Le Divin Sauveur, le Pain qui descend
du ciel et donne la vie au monde
Dix-huitième dimanche du temps
ordinaire; 5 août 1979; Lectures : Exode 16,2-4.12-15; Éphésiens
4,17.20-24; Jean 6,24-35.
Je fais un appel à tous les chrétiens
pour qu’ils ne perdent pas les mérites de leur vie, mais qu’ils les unissent au
cœur de Jésus et les convertissent en Salut pour le monde. Le vrai sens de ces
crimes est le péché qui tue et l’amour de Dieu qui vivifie.
Plan de l’homélie :
1) La faim, signe de l’oppression et
de la mort
2) Le pain, signe de la libération et
de la Vie
3) Le Christ, le véritable Pain de la
Vie
1) La faim, signe de l’oppression et
de la mort
Une multitude qui a faim
La faim est le premier signe du
chapitre six (de Jean). Une multitude de cinq mille hommes, sans compter les
femmes et les enfants, qui ont faim et dont le Christ sent l’angoisse de ces
estomacs vides et Il leur donne Ă manger. Ce fut le miracle de la
multiplication des pains. Et lorsque le jour suivant, enthousiasmés par ce
geste de thaumaturgie du Rédempteur, ils vont sur l’autre rive du lac où
s’était enfui le Christ parce qu’ils voulaient le faire roi et ils lui disent
(Jn 6,25) : « Maître, quand es-tu arrivé ici? » Et Lui, pour
toute réponse, Il commence par l’Évangile d’aujourd’hui (Jn 6,26-27) :
« Vous me cherchez non pas parce que vous avez vu des signes, mais parce
que vous avez mangé du pain et avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la
nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie
éternelle. » Le Christ leur explique que le pain qui remplit l’estomac n’est
pas la solution.
Les tentations du Christ au désert
La faim est le signe de l’oppression
la plus profonde. Souvenons-nous du Christ lui-même au désert. Profitant de sa
faim, le tentateur lui propose trois péchés pour sortir de la faim :
tenter Dieu, en convertissant les pierres en pains; la vanité, en se jetant du
pinacle du temple pour être secouru par les anges; et, pire encore, l’idolâtrie
du pouvoir, en faisant défiler les grandeurs du monde sous ses yeux en Lui
disant : « Tout cela, je te le donnerai si tu te prosternes et
m’adores. »
Les tentations du désespoir
Quelle chose terrible que la faim!
Elle prĂŞte aux tentations que dĂ©crit MedellĂn : « les tentations du
désespoir ». N’est-ce pas ainsi que s’expliquent tant de manifestations de
violence?
Spectacle terrible de la faim que
décrit Paul VI dans l’exhortation Evangelii
Nuntiandi, en recueillant de nombreux Ă©vĂŞques de tous les continents, un
accent pastoral où vibrent les voix de millions de fils de l’Église qui forment
les peuples, imprégnés de toutes leurs forces dans l’effort et la lutte pour
surmonter tout ce qui les condamne Ă demeurer en marge de la vie : faim,
maladies chroniques, analphabétisme, paupérisation, injustice dans les
relations internationales, dans les Ă©changes commerciaux, situations de
néocolonialisme économique et culturel parfois aussi cruel que la politique.
« L’Église a le devoir d’annoncer la libération de millions d’êtres
humains parmi lesquels il y a nombre de ses enfants. Le devoir de faire naître
cette libération, de rendre témoignage à celle-ci, de faire en sorte qu’elle
soit totale : cela n’est pas étranger à l’Évangile. » Ce sont les
mots du Pape.
