L’Église, Épouse du Christ
Trente-deuxième dimanche ordinaire;
12 novembre 1978; Lectures : Sagesse 6,13-17; Thessaloniciens 4,12-17;
Matthieu 25,1-13.
Imaginons, très chers frères, que
nous faisons partie de cet auditoire intime de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ
lorsqu’Il prononça ce fameux discours que l’on appelle le discours
eschatologique. Ce sont les chapitres 24 et 25 de saint Matthieu, presque Ă la fin. Le Christ est
sorti du temple de Jérusalem où, selon les lectures des dimanches précédents,
Il eut ces discussions qui présageaient déjà ce dénouement tragique. Ces
ennemis le haĂŻssaient bien trop, ils Ă©taient bien trop jaloux de Lui pour que
cela demeure ainsi. Comme cela est triste, lorsqu’un prophète voit poindre sa
destinée sanglante. Le Christ sort du temple et se dirige vers la colline
occidentale du mont des Oliviers, depuis là , nous pouvons encore aujourd’hui
contempler non plus le temple que voyait Jésus dont les rénovations d’Hérode
étaient sur le point d’être complétées, mais une esplanade avec une mosquée
musulmane. Au temps du Christ, depuis cette colline, assis avec ses disciples,
admirant cette merveille du temple, Il leur disait : « Regardez, de
ce temple, il ne demeurera pas pierre sur pierre. » Et Il débuta son long
discours eschatologique où, comme tous les prophètes, regardant vers le futur,
Il leur décrivit en deux plans, comme une photographie en deux plans : un
premier qui est la destruction de Jérusalem, en l’an 70, ce temple sera détruit
par les Romains, il ne demeurera pas pierre sur pierre, et le second plan,
beaucoup plus éloigné, la fin du monde. […]
Je vais m’attarder ici sur une des
paraboles de ce sermon, quand le Christ les prévient de cette fin du monde, de
cette destruction de Jérusalem (Mt 24,43-44) : « Comprenez-le
bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur
devait venir, il aurait veillé et n’aurait pas permis qu’on perçât le mur de sa
demeure. Ainsi, vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ne
pensez pas que le Fils de l’homme va venir. » […]
Je voudrais intituler l’homélie
d’aujourd’hui de ce titre si beau que le Christ nous suggère aujourd’hui :
le Règne des cieux, un mariage entre le Christ et l’Église, ou en d’autres
mots : l’Église, Épouse du Christ. Cette comparaison de la Rédemption, de
l’amour avec lequel Dieu se préoccupe de l’humanité en la créant, en lui
donnant l’intelligence, des capacitĂ©s, en l’observant, en la conduisant Ă
travers l’Histoire, est très employée dans l’Ancien Testament. L’amour de Dieu
envers son peuple élu est comparé à l’amour de l’époux envers son épouse. C’est
pourquoi lorsque le Christ, chargé des réminiscences et des promesses de
l’Ancien Testament, prêcha son Évangile, cette comparaison vint aussi sur les
lèvres et Lui-même se compare au fiancé et Il dit, quand les pharisiens Le
critiquent parce que Lui et ses disciples ne jeûnaient pas : « Comment
pourraient jeûner les amis de l’époux tandis qu’Il est encore avec eux? Ce
n’est pas le temps de jeûner, c’est le temps de fêter, mais bientôt vient le
temps où ils pleureront et jeûneront en annonçant sa passion. » […]
C’est pourquoi le Concile Vatican II,
qui choisit dans la Bible les images de l’Église, se réfère à cette comparaison
du fiancé et de la fiancée et prononce ces phrases qui ressemblent à un
épithalame (L.G. 6) : « L’Église est aussi décrite comme l’Épouse
immaculée de l’Agneau sans tache. Cette Épouse, le Christ l’a aimée… et Il
s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier »; Il se l’est
associée par un pacte indissoluble et sans cesse : « Il la nourrit et
la soigne, et Il a voulu après l’avoir purifiée qu’elle lui soit unie et
soumise dans l’amour et la
fidélité. Enfin, il l’a comblée pour toujours de dons
célestes, afin que nous puissions connaître la charité de Dieu et du Christ
pour nous, charité qui dépasse toute connaissance. Mais tandis que l’Église
accomplit son pèlerinage sur Terre, loin du Seigneur, elle se sent comme en
exil, si bien qu’elle recherche les choses d’en haut, qu’elle a du goût pour
les choses d’en haut, là où le Christ est assis à la droite de Dieu, où sa vie
reste cachée avec le Christ en Dieu jusqu’au jour où elle apparaîtra avec son
Époux dans la gloire. »
Dans cette belle description de
l’Église, je rencontre les trois pensées que nous offrent les trois lectures
d’aujourd’hui : qu’est-ce qu’un mariage?
