Dieu apporte la joie de sa libération pour tous. Convertissons-nous!

 

Troisième dimanche de l’avent; 16 dĂ©cembre 1979; Lectures : Sophonie 3,14-18a; Philippiens 4,4-7; Luc 3,10-18.

 

L’allégresse d’être sujet et objet de l’Histoire du Salut

 

C’est cette allégresse que nous célébrons par la Venue de Dieu dans l’Histoire. Allégresse d’avoir été les confidents du Seigneur qui nous fait connaître son projet de salut pour tous les êtres humains. Il fait de nous les objets et les sujets de ce projet. Il nous appelle à collaborer avec Lui au Salut du monde.

 

Jean Baptiste, symbole de l’homme sur qui compte Dieu pour cette Histoire

 

La semaine dernière, nous avions dĂ©jĂ  anticipĂ© le thème de ce dimanche, sous le mĂŞme signe de Jean le Baptiste que nous prĂ©sentions comme le PrĂ©curseur et le modèle de tous ceux dont Dieu a besoin pour rendre prĂ©sente, dans le monde, sa Bonne Nouvelle du Salut, Ă  savoir : l’Église, la communautĂ© chrĂ©tienne, tous ceux qui continuent d’être prĂ©curseurs de la venue du Seigneur pour sauver le monde.

 

Le prédicateur des exigences morales qui nous disposent à être récepteurs de la Venue de Dieu

 

 Aujourd’hui, Jean Baptiste se présente comme l’éducateur, le moraliste, le prédicateur qui va nous enseigner les exigences morales requises dans l’accueil du Salut que Dieu apporte. C’est un message d’austérité mais qui apparaît en même temps comme la condition d’une joie profonde.

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) Dieu est venu dans notre histoire

2) Libération sous le signe de l’allégresse

3) Conversion à Dieu, unique chemin de la libération joyeuse

 

1) Dieu est venu dans notre histoire

 

Tout d’abord, ratifions cette idĂ©e qui est celle que nous cĂ©lĂ©brons tout au long de cet avent prĂ©paratoire Ă  NoĂ«l : la PrĂ©sence de Dieu dans l’Histoire.

 

Cette Venue est l’objet de la célébration de l’avent

 

Le titre de cette pĂ©riode « avent Â» cĂ©lèbre, prĂ©cisĂ©ment, un avènement : Dieu qui vient aux humains. C’était le message des prophètes qui culmine en ce Nom qu’IsaĂŻe donne Ă  ce Dieu qui vient nous sauver : « Emmanuel Â», Dieu avec nous.

 

Ce message est le message de Jean le Baptiste dans l’Évangile d’aujourd’hui (Lc 3,10-18)

 

L’Évangile (3,1) nous prĂ©sente prĂ©cisĂ©ment Jean dans un contexte historique : « Tibère Ă©tait empereur et Ponce Pilate gouverneur de Palestine. Â» Il mentionne les quatre tĂ©trarques et les pontifes du temps. Dans ce contexte historico-religieux, l’Esprit Saint fit entendre sa voix Ă  Jean, fils de Zacharie, qui grandissait au dĂ©sert et qui, de lĂ , sortit annoncer, par toute la rĂ©gion du Jourdain, la venue prochaine de Dieu. « Le Règne de Dieu est dĂ©jĂ  prĂ©sent. Au milieu de vous est Celui que vous ne connaissez pas. Â» Il annonce la grande nouvelle : Dieu est venu! Et cela continue d’être la grande nouvelle des chrĂ©tiens. Le chrĂ©tien qui ne ressent pas avec joie cette proximitĂ© de Dieu dans l’Histoire, n’a pas compris l’essence de sa foi. 16/12/79, p.36-37, VIII.

 

A) Déjà, dès l’Ancien Testament, existait cette idée de la Présence de Dieu

 

Ce n’est pas une idée abstraite, statique, métaphysique de Dieu.

C’est la rĂ©alitĂ© dont veut nous convaincre Ă©galement la première lecture (So 3,14-18a). Un des prophètes nous annonce ce Dieu qui vient, qui existe non comme quelque chose de statique, de mĂ©taphysique, comme un concept catĂ©chistique de Dieu, mais plutĂ´t comme un Dieu vivant, un Dieu qui se prĂ©sente dans la lecture d’aujourd’hui comme Roi d’IsraĂ«l (So 3,15-17) : « YahvĂ© est roi au milieu de toi. Tu n’as plus de malheur Ă  craindre. Ce jour-lĂ , on dira Ă  JĂ©rusalem : Sois sans crainte, Sion! Que tes mains ne dĂ©faillent pas! YahvĂ© ton Dieu est au milieu de toi, hĂ©ros sauveur! Â»