Faim de justice, dénonciation de la
répression
C’est la figure de la faim qui décrit
la situation de notre pays en cette semaine. Comment la découverte de trois
cadavres dans le canton El Sunzal, de la Libertad, sur le bord de la plage, ne
serait-elle pas une source de faim de justice? Et parmi les trois, une femme
décapitée! Comment cela ne saurait-il être une faim de justice que de constater
qu’en ce mois de juillet il y a eu trente-huit arrestations, dont trois ont été
assassinées et quatre libérées, il qu’il y en a vingt-huit dont on n’a aucune
nouvelle? […]
Avec ces faims politiques, sociales,
familiales, ajoutez à cela vos propres angoisses et vous verrez comme c’est
vrai que la faim est le signe de toutes les misères, de toutes les répressions,
de toutes les façons de ne pas être bien. 05/08/79, p.134-136, VII.
2) Le pain, signe de la libération et
de la Vie
Deux manières de comprendre la
libération
La faim est comme la synthèse et
c’est pourquoi le Seigneur a choisi ce sixième chapitre de Jean, pour la
satisfaire comme signe de quelque chose de plus grand, parce que le pain est le
signe de la
libération. Mais il y a deux manières de comprendre la
libération : la libération temporelle, le pain qui remplit l’estomac et
satisfait immédiatement la faim; et la libération intégrale, celle que, même
lorsqu’il y a suffisamment de pain, cela ne suffit pas parce qu’on n’est pas
encore libre.
Toutes les libérations supposent un
sacrifice
Lorsque dans la première lecture (Ex
16,2-4,12-15) d’aujourd’hui on nous parle de la manne, il y a une phase
tragique dans ce peuple que Moïse tente de libérer. Lorsque Moïse a sorti son peuple
de l’oppression d’Égypte, le peuple commença à avoir faim alors qu’il débutait
sa marche au désert et il soupira (Ex 16,3) : « Pourquoi nous a-t-on
fait sortir d’Égypte quand nous étions assis auprès de la marmite de viande et
mangions du pain à satiété! À coup sûr, vous nous avez amenés dans ce désert
pour nous faire mourir de faim. »
Qu’il est triste de voir un peuple
qui s’est accoutumé à l’esclavage! Il préfère les marmites d’oignons au soleil
de la liberté. Il
ne veut pas souffrir le passage difficile du désert. Toute liberté suppose un
sacrifice. Demandez-le au peuple du Nicaragua…
Qu’il est difficile de conduire un
peuple lorsqu’il s’est habitué à ces situations difficiles!
Lorsqu’hier je suis allé à San
Esteban Catarina, le crime était récent; et j’ai noté ce que j’ai pu constater
dans plusieurs villages de mon pays : la frayeur, la timidité,
l’incapacité de dire même ce que l’on sait. Oui, dans la rumeur du peuple on
entend des choses aussi révélatrices que celles que j’ai entendues à San Esteban :
« Ce sont eux-mêmes. » Ce sont des choses que l’on entend, mais que
personne n’est capable d’affirmer. C’est la peur de la libération.
B) Le pain qui comble le corps ne
suffit pas, mais il est nécessaire
Le Christ notre Seigneur, alors que
cette multitude comblée du pain de l’estomac le cherchait, leur dit en toute
clarté et franchise (Jn 6,26) : « Je vous assure, vous me cherchez
non pas parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangĂ© Ă
satiété. » Mes frères, comme l’estomac nous trahit. C’est le pain des
libérations immédiates. Cela ne suffit pas. Il est certain que cela ne suffit
pas.
Paul VI : « Ne supprimez
pas la vie, mais qu’il y ait du pain pour les invités à la vie. »
Je me souviens, lorsque Paul VI, il y
a dix ans, est venu aux Nations Unies et a dénoncé le grand péché de ne pas
laisser naître autant d’êtres humains qui meurent dans le sein de leur mère ou
que l’on ne laisse pas être conçus. Le Pape dit cette phrase immortelle :
« Le problème n’est pas de supprimer la vie, mais qu’il y ait du pain pour
tous les invités à la vie. » C’est-à -dire que les problèmes de la
stérilisation et des avortements sont très reliés aux problèmes sociaux parce
que le pain que Dieu donne est suffisant pour tous ceux qu’Il invite à la vie,
mais comme quelques-uns se sont emparés de tout le pain de la Terre, de
nombreux invités à la vie demeurent exclus, on leur interdit l’entrée parce
qu’il n’y a pas de pain pour eux.
