Dieu apporte la joie de sa libération
pour tous. Convertissons-nous!
Troisième dimanche de l’avent; 16
décembre 1979; Lectures : Sophonie 3,14-18a; Philippiens 4,4-7; Luc 3,10-18.
L’allégresse d’être sujet et objet de
l’Histoire du Salut
C’est cette allégresse que nous
célébrons par la Venue de Dieu dans l’Histoire. Allégresse d’avoir été les
confidents du Seigneur qui nous fait connaître son projet de salut pour tous
les ĂŞtres humains. Il fait de nous les objets et les sujets de ce projet. Il
nous appelle Ă collaborer avec Lui au Salut du monde.
Jean Baptiste, symbole de l’homme sur
qui compte Dieu pour cette Histoire
La semaine dernière, nous avions dĂ©jĂ
anticipé le thème de ce dimanche, sous le même signe de Jean le Baptiste que
nous présentions comme le Précurseur et le modèle de tous ceux dont Dieu a
besoin pour rendre prĂ©sente, dans le monde, sa Bonne Nouvelle du Salut, Ă
savoir : l’Église, la communauté chrétienne, tous ceux qui continuent
d’être précurseurs de la venue du Seigneur pour sauver le monde.
Le prédicateur des exigences morales
qui nous disposent à être récepteurs de la Venue de Dieu
 Aujourd’hui, Jean Baptiste se présente comme
l’éducateur, le moraliste, le prédicateur qui va nous enseigner les exigences
morales requises dans l’accueil du Salut que Dieu apporte. C’est un message
d’austérité mais qui apparaît en même temps comme la condition d’une joie
profonde.
Plan de l’homélie :
1) Dieu est venu dans notre histoire
2) Libération sous le signe de
l’allégresse
3) Conversion Ă Dieu, unique chemin
de la libération joyeuse
1) Dieu est venu dans notre histoire
Tout d’abord, ratifions cette idée
qui est celle que nous cĂ©lĂ©brons tout au long de cet avent prĂ©paratoire Ă
Noël : la Présence de Dieu dans l’Histoire.
Cette Venue est l’objet de la
célébration de l’avent
Le titre de cette période « avent »
célèbre, précisément, un avènement : Dieu qui vient aux humains. C’était
le message des prophètes qui culmine en ce Nom qu’Isaïe donne à ce Dieu qui
vient nous sauver : « Emmanuel », Dieu avec nous.
Ce message est le message de Jean le
Baptiste dans l’Évangile d’aujourd’hui (Lc 3,10-18)
L’Évangile (3,1) nous présente
précisément Jean dans un contexte historique : « Tibère était
empereur et Ponce Pilate gouverneur de Palestine. » Il mentionne les
quatre tétrarques et les pontifes du temps. Dans ce contexte
historico-religieux, l’Esprit Saint fit entendre sa voix à Jean, fils de
Zacharie, qui grandissait au désert et qui, de là , sortit annoncer, par toute
la région du Jourdain, la venue prochaine de Dieu. « Le Règne de Dieu est
déjà présent. Au milieu de vous est Celui que vous ne connaissez pas. » Il
annonce la grande nouvelle : Dieu est venu! Et cela continue d’être la
grande nouvelle des chrétiens. Le chrétien qui ne ressent pas avec joie cette
proximité de Dieu dans l’Histoire, n’a pas compris l’essence de sa foi.
16/12/79, p.36-37, VIII.
A) Déjà , dès l’Ancien Testament,
existait cette idée de la Présence de Dieu
Ce n’est pas une idée abstraite,
statique, métaphysique de Dieu.