C’est un Dieu vivant qui accompagne l’Histoire

 

L’idée de Dieu dans l’Ancien Testament

 

 Il est bon qu’à notre époque nous nous libérions d’une vision statique de Dieu pour la remplacer par une vision d’un Dieu dynamique, d’un Dieu qui marche avec son peuple, d’un Dieu qui agit et qui inspire les humains dans leurs efforts de libération, d’un Dieu qui n’observe pas avec indifférence la clameur de ceux qui souffrent, de ceux qui, comme en Égypte, souffraient l’esclavage, le fouet, l’exclusion, l’humiliation. Il est disposé, à son heure, à nous envoyer un guide, un Rédempteur. Il est parmi nous. C’est la grande nouvelle que nous communique Jean Baptiste.

 

B) Dans le Nouveau Testament, le Christ est le Dieu visible dans l’Histoire

 

Concile Vatican II

 

En notre temps, le Concile Vatican II, après nous avoir dit comment Dieu se rĂ©vĂ©la dans sa CrĂ©ation, au travers d’une nature si explicite de la PrĂ©sence de Dieu parmi nous, envoya son propre Fils pour nous donner une rĂ©vĂ©lation plus intime, surnaturelle. JĂ©sus-Christ n’est pas venu sous une forme statique - seulement pour contempler -, Il est venu se situer dans l’Histoire de tous les peuples et semer son EspĂ©rance et sa foi dans le cĹ“ur de toutes les races. Ce Christ est la plĂ©nitude de la rĂ©vĂ©lation. Il est le signe que Dieu est parmi nous en train de nous aimer, de nous comprendre, faisant sien le vĂ©cu tout entier de tous les hommes, dans tous les sens, moins le pĂ©chĂ© duquel, prĂ©cisĂ©ment, Il tente de nous libĂ©rer pour que nous soyons ce que nous devons ĂŞtre. « Dieu est avec nous, dit le Concile, dans le Christ, pour nous libĂ©rer des tĂ©nèbres et de la mort, et nous faire ressusciter Ă  une vie Ă©ternelle. Â» (D.V.4) 16/12/79, p.36-38, VIII.

 

Jean, l’annonce dynamique du Sauveur

 

Jean Baptiste prĂŞchait très bien cette prĂ©sence du Christ que l’Évangile nous raconte (Lc 3,15-16) : « Comme le peuple Ă©tait dans l’attente et que tous se demandaient en leur cĹ“ur, au sujet de Jean, s’il n’était pas le Christ, Jean prit la parole et leur dit : “Je vous baptise avec de l’eau - pour Ă©veiller dans votre cĹ“ur une disposition morale pour l’accueillir -, mais vient plus fort que moi, et je ne suis pas digne de dĂ©lier la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu. Â» Il est dĂ©jĂ  parmi nous.

 

Saint Paul : « Le Seigneur est près! Â»

 

La seconde lecture nous exhorte prĂ©cisĂ©ment Ă  la joie, parce que la PrĂ©sence de Dieu dans l’Histoire est une thèse substantielle de la Bible, de la RĂ©vĂ©lation de Dieu. Aucun chrĂ©tien- ne doit se sentir seul sur son chemin; aucune famille ne doit se sentir dĂ©semparĂ©e; aucun peuple ne doit ĂŞtre pessimiste mĂŞme au milieu des crises qui paraissent les plus insolubles comme celle de notre pays. Dieu est parmi nous.

 

Ayons foi dans cette vĂ©ritĂ© de la RĂ©vĂ©lation sacrĂ©e. Dieu est prĂ©sent. Il ne dort pas. Il est actif. Il observe. Il aide. Et en son temps, Il agit opportunĂ©ment. C’est pourquoi la PrĂ©sence de Dieu Ă©veille dans le cĹ“ur la joie vĂ©ritable (Ph 4,4) : « RĂ©jouissez-vous dans le Seigneur; de nouveau je vous le rĂ©pète : rĂ©jouissez-vous parce que Dieu est proche! » C’est le grand appel fait par saint Paul non seulement Ă  la communautĂ© des Philippiens, mais aux chrĂ©tiens de tous les temps : Dieu est proche, source de joie. 16/12/79, p.37-38, VIII.

 

2) Libération sous le signe de l’allégresse

 

A) « Soyez toujours heureux dans le Seigneur! Â»

 

Cela est basé sur la proximité de Dieu. Dieu est allégresse. Dieu ne veut pas la tristesse. Dieu est optimiste. Dieu est tout-puissant pour faire le bien. Dieu est l’amour. Qui peut être triste avec la présence de Dieu qui le comble entièrement?