C’est le pain dont Jean-Paul II parla
récemment
J’ai ici un précieux discours du Pape
à la Conférence mondiale pour la réforme araire et le développement rural. Le
Pape dit : « Certes, le commandement du divin est de dominer la
nature pour la mettre au service de la vie inclut que la valorisation
rationnelle et l’utilisation des ressources naturelles s’orientent vers la
satisfaction des finalités fondamentalement humaines, cela en conformité aussi
avec le principe de la destination des biens de la Terre au bénéfice de tous
les membres de la famille humaine. Sans aucun doute, on se doit d’exiger des
transformations audacieuses, profondément innovatrices. »
Il est de grande actualité de
rappeler ici, comme le Pape le fit dans son discours à Cuilapán, au Mexique;
écoutez cela et vous direz que le Pape est communiste : « Le monde
déprimé de la campagne, le travailleur qui avec sa sueur arrose aussi sa peine
ne peut espérer moins que d’être pleinement et entièrement reconnu dans sa
dignité, non inférieur à aucun autre secteur social. Il a le droit au respect,
à ce que l’on ne le prive pas comme manœuvre de son salaire qui parfois
équivaut à une véritable dépossession du peu qu’il possède, à ce qu’on ne
l’empêche pas d’être partie prenante de sa propre promotion. Il a droit à ce
qu’on lui enlève les barrières de l’exploitation, faites fréquemment d’égoïsmes
intolĂ©rants et qui brisent les meilleurs efforts d’avancement. Il a droit Ă
l’aide efficace, qui n’est pas une aumône ni des miettes de justice, pour qu’il
ait accès au développement que mérite sa dignité d’être humain et de fils de Dieu.
Au droit de propriété terrienne correspond une hypothèque sociale comme nous
l’avons déjà dit. C’est pourquoi, dans les réformes des structures, je vous
invite à regarder avec la plus haute considération toutes ces formes de
contrats agraires qui permettent un usage inefficace des terres moyennant le
travail primaire des travailleurs. La réforme agraire et le développement rural
exigent que l’on instaure des réformes pour réduire la distance entre la
prospérité des riches et la préoccupante indigence des pauvres. »
Il me semble que le discours du Pape,
oĂą il tient compte des souffrances des paysans, apporte son aval Ă cette
plate-forme de revendications des journaliers en ce qui a trait au salaire et Ă
d’autres compensations présentées par FECCAS et UTC. (Syndicats agraires) C’est
l’âme de notre paysannerie qui parle consciemment de la dure et désespérante
situation, attribuable à ce qu’ils ne possèdent aucun moyen de production qui
leur permette d’obtenir ce qui est basique et nécessaire pour la subsistance :
riz, maïs, fèves. Et à cause de cela, ils doivent vendre obligatoirement leur
force de travail pour un salaire misérable qui ne leur permet pas de combler
les plus infimes nécessités de la subsistance, tant pour eux-mêmes que pour
leur famille. Et dans leur feuille de demandes, il y a des choses aussi justes
que cela : « L’égalité des sexes et de l’âge en tout ce qui a trait
aux listes, élimination du système de métayers et le travail à base de contrats
collectifs. » J’ai vu de près, dans les champs, ce que signifiaient ces
termes « les métayers », « les aides ». C’est une injustice
de donner Ă un seul travailleur les prestations qui reviennent Ă tous les
engagés. Comme ils sont simplement des aides, ils ne savourent pas les fruits
de leur travail, parfois volé par ruse.