C’est la réalité dont veut nous
convaincre également la première lecture (So 3,14-18a). Un des prophètes nous
annonce ce Dieu qui vient, qui existe non comme quelque chose de statique, de
métaphysique, comme un concept catéchistique de Dieu, mais plutôt comme un Dieu
vivant, un Dieu qui se présente dans la lecture d’aujourd’hui comme Roi
d’Israël (So 3,15-17) : « Yahvé est roi au milieu de toi. Tu n’as
plus de malheur Ă craindre. Ce jour-lĂ , on dira Ă JĂ©rusalem : Sois sans
crainte, Sion! Que tes mains ne défaillent pas! Yahvé ton Dieu est au milieu de
toi, héros sauveur! »
C’est un Dieu vivant qui accompagne
l’Histoire
L’idée de Dieu dans l’Ancien
Testament
 Il est bon qu’à notre époque nous nous
libérions d’une vision statique de Dieu pour la remplacer par une vision d’un
Dieu dynamique, d’un Dieu qui marche avec son peuple, d’un Dieu qui agit et qui
inspire les humains dans leurs efforts de libération, d’un Dieu qui n’observe
pas avec indifférence la clameur de ceux qui souffrent, de ceux qui, comme en
Égypte, souffraient l’esclavage, le fouet, l’exclusion, l’humiliation. Il est
disposé, à son heure, à nous envoyer un guide, un Rédempteur. Il est parmi
nous. C’est la grande nouvelle que nous communique Jean Baptiste.
B) Dans le Nouveau Testament, le
Christ est le Dieu visible dans l’Histoire
Concile Vatican II
En notre temps, le Concile Vatican II,
après nous avoir dit comment Dieu se révéla dans sa Création, au travers d’une
nature si explicite de la Présence de Dieu parmi nous, envoya son propre Fils
pour nous donner une révélation plus intime, surnaturelle. Jésus-Christ n’est
pas venu sous une forme statique - seulement pour contempler -, Il est venu se
situer dans l’Histoire de tous les peuples et semer son Espérance et sa foi
dans le cœur de toutes les races. Ce Christ est la plénitude de la révélation.
Il est le signe que Dieu est parmi nous en train de nous aimer, de nous
comprendre, faisant sien le vécu tout entier de tous les hommes, dans tous les
sens, moins le péché duquel, précisément, Il tente de nous libérer pour que
nous soyons ce que nous devons être. « Dieu est avec nous, dit le Concile,
dans le Christ, pour nous libérer des ténèbres et de la mort, et nous faire
ressusciter à une vie éternelle. » (D.V.4) 16/12/79, p.36-38, VIII.
Jean, l’annonce dynamique du Sauveur
Jean Baptiste prêchait très bien
cette présence du Christ que l’Évangile nous raconte (Lc 3,15-16) :
« Comme le peuple était dans l’attente et que tous se demandaient en leur
cœur, au sujet de Jean, s’il n’était pas le Christ, Jean prit la parole et leur
dit : “Je vous baptise avec de l’eau - pour éveiller dans votre cœur une
disposition morale pour l’accueillir -, mais vient plus fort que moi, et je ne
suis pas digne de délier la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans
l’Esprit Saint et dans le feu. » Il est déjà parmi nous.
Saint Paul : « Le Seigneur
est près! »
La seconde lecture nous exhorte précisément
à la joie, parce que la Présence de Dieu dans l’Histoire est une thèse
substantielle de la Bible, de la Révélation de Dieu. Aucun chrétien- ne doit se
sentir seul sur son chemin; aucune famille ne doit se sentir désemparée; aucun
peuple ne doit ĂŞtre pessimiste mĂŞme au milieu des crises qui paraissent les
plus insolubles comme celle de notre pays. Dieu est parmi nous.
Ayons foi dans cette vérité de la
Révélation sacrée. Dieu est présent. Il ne dort pas. Il est actif. Il observe.
Il aide. Et en son temps, Il agit opportunément. C’est pourquoi la Présence de
Dieu éveille dans le cœur la joie véritable (Ph 4,4) :
« Réjouissez-vous dans le Seigneur; de nouveau je vous le répète :
réjouissez-vous parce que Dieu est proche! » C’est le grand appel fait par
saint Paul non seulement à la communauté des Philippiens, mais aux chrétiens de
tous les temps : Dieu est proche, source de joie. 16/12/79, p.37-38, VIII.
2) Libération sous le signe de
l’allégresse
A) « Soyez toujours heureux dans
le Seigneur! »
Cela est basé sur la proximité de
Dieu. Dieu est allégresse. Dieu ne veut pas la tristesse. Dieu est optimiste.
Dieu est tout-puissant pour faire le bien. Dieu est l’amour. Qui peut être
triste avec la présence de Dieu qui le comble entièrement?