 

 

Rien ne nous préoccupe, dit saint Paul. Manifestez cette allégresse dans la prière, dans l’action de grâce, dans vos requêtes, reconnaissant vos limites mais sachant que quelqu’un peut combler ce qui nous manque.

 

Dans la crise des peuples, sachez que Dieu possède la clĂ© de l’Histoire dans sa main et vous saurez sortir la patrie de cette terrible situation oĂą nous sommes actuellement. Cette allĂ©gresse Ă©quivaut Ă  la paix de Dieu qui surpasse tout jugement. C’est ainsi que saint Paul dit (Ph 4,7) : « La paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde vos cĹ“urs et vos pensĂ©es, dans le Christ JĂ©sus. Â»

 

B) Qualité de cette allégresse

 

Ce n’est pas une allĂ©gresse du monde, de plaisirs, de fausses joies que les hommes appellent bonheur et qui ne sont en dĂ©finitive, qu’amertume, angoisses et saletĂ©s. C’est l’allĂ©gresse que produit la paix de Dieu dans le cĹ“ur. AllĂ©gresse que l’on peut possĂ©der mĂŞme au milieu des tribulations parce que c’est une allĂ©gresse qui Ă©mane de la RĂ©demption. Et la RĂ©demption s’est faite avec la Croix. La douleur de l’homme est une croix, et, en tant que croix, apporte la RĂ©demption et doit donner la paix, l’allĂ©gresse de Pâques, l’EspĂ©rance de la rĂ©surrection. Ce n’est pas du conformisme parce que le conformisme n’est pas non plus l’allĂ©gresse. Le conformisme se voit dans un homme pessimiste, un homme fataliste qui croit que tout lui est imposĂ© d’en haut et qu’il ne peut influencer le cours de son destin. C’est un faux concept. Je dirais mĂŞme un blasphème, en croyant que cela est la volontĂ© de Dieu cette condition d’opprimĂ©, cette situation de marginalitĂ© de laquelle il ne fait pas d’efforts pour en sortir. Celui-lĂ  offense Dieu. Dieu ne veut pas l’injustice sociale.

 

L’allégresse doit animer et être une impulsion à l’agir chez l’être humain

 

MĂŞme s’il est davantage nĂ©cessiteux, davantage marginalisĂ©, davantage opprimĂ©, l’homme doit rĂ©pondre non par la haine ou le ressentiment, mais avec la sainte allĂ©gresse de ceux qui se confient dans le Tout-Puissant, comme lorsque Marie, appartenant Ă  un peuple opprimĂ© sous l’Empire Romain, disait (Lc 1,53-52) : « Il a comblĂ© de biens les affamĂ©s et renvoyĂ© les riches les mains vides. Il a renversĂ© les potentats de leurs trĂ´nes et Ă©levĂ© les humbles. Â» C’est cela, la grande allĂ©gresse, celle de Marie, celle de la Vierge, celle des vĂ©ritables bienheureux, mĂŞme au pied de la Croix. Sachons distinguer cette grande force de Dieu que nous donne : l’allĂ©gresse.

 

Cette allégresse doit être un témoignage devant toute l’humanité

 

Saint Paul dit (Ph 4,5) : « Que votre modĂ©ration soit connue de tous les hommes. Â» Notre attitude chrĂ©tienne face aux situations et aux conjonctures des peuples ne doit pas ĂŞtre confondue avec les attitudes rĂ©volutionnaires de ceux qui ne croient pas en Dieu. Elle doit avoir l’allĂ©gresse de l’EspĂ©rance qui travaille mĂŞme en union avec ceux qui n’ont pas la foi ni l’EspĂ©rance. Elle doit leur apporter un Ă©lĂ©ment nouveau, initier de nouvelles motivations dans les luttes de la Terre qui ne seront efficaces que lorsqu’on prendra en compte cette transcendance de Celui qui apporte optimisme et allĂ©gresse, et qui peut communiquer ferment et force Ă  tous ces combats.

 

Il est triste que des chrétiens, au lieu d’être le ferment des organisations politiques populaires, ferment de christianisme, élans de joie et du surnaturel, soient lâches. Ils se laissent manipuler et perdent leur foi, alors qu’ils devraient communiquer leur foi aux forces libératrices du monde.