Plan de l’homélie :
1) Le Mariage est une Alliance
2) Le Mariage est une Espérance
3) Le Mariage est la consommation,
une noce
1) Le Mariage est une Alliance
La première lecture (Sg 6,13-17) est
comme l’écho dans l’Ancien Testament qui annonce l’Évangile. Si le Christ va
nous parler aujourd’hui que Lui et l’Église forment un couple, le passage de
cette première lecture qui a été choisie fait référence à une noce. Le livre de
la Sagesse nous décrit le désir ardent de Dieu de s’unir aux hommes et le
bonheur de ceux qui sont ouverts à cette quête de Dieu. […]
Rayonnante et immarcescible est la
Sagesse de Dieu, mais en mĂŞme temps elle attend des hommes une acceptation, une
ouverture. Il y a des hommes qui ferment leur cœur à la Sagesse de Dieu. Nous
pourrions utiliser la comparaison dont nous sommes en train de parler :
une noce. Quand se rencontrent deux cĹ“urs qui sympathisent, ils commencent Ă
s’aimer et commence à croître l’amour des fiancés, et un jour cet amour qui a
grandi à la suite de cette première rencontre devient si grand qu’il fonde une
alliance éternelle. Le jour où la fiancée et le fiancé se convertissent en
épouse et époux devant l’autel, cette rencontre, peut-être fortuite, s’est
convertie en une alliance ferme jusqu’à la mort. C’est ainsi qu’est Dieu également, comme
l’amoureux, Il cherche l’humanité qui à la manière d’une amoureuse le recherche
aussi et l’aime. Telle est la belle description de la première lecture. (Sg
6,13-16) : « Elle prévient ceux qui la désirent en se faisant
connaître la première.
Qui se lève tôt pour la chercher n’aura pas à peiner :
il la trouvera assise Ă sa porte. MĂ©diter sur elle est en effet la perfection
de l’intelligence, et qui veille à cause d’elle, elle-même va partout les
chercher et sur les sentiers elle leur apparaît avec bienveillance, à chaque
pensée elle va au-devant d’eux. » Quelle belle description des amoureux!
La pensée est obsédée. L’amour, Dieu
lui a donné, c’est pourquoi il est triste de prostituer cet amour. L’attirance
de l’homme et de la femme est un don de Dieu qui est décrit dans la Bible par
des traits si divins que les humains doivent toujours conserver un respect pour
cette attirance, dans cette obsession, de cette recherche de l’un envers
l’autre. […]
L’homme n’est pas complet si ce n’est
que lorsqu’il rencontre son complément dans l’autre sexe et sa perfection dans
l’amour. C’est alors, quand un homme et une femme s’aiment au point de vouloir
se donner l’un à l’autre pour toute la vie, que l’homme et la femme sont la
véritable image de Dieu. Dieu est amour et jamais l’homme et la femme ne sont
si parfaitement l’image de Dieu que quand ils s’aiment, quand ils signent cette
alliance.