Rien ne nous préoccupe, dit saint
Paul. Manifestez cette allégresse dans la prière, dans l’action de grâce, dans
vos requêtes, reconnaissant vos limites mais sachant que quelqu’un peut combler
ce qui nous manque.
Dans la crise des peuples, sachez que
Dieu possède la clé de l’Histoire dans sa main et vous saurez sortir la patrie
de cette terrible situation où nous sommes actuellement. Cette allégresse
équivaut à la paix de Dieu qui surpasse tout jugement. C’est ainsi que saint
Paul dit (Ph 4,7) : « La paix de Dieu, qui surpasse toute
intelligence, prendra sous sa garde vos cœurs et vos pensées, dans le Christ
Jésus. »
B) Qualité de cette allégresse
Ce n’est pas une allégresse du monde,
de plaisirs, de fausses joies que les hommes appellent bonheur et qui ne sont en
définitive, qu’amertume, angoisses et saletés. C’est l’allégresse que produit
la paix de Dieu dans le cœur. Allégresse que l’on peut posséder même au milieu
des tribulations parce que c’est une allégresse qui émane de la Rédemption. Et
la Rédemption s’est faite avec la Croix. La douleur de l’homme est une croix, et,
en tant que croix, apporte la Rédemption et doit donner la paix, l’allégresse
de Pâques, l’Espérance de la résurrection. Ce n’est pas du conformisme parce
que le conformisme n’est pas non plus l’allégresse. Le conformisme se voit dans
un homme pessimiste, un homme fataliste qui croit que tout lui est imposé d’en
haut et qu’il ne peut influencer le cours de son destin. C’est un faux concept.
Je dirais même un blasphème, en croyant que cela est la volonté de Dieu cette condition
d’opprimé, cette situation de marginalité de laquelle il ne fait pas d’efforts
pour en sortir. Celui-là offense Dieu. Dieu ne veut pas l’injustice sociale.
L’allégresse doit animer et être une
impulsion à l’agir chez l’être humain
Même s’il est davantage nécessiteux,
davantage marginalisé, davantage opprimé, l’homme doit répondre non par la
haine ou le ressentiment, mais avec la sainte allégresse de ceux qui se
confient dans le Tout-Puissant, comme lorsque Marie, appartenant Ă un peuple
opprimé sous l’Empire Romain, disait (Lc 1,53-52) : « Il a comblé de
biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides. Il a renversé les
potentats de leurs trônes et élevé les humbles. » C’est cela, la grande
allégresse, celle de Marie, celle de la Vierge, celle des véritables bienheureux,
mĂŞme au pied de la Croix. Sachons distinguer cette grande force de Dieu que
nous donne : l’allégresse.
Cette allégresse doit être un
témoignage devant toute l’humanité
Saint Paul dit (Ph 4,5) :
« Que votre modération soit connue de tous les hommes. » Notre
attitude chrétienne face aux situations et aux conjonctures des peuples ne doit
pas être confondue avec les attitudes révolutionnaires de ceux qui ne croient
pas en Dieu. Elle doit avoir l’allégresse de l’Espérance qui travaille même en
union avec ceux qui n’ont pas la foi ni l’Espérance. Elle doit leur apporter un
élément nouveau, initier de nouvelles motivations dans les luttes de la Terre
qui ne seront efficaces que lorsqu’on prendra en compte cette transcendance de
Celui qui apporte optimisme et allégresse, et qui peut communiquer ferment et
force Ă tous ces combats.
Il est triste que des chrétiens, au
lieu d’être le ferment des organisations politiques populaires, ferment de
christianisme, élans de joie et du surnaturel, soient lâches. Ils se laissent
manipuler et perdent leur foi, alors qu’ils devraient communiquer leur foi aux
forces libératrices du monde.