On demande également que lorsque l’on
pulvérise des produits nocifs, on tienne compte de la santé des travailleurs en
ce qui a trait à ces produits. Et d’autres choses comme le logement adéquat,
l’eau potable, une nourriture régénératrice. Il est certain que pour cela il
existe le Ministère du Travail qui doit équilibrer les nécessités des uns et
les capacités des autres. Mais il est juste de prendre en compte ce que le Pape
lui-même a signalé aujourd’hui, à ce monde de paysans où le symbole de la faim
et du pain dont nous parle aujourd’hui l’Évangile trouve une traduction
véritablement éloquente.
Le Christ analyse ce pain, et comme
l’Église nous l’a dit, les lettres de demandes ne suffisent pas, ni les
contrats, ni les revendications de choses uniquement terrestres; tout cela est
bon, mais cela ne suffit pas. Le Christ dit (Jn 6,27) : « Ne
travaillez pas seulement pour le pain qui se perd. » Ne travaillez pas
seulement pour les revendications qui aujourd’hui sont et qui demain seront autres;
et ceux qui souffrent présentement la répression et la persécution, demain,
s’ils ne changent pas leur cœur et leur mentalité, pourraient être les
oppresseurs d’autres temps. Il est nécessaire alors, de rencontrer le vrai sens
que le Christ donne au symbole du pain.
La Manne, un signe que le Christ
explique
Dans l’Évangile d’aujourd'hui, le
Christ dit : « N’est-ce pas ce pain que vous a donné Moïse, la manne,
celle qui sauve l’être humain. » Dieu vous l’a donné afin que vous sachiez
qu’Il est providentiel et qu’il donnera à manger aussi à la faim corporelle.
Dieu prendra soin également de faire sortir les peuples de l’esclavage
d’Égypte. Dieu prendra également soin de protéger la justice des revendications
des organisations qui ont le droit de s’organiser pour se défendre mutuellement
dans leurs droits. Dieu approuve le syndicalisme. Dieu veut l’homme uni; Dieu
ne veut pas la
dispersion. Dieu veut, comme l’a dit le Pape, qu’on facilite
aussi au paysan la possibilité de s’organiser avec d’autres paysans et non pas
de les désagréger pour qu’ils ne soient qu’une masse facilement exploitable.
Dieu veut tout cela, mais cela ne suffit pas.
La manne ne donne pas l’immortalité
Le pain que je vous donnerai est le
pain qui donne la vie au monde : ce pain de MoĂŻse et le pain dont je vous
ai dit qu’il ne produit pas l’immortalité. Hier, nous avons mangé et
aujourd’hui encore nous avons faim. Nous mangerons peut-être à satiété, mais
nous mourrons tous. Ce pain ne donne pas l’immortalité. Les revendications de la
Terre ne peuvent nous donner le paradis. Les luttes des hommes si elles sont
détachées de la foi qui l’illumine de l’au-delà , demeurent très boiteuses, très
myopes et très imparfaites.
C’est pourquoi le service que
l’Église donne aux regroupements et aux revendications de la Terre, à la
politique et à la sociologie, l’Église, sans être politologue ni sociologue,
est l’illuminatrice du pain de la
vie. C’est elle qui dit aux politiciens et aux hommes, aux
femmes qui luttent sur la Terre : ne recherchez pas la justice seulement
pour le pain qui remplit l’estomac, recherchez la justice du Règne de Dieu, le
pain que Je suis.