C’est pourquoi, frères, le pacte
entre le Christ et l’Église est le symbole qui se cache derrière chaque
mariage. C’est pour cela, disait saint Paul en parlant des époux :
« Quel grand mystère que celui de votre amour, mais je le dis en le
pensant dans le Christ et dans l’Église. » Quand un homme et une femme
s’aiment avec la pureté, avec le don de soi, avec la sainteté avec laquelle le
Christ et l’Église s’aiment, ils reflètent alors devant le monde
l’indissolubilité de l’amour avec lequel le Christ s’unit pour toujours à son
Église. Lorsqu’ils comprennent que le mariage qui est un signe de l’amour que
Dieu porte à l’humanité, alors ils comprendront également ce que signifie
d’appartenir à une Église et depuis, l’Église, aimer fidèlement de tout son
être le divin époux de l’Église : notre Seigneur Jésus-Christ. Mais ainsi
comme en une alliance matrimoniale, les biens sont communs, tout est commun
entre eux deux. C’est pour cela que saint Paul qualifie l’Esprit saint d’arrhes
du mariage du Christ et de son Église. Parce que quand le Christ meurt pour son
Église, la sanctifiant, la lavant de son bain de sang de la croix, et qu’après
Il ressuscite en récupérant toute la grâce que nous avions perdue par le péché,
tout ce trésor de la Rédemption, le don de l’Esprit : « Recevez
l’Esprit, ce sont les arrhes de ce mariage », et dans cet Esprit, vient de
nous dire le Concile, l’Église rencontre tous les biens avec lesquels elle va
sanctifier l’humanité. […]
La restauration universelle est dĂ©jĂ
décrétée depuis le jour où le Christ mourut sur une croix, expiant pour les
péchés du monde, et Il ressuscita avec une nouvelle vie, dans les entrailles de
l’Histoire. Il est déjà le germe d’une vie nouvelle et l’Église est la
dépositaire de ce germe, l’Église est celle qui prêche la Rédemption. Le Concile
vient de nous dire : « Le Christ est assis à la droite du Père,
vivant pour toujours, et Il agit en ce monde au moyen de l’Église. »
L’Église, son épouse, est comme l’administratrice sur cette Terre des biens
Ă©ternels de la
Rédemption. L’Église, sur Terre, ne sauve pas uniquement ceux
qui vivent en son sein. À partir de ses entrailles, où le Christ, comme
l’époux, vit dans l’amour de l’épouse. Le Christ dans l’Église est le
Rédempteur de l’humanité d’aujourd’hui, de 1978 comme Il le fut il y a vingt
siècles. Le Christ, lorsqu’Il était encore un nouvel Époux, donna comme des
arrhes à son Église, les fruits de la Rédemption pour qu’elle les répartisse
par sa parole, par ses sacrements, par son pardon, par son espérance, et par sa
prédication de la libération de tout esclavage. 12/11/78, p.291-293, V.
2) Le Mariage est une Espérance
Le mariage est une espérance surtout
lorsqu’il est provisoirement frappé par le deuil. C’est pour cela que le
Concile nous dit : « Tant que l’Église sera en pèlerinage sur cette
Terre comme en exil, elle savoure les biens du ciel où son Époux
l’attend. » Une veuve peut comprendre, comme peut comprendre également
cette épouse qui pleure l’exil de son époux. Quand le laisseront-ils revenir au
pays?
C’est l’amour des bras tendus.
C’est pourquoi le Concile, reprenant
cette inspiration que Dieu a donnée à son épouse sur la Terre, dit cette phrase
très belle : « L’Esprit et l’Épouse clament vers le Seigneur
Jésus : viens! » C’est ainsi que se terminaient les cérémonies
anciennes : Maranata. Viens, nous t’attendons. C’est ce que nous disons
encore lors de nos consécrations eucharistiques : ceci est le sacrement de
notre foi. Votre voix est celle de l’Église : nous annonçons ta mort, nous
proclamons ta résurrection. Viens Seigneur Jésus!
Celui qui clame est un peuple qui a
mis toute son espérance dans le Seigneur Jésus. Il sait que toutes ces
souffrances d’enfantement que sont les situations actuelles de l’histoire de
notre patrie, d’une nature qui gémit sous le péché, sous la répression, sous
l’esclavage, sous la douleur, sous l’injustice, et il clame pour l’avènement de
ce Ciel nouveau, de cette Terre nouvelle que nous donnera le Seigneur JĂ©sus.