Je voudrais que nous récupérions
notre orgueil d’être chrétiens et que nous soyons optimismes dans le Seigneur
et dans notre foi. Qu’à partir de cette foi, nous sachions incorporer à la
grande libération du Christ, la lutte de notre peuple. Nous ne sommes pas
contre la lutte prolongée. La nôtre, chrétiens, se prolonge depuis vingt
siècles. Nous avons lutté contre toutes les tyrannies et contre tous les
esclavages au nom de Celui qui ne se conforme Ă aucun projet concret de la
Terre parce qu’Il est disposé à toujours demeurer critique afin de donner les
meilleurs horizons aux humains qui véritablement poursuivent le bien de
l’humanité et veulent toujours un monde meilleur. Ceci, vous le rencontrerez
toujours dans une foi optimiste et allègre comme celle que professe notre
christianisme. 16/12/79, p.38-40, VIII.
Description de la transfiguration
d’un état de péché à une fête de l’amitié avec Dieu
La première lecture (So 3,14-18a)
d’aujourd’hui est typique pour chanter la véritable allégresse de celui qui
croit en Dieu. Le prophète dans tout ce troisième chapitre - que je vous
recommande de lire intégralement - décrit la tristesse d’un peuple qui est
tombé dans le péché, et qui a été déporté en exil, qui est humilié mais qui ne
perd pas son optimisme. Il comprend que c’est le châtiment de Dieu qu’il est en
train de vivre. Il demande pardon Ă Dieu et se convertit.
Conversion qui constituera le reste
d’Israël et l’esprit de pauvreté.
Il y a dans cette conversion une
promesse de Salut lorsque le prophète annonce le grand jour du Seigneur. Il dit
(So 3,11-13) : « Ce jour-là , tu n’auras plus honte de tous les
méfaits que tu as commis contre Moi, car J’écarterai de ton sein tes
orgueilleux triomphants et tu cesseras de te pavaner sur ma montagne sainte. Je
ne laisserai subsister en ton sein qu’un peuple humble et modeste, et c’est
dans le nom de Yahvé que cherchera refuge le reste d’Israël. Ils ne commettront
plus d’iniquités, ils ne diront plus de mensonges; on ne trouvera plus dans
leur bouche de langue trompeuse. »
Pour la première fois dans la Bible,
le Prophète Sophonie nous dit en quoi consiste l’esprit de pauvreté. C’est ce
peuple simple et humble qui a mis en Dieu seul son espérance. C’est ce peuple
dans lequel la vanité et l’orgueil ne sont plus inscrits; cela le dépréciait.
C’est le peuple élu qui, par la douleur et la souffrance, s’est converti à Dieu
et qui, au milieu du peuple d’Israël constitue ce reste d’espérance.
Chères communautés chrétiennes, ici
se trouve le portrait de ce que nous devons être : des communautés qui
placent toute leur confiance en Dieu. Ne participons pas au faux orgueil de
ceux qui mettent leur force et leur croyance dans les choses de la Terre. La
véritable pauvreté est de se soucier en priorité des pauvres comme s’il
s’agissait là de notre propre cause. C’est pourquoi également, nous devons nous
sentir démunis et nécessiteux de la force de Dieu en toutes circonstances.
Les lectures d’aujourd’hui nous
éclairent et c’est un thème que, dans la Bible, nous pouvons retrouver
abondamment dans les Psaumes et les Évangiles : « Réjouissez-vous car
votre récompense sera grande dans le ciel. Sur cette Terre, vous connaîtrez de
nombreuses tristesses, mais réjouissez-vous parce que cette joie céleste,
personne ne pourra vous l’enlever. » C’est là le grand désir du message de
ce matin : joie, espérance. Que s’éloignent de tous les cœurs le
pessimisme et la dépression! Qu’en échange, aussi obscures que se présentent
les perspectives présentes et à venir, nous sentions plus clairement notre
confiance en Celui qui peut tout. 16/12/79, p.41, VIII.
3) Conversion Ă Dieu, unique chemin
de la libération joyeuse
Je vais vous indiquer maintenant le
chemin permettant d’acquĂ©rir cette joyeuse LibĂ©ration que doivent savourer dĂ©jĂ
tous les chrétiens. Je voudrais vous dire ceci : celui qui possède cette
joie est déjà libéré intérieurement de toutes ces dépressions. C’est déjà un
être promu et il est davantage prédisposé à travailler à la promotion des
autres. Tant que vous aurez un cœur déprimé par la haine, par la vengeance, par
la violence, vous ne pourrez pas être d’authentiques instruments de libération
tels que Dieu le veut. C’est vous, chers chrétiens, purifiés du péché, appuyés
sur la croix, qui offrez au pays et au monde le véritable Salut. Vous le
savourez déjà . Vous êtes libres. Personne n’est plus libre que celui qui n’est
pas attaché aux passions et au péché. Combien plus graves et plus néfastes sont
les structures injustes de notre peuple, avec tous ceux qui y sont enchaînés.