 

Je voudrais que nous récupérions notre orgueil d’être chrétiens et que nous soyons optimismes dans le Seigneur et dans notre foi. Qu’à partir de cette foi, nous sachions incorporer à la grande libération du Christ, la lutte de notre peuple. Nous ne sommes pas contre la lutte prolongée. La nôtre, chrétiens, se prolonge depuis vingt siècles. Nous avons lutté contre toutes les tyrannies et contre tous les esclavages au nom de Celui qui ne se conforme à aucun projet concret de la Terre parce qu’Il est disposé à toujours demeurer critique afin de donner les meilleurs horizons aux humains qui véritablement poursuivent le bien de l’humanité et veulent toujours un monde meilleur. Ceci, vous le rencontrerez toujours dans une foi optimiste et allègre comme celle que professe notre christianisme. 16/12/79, p.38-40, VIII.

 

Description de la transfiguration d’un état de péché à une fête de l’amitié avec Dieu

 

La première lecture (So 3,14-18a) d’aujourd’hui est typique pour chanter la véritable allégresse de celui qui croit en Dieu. Le prophète dans tout ce troisième chapitre - que je vous recommande de lire intégralement - décrit la tristesse d’un peuple qui est tombé dans le péché, et qui a été déporté en exil, qui est humilié mais qui ne perd pas son optimisme. Il comprend que c’est le châtiment de Dieu qu’il est en train de vivre. Il demande pardon à Dieu et se convertit.

Conversion qui constituera le reste d’Israël et l’esprit de pauvreté.

Il y a dans cette conversion une promesse de Salut lorsque le prophète annonce le grand jour du Seigneur. Il dit (So 3,11-13) : « Ce jour-lĂ , tu n’auras plus honte de tous les mĂ©faits que tu as commis contre Moi, car J’écarterai de ton sein tes orgueilleux triomphants et tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte. Je ne laisserai subsister en ton sein qu’un peuple humble et modeste, et c’est dans le nom de YahvĂ© que cherchera refuge le reste d’IsraĂ«l. Ils ne commettront plus d’iniquitĂ©s, ils ne diront plus de mensonges; on ne trouvera plus dans leur bouche de langue trompeuse. Â»

 

Pour la première fois dans la Bible, le Prophète Sophonie nous dit en quoi consiste l’esprit de pauvreté. C’est ce peuple simple et humble qui a mis en Dieu seul son espérance. C’est ce peuple dans lequel la vanité et l’orgueil ne sont plus inscrits; cela le dépréciait. C’est le peuple élu qui, par la douleur et la souffrance, s’est converti à Dieu et qui, au milieu du peuple d’Israël constitue ce reste d’espérance.

Chères communautĂ©s chrĂ©tiennes, ici se trouve le portrait de ce que nous devons ĂŞtre : des communautĂ©s qui placent toute leur confiance en Dieu. Ne participons pas au faux orgueil de ceux qui mettent leur force et leur croyance dans les choses de la Terre. La vĂ©ritable pauvretĂ© est de se soucier en prioritĂ© des pauvres comme s’il s’agissait lĂ  de notre propre cause. C’est pourquoi Ă©galement, nous devons nous sentir dĂ©munis et nĂ©cessiteux de la force de Dieu en toutes circonstances.

 

Les lectures d’aujourd’hui nous Ă©clairent et c’est un thème que, dans la Bible, nous pouvons retrouver abondamment dans les Psaumes et les Évangiles : « RĂ©jouissez-vous car votre rĂ©compense sera grande dans le ciel. Sur cette Terre, vous connaĂ®trez de nombreuses tristesses, mais rĂ©jouissez-vous parce que cette joie cĂ©leste, personne ne pourra vous l’enlever. Â» C’est lĂ  le grand dĂ©sir du message de ce matin : joie, espĂ©rance. Que s’éloignent de tous les cĹ“urs le pessimisme et la dĂ©pression! Qu’en Ă©change, aussi obscures que se prĂ©sentent les perspectives prĂ©sentes et Ă  venir, nous sentions plus clairement notre confiance en Celui qui peut tout. 16/12/79, p.41, VIII.