Cela sera une autre heure que nous
aurons à vivre, mais nous ne sommes pas encore au Ciel. Il est certain qu’en
tant qu’Église nous avons la garantie que le Christ vit en nous, mais c’est un
Christ caché, un Christ qui lorsque nous le sentons si près de nous au moment
de l’Eucharistie nous fait nous exclamer : laisse-toi voir maintenant,
viens, Seigneur! C’est l’épouse amoureuse qui depuis l’exil clame pour
L’embrasser, pour Lui donner un baiser, pour vivre toujours auprès de Lui.
C’est un moment précieux, combien cela durera-t-il? C’est ici précisément ici,
oĂą la parabole des dix vierges (Mt 25,1-13) trouve sa place. Selon la coutume
d’Israël, comme je l’ai dit auparavant, le fiancé, accompagné de ses amis,
allait chercher sa fiancée pour en faire son épouse. C’était une fête qui
durait toute la nuit et naturellement la ponctualité n’était pas sa
caractéristique puisque toute la nuit y était consacrée. C’est pour cela que
les dix vierges qui accompagnaient le fiancé s’endormirent. Mais cinq d’entre
elles s’étaient préparées, leurs lampes avaient des réserves d’huile.
Les cinq autres furent imprudentes,
elles n’avaient pas préparé d’huile pour leur lampe et au milieu de la nuit
elles s’éteignirent faute de combustible. C’est alors qu’un cri de joie se fait
entendre au milieu de la nuit, c’est le fiancé qui arrive, allons
l’accompagner. Celles qui avaient de l’huile dans leur lampe purent
l’accompagner, mais celles qui n’en avaient plus demandèrent alors aux
premières de leur en prêter. Celles-ci leur répondirent : il se pourrait
bien que nous n’en ayons pas assez pour vous et pour nous à la fois, il serait
mieux que vous alliez vous en acheter. Manque de prévision. C’est le discours
eschatologique du Christ qui nous dit : soyez prêts parce que l’heure où
vous y pensez le moins sera celle de la rencontre du Fiancé et de la fiancée
qui est en exil, l’Église.
L’heure que la théologie ancienne
appelle de ce mot grec très symbolique : « La Parousie. » Cette
parole désignait l’apparition d’un Dieu caché ou l’arrivée d’un empereur, d’un
gouverneur à une ville auquel on préparait une grande réception. On appelait
cela la parousie. Ici
Ă©galement, la Bible mentionne la venue du Christ quand Il vient reprendre notre
vie à l’heure de notre mort. C’est la parousie, c’est la rencontre, c’est
l’espérance de la vie qui va culminer dans cette rencontre. Bienheureux si nous
sommes prévenus, que nous gardons la lampe de notre foi allumée avec l’huile de
la charité et des bonnes œuvres. Malheur à nous si, à l’heure de la parousie,
le Christ nous rencontre avec notre lampe éteinte et sans huile, avec l’âme
dans le péché, avec une vie imprévoyante!
C’est l’objectif principal de
l’homélie d’aujourd’hui, un appel à vivre cette attente que le Concile nous
décrit aussi merveilleusement quand il dit : « Tant que nous habitons
dans ce corps, nous vivons en exil, loin du Seigneur et même si nous possédons
les prémisses de l’Esprit, nous gémissons intérieurement et nous attendons
anxieusement d’être avec le Christ. Ce même amour nous force à vivre toujours
davantage pour Celui qui mourut et ressuscita pour nous. C’est pour cela que
nous cherchons à rendre grâce en toute chose au Seigneur et que revêtus de
l’armure de Dieu, afin de demeurer fermes contre les pièges du démon et pour
résister au jour du mal. Comme nous ignorons l’heure et le jour, il est
nécessaire, selon l’admonestation du Seigneur, que nous veillions constamment
pour qu’une fois terminé l’unique temps de notre vie terrestre, nous méritions d’entrer
avec Lui aux noces et d’être comptés parmi ses élus et non d’être envoyés comme
de mauvais serviteurs paresseux au feu éternel, aux ténèbres extérieures où il
n’y aura que des pleurs et des grincements de dents. » Ce sont les paroles
de l’Évangile, prises par le Concile pour nous avertir de la chose la plus
importante que l’Église doit annoncer à l’humanité. Nous sommes l’épouse en
exil, sortons à la rencontre de l’époux, soyons préparés, ne soyons pas comme
ces vierges imprudentes auxquelles Il ferma la porte de son festin en leur
disant : Je ne vous connais pas.