Il est temps qu’au-dessus de toute la force libératrice, vienne la force du
Seigneur.
Le chemin n’est autre que celui de la
conversion. Conversion Ă Dieu.
Rappelez-vous. Dimanche dernier, je
disais dans ce contexte historique de la Palestine, que l’Esprit du Seigneur
inspira Jean Baptiste à sortir du désert pour aller prêcher. Il est la voix de
celui qui crie dans le désert (Lc 3,4-5) : « Préparez les chemins du
Seigneur, rendez droits ses sentiers; tout ravin sera comblé, et toute montagne
ou colline sera abaissée. » Il s’agit d’images orientales qui expriment
des situations morales.
Jean disait aux multitudes
C’est pourquoi l’Évangile poursuit en
disant (Lc 3,7-9) : « Engeance de vipères, qui vous a suggéré
d’échapper à la Colère prochaine? Produisez donc des fruits dignes de repentir,
et n’allez pas dire vous-mêmes : nous avons pour père Abraham. » Car
je vous dis que Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants Ă
Abraham. Déjà même la cognée se trouve à la racine des arbres; tout arbre donc
qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. »
Conversion-BaptĂŞme
C’est ici que s’insère la péricope
que nous avons lue dans l’Évangile d’aujourd’hui. (Lc 3,10-11) : « Et
les foules l’interrogeaient en disant : « Que nous faut-il faire? »
Il leur répondait : « Que celui qui a deux tuniques partage avec
celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même. »
Il s’approchait de tous les milieux.
Jean ne rejetait personne
(Lc 3,12-14) : « Des
publicains vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : « Maître,
que nous faut-il faire? » Il leur dit : « N’exigez rien au-delà de ce
qui vous est prescrit. » Des soldats aussi l’interrogeaient, en
disant : « Et nous que nous faut-il faire? » Il leur dit :
« Ne molestez personne, n’extorquez rien, contentez-vous de votre
solde. » Et c’est ainsi que Jean indiquait à chaque catégorie sociale ses
propres devoirs, la conversion. Et après, seuls ceux qui se convertissaient
allaient avec lui jusqu’au fleuve Jourdain pour y être baptisés. Il s’agissait
d’un signe de purification qui exprimait une attitude intérieure. Si un homme
ne voulait pas laisser ses mauvais chemins, il ne pouvait être baptisé. Jean
Baptiste prĂŞchait et baptisait. Il posait lĂ un signe de conversion.
« Tous recherchaient la
Rédemption. »
La RĂ©demption est universelle. Dieu
vient dans l’Histoire pour offrir le Salut à tous. Combien est précieuse cette
prière de notre messe, la quatrième prière eucharistique qui dit :
« Dieu tend ses mains pour que Le rencontrent tous ceux qui Le cherchent
avec un cœur sincère. » Il n’est pas nécessaire, parfois, d’avoir connu le
christianisme. Ceux qui ne purent pas Le connaître mais qui dans leur religion
païenne, cherchent avec un cœur sincère et honnête à servir Dieu selon leur
tradition, Dieu les sauve. Qui sait si à l’intérieur de notre Église, n’existent
pas la foi et la quĂŞte de Dieu comme peut-ĂŞtre davantage au-dehors des limites
de notre Église? Grâce à Dieu, nous avons des gens très saints dans notre
Église!