 

3) Conversion à Dieu, unique chemin de la libération joyeuse

 

Je vais vous indiquer maintenant le chemin permettant d’acquĂ©rir cette joyeuse LibĂ©ration que doivent savourer dĂ©jĂ  tous les chrĂ©tiens. Je voudrais vous dire ceci : celui qui possède cette joie est dĂ©jĂ  libĂ©rĂ© intĂ©rieurement de toutes ces dĂ©pressions. C’est dĂ©jĂ  un ĂŞtre promu et il est davantage prĂ©disposĂ© Ă  travailler Ă  la promotion des autres. Tant que vous aurez un cĹ“ur dĂ©primĂ© par la haine, par la vengeance, par la violence, vous ne pourrez pas ĂŞtre d’authentiques instruments de libĂ©ration tels que Dieu le veut. C’est vous, chers chrĂ©tiens, purifiĂ©s du pĂ©chĂ©, appuyĂ©s sur la croix, qui offrez au pays et au monde le vĂ©ritable Salut. Vous le savourez dĂ©jĂ . Vous ĂŞtes libres. Personne n’est plus libre que celui qui n’est pas attachĂ© aux passions et au pĂ©chĂ©. Combien plus graves et plus nĂ©fastes sont les structures injustes de notre peuple, avec tous ceux qui y sont enchaĂ®nĂ©s. Il est temps qu’au-dessus de toute la force libĂ©ratrice, vienne la force du Seigneur.

 

Le chemin n’est autre que celui de la conversion. Conversion à Dieu.

Rappelez-vous. Dimanche dernier, je disais dans ce contexte historique de la Palestine, que l’Esprit du Seigneur inspira Jean Baptiste Ă  sortir du dĂ©sert pour aller prĂŞcher. Il est la voix de celui qui crie dans le dĂ©sert (Lc 3,4-5) : « PrĂ©parez les chemins du Seigneur, rendez droits ses sentiers; tout ravin sera comblĂ©, et toute montagne ou colline sera abaissĂ©e. Â» Il s’agit d’images orientales qui expriment des situations morales.

 

Jean disait aux multitudes

 

C’est pourquoi l’Évangile poursuit en disant (Lc 3,7-9) : « Engeance de vipères, qui vous a suggĂ©rĂ© d’échapper Ă  la Colère prochaine? Produisez donc des fruits dignes de repentir, et n’allez pas dire vous-mĂŞmes : nous avons pour père Abraham. Â» Car je vous dis que Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants Ă  Abraham. DĂ©jĂ  mĂŞme la cognĂ©e se trouve Ă  la racine des arbres; tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits va ĂŞtre coupĂ© et jetĂ© au feu. Â»

 

Conversion-BaptĂŞme

 

C’est ici que s’insère la pĂ©ricope que nous avons lue dans l’Évangile d’aujourd’hui. (Lc 3,10-11) : « Et les foules l’interrogeaient en disant : « Que nous faut-il faire? » Il leur rĂ©pondait : « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de mĂŞme. Â»

 

Il s’approchait de tous les milieux. Jean ne rejetait personne

 

(Lc 3,12-14) : « Des publicains vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : « MaĂ®tre, que nous faut-il faire? » Il leur dit : « N’exigez rien au-delĂ  de ce qui vous est prescrit. Â» Des soldats aussi l’interrogeaient, en disant : « Et nous que nous faut-il faire? » Il leur dit : « Ne molestez personne, n’extorquez rien, contentez-vous de votre solde. Â» Et c’est ainsi que Jean indiquait Ă  chaque catĂ©gorie sociale ses propres devoirs, la conversion. Et après, seuls ceux qui se convertissaient allaient avec lui jusqu’au fleuve Jourdain pour y ĂŞtre baptisĂ©s. Il s’agissait d’un signe de purification qui exprimait une attitude intĂ©rieure. Si un homme ne voulait pas laisser ses mauvais chemins, il ne pouvait ĂŞtre baptisĂ©. Jean Baptiste prĂŞchait et baptisait. Il posait lĂ  un signe de conversion.

 

« Tous recherchaient la RĂ©demption. Â»

 

La RĂ©demption est universelle. Dieu vient dans l’Histoire pour offrir le Salut Ă  tous. Combien est prĂ©cieuse cette prière de notre messe, la quatrième prière eucharistique qui dit : « Dieu tend ses mains pour que Le rencontrent tous ceux qui Le cherchent avec un cĹ“ur sincère. Â» Il n’est pas nĂ©cessaire, parfois, d’avoir connu le christianisme. Ceux qui ne purent pas Le connaĂ®tre mais qui dans leur religion paĂŻenne, cherchent avec un cĹ“ur sincère et honnĂŞte Ă  servir Dieu selon leur tradition, Dieu les sauve. Qui sait si Ă  l’intĂ©rieur de notre Église, n’existent pas la foi et la quĂŞte de Dieu comme peut-ĂŞtre davantage au-dehors des limites de notre Église? Grâce Ă  Dieu, nous avons des gens très saints dans notre Église!