Le processus de la véritable
libération
Dans Populorum Progressio, le Pape Paul VI nous propose le véritable but
de la libération chrétienne. J’ai entendu quelques-uns des pères de la
théologie de la libération nous expliquer en quoi consiste cette théologie et
ils affirmèrent qu’elle s’inspire, pour une grande part de l’enseignement
récent du magistère, notamment le numéro 20 de Populorum Progressio : « Ainsi pourra se réaliser dans sa
plénitude le véritable développement qui est le passage pour chacun et pour
tous de conditions de vie moins humaines Ă des conditions de vie plus
humaines. »
Et Paul VI commence à décrire comme
une espèce d’escalier moins humain : les carences matérielles de ceux qui
sont privés du minimum vital et les carences morales de ceux qui sont mutilés
par leur égoïsme. Frères, regardez, quelle comparaison plus certaine. Un homme
sous-développé n’a même pas le nécessaire pour vivre tout comme celui qui est
peut-être riche et qui possède tout ce qu’il désire peut être sous-développé
moralement parce que mutilé par l’égoïsme. Ils sont dans l’infime grade d’être
des hommes : « le riche et le pauvre. Le pauvre ne possède pas le
minimum vital et le puissant n’a pas le minimum moral. L’égoïsme est le plus
grand signe du sous-développement moral. » Et le Pape poursuit :
« Moins humaines encore, les structures oppressives qui proviennent de
l’abus de l’avoir ou de l’abus du pouvoir, de l’exploitation des travailleurs
ou des injustices des transactions. » C’est de là que tout provient, tout
cela demeure au niveau infrahumain, structures d’exploitation comme celles que
nous décrivions précédemment.
Plus humaines, dit le Pape, s’élever
de la misère à la possession du nécessaire. La victoire sur les calamités
sociales, l’amplification des connaissances, l’acquisition de la culture. Un pas de
plus, plus humain également, l’esprit de pauvreté – regardez comment l’esprit
des pauvres est un chemin de développement. Le développement, ce n’est pas
d’avoir plus, mais d’apprendre à être le maître de ce que j’ai : esprit de
pauvreté.
La coopération dans le bien commun,
la volonté de paix. Plus humaine encore, la reconnaissance de la part de l’être
humain des valeurs suprĂŞmes, et de Dieu, qui est la source et la fin. Plus humaine enfin,
la foi, don de Dieu, accueillie par la bonne volonté des hommes et des femmes
et l’unité dans la charité du Christ qui nous appelle tous à participer comme fils
dans la vie du Dieu vivant, Père de tous les êtres humains. La véritable
libération de l’humain se termine dans la communion avec Dieu, dans la foi par
laquelle nous le connaissons, dans l’amour par lequel nous sommes unis avec Lui
dans son dialogue avec Dieu, dans la communion avec Dieu, lĂ se trouve le
sommet du développement et de la véritable libération. 05/08/79, p.137-141,
VII.
3) Le Christ, le véritable Pain de la
Vie
VoilĂ pourquoi le Christ dit :
« Le pain de la Terre ne suffit pas pour être libre, il est nécessaire de
découvrir dans le pain ce que Dieu veut te donner et le pain n’est rien d’autre
que le signe. »
A) Je suis
Le signe du pain, de celui dont on
parle aujourd’hui dans l’Évangile, se révèle lorsque le Christ dit :
« Je suis ». Observez bien comment sonne cette parole, comme lorsque
Dieu parla à Moïse dans le buisson ardent : « Je suis Celui qui
est ». Le Christ est, seulement Lui, est la libération. « Je suis le
pain qui descend du Ciel pour apporter la vie véritable aux humains. »
Croire en Lui est notre travail
L’Évangile d’aujourd’hui nous l’a dit
lorsque les Juifs Lui demandèrent : « Quel est notre travail pour
avoir ce pain? » Le Christ leur dit (Jn 6,29) : « L’œuvre de
Dieu, c’est que vous croyez en Celui qu’Il a envoyé. » Personne ne peut
construire, avec les forces de la Terre, une libération qui atteigne le sommet
et le situer en communion avec Dieu.
Les humains pourraient réaliser les
changements de structures, renverser les gouvernements, donner Ă manger, rompre
les barrières, tout cela il faut le faire, mais cela ne suffit pas! Ce que le
Christ peut faire, les humains ne peuvent faire tout cela et s’élever jusqu’Ă
Dieu. Le Divin Sauveur du monde, tel que nous le verrons plus tard dans
l’imaginaire traditionnel, est une invitation à nous élever des nécessités de
la Terre pour Le comprendre comme l’unique solution qui descend du Ciel.