Je veux revendiquer pour l’Église
cette mission si difficile, mais si nécessaire de prêcher au monde présent ses
devoirs temporels. Quand le Concile dit que l’Église est dans le monde pour le
servir, son plus grand service est précisément celui-ci : exhorter les
chrétiens, citoyens de la cité temporelle et de la cité éternelle, à accomplir
avec fidélité leurs devoirs temporels, toujours guidés par l’esprit
évangélique.
Frères, quelle belle description a
faite de nous le Concile : citoyens de la cité temporelle, Salvadoriens
avec des engagements sur cette Terre, nous administrons une plantation, ou une
grande propriété, ou un capital, ou plus simplement nous avons un travail.
Citoyens de cette terre : avocats, professionnels, politiciens, vendeuses
du marché, gens qui gagnez votre vie en accomplissant vos devoirs temporels,
citoyens de cette Terre, c’est à vous que parle l’Église. Mais en même temps,
citoyens de la cité éternelle, exilés, mais qui marchent en même temps vers
notre patrie. « Se trompent, dit le Concile – écoutez bien ceci, ceux qui
disent que l’Église doit demeurer dans sa sacristie et ne pas proclamer les
devoirs de justice, le respect des droits humains de l’humanité – se trompent
les chrétiens qui prétextant que nous n’avons pas ici de demeure permanente,
affirment rechercher la demeure éternelle, considérant qu’ils peuvent négliger
les tâches temporelles sans se rendre compte que la propre foi est un motif qui
les oblige au plus parfait accomplissement de toutes ces tâches, selon la
vocation personnelle de chacun. »
Ceux qui disent : l’évêque ne
parle que de politique parce qu’il parle de droits humains, parce qu’il dénonce
les injustices, parce qu’il signale aux hommes leurs devoirs politiques, leurs
droits d’association. Frères, je ne fais que dire que, en tant que citoyens du
ciel, nous avons une conscience de laquelle nous devons rendre compte devant
Dieu et que nous agirions très mal si nous vivions ce que le communisme
dénonce : la religion comme opium du peuple, lorsque sous prétexte
d’attendre la cité future, nous négligeons la cité présente.
C’est pourquoi n’est pas moins grande
l’erreur de ceux qui affirment au contraire, en croyant qu’ils peuvent se
livrer entièrement aux tâches temporelles, comme si cela était étranger à la
vie religieuse, en pensant que celle-ci se réduit simplement à certains actes
du culte et à l’accomplissement de certaines obligations morales déterminées.
Combien sont-ils arrivés à ce que dénonce le Concile : « le divorce
entre la foi et la vie quotidienne de plusieurs doit être considéré comme une
des plus graves erreurs de notre époque. » Ceux qui font uniquement
consister la religion en quelques actes du culte, mais qui aussitôt après un « Te
Deum » pour le quinzième anniversaire des noces où le couple ne se
considère plus comme l’amour que le Christ porte à l’Église, sinon comme de
simples relations sociales, pour voir si ce mariage ne fut pas plus dispendieux
qu’un autre. Tout ce culte, parfois si rempli de vanité humaine, pour aussitôt
après vivre dans l’injustice, en outrageant le droit d’association de ses
ouvriers qui veulent se syndiquer, ne payant pas bien les cueilleurs, mais qui
se croient très religieux parce qu’ils assistent à la messe chaque jour. Rien
ne sert ces cultes divorcés de vie quotidienne. L’Église doit prêcher aux
hommes que dans les sujets temporels, ceux-ci doivent rendre compte Ă Dieu de
leurs actions.