 

Lorsque je demande dans l’Eucharistie : « Seigneur, ne te fie pas Ă  mes pĂ©chĂ©s, mais Ă  la foi de ton Église, Â» je pense Ă  tous ces cĹ“urs anonymes, pauvres et simples qui sont la force de notre Église. Mais ce matin, nous comprenons comment Jean, symbole de la prĂ©dication de l’Église, on le cherche de toutes parts. De tous les milieux, on vient vers lui. Il est fait mention de deux milieux très difficiles dans l’histoire d’IsraĂ«l : ceux des publicains et des militaires. Les publicains Ă©taient des hommes mĂ©prisĂ©s, sous d’autres aspects, comme les prostituĂ©es d’aujourd’hui. Des gens qu’il n’était pas convenable de frĂ©quenter. Et, Ă  ces ĂŞtres marginalisĂ©s moralement, Jean enseigne qu’il existe Ă©galement pour eux des chemins de Salut. Le Christ dit un jour : « Il se pourrait bien que les publicains et les prostituĂ©s entrent au Règne des Cieux et que vous n’y entriez pas, pharisiens, hypocrites, qui faites consister la religion en apparences, et vous vous dites les meilleurs en dĂ©prĂ©ciant les autres comme des mauvais. Â» Qui sait qui sera le mauvais et le meilleur en prĂ©sence de Dieu?

 

Aux soldats Ă©galement, il fait un appel Ă  la conversion. Combien disent aujourd’hui : « On ne peut espĂ©rer rien de bon des militaires. Â» Je crois qu’ici, il y a un point dans l’Évangile d’aujourd’hui, Ă  savoir : qu’il n’y a personne qui soit condamnĂ© de son vivant, aussi mauvais qu’il ait Ă©tĂ©, autant de fautes qu’il ait commises! Il existe un appel de Dieu qui l’appelle Ă  la conversion. C’est une espĂ©rance lorsque surgit de la pourriture un brin de bonne volontĂ©; c’est un signal que le peuple n’est pas encore perdu, et ce, mĂŞme s’il n’y avait qu’une infime part de Salut au milieu des crises les plus sombres du peuple.

 

C’est pourquoi, mes frères, je n’apporte mon appui à aucune option politique. Je refais simplement l’appel de Jean qui se laisse approcher par les soldats pour leur dire ce qu’ils doivent faire s’ils veulent véritablement entrer dans le Règne de Dieu. Jean ne se vend à personne. L’Église ne se vend à personne. L’Église ne s’engage qu’envers le Règne de Dieu et pose les exigences du Règne de Dieu à tous ceux qui s’approchent d’elle. Elle ne peut rejeter personne qui s’en approche avec un cœur sincère.

 

Appel de Jean Ă  tous : il exige d’eux un engagement personnel envers la justice

 

La conversion est quelque chose de personnel, comme le péché l’est également. L’homme n’est purifié de son péché que lorsqu’il se repent lui-même et qu’il cherche les chemins de la justice.

 

Il ne suffit pas de proclamer des messages de bonne volonté. Jean baptise uniquement ceux qui, en vérité, ont fait une rupture avec leur passé.

 

Et parmi ceux qui rompirent avec leur passé pour obéir à l’exigence de conversion posée par Jean Baptiste, se trouvaient plusieurs de ceux qui formeront le groupe des apôtres du Seigneur. L’Église est née de pécheurs; ne l’oublions pas, chers chrétiens. L’Église est sainte parce qu’elle porte l’Esprit de Dieu qui l’anime, mais elle est pécheresse et elle a besoin de conversion parce que c’est nous qui la formons. Nous, hommes et femmes, enclins au péché, qui possédons parfois un passé difficile dont nous avons honte; mais, une fois que nous nous sommes convertis, nous tâchons, nous tâchons, dis-je, de demeurer fidèles au Seigneur. Ce n’est pas que nous Le suivions déjà à la perfection, mais l’effort de Le suivre fait le véritable disciple de notre Seigneur Jésus-Christ.

 

C’est cela, le souci permanent de l’Église : que les gens se libèrent des actes irresponsables de leur milieu.

 

Paul Ă©crivait aux Romains : « Que celui qui mentait, qu’il dise la vĂ©ritĂ©, que celui qui volait, qu’il se mette Ă  travailler. Â» Comme nous pourrions complĂ©ter ces phrases de saint Paul : Que celui qui Ă©tait mauvais, qu’il commence Ă  ĂŞtre bon et il sera heureux de la fĂ©licitĂ© qu’il ne trouvera pas en volant ou en extorquant, ni en faisant le mal et en torturant.