Lorsque je demande dans
l’Eucharistie : « Seigneur, ne te fie pas à mes péchés, mais à la foi
de ton Église, » je pense à tous ces cœurs anonymes, pauvres et simples
qui sont la force de notre Église. Mais ce matin, nous comprenons comment Jean,
symbole de la prédication de l’Église, on le cherche de toutes parts. De tous
les milieux, on vient vers lui. Il est fait mention de deux milieux très
difficiles dans l’histoire d’Israël : ceux des publicains et des
militaires. Les publicains étaient des hommes méprisés, sous d’autres aspects,
comme les prostituées d’aujourd’hui. Des gens qu’il n’était pas convenable de
fréquenter. Et, à ces êtres marginalisés moralement, Jean enseigne qu’il existe
également pour eux des chemins de Salut. Le Christ dit un jour : « Il
se pourrait bien que les publicains et les prostitués entrent au Règne des
Cieux et que vous n’y entriez pas, pharisiens, hypocrites, qui faites consister
la religion en apparences, et vous vous dites les meilleurs en dépréciant les
autres comme des mauvais. » Qui sait qui sera le mauvais et le meilleur en
présence de Dieu?
Aux soldats Ă©galement, il fait un
appel à la conversion. Combien disent aujourd’hui : « On ne peut
espérer rien de bon des militaires. » Je crois qu’ici, il y a un point
dans l’Évangile d’aujourd’hui, à savoir : qu’il n’y a personne qui soit
condamné de son vivant, aussi mauvais qu’il ait été, autant de fautes qu’il ait
commises! Il existe un appel de Dieu qui l’appelle à la conversion. C’est une
espérance lorsque surgit de la pourriture un brin de bonne volonté; c’est un
signal que le peuple n’est pas encore perdu, et ce, même s’il n’y avait qu’une
infime part de Salut au milieu des crises les plus sombres du peuple.
C’est pourquoi, mes frères, je
n’apporte mon appui à aucune option politique. Je refais simplement l’appel de
Jean qui se laisse approcher par les soldats pour leur dire ce qu’ils doivent
faire s’ils veulent véritablement entrer dans le Règne de Dieu. Jean ne se vend
à personne. L’Église ne se vend à personne. L’Église ne s’engage qu’envers le
Règne de Dieu et pose les exigences du Règne de Dieu à tous ceux qui
s’approchent d’elle. Elle ne peut rejeter personne qui s’en approche avec un
cœur sincère.
Appel de Jean Ă tous : il exige
d’eux un engagement personnel envers la justice
La conversion est quelque chose de
personnel, comme le péché l’est également. L’homme n’est purifié de son péché
que lorsqu’il se repent lui-même et qu’il cherche les chemins de la justice.
Il ne suffit pas de proclamer des
messages de bonne volonté. Jean baptise uniquement ceux qui, en vérité, ont
fait une rupture avec leur passé.
Et parmi ceux qui rompirent avec leur
passé pour obéir à l’exigence de conversion posée par Jean Baptiste, se
trouvaient plusieurs de ceux qui formeront le groupe des apĂ´tres du Seigneur.
L’Église est née de pécheurs; ne l’oublions pas, chers chrétiens. L’Église est
sainte parce qu’elle porte l’Esprit de Dieu qui l’anime, mais elle est
pécheresse et elle a besoin de conversion parce que c’est nous qui la formons.
Nous, hommes et femmes, enclins au péché, qui possédons parfois un passé difficile
dont nous avons honte; mais, une fois que nous nous sommes convertis, nous
tâchons, nous tâchons, dis-je, de demeurer fidèles au Seigneur. Ce n’est pas
que nous Le suivions déjà à la perfection, mais l’effort de Le suivre fait le
véritable disciple de notre Seigneur Jésus-Christ.
C’est cela, le souci permanent de
l’Église : que les gens se libèrent des actes irresponsables de leur
milieu.
Paul Ă©crivait aux Romains :
« Que celui qui mentait, qu’il dise la vérité, que celui qui volait, qu’il
se mette à travailler. » Comme nous pourrions compléter ces phrases de
saint Paul : Que celui qui était mauvais, qu’il commence à être bon et il
sera heureux de la félicité qu’il ne trouvera pas en volant ou en extorquant,
ni en faisant le mal et en torturant.
Tout ce passé ne peut apporter le
bonheur, ni ne pourra ĂŞtre la solution de la patrie. Convertissez-vous! Et vous
découvrirez que le bonheur consiste à collaborer avec amour au bien de tous.