Le Concile dit cette phrase, que je
vous supplie de graver profondément dans votre cœur : « Le chrétien
qui manque Ă ses obligations temporelles manque Ă ses devoirs envers son
prochain, manque surtout Ă ses obligations envers Dieu et met en danger son
salut éternel. » Qu’est-ce que cela veut dire? Il est dommage que notre
religion ait souvent trahi l’Évangile, que pour contenter les grands seigneurs,
elle leur ait dit que le culte était suffisant et les a ainsi exposés à la
perdition éternelle. Nous retournons à une religion de l’Évangile authentique
où le Christ nous dit : que le Règne des cieux est semblable aux dix
vierges qui sortirent à la rencontre de l’époux. Malheur à vous si vous ne
profitez pas des heures de votre vie pour accumuler les bonnes Ĺ“uvres! Rien ne
sert d’être vierge si vous n’avez pas l’amour. Comme disait saint Bernard en
parlant de ces vierges : « Pures comme des anges, mais orgueilleuses
comme des démons. »
Les vertus chrétiennes doivent être
intègres. C’est une Rédemption intégrale que le Christ est venu prêcher. Il ne
veut pas de fausses apparences, Il veut la sincérité. N’oublions
pas une chose, que l’Église, dit le Concile, se trouve encore dans cette phase
temporelle. Je voudrais en profiter pour dire à ceux qui se sont mariés que
leur mariage est également une phase d’attente, que le mariage n’est jamais
entièrement réalisé, que tous les jours il est nécessaire de se pardonner, de
s’aider, de se perfectionner. L’homme qui veut rencontrer dans son épouse un
ange céleste est dans l’équivoque. Ce sont deux êtres de chair et d’os, des
héritiers des tares de leurs familles et ils doivent apprendre à tolérer bien
des choses. L’Église a également besoin que son époux divin tolère bien des
choses. Elle vit encore, dit le Concile, dans cette phase temporelle oĂą ces
sacrements, ces institutions, sa hiérarchie, ses prêtres, ses éléments doivent
être en proie à de nombreuses imperfections, mais où ils possèdent déjà une
sainteté, quoiqu’imparfaite, elle possède une bonne volonté pour rechercher,
elle recherche l’heure de la
perfection. Il ne faut pas oublier cela afin de ne pas exiger
de l’Église sur cette Terre, ce que possédera l’Église du Ciel, quand elle sera
l’Église de la consommation parfaite. 12/11/78, p.294-296, V.
3) Le Mariage est la consommation,
une noce
C’est cela ma troisième réflexion. Mais
avant de regarder cette Église de la consommation parfaite, cette Église que
l’Apocalypse nous décrit comme la nouvelle Jérusalem (cité sainte qui descend du
ciel, vêtue comme une jeune épouse pour se livrer à son époux), n’oublions pas
que nous ne sommes pas encore arrivés à cette Église et c’est précisément en
cette Église de la Terre, où je situe tous les dimanches la semaine de notre
histoire. Ne soyez pas incommodés mes frères, parce qu’oublier que nous sommes
une Église qui est en pèlerinage en cette semaine de novembre 1978, c’est
dĂ©sincarner le mystère de notre Église comme Épouse, qui marche vers le ciel Ă
la rencontre définitive, vers la consommation de sa vie céleste. […]
Ce mariage est une rencontre, une
alliance et une espérance qui marche vers sa consommation. Consommation de
cette Église du Ciel où régnera la justice, où nous ne nous lamenterons plus
semaine après semaine, les douleurs d’outrages si nombreux, où les Ceux
nouveaux et la Terre nouvelle chanteront le mariage béni de Dieu avec
l’humanité comme Lui-même l’a rêvé. 12/11/78, p.297 et 302, V.