 

Tout ce passé ne peut apporter le bonheur, ni ne pourra être la solution de la patrie. Convertissez-vous! Et vous découvrirez que le bonheur consiste à collaborer avec amour au bien de tous. 16/12/79, p.42-44, VIII.

 

 

La conversion amène au partage

 

Que celui qui a deux tuniques, en donne une Ă  celui qui n’en a pas et que celui qui a Ă  manger, partage mĂŞme si c’est peu de chose, avec celui qui n’en a pas. C’est cela, une sociĂ©tĂ© solidaire. C’est celle que l’Église promeut : une sociĂ©tĂ© prĂ©occupĂ©e de donner Ă  tous le nĂ©cessaire et qui n’accepte pas aveuglĂ©ment la diffĂ©rence qui naĂ®t de l’argent ou de la force. « N’abusez pas des gens Â», disait Jean Baptiste, et l’Église rĂ©pète : « N’abusez pas. Â» Il n’existe pas d’êtres humains de deux catĂ©gories. Il n’y a personne qui soit nĂ© pour tout possĂ©der et laisser les autres sans rien. Une majoritĂ© qui ne possède rien et qui ne peut savourer le bonheur que Dieu a crĂ©Ă© pour tous. C’est cela, la sociĂ©tĂ© chrĂ©tienne que Dieu veut : une sociĂ©tĂ© oĂą nous partageons le bien que Dieu a crĂ©Ă© pour tous. […]

 

La conversion sera durable et profonde si nous sommes capables de critiquer notre fausse manière de voir le monde et les hommes. Je veux insister sur cela, mes frères, parce que je crois que nous avons besoin aujourd’hui, davantage plus que jamais, de citoyens matures qui possèdent un sens critique. N’attendez pas de voir vers quoi s’incline l’évĂŞque ou ce que disent les autres ou l’organisation. Chacun doit ĂŞtre un homme, une femme critique : « C’est Ă  ses fruits que vous reconnaĂ®trez l’arbre. Â» Observez bien le produit et critiquez selon les Ĺ“uvres : le gouvernement, l’organisation politique populaire, le parti politique, tel ou tel groupe. Ne vous laissez pas manipuler. C’est vous le peuple qui devez rendre une sentence de justice au peuple qui en a besoin. C’est pourquoi chacun doit regarder de ses propres yeux. Chacun doit faire abstraction du climat politique oĂą nous sommes. Je pense, par exemple, au nombre de pauvres femmes de chambre qui doivent penser selon ce que leur dit leurs patrons! Cela ne doit pas ĂŞtre ainsi. Vous devez penser librement. C’est ainsi qu’on manipule les masses parce qu’on retient beaucoup de gens attachĂ©s par la faim. Il faut savoir critiquer et voir le monde et les humains avec ses propres critères, et un chrĂ©tien doit apprendre Ă  aiguiser ses critères chrĂ©tiens.

 

Le riche doit critiquer, au sein de son propre milieu social, le pourquoi de sa richesse, le pourquoi de la misère Ă  ses cĂ´tĂ©s. Un chrĂ©tien riche rencontre le principe de sa conversion, dans une critique personnelle : Pourquoi suis-je riche et pourquoi y a-t-il autant d’affamĂ©s autour de moi?

 

Le mari infidèle se convertit et il sera un mari fidèle lorsqu’il prendra conscience de son machisme et de son incapacitĂ© d’avoir avec son Ă©pouse une relation adulte et mature de chrĂ©tien. Ce que je veux dire avec tout cela, c’est que nous ne devons pas vivre Ă  partir de ce que disent les autres. La conversion que Jean Baptiste demande Ă  chacun : « D’oĂą viens-tu? De l’armĂ©e? Si tu veux entrer dans le Règne de Dieu, pense Ă  cela et convertis-toi au Seigneur. De quel groupe viens-tu? Des publicains, des prostituĂ©es? Cela importe peu. Commence Ă  voir le monde avec tes yeux d’enfant de Dieu et cesse de faire ce que tu faisais. Â»

 

Frères, combien de gens, - c’est le péché dans lequel nous vivons - se privent de leurs propres critères? Combien en arrivent à suspecter les autres, jusqu’à l’évêque, parce qu’ils veulent qu’ils pensent comme eux? Ou, eux-mêmes se laissent influencer par les autres dans leurs choix. Non. Je vous offre ici une réflexion sur la Parole de Dieu afin que chacun de vous l’assimile et qu’à partir de sa propre personnalité, il agisse comme chrétien s’il désire véritablement faire honneur à la foi qu’il professe et ne pas être victime des manipulations et de l’environnement.