16/12/79, p.42-44, VIII.
La conversion amène au partage
Que celui qui a deux tuniques, en
donne une à celui qui n’en a pas et que celui qui a à manger, partage même si
c’est peu de chose, avec celui qui n’en a pas. C’est cela, une société
solidaire. C’est celle que l’Église promeut : une société préoccupée de
donner à tous le nécessaire et qui n’accepte pas aveuglément la différence qui
naît de l’argent ou de la force. « N’abusez pas des gens », disait
Jean Baptiste, et l’Église répète : « N’abusez pas. » Il
n’existe pas d’êtres humains de deux catégories. Il n’y a personne qui soit né
pour tout posséder et laisser les autres sans rien. Une majorité qui ne possède
rien et qui ne peut savourer le bonheur que Dieu a créé pour tous. C’est cela, la
société chrétienne que Dieu veut : une société où nous partageons le bien
que Dieu a créé pour tous. […]
La conversion sera durable et
profonde si nous sommes capables de critiquer notre fausse manière de voir le
monde et les hommes. Je veux insister sur cela, mes frères, parce que je crois
que nous avons besoin aujourd’hui, davantage plus que jamais, de citoyens
matures qui possèdent un sens critique. N’attendez pas de voir vers quoi s’incline
l’évêque ou ce que disent les autres ou l’organisation. Chacun doit être un
homme, une femme critique : « C’est à ses fruits que vous
reconnaîtrez l’arbre. » Observez bien le produit et critiquez selon les
œuvres : le gouvernement, l’organisation politique populaire, le parti
politique, tel ou tel groupe. Ne vous laissez pas manipuler. C’est vous le
peuple qui devez rendre une sentence de justice au peuple qui en a besoin.
C’est pourquoi chacun doit regarder de ses propres yeux. Chacun doit faire abstraction
du climat politique oĂą nous sommes. Je pense, par exemple, au nombre de pauvres
femmes de chambre qui doivent penser selon ce que leur dit leurs patrons! Cela
ne doit pas être ainsi. Vous devez penser librement. C’est ainsi qu’on manipule
les masses parce qu’on retient beaucoup de gens attachés par la faim. Il faut
savoir critiquer et voir le monde et les humains avec ses propres critères, et
un chrétien doit apprendre à aiguiser ses critères chrétiens.
Le riche doit critiquer, au sein de
son propre milieu social, le pourquoi de sa richesse, le pourquoi de la misère
à ses côtés. Un chrétien riche rencontre le principe de sa conversion, dans une
critique personnelle : Pourquoi suis-je riche et pourquoi y a-t-il autant
d’affamés autour de moi?
Le mari infidèle se convertit et il
sera un mari fidèle lorsqu’il prendra conscience de son machisme et de son
incapacité d’avoir avec son épouse une relation adulte et mature de chrétien.
Ce que je veux dire avec tout cela, c’est que nous ne devons pas vivre à partir
de ce que disent les autres. La conversion que Jean Baptiste demande Ă
chacun : « D’où viens-tu? De l’armée? Si tu veux entrer dans le Règne
de Dieu, pense Ă cela et convertis-toi au Seigneur. De quel groupe viens-tu?
Des publicains, des prostituées? Cela importe peu. Commence à voir le monde
avec tes yeux d’enfant de Dieu et cesse de faire ce que tu faisais. »
Frères, combien de gens, - c’est le
péché dans lequel nous vivons - se privent de leurs propres critères? Combien
en arrivent à suspecter les autres, jusqu’à l’évêque, parce qu’ils veulent
qu’ils pensent comme eux? Ou, eux-mêmes se laissent influencer par les autres
dans leurs choix. Non. Je vous offre ici une réflexion sur la Parole de Dieu
afin que chacun de vous l’assimile et qu’à partir de sa propre personnalité, il
agisse comme chrétien s’il désire véritablement faire honneur à la foi qu’il
professe et ne pas être victime des manipulations et de l’environnement.
