laisse rien d’autre que des déchets. Une joie profonde est
ce que je désire pour tous ceux qui sont ici en train de faire cette réflexion,
une joie au milieu de la tristesse, de la terreur, de l’angoisse, de notre
histoire. Cependant, dans le fond, il existe une grande espérance : le
Seigneur est venu et nous allons Ă sa rencontre, notre foi se confie en Toi et
nous savons que Tu viens pour nous sauver, et lorsque le nuit se fait plus
noire et que les horizons semblent se refermer, Tu seras davantage RĂ©dempteur.
Cette nuit de prière est une nuit
auprès de l’autel où Jésus naît pour nous sauver. Mettons toute notre prière et
toute notre confiance avec l’allégresse sereine qui est la seule a donné la
véritable espérance que le Christ disait : « Je vous donne ma
paix », non pas comme celle du monde, sinon la paix qui est le fruit de
cette sincère conversion qui attend tout de Dieu. 24/12/78, p.76-77, VI.
3) Le Christ naît dans l’histoire,
dans des circonstances concrètes
L’Évangile (Luc 2,1-14) nous raconte
comment le Christ naît dans l’Histoire, dans des circonstances concrètes où
l’on fait mention des empereurs romains, des gouverneurs de Palestine, des gens
concrets dans l’Histoire, pour nous dire : ainsi naît le Christ dans
l’Histoire concrète des humains. Nous ne sommes plus à l’époque d’il y a vingt
siècles que nous décrit saint Luc dans la page que nous avons lue, mais si
aujourd’hui, en 1978, on écrivait la naissance du Christ, on mentionnerait
d’autres noms, ce seraient les nôtres. C’est pour nous qu’est né le Seigneur,
il ne s’agit pas d’une naissance que nous sommes en train de commémorer vingt
siècles plus tard, comme si Joseph, Marie, les pasteurs et les mages, ceux qui
vécurent et qui moururent, nous avaient laissé un souvenir. Non, la liturgie,
la célébration de l’Église ont le privilège de rendre présent ce mystère que
nous célébrons. Aujourd’hui, c’est Noël dans la cathédrale, aujourd’hui, naît
le Christ ici pour nous; le prophète Isaïe (9,2-7) nous l’a annoncé : un
enfant nous est né, un enfant nous est donné, Il vient pour nous.
Sentons-le ainsi vraiment parce que
je sais que chacun d’entre vous, comme moi, nous avons besoin de l’embrasser
comme si c’était le nôtre, ce Jésus qui est né pour tous et qui demeure en
tous, Il se donne entièrement à chacun en particulier, faisant en sorte que
chacun d’entre nous puisse dire ce possessif de saint Paul : « Il
m’aime et Il s’est livré pour moi. » Sentons ainsi le Seigneur : le
RĂ©dempteur de ma famille, le compagnon de ma vie, le confident de mes
angoisses, mon RĂ©dempteur qui est le RĂ©dempteur de tous en mĂŞme temps.
Célébrons cette Eucharistie de Noël
avec cette profondeur de foi et d’espérance, la nuit la plus longue de l’année
qui est en train de débuter ne nous importe pas; ce qui importe, c’est la
lumière de notre foi qui illumine nos cœurs. Au milieu des tristesses et des
angoisses du moment présent, il y a l’espérance qui nous fait entièrement
confiance en l’enfant qui est né pour nous. 24/12/78, p.77, VI.