 

La conversion de Jean est non seulement personnelle mais recherche une rénovation sociale. La conversion d’un publicain, d’un soldat, d’un alcoolique ne suffit pas. Il faut découvrir le réseau de complicités qui permet la prostitution à grande échelle. Si ce n’est qu’il s’agit déjà d’un système! Lorsqu’on annoncera les noms des propriétaires de certains motels et de certaines maisons de prostitution, certains seront estomaqués. Parfois, ces mêmes puritains qui condamnent l’immoralité du péché, font partie de ce système qui corrompt le peuple en soûleries et en prostitutions.

 

La conversion que Jean demande est - traduite en terme moderne - que chacun découvre le circuit économique qui naît de l’alcoolisme. Quelle honte de savoir que l’État lui-même se fait tavernier, marchand d’alcool pour pouvoir se financer. En cette heure de révision, les responsables économiques du pays doivent assainir les sources de leur économie et ne pas permettre que le peuple pauvre, pour contribuer à l’économie du pays, doive s’empoisonner en achetant de l’alcool, tandis que d’autres revenus d’impôts pour l’État demeurent inexploités.

 

Une véritable conversion chrétienne aujourd’hui doit découvrir les mécanismes sociaux qui font de l’ouvrier et du paysan, des personnes marginalisées. Pourquoi n’y a-t-il qu’un revenu pour le pauvre paysan. Celui qu’il gagne pendant la courte période de la récolte du café, du coton et de la canne à sucre? Pourquoi cette société a-t-elle besoin d’avoir tant d’ouvriers agricoles sans travail, d’ouvriers mal payés, de gens sans salaire? Ces mécanismes doivent être révisés non à la manière des sociologues ou des économistes, mais à la manière des chrétiens pour ne pas être complices de cette machinerie qui fabrique toujours davantage de pauvres, d’exclus et d’indigents.

 

C’est seulement par ce chemin de conversion que l’on pourra rencontrer la vĂ©ritable paix dans la justice. C’est pourquoi la figure de Jean Baptiste, en plein cĹ“ur de l’avent, est la figure de l’Église et de la communautĂ© chrĂ©tienne qui, loin d’être Ă  la recherche de solutions de vengeance et de violence, cherchent dans la racine du mal qui ronge notre sociĂ©tĂ© : dans le pĂ©chĂ©. Elle cherche une conversion qui devient aussi la conversion du peuple, et non seulement de chaque individu.

 

Alors que Jean Baptiste annonçait tout cela, les gens se demandaient : « Serait-ce lui le Messie? » Il leur dit : « Je ne suis qu’un humble prĂ©curseur qui baptise avec de l’eau. Â» C’était un rite, rien de plus, pour exprimer l’intĂ©rioritĂ© humaine. Comme l’eau du baptĂŞme qui sèche et laisse l’homme extĂ©rieurement dans le mĂŞme Ă©tat qu’avant le baptĂŞme, il en est de mĂŞme de cette attitude morale qui, si elle ne persĂ©vère pas, ne sera que convenance ou opportunisme. Comme aujourd’hui dans le domaine politique. Ceux qui penchent vers la moralitĂ© populaire. Si les choses changent, ils changeront eux aussi

 

Nous parlons ici des moyens de communication sociale qui se prĂŞtent Ă  la manipulation et au soutien du pĂ©chĂ© d’injustice sociale qui ne peut ĂŞtre dĂ©fendu sous aucun prĂ©texte. C’est pourquoi l’Église appuie tous ceux qui fomentent le changement structurel. Elle ne s’en tient pas Ă  cela, naturellement, parce que l’Église a dit par la voix de Paul VI : « Changer de structures sans changer les cĹ“urs des humains, c’est simplement placer ces nouvelles structures au service de nouveaux pĂ©chĂ©s. Â» « Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, disait MedellĂ­n, pour avoir un nouveau continent, il ne suffit pas d’avoir de nouvelles structures mais un changement de cĹ“urs. Â»

 

Telle est ma prĂ©tention comme pasteur! Je ne dĂ©fends pas ici telle ou telle conjoncture, tel gouvernement ou tel autre groupe. Ce que je tente de faire, c’est d’illuminer n’importe quelle conjoncture avec la Parole de justice du Seigneur et d’exiger de tous les systèmes, de tous les partis, de toutes les organisations et de tous ceux qui aiment le bien vĂ©ritable du pays : qu’ils se convertissent! Et, Ă  partir de la perspective d’une conversion Ă©vangĂ©lique, qu’ils sachent donner au peuple la mĂ©decine dont ce peuple a besoin. 16/12/79, p.45-47, VIII.