Attendons-Le dans l’espérance, dans la prière et dans l’amour. Non pas pour
tout attendre de Lui; il faut travailler comme si tout dépendait de nous, mais
il faut espérer du Christ comme si tout dépendait de Lui. C’est cela
l’équilibre du véritable développement.
Et c’est pourquoi le Christ termine
son Évangile par cette confession : « Je suis ». Il est! Frères,
quelle belle occasion nous offre l’Évangile pour connaître de plus près le
Divin Sauveur!
Qu’est-ce que nous donnera comme
fruit cette attente du Christ pour Le faire nôtre? Nous avons la réponse dans
la seconde lecture d’aujourd’hui (Ep 4,17,20-24), saint Paul nous y décrit la
situation de l’homme esclave du paganisme. Il l’appelle le vieil homme, l’homme
de la haine, l’homme de la violence, l’homme du vol, l’homme des intrigues,
l’homme des assassinats et des séquestrations, l’homme rude, la brute.
C’est ce qui cause tant de souffrances
parmi nous : hommes sans raison, hommes animaux, hommes-loups pour
l’homme. « Cela fut » dit saint Paul à ceux qui se convertirent de
cette vie; et en ce 5 août, je voudrais dire également à ceux qui se sont
souillés de ce sang de prêtres et de tant d’autres, peu importe de qui il
s’agit, convertissez-vous! À ceux qui veulent maintenir des situations injustes
et qui paient pour faire tuer ceux qui veulent les changer, qu’ils se
convertissent! Et à tous ceux qui luttent pour ces changements, qu’ils s’élèvent
à cette hauteur que nous offre aujourd’hui la seconde lecture, lorsqu’elle dit
(Ep 4,20) : « Vous n’êtes pas ainsi comme vous l’avez appris du
Christ. »
Le Christ vous a enseignĂ© Ă
abandonner la façon antérieure de vivre, du vieil homme, corrompu par les
désirs du plaisir, du vieil homme qui n’est pas de l’Esprit. Rénovez-vous dans
l’Esprit, laissez l’Esprit saint renouveler votre mentalité, revêtez-vous de la
nouvelle condition humaine créée à l’image de Dieu, justice et sainteté. C’est
cela l’homme nouveau. Rien ne servirait, dit MedellĂn, de changer les
structures, si nous n’avons pas des hommes nouveaux. Le continent d’Amérique
sera nouveau; grâce à ce Christ qui rénove les hommes, revêtez-vous de sa
justice et de sa sainteté. C’est pourquoi, mes chers frères chrétiens, vous qui
croyez en Jésus Christ et qui désirez vraiment le suivre, vous êtes la
véritable espérance de la libération au Salvador. 05/08/79, p.141-142, VII.
Pensée qui nous amène à l’autel
Je termine en vous invitant à célébrer
la fête du Divin Sauveur, surtout aujourd’hui, avec cette véritable
prière : Seigneur, je ne veux pas être un vieil homme. Seigneur, je ne
veux pas être un obstacle au progrès de ma patrie. Seigneur, loin de moi l’idée
d’appartenir aux bandes d’assassins salvadoriens. Seigneur, aie miséricorde de
tant de criminels, intellectuels et matérialistes. Seigneur, change le cœur de
ceux qui gouvernent et de ceux qui sont gouvernés, change les cœurs de la
patrie, renouvelle-les de l’intérieur avec la justice et la sainteté.
À ceux à qui Tu as donné le courage
de lutter pour une patrie nouvelle et qui s’efforcent dans les revendications
du peuple de lui faire comprendre de ne pas dépenser uniquement leurs énergies
dans le pain qui remplit l’estomac, mais qu’ils s’élèvent à lutter et à mourir
parce que, lorsqu’on meurt comme sont morts ces prêtres avec leurs idéaux du
Règne des cieux, on se dit : « Ce sont là véritablement les chemins
que nous devons suivre. Ils meurent, mais ils continuent à vivre. »
05/08/79, p.143, VII.