La conversion de Jean est non
seulement personnelle mais recherche une rénovation sociale. La conversion d’un
publicain, d’un soldat, d’un alcoolique ne suffit pas. Il faut découvrir le
réseau de complicités qui permet la prostitution à grande échelle. Si ce n’est
qu’il s’agit déjà d’un système! Lorsqu’on annoncera les noms des propriétaires
de certains motels et de certaines maisons de prostitution, certains seront
estomaqués. Parfois, ces mêmes puritains qui condamnent l’immoralité du péché,
font partie de ce système qui corrompt le peuple en soûleries et en
prostitutions.
La conversion que Jean demande est -
traduite en terme moderne - que chacun découvre le circuit économique qui naît
de l’alcoolisme. Quelle honte de savoir que l’État lui-même se fait tavernier,
marchand d’alcool pour pouvoir se financer. En cette heure de révision, les
responsables Ă©conomiques du pays doivent assainir les sources de leur Ă©conomie
et ne pas permettre que le peuple pauvre, pour contribuer à l’économie du pays,
doive s’empoisonner en achetant de l’alcool, tandis que d’autres revenus
d’impôts pour l’État demeurent inexploités.
Une véritable conversion chrétienne
aujourd’hui doit découvrir les mécanismes sociaux qui font de l’ouvrier et du
paysan, des personnes marginalisées. Pourquoi n’y a-t-il qu’un revenu pour le
pauvre paysan. Celui qu’il gagne pendant la courte période de la récolte du
café, du coton et de la canne à sucre? Pourquoi cette société a-t-elle besoin
d’avoir tant d’ouvriers agricoles sans travail, d’ouvriers mal payés, de gens
sans salaire? Ces mécanismes doivent être révisés non à la manière des
sociologues ou des économistes, mais à la manière des chrétiens pour ne pas
ĂŞtre complices de cette machinerie qui fabrique toujours davantage de pauvres,
d’exclus et d’indigents.
C’est seulement par ce chemin de
conversion que l’on pourra rencontrer la véritable paix dans la justice. C’est
pourquoi la figure de Jean Baptiste, en plein cœur de l’avent, est la figure de
l’Église et de la communauté chrétienne qui, loin d’être à la recherche de
solutions de vengeance et de violence, cherchent dans la racine du mal qui
ronge notre société : dans le péché. Elle cherche une conversion qui
devient aussi la conversion du peuple, et non seulement de chaque individu.
Alors que Jean Baptiste annonçait
tout cela, les gens se demandaient : « Serait-ce lui le Messie? » Il
leur dit : « Je ne suis qu’un humble précurseur qui baptise avec de
l’eau. » C’était un rite, rien de plus, pour exprimer l’intériorité
humaine. Comme l’eau du baptême qui sèche et laisse l’homme extérieurement dans
le même état qu’avant le baptême, il en est de même de cette attitude morale
qui, si elle ne persévère pas, ne sera que convenance ou opportunisme. Comme
aujourd’hui dans le domaine politique. Ceux qui penchent vers la moralité
populaire. Si les choses changent, ils changeront eux aussi
Nous parlons ici des moyens de
communication sociale qui se prêtent à la manipulation et au soutien du péché
d’injustice sociale qui ne peut être défendu sous aucun prétexte. C’est
pourquoi l’Église appuie tous ceux qui fomentent le changement structurel. Elle
ne s’en tient pas à cela, naturellement, parce que l’Église a dit par la voix
de Paul VI : « Changer de structures sans changer les cœurs des
humains, c’est simplement placer ces nouvelles structures au service de
nouveaux péchés. » « Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, disait
MedellĂn, pour avoir un nouveau continent, il ne suffit pas d’avoir de
nouvelles structures mais un changement de cœurs. »
Telle est ma prétention comme
pasteur! Je ne défends pas ici telle ou telle conjoncture, tel gouvernement ou tel
autre groupe. Ce que je tente de faire, c’est d’illuminer n’importe quelle
conjoncture avec la Parole de justice du Seigneur et d’exiger de tous les
systèmes, de tous les partis, de toutes les organisations et de tous ceux qui
aiment le bien véritable du pays : qu’ils se convertissent! Et, à partir
de la perspective d’une conversion évangélique, qu’ils sachent donner au peuple
la médecine dont ce peuple a besoin. 16/12/79, p.45-47, VIII.